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1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 15:32

Un message cryptique surgi du passé entraîne James Bond dans une mission très personnelle à Mexico puis à Rome, où il rencontre Lucia Sciarra, la très belle veuve d’un célèbre criminel. Bond réussit à infiltrer une réunion secrète révélant une redoutable organisation baptisée Spectre...

* * * * *

ATTENTION, CETTE CRITIQUE CONTIENT DE NOMBREUX SPOILERS

 

Un bien étrange cas que celui posé par le James Bond incarné par Daniel Craig. Né dans l’indignation collective de quelques fanboys qui le trouvaient trop blond et monolithique à leurs yeux, il entérina pourtant une nouvelle ère avec un antihéros plus brutal et sensible. Il s’inscrivait alors dans la lignée de l’interprétation proposée par l’excellent Timothy Dalton qui avait retiré à 007 son légendaire flegme britannique afin de dévoiler la part d’humanité que l’agent cachait derrière son machisme et son humour acerbe.

CASINO ROYALE eut un excellent accueil tant critique que public et réussit son virage consistant à rebooter la série tout en maintenant la continuité du contexte dans lequel il s’inscrivait. Il faut dire que l’homme à la barre, Martin Campbell, n’en était pas à son premier essai puisque c’est lui qui, il y a presque vingt ans, introduisit Pierce Brosnan dans la course bondienne avec le très bon GOLDENEYE qui posait alors les bases du renouveau de la série. Malheureusement, les trois films qui avaient suivis avaient été, au mieux décevants, au pire mauvais. Un cas d’école étant présenté par MEURS UN AUTRE JOUR qui avait très mal su concilier le renouveau cinématographique espéré et l’hommage barbant. Pouvions-nous alors craindre que Daniel Craig aille suivre la même voie ?

SPECTRE

Une crainte d’autant plus légitime que le film suivant, QUANTUM OF SOLACE, avait été une franche déception. Bénéficiant pourtant de bonnes cartes en main, avec notamment Mathieu Amalric dans le rôle du méchant, il avait gravement pâti de la grève des scénaristes pour aboutir à ce que l’on sait : un film trop court, foutraque, mal filmé, mal monté, balançant des éléments d’intrigues voués à ne jamais être développés. Seule une courte séquence à l’opéra arrivait à relever le niveau un instant avant d’être littéralement sabotée par un montage indigeste et une mise en scène épileptique.

Afin de remettre la saga sur de bons rails, les producteurs choisirent Sam Mendes pour réaliser l’opus suivant. Ce dernier n’est pas n’importe qui dans le paysage cinématographique mondial : premier et pour le moment seul metteur en scène bondien oscarisé, Mendes est un esthète reconnu à qui l’on doit des perles esthétiques comme AMERICAN BEAUTY ou LES SENTIERS DE LA PERDITION. À cette venue excitante s’en ajoutait une autre : celle du génial directeur de la photographie Roger Deakins qui avait brillamment repris le flambeau de la filmographie de Mendes après le décès du regretté Conrad L. Hall.

Le résultat fut sans appel. À ce jour, aucun épisode de James Bond n’égale la virtuosité visuelle de SKYFALL. Remportant de nombreux prix à travers le monde (notamment celui de l’American Society of Cinematographers), le film occupe clairement une place à part dans la saga. D'abord par ses images et sa mise en scène, mais également par le traitement de ses personnages, laissant notamment la septuagénaire Judi Dench occuper le rôle féminin principal, montrant par la même occasion au sacré lot de pintades insipides qui constituent l’essentiel des James Bond Girl qu’elle avait encore beaucoup de ressources à revendre. SKYFALL opérait ainsi la dernière partie de la transition initiée par CASINO ROYALE : revenir aux bases de la saga James Bond après réinitialisation de la série, avec notamment le retour de Moneypenny, Q et Mallory. Pour cette raison, l’annonce du titre du film suivant, SPECTRE, ne pouvait que provoquer l’excitation. Il était évident que la grande organisation du génie du mal Ernst Stavro Blofeld allait apparaître au grand jour, pour la joie de la plupart des fans.

SPECTRE

Le film, de fait, débute particulièrement bien. À commencer par le choix, original, de démarrer le métrage sur une épigraphe, « Les morts sont vivants », annonçant de fait le chaos que tout le monde attend et voit venir. Puis on démarre sur les chapeaux de roue par un impressionnant plan-séquence dans les rues de Mexico tandis que la Fête des Morts bat son plein, montrant un James Bond en pleine mission. On s’attend à ce qu’on abandonne enfin définitivement toute tentative de psychologie « psychologisante » pour laisser la place au héros violent et déterminé.

La première séquence est à ce titre prometteuse puisqu’elle montre une scène d’action qui, même si elle présente quelques longueurs, s’avère clairement être un impressionnant hommage au prégénérique de RIEN QUE POUR VOS YEUX, dans lequel Roger « Bond » Moore éliminait définitivement son ennemi Blofeld, qui avait alors tué la femme de sa vie. L’éternel recommencement… Et même si le générique est un monument de kitch usant des pires poncifs sexistes dont on pensait s’être enfin débarrassés, on préfère y voir un clin d’œil amusé plutôt que les prémices d’un mélange ancien/nouveau qui ne prendra finalement jamais.

Et effectivement, sur la première heure du film, c’est un quasi sans-faute. Que ce soit dans la scène de l’enterrement à Rome (où Thomas Newman réutilise son très beau thème « Skyfall » qui va très bien ici) ou dans celle où Bond retrouve Monsieur White en Autriche, les images sont léchées et la mise en scène solide. L’apothéose étant atteinte pendant la première apparition du Spectre qui retranscrit parfaitement l’ambiance que l’on retrouvait dans les films avec Sean Connery. Les tons ocres, la lumière, l’aspect mystique de la réunion rappelant à l’évidence EYES WIDE SHUT, une aura occulte entoure judicieusement le Spectre qui n’est pas représenté ici comme une « banale » organisation terroriste mais bien comme une secte au service du mal incarné par Blofeld. Et si la course poursuite en voiture qui suit est un sommet d’ennui assez peu égalé dans la saga, au moins a-t-elle le mérite de renouer avec l’humour salvateur qui faisait jusqu’ici clairement défaut dans les très « premier degré » épisodes depuis CASINO ROYALE.

SPECTRE

Malheureusement, tout part en vrille à partir du moment où Léa Seydoux apparaît, même si ce n’est pas forcément de sa faute, celle-ci faisant ce qu’elle peut avec ce qu’elle a. Sa première scène se déroule dans une clinique dans les hauteurs autrichiennes ; un très « subtil » clin d’œil à AU SERVICE SECRET DE SA MAJESTE. Elle est suivie par une scène d’action poussive et trop longue où Bond affronte de nouveau l’homme de main de Blofeld, un mix plutôt amusant entre Odjob et Requin incarné par le sympathique mais ici assez peu charismatique David Bautista. Mais c’est au moment où le « couple » part au Maghreb que les choses tournent vraiment mal. Passée la très incohérente scène d’action dans le train de luxe (nouvel hommage subtil à BONS BAISERS DE RUSSIE et L'ESPION QUI M'AIMAIT) et la scène d’amour reprenant, comme la précédente avec Monica Bellucci, les pires clichés misogynes de la série, on arrive enfin au moment phare du film : la rencontre dans la base de Blofeld.

À ce moment-là, on pense avec nostalgie et tristesse aux sublimes décors que le génialissime Ken Adam réalisait autrefois tant ceux qui nous sont proposés ici paraissent "cheap" et complètement vides. C’est à se demander si, dans la course au Guiness des records, le budget explosion n’a pas englouti le budget alloué aux figurants. En reprenant les codes des Sean Connery tout en les transposant dans un cadre moderne, le film se plante lamentablement tant il ne tient pas la comparaison avec les précédents... 

Quitte à rester dans les déceptions, on peut évoquer celle provoquée par le travail de Hoyte van Hoytema qui a pris la suite de Roger Deakins dans la gestion de la photographie. Hoytema est indéniablement quelqu’un de talentueux, à qui on doit entre autres les images de HER et d’INTERSTELLAR. Mais à trop vouloir styliser l’image, on arrive à quelque chose de décevant. Là où Deakins faisait le choix de la couleur et de la lumière avec la rigueur qu’on lui connaît, Hoytema choisit de sous-exposer l’image et de rendre cette dernière monochromatique. À ambiance lumineuse similaire, il n’y a qu’à comparer avec la scène du Casino de SKYFALL pour se rendre compte de la baisse de niveau. Le pire étant atteint avec un lent travelling fait en steadycam lors d'une scène intimiste, clairement le choix esthétique le plus discutable du film. On était en droit d’attendre mieux... Mais cela n’est pas encore le plus gênant. Le plus grave tient dans le traitement du personnage de Blofeld. Ce dernier, en effet, décide de révéler ses motivations dans une scène aberrante de niaiserie visant à rappeler les scènes de torture des précédents opus. Et alors là attention, parce que ça déménage…

SPECTRE

Pour commencer, on peut se demander si le choix de Christoph Waltz était vraiment le plus pertinent. À voir la liste des méchants depuis CASINO ROYALE, on constate que celle-ci est majoritairement composée de cabotins : Amalric qui se bat comme un hystérique avec une hache, Bardem en blondinet et finalement Waltz. De fait, il s’avère que de tous les vilains qu’ait affrontés Bond, seul l’excellent Mads Mikkelsen, alias Le Chiffre, avait la carrure d’un méchant bondien : tout en classe et en retenu, comme le fut autrefois un Robert Shaw. Dans SPECTRE, on constate comme dans SKYFALL les ravages de la « jokerisation » des méchants bondiens depuis que l’interprétation de Heath Ledger dans THE DARK KNIGHT a redéfini l’archétype du Vilain en un chien fou démoniaque et hystérique sur-psychologisé.

De plus, SPECTRE commet une erreur majeure : faire de Blofeld le négatif de James Bond, c'est-à-dire son égal antagoniste. Alors que Donald Pleasance jouait la carte du mégalomane pour qui la question bondienne n’était qu’un grain de sable dans les rouages de son projet diabolique aux motivations mystérieuses, le spectateur connaisseur découvre atterré la vérité derrière Blofeld – ou plutôt Franz Oberhauser, puisqu’apparemment la découverte de la véritable identité du personnage incarné par Waltz était censée être une surprise...

En réalité, donc, derrière le génie du mal se cache un malheureux garçon qui a créé toute une organisation terroriste pour se venger de James Bond, à qui il reproche de lui avoir volé l’amour paternel. On révèle donc que le Spectre n’est que la conséquence du caprice freudien d’un gamin en mal d’affection, reléguant au passage l'organisation si prometteuse au rang d'ectoplasme retombant comme un soufflé... En substance, donc, on nous refait le coup de Syndrôme, le vilain du film LES INDESTRUCTIBLES. Sauf qu’à l’époque, Pixar avait fait ce choix pour amuser les spectateurs de ce pastiche de films de super-héros... 

SPECTRE

Cette révélation consternante n’est hélas pas le seul choix scénaristique imbécile du film. Deuxième grave erreur – mais très à la mode – les scénaristes ont décidé qu’il fallait lier les trames de tous les épisodes depuis CASINO ROYALE. Et la maladresse avec laquelle cela se fait est affligeante et décrédibilise d’un seul coup quatre films consécutifs. Si on peut imaginer que Quantum était une branche du Spectre et que le Chiffre était en réalité le comptable de l’organisation, on est bien en peine de voir comment le vilain de SKYFALL peut avoir un quelconque lien avec l’organisation puisque ses motivations étaient – déjà ici – purement personnelles. 

Toutes ces déconvenues sont d’autant plus regrettables que le contexte choisi par le script était assez intéressant et – comme dans bien des films de la saga - on ne peut plus actuel. Maintenant que la Guerre Froide n’est plus un cadre pertinent pour une aventure bondienne, c’est la guerre de l’information qui est au cœur de l’histoire. Un sujet déjà creusé dans DEMAIN NE MEURT JAMAIS et SKYFALL, et davantage développé ici. Las, ce thème est beaucoup trop sous-exploité, même s’il permet au moins de mettre à profit les personnages de Q, M et Moneypenny. Ralph Fiennes a d’ailleurs de nouveau l’occasion de montrer l’étendu de son talent, nous poussant au passage à nous demander pourquoi ce n’est pas plutôt lui qui a été choisi pour incarner Blofeld tant son flegme et sa noirceur siéent mieux au personnage. Fort heureusement, le film s’améliore sur la fin, choisissant à l’instar du récent MISSION IMPOSSIBLE : ROGUE NATION – un film assez proche de SPECTRE finalement, tant sur le fond que sur la forme – une fin londonienne anti-spectaculaire, ici dans les ruines du MI6. 

On passera sur le fan-service gratuit, symbolisé par la fameuse cicatrice de Blofeld, pour s’attarder sur le sentiment que nous laisse le film. En effet, une question demeure : où diable SPECTRE était-il sensé nous amener ? On avait débuté la nouvelle ère bondienne sur un personnage plus sombre, plus violent, ouvrant la voie à un traitement plus intimiste et réaliste qui avait – films avec Dalton mis à part – cruellement manqué dans la saga. Pourquoi ce brusque virage ? Pourquoi un tel reniement ? Pourquoi ce besoin de « recoller » avec les anciens films, alors qu’en plus la fin laisse entendre qu’un nouveau "reboot" est possible ? 

SPECTRE

Il serait commode de penser que le scénario est un accident indépendant de la volonté des producteurs. Mais la réalité, c’est que le film est tombé dans le piège de bien des "blockbusters" de notre époque : lier des films avec de la grosse ficelle et psychologiser à l’extrême les personnages. Même si le résultat final est souvent grotesque, il attire les nouvelles générations, plus habituées à ces standards, quitte à décevoir les fans de longue date. Car si les spectateurs n’ayant pas vu les vieux films peuvent être convaincus par SPECTRE, ce dernier laissera forcément un goût amer pour les aficionados qui voient là l’un des méchants les plus iconiques de l’histoire du cinéma être rabaissé aux pires stéréotypes du cinéma de divertissement actuel.

Pour donner une idée, SPECTRE, c’est TUER N'EST PAS JOUER qui se termine dans la station spatiale de MOONRAKER. C’est, comme LES DIAMANTS SONT ETERNELS, une bonne parodie de James Bond mais un « mauvais » James Bond, même si, dans l’absolu, le film est convenable malgré les innombrables incohérences, qu’on mettra sur le compte du folklore, et la mollesse sidérante des scènes d’action. En revanche, difficile de nier, compte tenu des films précédents, qu’il y a eu un gâchis, et que celui-ci est énorme…

UN DERNIER AVIS POUR LA ROUTE :

"Oh ho ho ! Petit malin ! Tu me refais faire le vieux coup du monologue ! J'y crois pas..."

Syndrome, LES INDESTRUCTIBLES (2004)

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commentaires

S
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