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12 juillet 2010 1 12 /07 /juillet /2010 17:47

                                                    

 - Film américain sorti le 30 juin 2010

 - Réalisé par Mike Mitchell

 - Avec Mike Myers, Eddie Murphy, Cameron Diaz,…

 - Animation, Comédie, Fantastique

            Après avoir vaincu un méchant dragon, sauvé une belle princesse et le royaume de ses parents, que peut encore faire un ogre malodorant et mal léché ? Domestiqué, assagi, Shrek a perdu jusqu'à l'envie de rugir et regrette le bon vieux temps où il semait la terreur dans le royaume. Aujourd'hui, telle une idole déchue, il se contente de signer des autographes à tour de bras. C'est alors que l'habile et sournois Tracassin lui propose un contrat. Shrek se retrouve soudain transporté dans un monde parallèle totalement déjanté où les ogres sont pourchassés, où Tracassin est roi, où Fiona et son bien-aimé ne se sont jamais rencontrés. Shrek va-t-il réussir à déjouer le sortilège, à repasser de l'autre côté du miroir, à sauver ses amis, à retrouver son monde et reconquérir l'amour de sa vie ?...

Paramount Pictures FranceParamount Pictures France

            Toutes les bonnes choses ont une fin. C'est du moins ce que tente de nous faire croire Shrek 4 (en tout cas jusqu'à ce que les producteurs mettent en route un cinquième épisode...). Et au vu de ce dernier opus, la décision la plus sage serait effectivement d'arrêter les frais et de mettre fin à cette série dont la qualité n'a été qu'en décroissant.

            Petit retour en arrière. En 2001, le studio rival de Pixar, Dreamworks,  qui faisait (et fait toujours) pâle figure face à son concurrent dans le domaine de l'animation de synthèse réussit enfin à frapper un grand coup. Shrek sort sur grand écran et rencontre un gigantesque succès public et critique avant de remporter le premier oscar du meilleur film d'animation. L'ogre, qui a la tronche du catcheur français Maurice Tillet, devint instantanément culte et le film, dont l'humour se base quand même essentiellement sur des clins d'oeil et des références dans divers domaines, possédait une galerie de personnages éminemment sympathiques et bien écrits. Il n'en fallu pas plus et un second épisode, assez réussi lui aussi, fut réalisé et montré à Cannes en 2004. Le succès fut encore plus important et un troisième film fut ensuite réalisé en 2007. Mais déjà la série semblait avoir fait le tour de son univers. Malgré un succès encore important, Shrek le troisième accusait une baisse de rythme et d'intérêt assez flagrante. L'histoire commençait à tourner un peu en rond.

            Inutile de dire qu'un Shrek 4 ne s'imposait pas et avait tout pour inquiéter. Sans surprise, ce quatrième film ne fait que tirer la série vers le bas. Shrek doit encore une fois reconquérir sa belle et doit faire face à une nouvelle crise existentielle, une épreuve de la vie. Après la rencontre avec les beaux-parents, la lutte contre un prétendant plus beau que lui, la peur de la succession, des responsabilités et de devenir père, Shrek doit maintenant faire face à sa vie d'adulte et à son extrême monotonie. Il ne voit évidemment pas le bonheur qui l'entoure et ce n'est qu'à la fin de son « aventure » qu'il le (re)découvrira (une idée pour le probable cinquième : Shrek à la retraite ???). Bon, et à part faire l'apologie de la vie de famille et rangée, inévitable dans un film tout public américain, qu'y a-t-il à se mettre sous la dent ? Pas grand-chose, puisque cet épisode est dépourvu de l'élément que la série ne devait surtout pas laisser de côté : l'humour. Et oui, c'est triste à dire, Shrek 4 n'est pas drôle. Il n'arrive qu'à de rares moments à faire esquisser un sourire, mais pour cela il faut bien tous les efforts et les gros yeux d'un Chat (em)potté.

            Et du côté de l'histoire, Shrek 4 se révèle assez radin et paresseux. Une fois Shrek piégé dans un monde parallèle, l'intrigue va patiner un peu du côté des rebondissements. Le problème vient d'abord d'un personnage de méchant ridicule au possible, un nain du nom de Brogrosse, qui est une caricature complète et anti charismatique au possible du diabolique et pourtant pathétique Syndrome des Indestructibles. Il dispose à ses côtés d'une armée de sorcières toutes sauf efficaces et comiques. Face à ces « méchants », la résistance s'impose. Une vingtaine d'ogres donc ne vous attendez pas à une quelconque bataille épique à la Dragons. Même l'Âne finit par devenir antipathique tant il semble avoir vidé son réservoir de blague et ne fait que se répéter par rapport aux aventures précédentes. En fait l'obésité Chat Potté est presque l'unique attrait de ce film, ce qui est bien peu faut quand même le préciser. Face à ce manque total d'enjeu, d'ampleur ou de suspense, on est bien obligé d'essayer d'y trouver des qualités autre part. Alors esthétiquement c'est joli, mais rien de nouveau depuis le 3,... non le 2,... oh soyons fou, le 1. Tout juste peut-on se faire distraire par la 3D, plutôt réussie, car c'est en fait le seul vrai nouvel élément par rapport au reste de la série « Shrek ». Mais l'utilisation qui en est faite est l'inverse de la démarche d'un Cameron pour Avatar. Elle est surtout employée comme un gadget pour amuser le jeune public, mais face à la vacuité d'un tel épisode c'est toujours mieux que rien.

            Shrek 4 est comme prévu un épisode inutile, celui de trop. Il n'y a que peu d'intérêt à le voir si ce n'est faire un dernier adieu (dans l'hypothèse peu probable que les producteurs en restent là, surtout au vu des résultats au box office qui ne sont que relativement décevants) aux personnages sympathiques qui ont ponctué le paysage cinématographique cette dernière décennie. On peut certes le regarder sans trop de difficulté en essayant de se laisser porter par l'histoire balisée au possible mais il est vraiment temps que ça se termine.

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 Paramount Pictures FranceParamount Pictures France

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12 juillet 2010 1 12 /07 /juillet /2010 13:59

                                                     

 - Film français sorti le 30 juin 2010

 - Réalisé par Mathieu Amalric

 - Avec Mathieu Amalric, Miranda Colclasure, Suzanne Ramsey,…

 - Comédie, Drame

            Producteur de télévision parisien à succès, Joachim avait tout plaqué - enfants, amis, ennemis, amours et remords - pour repartir de zéro en Amérique à l'aube de ses quarante ans. Il revient avec une tournée de strip-teaseuses « New Burlesque » à qui il a fait fantasmer la France : Paris ! De port en port, l'humour des numéros et les rondeurs des filles enthousiasment les hommes comme les femmes. Et malgré les hôtels impersonnels, leurs musiques d'ascenseurs et le manque d'argent, les « showgirls » inventent un monde extravagant de fantaisie, de chaleur et de fêtes. Mais leur rêve d'achever la tournée en apothéose à Paris vole en éclat : la trahison d'un vieil « ami » fait perdre à Joachim la salle qui leur était promise. Un bref aller et retour dans la capitale s'impose, qui rouvre violemment les plaies du passé...

Mathieu Amalric et Miranda Colclasure. Le PacteMathieu Amalric et Miranda Colclasure. Le Pacte

            Mathieu Amalric, acteur à l'emploi du temps très chargé, a enfin réussi à trouver un moment pour réaliser son projet sans cesse repoussé. Le résultat n'est autre que Tournée qui a fait un passage très remarqué à la Croisette, qui a reçu un accueil critique très favorable, qui était considéré comme l'un des grands favoris pour la Palme d'Or et qui est reparti avec le très honorable prix de la mise en scène.

            Prix que l'on peut légitimement considérer comme un lot de consolation tant le film de Mathieu Amalric ne brille sûrement pas par sa mise en scène. Souvent mal cadré pour se donner un côté film indépendant, caméra à l'épaule comme s'il filmait un making-of ou un reportage sur une tournée, le long-métrage d'Amalric déçoit pas mal de ce côté-là, surtout au vu de ses illustres prédécesseurs ayant remporté le même prix. Les numéros de strip-tease, dont on peut louer l'inventivité, l'humour et la subversion, ne sont jamais filmés de manière originale, souvent du point de vue de Joachim. Le deuxième problème vient cette fois du scénario. D'abord parce que celui-ci n'est pas vraiment tourné vers la troupe de strip-teaseuse mais encore une fois vers le personnage interprété par Amalric. Sans compter le fait que l'intrigue soit assez mince puisqu'elle tourne essentiellement sur les tentatives de Joachim de retrouver une salle parisienne afin de faire son grand retour. S'en suit une importante incartade en solitaire dans la capitale qui a surtout pour but de nous éloigner du sujet et qui frôle parfois la caricature du film indépendant : misérabilisme, jeu approximatif…

            Ce dernier point fait aussi baisser la qualité du film, Amalric ayant souhaité des non-professionnels pour faire plus « vrai » (mais le but d'un vrai acteur n'est-il pas justement d'être plus vraisemblable ?). Le résultat est plus que mitigé. Les femmes de la troupe, qui jouent un peu leur propre rôle n'ont pas de difficulté à dire leurs textes et arrivent à transmettre une certaine crédibilité et sincérité au spectateur. Amalric, acteur très confirmé pour le coup, est dans l'ensemble assez juste mais n'évite pas le surjeu, souvent volontairement comique certes, dont il est assez friand (douloureux souvenirs de Quantum of Solace ou du très récent Adèle Blanc-Sec). Mais cette volonté de l'amateurisme à tout prix dessert le film lorsqu'il s'agit de rôles de second plan. Les deux enfants de Joachim n'arrivent pas à déclamer leurs dialogues sans avoir perpétuellement l'air de réciter un poème appris la veille (bon, mettons-ça sur le compte de leur jeune âge et de leur inexpérience). La scène du supermarché en est un autre exemple flagrant, qui pourtant partait d'une idée assez marrante, où la caissière déverse au final un flot d'insultes sans réussir un instant à faire croire à son personnage et à sa réaction plus qu'excessive tant elle en fait des tonnes. A côté de ça, Amalric donne des rôles à quelques uns de ses amis quant il n'en donne pas un à la rédactrice en chef de « Première » (peut-être que cela aide à avoir de bonnes critiques ?).

            Vu comme ça, le film semble être une catastrophe complète. Quand même pas. Il en ressort quelques moments touchants et entrainants, mais la plupart demeurant les trop rares numéros de la troupe du « New Burlesque ». Ces femmes, quand elles ne sont pas écartés au profit du « martyr » de Joachim, arrivent à transmettre une énergie et un humour plus que communicatifs qui sauvent plus d'une fois Tournée. Néanmoins, à cause du détournement de l'histoire sur Joachim, certaines des cinq femmes ne sont pas assez présentes pour être assez bien écrites. Celle qui s'en tire le mieux est Mimi Le Meaux (jouée par Miranda Colclasure) puisqu'elle est en fait la femme dont s'éprend Joachim. Tournée redevient intéressant lorsqu'il s'intéresse à la déception de ces femmes qui rêvent de la France et du glamour illusoire de Paris, image par laquelle Joachim les a amené à quitter leur pays natal. A ce moment-là, Tournée devient un film un peu mélancolique, pessimiste, presque dépressif, mais arrive juste à temps à redresser la barre avec un peu d'humour et une pointe d'optimisme de la part des cinq demoiselles.

            Cependant il est difficile de ne pas se sentir déçu par ce que la critique avait considéré comme le film le plus énergique, drôle et jubilatoire de ce dernier festival de Cannes ; ce qui en dit assez long du niveau de la Sélection cette année. En fait, Tournée peu s'apparenter au très encensé Watchmen - Les Gardiens de Zack Snyder sorti l'année précédente : intéressant et potentiellement riche par le sujet et le « monde » qu'il présente mais qui pâtit d'une réalisation et d'une écriture pas à la hauteur, qui en reste au minimum syndical, voire qui s'en détourne.

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Mathieu Amalric. Le PacteMiranda Colclasure. Le Pacte

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 18:30

                                                    

 - Film franco-canadien sorti le 30 juin 2010

 - Réalisé par Vincenzo Natali

 - Avec Sarah Polley, Adrian Brody, Delphine Chaneac,…

 - Science Fiction

            Clive et Elsa sont des superstars de la science : ils ont réussi à combiner l'ADN de différentes espèces animales pour obtenir de fantastiques hybrides. Ils sont amoureux l'un de l'autre autant que de leur travail et veulent à présent passer à l'étape suivante : fusionner de l'ADN animal et de l'ADN humain. Lorsque le laboratoire pharmaceutique qui les finance refuse de les soutenir, Clive et Elsa décident de poursuivre leurs expériences en secret. Ils créent Dren, une créature étonnante dont la croissance rapide la fait devenir adulte en quelques mois. Alors ils redoublent d'efforts pour préserver leur secret, leur intérêt scientifique pour Dren se mue peu à peu en attachement. Dren finira par dépasser les rêves les plus fous du couple... et leurs pires cauchemars...

Sarah Polley et Adrien Brody. Gaumont DistributionGaumont Distribution

            Que donnerai une adaptation modernisée de  l'histoire de Frankenstein par David Cronenberg ? Le Splice de Natali peut en donner une bonne idée. Mais ici il ne s'agit pas tant ici de pure (re)création d'un être humain mais de clonage et du danger du mélange des espèces, la fabrication d'hybrides. Et Splice est avant tout une déclaration d'amour des monstres de la part du réalisateur de Cube mais aussi de son producteur exécutif Guillermo del Toro.

            En premier lieu, Natali a choisi de privilégier l'aspect « huis clos » et intimiste (très peu de personnages) ce qui lui permet de se distinguer des productions de genre. Ce choix n'est pas sans rappeler celui qu'avait fait Cronenberg pour son célèbre film de monstre, La Mouche, qui se passait quasiment dans la même pièce avec presque exclusivement trois personnages. Cependant on distingue bien deux actes dans ce film. La première heure se déroule presque entièrement dans le laboratoire où est crée Dren. C'est celle qui est la plus réussie et la plus réaliste. C'est elle aussi qui soulève le plus de questions et problématiques éthiques intéressantes par rapport à l'expérience des deux scientifiques. Le second acte se passe essentiellement dans la grange d'une ferme où le couple de scientifiques a décidé de cacher et d'élever Dren. Et là où le premier acte privilégiait l'aspect « science-fiction réaliste », le second dérive, de manière parfois pas très convaincante, vers le drame intimiste.

            Comme La Mouche, Splice se base avant tout sur l'interprétation du trio principal. Celui qui s'en tire le mieux est Adrien Brody car il est un peu le personnage auquel le spectateur, et le réalisateur parait-il, peut le mieux s'identifier (du moins jusqu'à un certain point du long métrage). C'est lui qui est constamment réticent face aux dérives de l'expérience mais qui éprouve aussi une fascination malsaine envers la créature difforme. Sarah Polley possède un rôle nettement plus difficile car plus directement liée à la créature : psychologiquement car elle lui fait office de « mère » et physiquement car c'est elle-même qui a donné l'ADN humain pour la création du monstre. Si l'écriture de son personnage dans sa relation avec Clive est plutôt correcte, elle est un peu plus réussie dans son rapport maternel avec Dren. Elle est par exemple impressionnante dans les rapports violents qu'elle va peu à peu entretenir avec sa « fille », allant jusqu'à mutiler cette dernière dans un moment de vengeance afin de « déshumaniser » le monstre. Delphine Chaneac hérite du rôle-pilier de ce trio, celui de Dren. Rôle ultra-complexe, autant émotionnellement que physiquement puisqu'elle est obligée d'adopter une démarche, une attitude non-humaine sans pour autant rendre son interprétation involontairement comique. A sa décharge disons que c'est presque souvent réussi, et qu'elle est bien aidée par de brillants effets spéciaux, et que ce n'est qu'à de rares moments que le spectateur peu tiquer face à son jeu.

            Cependant le film n'arrive au final à se montrer qu'à moitié convaincant. C'est dans sa partie « thriller dérangeant », celle qui est la plus influencée par la filmographie de Cronenberg, que le film est le plus réussi. L'oppression de ce laboratoire étroit et sombre, la fascination mêlée de dégout pour le spécimen, la peur de l'inconnu rendent la première partie de Splice assez réussie. On y retrouve aussi la même fascination ambiguë, et souvent sexuelle, de la chair, de ses mutilations et malformations. On peut par exemple penser à Vidéodrome ou à Crash, et Natali utilise cette connotation sexuelle dans la caractérisation même des hybrides : les deux premiers, Fred et Ginger, ressemblant clairement à des phallus. Dans cette même première partie on peut aussi noter une scène qui fait un léger clin d'oeil au Aliens de James Cameron lorsqu'Elsa se retrouve dans un sas avec la créature, dont on ignore alors si elle est dangereuse, et séparée de son fiancé par une vitre indestructible. C'est du second acte, glissant vers le drame quasiment freudien, que certaines scènes peuvent paraitre un peu plus ridicules ou ennuyeuses. Le film maintient pendant un temps une ambiance encore dérangeante en se focalisant sur l'attirance sexuelle entre Clive et sa « fille ». Natali prend des risque en faisant des séquences qui pourraient sombrer dans le ridicule, comme celle où Dren observe ses « parents » en train de faire l'amour, celle où Clive apprend à Dren à danser ou encore celle où ces deux derniers couchent ensemble (l'influence de Crash se ressent surtout ici), mais arrive à y échapper. Le film dérive alors vers une représentation métaphorique du mythe d'Oedipe, avant d'en devenir carrément une représentation concrète après un retournement de situation malvenu qui fait plonger le dernier quart d'heure dans la surenchère et le risible ; ce que Natali avait auparavant réussi à éviter en y ajoutant de temps à autre une légère touche de second degré.

            Natali livre donc un exercice de style osé, qui bénéficie d'effets spéciaux réussi rendant assez crédible le personnage de Dren, mais qui ne tient pas complètement la route, surtout dans le dernier quart d'heure où Splice devient malheureusement involontairement drôle.

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Sarah Polley et Adrien Brody. Gaumont DistributionAdrien Brody et Delphine Chaneac. Gaumont Distribution

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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 16:29

                                                      

 - Film italien sorti le 16 juin 2010

 - Réalisé par Giuseppe Tornatore

 - Avec Francesco Scianna, Margareth Madé, Nicole Grimaudo,…

 - Comédie dramatique

            Surnommée Baaria par ses habitants, cette petite ville de la province de Palerme est le théâtre d'une saga familiale qui s'étend sur trois générations. Des années 30 aux années 80, de Cicco à son fils Peppino, et à son petit-fils Pietro, Baaria nous entraîne dans une odyssée peuplée de personnages habités par des passions et des utopies qui les imposent comme de véritables héros. A travers leurs amours, leurs rêves et leurs désillusions, cette fable drôle et nostalgique dresse le portrait d'une petite communauté sicilienne, microcosme où se joue une comédie humaine universelle. Durant la période fasciste, sa condition de simple berger laisse à Cicco la liberté de s'adonner à ses passions : les livres, les poèmes épiques, les grands romans d'amour populaires. Son fils Peppino va être le témoin de la famine et des injustices perpétrées pendant la Seconde Guerre mondiale qui le pousseront à s'engager politiquement...

            Le nouveau film de Giuseppe Tornatore a comme particularité d'être le premier film italien à avoir ouvert, en septembre dernier, la Mostra de Venise depuis près de vingt ans. Il y avait reçu un accueil des plus mitigé et sa situation ne s'était pas vraiment arrangée lorsqu'il fut choisi pour représenter l'Italie aux Oscars, au détriment du Vincere de Marco Bellocchio considéré comme bien meilleur. En plus d'une distribution sur le territoire français encore une fois assez médiocre pour un film d'une telle ampleur, rien de moins que 25 millions d'euros de budget, Baaria a reçu un accueil critique désastreux (mon petit doigt me dit que la présence d'une certaine Marina Berlusconi et, indirectement, de son célèbre et controversé père à la production n'y est pas pour rien).

            Le résultat est certes un brin pompeux mais c'est le sujet qui l'appelait avant tout (cette surstylisation et cette démesure ne sont pas qu'imputables à la famille Berlusconi). Il est sûr que retracer l'histoire de trois générations et l'évolution sur une cinquantaine d'années d'un petit village sicilien en une ville importante ne peut pas se faire de manière convaincante par le biais du film intimiste et statique.  Alors oui ça bouge, ça court, ça hurle, ça rit, ça en fait des tonnes mais c'est pour mieux illustrer la formidable énergie et symbiose qui règne dans cette communauté sicilienne en perpétuelle expansion. C'est en même temps de cette façon que le film, qui dure près de deux heures et demie, ne sombre pas dans une forme d'inertie. Par la liberté que lui donnait ce gros budget, Tornatore réussit à représenter de façon particulièrement fidèle l'atmosphère de la région. D'abord par des décors très réalistes, certaines rues étant parfois complètement reconstruites, mais aussi par les paysages et le climat éprouvant qui s'y dégage (agréables souvenirs de films plus anciens avec une ambiance similaire comme Le Guépard de Visconti ou la trilogie du Parrain, et particulièrement l'intermède sicilien du premier opus).

            L'originalité du film de Tornatore est aussi d'avoir confié à des inconnus les rôles principaux et d'avoir donné à des acteurs plus connus en Italie des seconds rôles voire de quasi apparitions (à ce titre il est à se demander si la figuration de Monica Belucci se veut être un gag). Le fil rouge de l'intrigue, celui par qui est vu l'histoire, c'est Peppino qui est brillamment et majoritairement interprété par Francesco Scianna. Baaria c'est un peu un film sur sa vie, un faux-biopic sur une personne qui n'a jamais existé. Quoique... Comme dans son chef d'oeuvre Cinéma Paradiso, Baaria est en fait un film semi-autobiographique où Giuseppe Tornatore puise dans bon nombre de ses souvenirs, en plus du fait qu'il soit né à Bagheria ou autrement dit Baaria en sicilien. De même dans ces deux films, l'histoire se déroulant sur toute une vie a pour arrière-plan l'évolution de la Sicile. On peut aussi noter que le personnage principal a une passion pour le cinéma, tout comme Salvatore, le personnage principal de Cinéma Paradiso. Une séquence de Baaria semble même un hommage littéral au film qui révéla Tornatore : Peppino emmenant son fils pour la première fois au cinéma, découverte qui sera pour ce dernier une expérience tellement marquante qu'on le verra plus tard en train de collectionner des tickets d'entrées. Difficile de ne pas y voir un clin d'oeil à la relation qu'entretenait Salvatore avec le projectionniste Alfredo. Parmi tous ces personnages, il y en aurait près de deux cents, tous n'ont évidemment pas le même traitement mais on notera les belles prestations de Margareth Madé et d'Angela Molina dans le rôle de la vieille fille Sarina.

            On en vient justement à la limite du film de Tornatore, limite qui n'altère cependant que légèrement Baaria. Le problème d'un tel sujet est ici sa trop grande ambition. Tornatore ne peut complètement traiter en deux heure trente plus d'un demi siècle d'histoire familiale et d'évolution de la société sicilienne, avec en arrière plan rien de moins que celle de toute l'Italie. Il en résulte un aspect parfois un peu trop feuilletonnesque, segmenté où Tornatore utilise un peu trop souvent des ellipses et des fondus en noir. Dans le trop d'ambition, Ennio Morricone livre aussi une bande son, certes très belle, mais bien trop présente et appuyée, au risque de noyer à certains moments le long-métrage. Cependant l'émotion et la beauté du film demeure heureusement le plus souvent intact. De ce portrait d'un communiste convaincu mais qui ne réussira jamais sa carrière politique qui l'obsédait tant et qui sera bien trop souvent rattrapé par la réalité se dégage une forme de nostalgie du passé sans pour autant condamner le présent et le futur, un peu comme dans le récent L'Illusionniste. La fin en est particulièrement éloquente : les fantômes des anciens habitants « hantent » les fondations et les rues de Bagheria désormais ville moderne. Cette fin n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle d'un grand chef d'oeuvre d'un des plus grands réalisateurs italiens, Le Dernier Empereur de Bernardo Bertolucci, où le fantôme de Pu Yi continuait à sillonner une Cité Interdite devenue un musée pour touristes. Et la mouche cachée des années durant dans la toupie de Pietro, le fils de Peppino, qui en ressort miraculeusement indemne fait évidemment écho au criquet de l'empereur chinois qui ressort de sa boite des décennies plus tard.

            Tornatore livre donc un beau film émouvant, émaillé des souvenirs de son auteur et d'épisodes  révélateurs du folklore et des traditions siciliennes, tout en étant une intéressante étude de l'évolution d'une ville à laquelle le réalisateur semble évidemment très attachés. Comme Scorsese l'avait fait pour sa ville natale dans Gangs of New-York, Giuseppe Tornatore fait une jolie déclaration d'amour à la ville qui l'a vu naître. Un hommage, certes parfois maladroit et trop ambitieux, mais qui n'en est pas moins profondément touchant, captivant, romanesque, exotique, typique et pourtant tellement universel.

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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 13:19

                                                   

 - Film américain sorti le 16 juin 2010

 - Réalisé par Joe Carnahan

 - Avec Liam Neeson, Bradley Cooper, Jessica Biel,…

  - Action, Comédie

            Aucune équipe ne ressemble à celle de l'Agence Tous Risques. Quatre hommes, hyper qualifiés et autrefois membres respectés d'une unité d'élite de l'armée, sont chargés d'une mission classée top-secret destinée à les piéger, et qui les conduit en prison pour un crime qu'ils n'ont pas commis. Mais la somme de leurs talents leur permet une évasion sans accroc. Devenus des rebelles, ils décident de blanchir leurs noms et de retrouver les vrais coupables...

Twentieth Century Fox FranceLiam Neeson et Quinton 'Rampage' Jackson. Twentieth Century Fox France

            En termes de « blockbusters », cette première moitié de l'année 2010 se révèle dans l'ensemble très décevante. D'abord en termes économique puisque bon nombre d'entre eux on fait des scores relativement faible par rapport aux prévisions. Mais aussi en termes de qualité artistiques. « Bonne » nouvelle, cette adaptation de la série éponyme cumule les deux tares.

            D'abord il faut préciser qu'à l'instar des adaptations de séries télévisées faîtes par Brian de Palma par exemple, donc Les Incorruptibles et Mission Impossible, L'Agence tous risques se démarque considérablement de son modèle sur le petit écran. Cela est souvent une bonne idée surtout que le modèle en question repose quand même sur un principe assez éculé et inoffensif donc plutôt inintéressant. Le problème est qu'encore une fois tout dépend de ce que l'on met à la place. Et pour le coup ce n'est pas très brillant. L'histoire n'est absolument pas approfondie et se contente d'une simple trame de vengeance où l'équipe doit, à la fin, réussir à retrouver son intégrité perdue (oui c'est effectivement et basiquement la trame principale du premier Mission Impossible). A cela s'ajoute un petit nombre d'étapes et de rebondissements déjà vu un paquet de fois. Le scénario n'est donc vraiment pas le point fort du film de Carnahan, à un point tel que l'on se surprend même à se contrefoutre de la mission des quatre héros. L'Agence tous risques c'est un peu le Mission Impossible du pauvre. 

            Cependant une des rares bonnes idées du film a été de donner une place équitable aux quatre coéquipiers, évitant ainsi de réitérer avec l'un des acteurs le « phénomène Tom Cruise » dans Mission Impossible où il finissait par éclipser la plupart de ses coéquipiers. La présentation des différents protagonistes fait même (très vaguement) penser à l'introduction du trio du film de Sergio Leone Le Bon la Brute et le Truand. Mais c'est surtout Sharlto Copley, déjà excellent dans District 9, qui tire le plus son épingle du jeu dans son rôle déjanté de Looping. Légèrement dans le surjeu jouissif, il est celui qui apporte le plus de fraicheur et d'humour à ce film boursoufflé. Son côté excentrique et excessif donne lieu à des scènes humoristiques assez réussies (celle de la douane, celles où il harcèle l'imposant Barracuda, celle de l'asile psychiatrique où les fous découvrent les merveilleux effets de la vieille 3D lors de la projection d'un film,...). Bradley Cooper écope du « mauvais » rôle du gars séducteur et il s'y révèle assez insipide. Quinton Rampage Jackson a la lourde tache de succéder à Mister T dans le rôle de Barracuda mais malheureusement son rôle se limite un peu trop souvent au « running gag » de sa peur du vol. Quant à Liam Neeson, Carnahan semble vouloir continuer la grande entreprise de démolition de sa carrière depuis ces dernières années après Pierre Morel, Richard Eyre et Louis Leterrier. A ce rythme-là il n'y aura plus que son rôle de Lincoln dans l'arlésienne éponyme de Spielberg pour lui permettre de se racheter une crédibilité tant il semble ici s'ennuyer et faire le strict minimum. Passons rapidement sur les seconds rôles qui desservent encore un peu plus un film déjà mal parti. Jessica Biel n'est pas crédible une seule seconde dans le seul rôle féminin du film (une actrice ? Vraiment ?) ; Brian Bloom interprète un méchant très méchant et caricatural au possible ; et Patrick Wilson surjoue d'une manière qui en devient presque scandaleuse et qui ferait passer Crispin Glover dans Alice au pays des merveilles pour un modèle de retenue.

            Du côté de la mise en scène on peut d'abord relativiser. Carnahan a bien pris le contre-pied de la série ce qui est une idée d'abord assez originale et risquée. Le problème vient cependant d'abord de cette fâcheuse tendance à filmer les scènes d'action caméra à l'épaule. Cela donne encore une fois des scènes d'actions indigestes, incompréhensibles car montées trop rapidement pour que l'on y distingue quelque chose. C'est d'autant plus dommage que le film de Carnahan révèle comme unique intérêt son jusqu'au-boutisme dans le n'importe quoi des séquences d'action. Un peu comme pour 2012 mais dans une moindre mesure, L'Agence tous risques devient intéressant lorsque s'enchainent les cascades impossibles (et abusant bien trop de CGI). Au programme : un looping d'hélicoptère, un saut en parachute dans un tank, des descentes en rappel aberrantes le long de grands buildings et une avalanche de containers géants dans le port commercial de Los Angeles. Hormis cela les séquences de poursuites sont illisibles et les scènes de dialogues, même si Carnahan s'amuse à y mettre de petits effets comme un montage parallèle, sont filmés sans vrai génie ni aucune énergie.  

            Le nouveau film de Carnahan est donc légèrement fun, relativement regardable et particulièrement futile. L'Agence tous risques ne relève absolument pas le niveau des dernières grosses productions américaines et ne semble avoir comme unique objectif d'en foutre plein la vue aux spectateurs tout en étalant vulgairement ses images de synthèses, souvent juste correctes, et son budget démesuré comme les gages d'une pseudo qualité. Carnahan et les producteurs de ce film semblent avoir oublié d'y mettre une intrigue un minimum structuré et captivante et une mise en scène un tant soit peu pensée, cohérente et audacieuse, au lieu de se réfugier dans ce cache-misère récurrent du secouage de caméra.

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Bradley Cooper et Jessica Biel. Twentieth Century Fox FranceBradley Cooper, Quinton 'Rampage' Jackson, Sharlto Copley et Liam Neeson. Twentieth Century Fox France

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26 juin 2010 6 26 /06 /juin /2010 15:36

                                                    

 - Film français sorti le 16 juin 2010

 - Réalisé par Sylvain Chomet

 - Avec Jean-Claude Donda, Edith Rankin

 - Animation

            A la fin des années 50, une révolution agite l'univers du music-hall : le succès phénoménal du rock, dont les jeunes vedettes attirent les foules, tandis que les numéros traditionnels - acrobates, jongleurs, ventriloques - sont jugés démodés. Notre héros, l'illusionniste, ne peut que constater qu'il appartient désormais à une catégorie d'artistes en voie de disparition. Les propositions de contrats se faisant de plus en plus rares, il est contraint de quitter les grandes salles parisiennes et part avec ses colombes et son lapin tenter sa chance à Londres. Mais la situation est la même au Royaume-Uni : il se résigne alors à se produire dans des petits théâtres, des garden-parties, des cafés, puis dans le pub d'un village de la côte ouest de l'Ecosse, où il rencontre Alice, une jeune fille innocente qui va changer sa vie à jamais...


Pathé DistributionPathé Distribution

            Après quelques semaines assez dénués de sorties un tant soit peu intéressantes, L'Illusionniste arrive comme une bouffée d'air frais. Pour plusieurs raisons. D'abord c'est un film d'animation français, ce qui est suffisamment rare pour ne pas passer à côté. Il est en plus franchement réussi. Et enfin il est adapté à partir d'un scénario vieux de cinquante ans de Jacques Tati et qui n'a jamais pu être porté à l'écran. Convaincu par la femme de ce dernier, Sylvain Chomet a accepté de le réaliser par le biais du dessin animé, le meilleur support pour ce script selon elle.

            Si L'Illusionniste était assez attendu c'est certes parce qu'il a été souvent repoussé mais aussi parce que Sylvain Chomet a réalisé en 2003 Les Triplettes de Belleville. Et bonne nouvelle, L'Illusionniste répond à presque toutes les attentes qu'on avait placé dans le projet. D'un point de vue esthétique d'abord. Le film de Chomet, fait de manière « artisanale » c'est-à-dire en 2D, révèle une finesse et une simplicité dans le dessin qui le rend immédiatement séduisant. Les décors sont à la fois détaillés, assez réalistes pour paraitre suffisamment crédibles tout en gardant une certaine fantaisie inhérente au sujet et au héros du film. Que ce soit les landes écossaises cachées dans un brouillard mystérieux, région que Chomet connait d'ailleurs plutôt bien, ou les paysages et les décors rétros de la ville d'Edimbourg, l'atmosphère que dégage le long-métrage n'est justement pas sans rappeler celle que dégageaient les comédies et les drames français de la fin des années 50. En plus de la simplicité du dessin, l'universalité du film de Chomet vient aussi du peu de dialogue, les personnages baragouinant un anglais et un français volontairement incompréhensible dont n'émergent que quelques mots aidant à comprendre l'intention. De même ce peu de dialogue amène Chomet à favoriser un comique d'image comme avec les séquences mettant en scène le lapin du magicien. Ce comique est évidemment celui de Tati mais aussi celui d'acteur comme Chaplin ou Buster Keaton ; c'est en cela que L'Illusionniste peut rappeler la première demi-heure de Wall-E qui, loin d'être muette, était dénué de tout dialogue.

            Cependant L'Illusionniste n'est pas vraiment un film principalement destiné aux enfants. D'abord pour son rythme et sa mise en scène. Le long-métrage étant assez lent mais surtout réalisé de manière un peu trop classique et statique (trois ou quatre travelings sur ces une heure quarante et qui semblent malheureusement bien trop décalés par rapport au reste). Certes ce parti pris est un hommage aux films de l'époque mais il entraine quelques baisses de régime lorsque la trame fait un peu du surplace. Le jeune public pourra aussi être désarçonné par l'humour qui y est relativement peu présent et pas forcément des plus « efficaces » (dans le sens qu'il est plus dans le non-dit et l'imagé que dans le gag direct, les clins d'oeil, etc... d'un film comme Shrek ou des autres productions animé du type de celles produites par Dreamworks). Et le film de Chomet est avant tout un long-métrage nostalgique qui s'intéresse principalement à la vieillesse, ce qui le rapproche assez de la mélancolie de Là-haut. Il illustre aussi sur le passage, parfois difficile, d'une génération à une autre. D'un côté Tatischeff, le vieux magicien clairement identifié comme Tati lui-même que ce soit par son physique, ses attitudes, sa démarche... Chomet pousse ce parallélisme à un tel point que, dans une formidable mise en abime, il fera entrer son héros dans une salle de cinéma où il verra son vrai double à l'écran lors d'une projection de Mon Oncle. Ce magicien peine à continuer son métier passé de mode face à un nouveau public plus passionné par le rock (le groupe Britoons qui singe allègrement les Beatles). C'est donc le récit d'un homme qui lutte pour ne pas être jeté de la société et qui s'acharne à s'adapter à ce monde qu'il ne comprend plus et qui ne le comprend plus.

            Sans jamais tomber dans un passéisme qui en ferait un film uniquement pour le troisième âge, L'Illusionniste garde au contraire une certaine forme d'espoir. Certes le magicien n'aura pas droit à son retour triomphal, à sa « résurrection » et il écrira même vers la fin du long-métrage à sa protégée que les magiciens n'existent pas. Mais cet espoir s'incarne dans le personnage d'Alice qui va évoluer aux côtés du magicien dont elle semble fascinée. Venant d'un village perdu dans la lande écossaise, elle s'affirme peu à peu comme une citadine modèle après son déménagement à Edimbourg. Elle cherche d'abord à ressembler aux mannequins qu'elle croise dans les magasins et elle y parviendra à un tel point qu'elle deviendra un modèle pour les nouvelles arrivantes (scène sublime où la situation est enfin renversée : Alice après avoir admiré et envié de nombreuses femmes chics est enfin à son tour regardé avec envie par une jeune fille qui vient visiblement de la campagne). La dernière étape pour elle sera de se dégager de l'aile protectrice du magicien pour enfin vivre sa propre vie et quitter ce monde de l'enfance où elle restait émerveillée par la magie et qui pensait, jusqu'au mot décisif de Tatischeff, que les magiciens existaient vraiment. Elle décide de vivre avec quelqu'un d'aussi jeune qu'elle, s'émancipant enfin de sa relation père/fille avec Tatischeff, laissant seul ce dernier qui accepte de partir pour la laisser libre mais symbolisant surtout ce passage définitif d'une nouvelle génération.

            L'Illusionniste est donc un film réussi qui, sous son apparence de simplicité sur la forme mais aussi sur la trame principale, parvient à dégager des thématiques vraiment matures et mélancoliques sans jamais se départir d'une certaine forme d'optimisme doublé d'une bande son des plus élégantes composée par Chomet lui-même. A l'inverse de ce que croit le personnage principal, L'Illusionniste nous prouve que les magiciens existent bien.

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Pathé DistributionPathé Distribution

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2 juin 2010 3 02 /06 /juin /2010 19:39

                                                       Universal Pictures International France

 - Film américain sorti le 12 mai 2010

 - Réalisé par Ridley Scott

 - Avec Russell Crowe, William Hurt, Cate Blanchett,…

 - Aventure, Action

            A l'aube du treizième siècle, Robin Longstride, humble archer au service de la Couronne d'Angleterre, assiste, en Normandie, à la mort de son monarque, Richard Coeur de Lion, tout juste rentré de la Troisième Croisade et venu défendre son royaume contre les Français. De retour en Angleterre et alors que le prince Jean, frère cadet de Richard et aussi inepte à gouverner qu'obnubilé par son enrichissement personnel, prend possession du trône, Robin se rend à Nottingham où il découvre l'étendue de la corruption qui ronge son pays. Il se heurte au despotique shérif du comté, mais trouve une alliée et une amante en la personne de la belle et impétueuse Lady Marianne, qui avait quelques raisons de douter des motifs et de l'identité de ce croisé venu des bois. Robin entre en résistance et rallie à sa cause une petite bande de maraudeurs dont les prouesses de combat n'ont d'égal que le goût pour les plaisirs de la vie. Ensemble, ils vont s'efforcer de soulager un peuple opprimé et pressuré sans merci, de ramener la justice en Angleterre et de restaurer la gloire d'un royaume menacé par la guerre civile. Brigand pour les uns, héros pour les autres, la légende de « Robin des bois » est née...

Russell Crowe. Universal Pictures International FranceCate Blanchett et Russell Crowe. Universal Pictures International France

            Durant ces dix dernières années, le parcours de Ridley Scott aura été pour le moins très hétéroclite en termes de genre et de qualité. Il n'a eu de cesse de passer de l'excellent (Gladiator, American Gangster) au très bon (Kingdom of Heaven) et du moyen (La Chute du Faucon Noir, Mensonges d'Etat) au carrément médiocre (Une Grande Année, Hannibal). Et c'est peu dire que cette énième version de la légende de Robin des Bois avec encore une fois Russell Crowe en tête d'affiche n'inspirait pas confiance.

            Le résultat est comme prévu assez mitigé mais arrive à se hisser légèrement au-dessus de la moyenne des dernières réalisations de Scott. Les principales qualités du long-métrage sont avant tout à chercher dans ses aspects techniques. Scott venant notamment de la publicité, il a comme admirable capacité à savoir brillamment illustrer les sujets et les scénarios qu'on lui propose, à défaut d'avoir un style véritablement personnel. Sa plus grande réussite à ce titre demeure Blade Runner, objectivement l'un des plus beaux films d'un point de vue esthétique en plus de ses nombreuses autres qualités. Ici le spectacle est largement assuré. Visuellement travaillé, mélangeant savamment filtres, accélérés et ralentis, et refusant la mode agaçante du montage ultra-rapide, Robin des Bois est avant tout (et surtout) un plaisir pour les yeux. Mark Streitenfeld nous livre une partition assez agréable qui accompagne bien les séquences tout en évitant de se faire trop encombrante (défaut que l'on retrouve assez fréquemment dans les films de Ridley Scott même lorsque les partitions sont particulièrement admirables). Enfin l'ambiance est parfaitement retranscrite par le soin apporté aux décors, aux costumes et aux sons, permettant ainsi une bonne immersion pour le spectateur, notamment lors des batailles que Scott sait toujours très bien filmer.

            C'est au niveau de l'interprétation que les choses commencent à se compliquer. Il y a d'abord Cate Blanchett, toujours juste dans son rôle de femme forte, William Hurt qui arrive à imposer son charisme sans jamais se départir de sa sobriété, et il y a surtout Mark Strong dans le rôle du (très) méchant Godefroy. Et si ce dernier livre une composition un peu trop semblable à celle de son précédent film, Kick-Ass, il est le seul à véritablement s'imposer à l'écran et qui arrive à rendre jubilatoire chacune de ses apparitions. Vicieux et fourbe jusqu'au bout, il s'inscrit aisément dans la longue liste des méchants que l'on adore détester. La plupart des seconds rôles, et notamment les fameux « Merry Men », sont par contre assez sous-exploités. Et que dire de Léa Seydoux qui, après avoir fait de la très courte figuration dans Inglourious Basterds de Tarantino, ne bénéficie ici que de trois courtes scènes. Et on en vient au problème majeur de ce film. Robin des Bois n'est surtout qu'un mélange entre Gladiator et Kingdom of Heaven (s'appuyant d'ailleurs surtout sur le premier). Trois rôles peuvent être comparés à ceux de Gladiator. D'abord celui du Prince Jean interprété par Oscar Isaac qui tente de copier le jeu de Joachim Phoenix dans le rôle de l'empereur Commode sans avoir une once de son charisme. Il y a ensuite Max von Sydow dans le rôle de Sire Walter Loxley qui rappelle beaucoup trop celui de l'empereur Marc Aurèle interprété par Richard Harris, tous les deux des figures paternelles vieillissantes et chétives pour les personnages principaux et dont la mort, obligatoire et évidente, les amènera à accepter leur statut de héros et de martyr. Et il y a évidemment de nombreuses similitudes entre Robin des Bois version Crowe et Maximus (psychologiquement mais aussi physiquement).

            Et c'est là où se dévoile les limites du talent de Ridley Scott : en tant que très bon illustrateur de script, la réussite totale de ses films dépendent trop souvent de la qualité des scénarios qu'il a choisi. Et si le scénario de Robin des Bois pâtit de sa trop forte ressemblance à Gladiator et de son impossibilité à arriver ne serait-ce qu'à la cheville de ce dernier, il faut aussi y ajouter les très nombreuses réécritures qu'il a subit. Ces dernières ont d'ailleurs dénaturé l'idée de départ originale qui voulait que l'histoire soit vue du point de vue du shérif de Nottingham (complètement absent dans le film d'ailleurs) ; une des versions aurait même amené un « twist » où le shérif et Robin des Bois étaient en fait la même personne. On se retrouve donc avec un « reboot » assez classique comme l'on nous en offre un trop grand nombre depuis les grandes réussites de Batman Begins par Christopher Nolan et Casino Royale par Martin Campbell. Robin des Bois ne sera donc hors-la-loi que durant les dix dernières minutes (et encore !), le film s'attardant surtout sur les raisons qui ont entrainé la naissance du mythe. Il a évidemment vécu de nombreux traumatismes dans sa vie (l'exécution de son père, les massacres lors de la Croisade), et si le présenter au départ comme un opportuniste est une idée plutôt originale, elle disparait rapidement au profit d'un parcours nettement plus héroïque et attendu. Et du côté de l'aventure et des scènes d'action, si Scott nous sert vers le début du film l'efficace siège d'un château français, il faut surtout attendre la dernière demi-heure avant de commencer à y trouver son compte. En s'amusant à faire une sorte de D-Day inversé à l'époque médiévale, Ridley Scott nous livre une séquence enfin capable de rivaliser face à ces deux prédécesseurs que sont Gladiator et Kingdom of Heaven.

            Si Robin des Bois n'est sûrement pas un mauvais film d'ouverture pour le festival de Cannes, on se souvient du désastre qu'avait été la projection de l'innommable Da Vinci Code du mauvais Ron Howard, il n'est absolument pas à la hauteur de son prédécesseur, Là-haut. Ridley Scott n'ayant signé que deux chefs d'oeuvres, Gladiator et American Gangster, depuis son road-movie Thelma et Louise, c'est-à-dire une bonne vingtaine d'années, et que ce dernier date de 2007, on se dit que l'on n'est pas encore près de voir de sa part une nouvelle grande oeuvre. Le temps d'Alien et de Blade Runner est loin, et ce n'est pas ses projets, une adaptation du jeu « Monopoly » et son Alien Prequel en 3D, qui vont nous rassurer.

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Mark Strong, Oscar Isaac et William Hurt. Universal Pictures International FranceRussell Crowe. Universal Pictures International France

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1 juin 2010 2 01 /06 /juin /2010 17:39

                                                      Wild Bunch Distribution

 - Film français sorti le 05 mai 2010

 - Réalisé par Gaspar Noé

 - Avec Nathaniel Brown, Paz de la Huerta, Cyril Roy,…

 - Fantastique, Drame

            Oscar et sa soeur Linda habitent depuis peu à Tokyo. Oscar survit de petits deals de drogue alors que Linda est stripteaseuse dans une boite nuit. Un soir, lors d'une descente de police, Oscar est touché par une balle. Tandis qu'il agonise, son esprit, fidèle à la promesse faite à sa soeur de ne jamais l'abandonner, refuse de quitter le monde des vivants. Son esprit erre alors dans la ville et ses visions deviennent de plus en plus chaotiques et cauchemardesques. Passé, présent et futur se mélangent dans un maelstrom hallucinatoire...

Wild Bunch DistributionWild Bunch Distribution

            Le nom de Gaspar Noé a résonné dans toutes les oreilles en 2002. C'est avec son Irréversible que le Festival de Cannes avait eu cette même année l'un des plus grands scandales de son histoire : violence extrême, scènes de sexe explicites, défonçage de crâne avec un extincteur, viol en plan fixe et en temps réel,... Mais depuis plus grand-chose. Il y a pile un an, il présentait enfin, dans une copie largement imparfaite, son souvent repoussé Enter the Void (un temps bêtement traduit par « Soudain le vide » qui avait fait la joie de nombreux critiques de la presse). Projeté à la fin d'une sélection qui s'était révélée très riche et s'étant fait volé le statut de « scandale de Cannes » par l'Antichrist de Lars Von Trier, le film de Noé était passé dans l'indifférence générale. Il a donc fallu un an pour que Noé puisse enfin sortir le fameux film dont il rêve depuis près de vingt ans.

            Disons-le tout de suite : l'intérêt d’Enter the Void n'est sûrement pas dans son histoire. En effet, Noé « adapte » « Le Livre tibétain des Morts » ou « Bardo Thödol », c'est-à-dire qu'il essaye de faire vivre au spectateur l'expérience de la mort telle qu'elle est décrite dans le livre ; une séquence dans les escaliers permet d'ailleurs à un des protagonistes d'en résumer les différentes étapes afin que le public ne se sente pas perdu durant les deux heures qui vont suivre. Sujet oblige, le film est donc obligatoirement vu à la première personne, le spectateur devenant pendant deux heures et demie cet Oscar. C'est là où Enter the Void atteint sa première limite : il est assez difficile (ou désagréable) de s'identifier et de s'attacher à un jeune junkie ni très subtil et encore moins intelligent. De ce point de vue, la virtuosité est vraiment technique puisqu'elle amène de nombreux et brillants plans séquences. La première demi-heure en est le meilleur exemple : un très long plan séquence subjectif entrecoupé d'une belle scène de trip lorsqu'Oscar se retrouve sous acide. La voix off, c'est-à-dire le monologue intérieur d’Oscar, est travaillée de manière à lui donner une sonorité particulière et Noé pousse le vice jusqu'à recréer les battements de paupières de manière constante. Cette audacieuse introduction, qui rappelle celle du film Strange Days de Kathryn Bigelow, est aussi le moyen de présenter tous les personnages qui vont émailler les très nombreuses visions d'Oscar après son exécution. Ce plan s'achève évidemment brutalement avec la mort d'Oscar par une balle de la police venue l'arrêter ; illustrant parfaitement le thème de prédilection de Noé : le risque de tout perdre en un instant.

            Jusque là on est plutôt convaincu par l'audace et la maîtrise de Noé, et ce, même avant le premier long « plan » du film. Afin de faire entrer le spectateur dans l'ambiance de son long-métrage, Gaspar Noé le commence par un générique de début (qui fait aussi office de celui de fin) assez particulier et génial : complètement pop, effréné et à effets stroboscopiques et épileptiques, il fait évidemment écho au générique et à la fin d'Irréversible. Mais c'est après la mort d'Oscar que le film « commence » vraiment et c'est à partir de là que l'on commence à être partagé. Encore une fois du côté technique c'est absolument irréprochable. Les images sont sublimes, audacieuses, envoutantes et elles sont doublées d'une bande son vraiment prenante. Tout y est pour plonger le spectateur dans une ambiance troublante et viscérale. Pendant ces deux heures et demie on ne cesse d'être secoué, que ce soit par les plans aériens tourbillonnants au-dessus d'un Tokyo fantasmagorique, par la tristesse bouleversante de Linda (jouée par Paz de la Huerta, tantôt émouvante, tantôt exaspérante) après la mort de son frère, par la violence de certaines séquences... Ce dernier aspect peut d'ailleurs rebuter un certain nombre de spectateurs car si cette violence n'atteint pas le niveau de celle d'Irréversible elle est d'un extrême réalisme ; parfois pas loin de la complaisance lorsque Noé nous ressert pour la troisième fois le flashback traumatique de l'accident qui tua les parents des deux héros. Cette mise en scène audacieuse s'essouffle aussi à un moment, lorsqu'Oscar survole la ville pour observer sa soeur essayant de faire son deuil. La répétition du même schéma, qui est certes logique par rapport aux différentes étapes de l'au-delà énumérés au début du film, finit par lasser sérieusement, d'autant plus que certaines séquences étaient assez dispensables (notamment la scène de l'avortement et la scène de sexe saphique avec Linda). C'est dans cette partie que le film aurait grandement mérité d'être raccourci d'une petite demi-heure. Mais Noé se rattrape lors des vingt dernières minutes en nous offrant entre autres un plan séquence, que n'aurait pas renié Brian de Palma et qui semble tout droit sortir de son Snake Eyes, où la caméra se balade au-dessus des pièces multicolores d'un Love Hôtel et où l'on assiste aux ébats sexuels variés d'un grand nombre de couples.  

            A l'instar du récent Avatar de Cameron mais surtout du 2001 : L'Odyssée de l'espace de Kubrick qui est le modèle de Gaspar Noé, Enter the Void revendique avant tout son appartenance au cinéma « de la sensation ». Mais là où Avatar proposait en plus une intrigue classique mais très riche et construite et où 2001 amenait à une très forte réflexion philosophique et métaphysique sur l'Homme et sa place dans l'Univers, Enter the Void apparait comme étant au final d'une certaine vacuité. Son plus grand défaut est sans nul doute qu'une fois après avoir vécu l'expérience de ce trip, une seconde vision n'est absolument pas nécessaire, voire pourrait même être préjudiciable au film. Car une fois la découverte passée que reste-il ? Le peu d'histoire se retrouve concentré dans une petite demi-heure où Oscar, après avoir été tué, revoit en flashbacks désordonnés des morceaux de son ancienne existance. C'est ce passage qui permet surtout de donner une certaine épaisseur aux personnages présents directement ou indirectement dans le plan séquence initial. C'est aussi cette partie du film qui permet d'étoffer l'élément central d'Enter the Void, c'est-à-dire la relation entre Oscar et sa soeur (leur traumatisme commun, leur « pacte de sang » leur interdisant de se séparer, leur sentiments ambigus,...). Mais rapidement le film finit par tourner à vide en enchainant des séquences assez agaçantes de puérilité : l'inévitable scène du gosse qui découvre ses parents en train de faire l'amour ; une transition (très) maladroite entre un ébat sexuel et un allaitement ; une scène où Noé, pour instaurer le doute chez le spectateur au sujet de la relation entre Oscar et Linda, ne trouve rien de mieux que de montrer le premier en train de renifler les culottes de la seconde ;... C'est un peu là où réside tout le paradoxe de Noé : son indéniable et formidable audace technique et sa grande faiblesse d'écriture ; sa tendance au voyeurisme et à la « provocation » gratuite (le gros plan sur le foetus avorté, le plan « subjectif » du pénis pénétrant dans un vagin) qui cache en fait une véritable naïveté voire une certaine forme de romantisme. Le meilleur exemple de ce paradoxe réside dans la fin d'Enter the Void où toute cette violence, cette tristesse, cette souffrance souvent insoutenable et dérangeante s'achève par un coït sublime permettant la réincarnation d'Oscar.

            Avec ce film, Gaspar Noé aurait pu frôler le chef d'oeuvre.  Mais Enter the Void pâtit de son parti pris : être un « gigantesque plan séquence subjectif ». Et qui dit plan séquence dit aussi une certaine forme de temps réel, et ce, même si Noé s'amuse à brouiller le passé, le présent et le futur tout comme il se délecte aussi à brouiller l'espace. Et outre l'aspect technique réussi de cette démarche cela nous amène à assister à de longues séquences parfois inutiles, comme lorsque l'on est obligé d'assister aux ébats interminables entre Linda et son petit ami pour que la première apprenne enfin la mort de son frère. Mais si la finalité du film nous apparait comme assez vaine, on en demeure cependant pas moins impressionné par l'audace du film, faisant d'Enter the Void le film (français) le plus suicidaire et audacieux de ces dernières années.

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Wild Bunch DistributionWild Bunch Distribution

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26 mai 2010 3 26 /05 /mai /2010 12:40

                                                      Pretty Pictures

 - Film argentin sorti le 5 mai 2010

 - Réalisé par Juan José Campanella

 - Avec Ricardo Darin, Soledad Villamil, Pablo Rago,…

 - Drame

            En 1974 à Buenos Aires, Benjamin Esposito enquête sur le viol et le meurtre d'une jeune femme. 25 ans plus tard, il décide d'écrire un roman basé sur cette affaire « classée » dont il a été témoin et protagoniste. Ce travail d'écriture le ramène à ce meurtre qui l'obsède depuis tant d'années mais également à l'amour qu'il portait alors à sa collègue de travail. Benjamin replonge ainsi dans cette période sombre de l'Argentine où l'ambiance était étouffante et les apparences trompeuses...


Guillermo Francella et Ricardo Darin. Pretty PicturesSoledad Villamil et Ricardo Darin. Pretty Pictures

            Au même titre que Departures l'année dernière, Dans ses yeux (pâle traduction d'El Secreto de sus Ojos) a crée la « surprise » en raflant cette année l'oscar du meilleur film étranger au nez à la barbe des deux favoris : Le Ruban Blanc et Un Prophète. Une heureuse initiative puisqu'elle permet de mettre en lumière un film qui n'aurait sûrement pas autant bénéficié d'une telle distribution et qui se révèle en plus être particulièrement réussi.

            L'une des premières qualités du film de Campanella, et elles sont assez nombreuses, est son refus d'appartenir à un seul genre. Et ici, le mélange est toujours bien dosé et efficace. Le film alterne les séquences humoristiques avec notamment le personnage hilarant de Pablo Sandoval (incarné par Guillermo Francella), les séquences de suspenses assez efficace (celle de l'ascenseur ou dans la maison de la vieille femme), et les scènes plus intimistes se focalisant sur la relation entre Benjamin et sa supérieure Irene Menendez Hastings  dont il est secrètement amoureux. L'interprétation des acteurs est aussi extrêmement juste, que ce soit Pablo Rago en mari hanté par le viol et l'assassinat de la femme de sa vie, Guillermo Francella en alcoolique bien plus lucide qu'il n'y parait ou encore Soledad Villamil en femme tiraillée entre deux hommes. Mais le plus marquant reste évidemment Ricardo Darin, le narrateur d'une certaine façon et le fil conducteur de l'histoire. Toujours sobre, il arrive par son simple regard à faire passer une multitude d'émotions et de sentiments. Et cela tombe d'autant mieux que le regard et le non-dit sont au centre du film. C'est le regard désespéré de Ricardo Morales qui hante Benjamin depuis trente ans et qui l'amène à devenir obsédé par cette enquête. C'est par le regard que sera trahi l'assassin présumé. Et c'est aussi par le regard que se reflètera l'amour non avoué entre les deux personnages principaux. Un peu comme le Memories of Murder de Bong Joon-ho qui contient l'un des échanges de regards les plus intenses de l'histoire du cinéma, Dans ses yeux s'intéressent à ses courts moments silencieux qui peuvent changer entièrement la situation en révélant leurs « secrets ».

            Au niveau de la mise en scène, Campanella préfère heureusement une mise en scène classique, non tape-à-l'oeil qui est particulièrement approprié au sujet du long métrage. Cependant il arrive à « libérer » sa caméra lors de séquences plus ambitieuses et intense. Le meilleur exemple est le plan séquence époustouflant vers le milieu du film se déroulant dans un stade lors d'un match de football. Comme pris d'un accès de folie, le réalisateur fait venir sa caméra du ciel jusque dans les gradins où l'on y retrouve Benjamin et Pablo cherchant le meurtrier. La caméra les suit se frayant difficilement un chemin au milieu d'une foule en délire avant que ne s'engage une intense et longue course poursuite. Au milieu d'une mise en scène plutôt calme on pouvait craindre que ce plan ne fasse « tâche » mais il est tellement maîtrisé et inattendu qu'il s'intègre aisément ; à un tel point même qu'il nous rappelle quelques beaux moments du film d'Alfonso Cuaron Les Fils de l'Homme. Et en plus d'une belle photographie et d'une excellente interprétation, la bande originale est elle-aussi bien écrite.

            Mais l'atout principal de Dans ses yeux demeure son histoire et la manière dont elle est amenée. Prenant comme point de départ l'écriture (difficile) de cette obsédante affaire par Benjamin trente ans après les faits, le film se structure en d'incessants flashbacks tout en arrivant à rester toujours compréhensible. L'enquête demeure toujours passionnante avec de nombreux rebondissements et un suspense savamment entretenu. Mais c'est surtout dans son aspect dramatique que le film est particulièrement bon. Car Dans ses yeux  montre de manière subtile la façon dont Benjamin va passer à côté de celle qu'il aime, et ce, pendant près de trente ans. Si cette affaire l'obsède autant c'est parce qu'il y a rencontré Irene (rencontre par laquelle il envisage un temps de commencer son roman car étant le début le plus évident) et qu'ils se sont rapprochés au cours de l'enquête car ils ont tous les deux été menacés. Le second drame du film est l'incapacité de Ricardo Morales à faire le deuil de sa femme assassinée. Il n'aura de cesse d'essayer de retrouver le responsable afin qu'il soit puni comme il se doit (la séquence dans la gare est particulièrement cruciale d'ailleurs). Enfin le troisième drame se joue en arrière plan puisque l'intrigue se déroule en grande partie lors de l'installation en Argentine de la dictature militaire par le général Videla. Tous ces éléments font de Dans ses yeux un film particulièrement dense et émouvant dont le point culminant est atteint lors d'un dénouement sublime qui évite astucieusement les clichés. Lors de la révélation finale, Dans ses yeux devient alors un film d'une mélancolie rare sur la hantise et la souffrance de l'amour perdu.

            Mélange des genres efficace et grand public comme l'était son prédécesseur Departures, Dans ses yeux est un film divertissant, captivant et bouleversant, un long métrage qui est en tout point de vue une réussite et auquel il serait dommage de passer à côté en ce morne mois de juin.

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Ricardo Darin et Pablo Rago. Pretty PicturesRicardo Darin. Pretty Pictures

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9 mai 2010 7 09 /05 /mai /2010 17:46

                                                      Metropolitan FilmExport

 - Film britannique sorti le 21 avril 2010

 - Réalisé par Matthew Vaughn

 - Avec Aaron Johnson, Nicolas Cage, Chloe Moretz,…

 - Action, Drame

            Dave Lizewski est un adolescent gavé de comics qui ne vit que pour ce monde de super-héros et d'incroyables aventures. Décidé à vivre son obsession jusque dans la réalité, il se choisit un nom - Kick-Ass - se fabrique lui-même un costume, et se lance dans une bataille effrénée contre le crime. Dans son délire, il n'a qu'un seul problème : Kick-Ass n'a pas le moindre superpouvoir... Le voilà pourchassé par toutes les brutes de la ville. Mais Kick-Ass s'associe bientôt à d'autres délirants copycats décidés eux aussi à faire régner la justice. Parmi eux, une enfant de onze ans, Hit Girl et son père Big Daddy, mais aussi Red Mist. Le parrain de la mafia locale, Franck D'Amico, va leur donner l'occasion de montrer ce dont ils sont capables...

Aaron Johnson, Evan Peters et Clark Duke. Metropolitan FilmExportAaron Johnson. Metropolitan FilmExport

            Repoussée un long moment notamment à cause d'une production mouvementée par des studios trop frileux, l'adaptation du comics « Kick-Ass » a réussi à voir le jour de manière complètement indépendante permettant ainsi une liberté totale au réalisateur Matthew Vaughn. Et à la différence du tout récent Adèle Blanc-Sec de Luc Besson, Vaughn réussit haut la main son adaptation de bande dessinée.

             Le réalisateur britannique a pour le moment signé un parcours sans faute : Stardust, le mystère de l'étoile, un film fantastique pour enfants assez réussi et surtout le très sous-estimé à sa sortie Layer Cake, film de gangster fortement inspiré des longs métrages de Martin Scorsese et qui offrait l'un des meilleurs rôles à l'actuel James Bond, Daniel Craig. Avec Kick-Ass il s'attaque au film de super-héros, genre très en vogue depuis les grandes réussites que sont X-men de Bryan Singer et surtout la trilogie Spider-man de Sam Raimi. Cette dernière est l'une des inspirations principales du film tant par la voix off du jeune héros, omniprésente et parfois agaçante, que par le personnage lui-même, ersatz de Peter Parker, complètement maladroit et timide avec les filles entre autres. Mais à l'instar du Inglourious Basterds de Tarantino et du Avatar de Cameron, il est impossible de limiter Kick-Ass à un genre tant les tonalités varient d'une séquence à l'autre, voire carrément d'un plan à l'autre. Car Kick-Ass est aussi une comédie fortement inspiré des « teen movies » à l'américaine, un film d'action avec ses séquences de bagarres et de fusillades, un « revenge movie » avec la quête meurtrière de Big Daddy et de Hit Girl, un drame lors de certaines séquences plus intimistes et introspectives… 

            Ce mélange des genres plutôt inhabituel dans les « films de super-héros », que l'on a tendance à penser tout public, peut surprendre voire rebuter. A l'image de cette séquence du film où Kick-Ass décide pour la première fois de passer à l'action en combattant deux voleurs de voitures. Le début du combat est d'une violence surréaliste, complètement fun, la rendant agréable et amusante, à l'image de la séquence qui ouvre le film où l'on voyait un super-héros s'élançant courageusement d'un gratte-ciel avant de violemment s'écraser sur la voiture tout en bas. En un plan le ton change : Kick-Ass s'aperçoit que l'un des deux brigands lui a planté un couteau dans le ventre. La panique et l’horreur s'installe et alors que Kick-Ass tente de s'échapper, n'ayant plus trop conscience de ce qui se passe, il se fait violemment renverser par une voiture. Kick-Ass est un projet marginal et c'est ce qui l'a rendu difficile à monter et à financer. C'est un film qui se veut fun, amusant, surréaliste, excessif (notamment dans ses scènes de violence) et qui contrebalance cet aspect par des séquences plus ancrée dans la réalité et plus dérangeante. Vaughn cherche, et réussit, à ne pas faire tomber son long-métrage dans la caricature excessive et jouissive en rappelant souvent que dans la réalité cela ne se passe pas aussi bien. Le personnage qui bénéficie le plus de ce double traitement, et à qui il est nécessaire d'ailleurs, est la désormais fameuse Hit Girl ; personnage qui était d'ailleurs la raison principale du refus des studios de produire le film qui souhaitaient le supprimer du scénario. Car s'il est super jouissif et drôle de voir une gamine de sa taille découper des adversaires quatre fois plus haut qu'elle, il est important de rappeler aux spectateurs que ce qu'il regarde est aussi extrêmement dérangeant : à la fin du film c'est quand même une fillette qui se fait violemment frapper au visage par un adulte (d'où une nécessaire déréalisation pour ne pas faire tomber non plus le film dans l'abjection et la complaisance).

            D'un point de vue plus technique, le film se révèle très inspiré. Si les costumes, les décors et les effets spéciaux sont plutôt réussis, ce n'est pas le point le plus fort de Kick-Ass. Son premier avantage est sa réalisation dynamique et audacieuse (dont la séquence magistrale où Hit-Girl tente de sauver son père et Kick-Ass des griffes de tortionnaires mafieux est l'apogée), là où la majorité des films de ce type sont filmés avec un académisme assez navrant. Le metteur en scène auquel on pourrait rapprocher le style de Vaughn dans Kick-Ass est évidemment Quentin Tarantino, par le nombre de référence à la « sous-culture », par sa séquence animée façon Kill Bill, mais aussi par la reprise de musiques et de chansons pour accompagner les séquences (dont une de Ennio Morricone tiré de Et pour quelques dollars de plus de Sergio Leone). Cela dit, Vaughn refait quelques allusions à Martin Scorsese en reprenant la scène culte de Taxi Driver (dont le héros Travis adoptait une démarche semblable au personnage de Kick-Ass : échapper à sa condition minable en accomplissant un acte « héroïque » aux yeux de tous mais qui se révèle quelques peu réactionnaire) ou encore avec le plan final, rappelant Les Affranchis, voyant un des personnages tirer sur le spectateur. Si la plupart des acteurs sont très convaincant, dont un Nicolas Cage délirant enfin revenu à son niveau d'antan, la vraie révélation du film, et déjà de l'année, est Chloe Moretz. Au même titre, l'année dernière, que Sam Worthington dans Terminator Renaissance ou Christoph Waltz dans Inglourious Basterds, elle efface à un tel point ses partenaires que, tout comme Tom Cruise dans Entretien avec un vampire, on finit par presque s'ennuyer lorsqu'elle n'est pas à l'écran. Nul doute que l'on a devant nous une future Natalie Portman qui avait débuté sa carrière avec le rôle de Mathilda, une jeune fille qui voulait devenir tueuse à gage, dans le film Léon de Luc Besson. De même Kick-Ass est aussi l'occasion de revoir l'un des meilleurs acteurs apparus sur les écrans ces dernières années : Mark Strong (et son emploi du temps est chargé avec prochainement rien de moins que Robin des Bois de Ridley Scott, A marche forcée de Peter Weir, The Eagle of the Ninth de Kevin Macdonald, Green Lantern de Martin Campbell et John Carter of Mars d'Andrew Stanton).

            Mais Kick-Ass est avant tout une relecture, une analyse de ces mythes modernes que sont les super-héros. Après les deux films de Christopher Nolan, Batman Begins et The Dark Knight, et l'adaptation de Watchmen - Les Gardiens par Zack Snyder, le cinéma continue à s'interroger sur ces « surhommes ». Sont-ils de grands héros que l'on doit « vénérer » ? En sauvant et parfois tuant arbitrairement, même pour le bien, ne deviennent-ils pas les porte-étendards d'une justice arbitraire au-dessus des lois ? Un homme qui porte un masque et un costume pour chasser le crime peut-il être autre chose qu'un être dérangé ? Après tout Big Daddy n'est pas un sosie de Batman pour rien. Il est porteur d'un violent traumatisme qui l'entrainera dans une vendetta personnelle qu'il fera passer pour l'accomplissement de la justice, tout comme le héros de Bob Kane mais aussi Spider-man. D’'ailleurs un super-héros peut-il exister dans la vie réelle et sans son essence même que sont les superpouvoirs ? C'est tout le parcours de Dave qui reculera à chaque fois face au danger bien trop fort pour lui. Kick-Ass est une lutte entre le fantasme ultime d'un geek mal dans sa peau qui se rêve l'idole de tous, le défenseur de la justice contre le crime et surtout le petit ami de la plus belle fille du lycée qu'il n'aurait jamais dû pouvoir se faire dans la vie réelle, et la réalité bien plus violente où l'imaginaire n'a plus vraiment sa place. Ce réel sans espoir, ni droiture, ni fantaisie est personnifié par le « bad guy » D'Amico (Mark Strong) qui refuse de voir l'amour de son fils pour les comics et qui déteste férocement tous les super-héros. D'où un final hystérique et excessif en totale opposition avec le ton du film afin de souligner la victoire définitive de Dave sur ce réel devant lequel il avait toujours reculé et qui l'avait empêché de s'accomplir définitivement en tant que super-héros. 

            Kick-Ass est donc un film de super-héros surprenant, à la fois amusant et prenant tout en se révélant bien plus profond par son analyse de cette « sous-culture » devenue incontournable. Mais de toute façon il faut impérativement voir ce film subversif pour son personnage génial de Hit-Girl. Subversif au point même de faire d'une fillette de onze d'apparence tout à fait respectable le personnage le plus « badass » de ces dernières années.

* * * * *                                                                                               

Aaron Johnson et Chloe Moretz. Metropolitan FilmExportMark Strong et Christopher Mintz-Plasse. Metropolitan FilmExport

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