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3 juillet 2011 7 03 /07 /juillet /2011 17:02

 - Titre original : Transformers - Dark of the Moon

 - Film américain sorti le 29 juin 2011

 - Réalisé par Michael Bay

 - Avec Shia LaBeouf, Rosie Huntington-Whiteley, Tyrese Gibson,…

  - Science-fiction, Action 

              Un évènement mystérieux lié à notre passé éclate au grand jour. C'est la guerre qui menace aujourd'hui notre Terre. Une guerre d'une telle ampleur que l'aide des Transformers pourrait, cette fois, ne pas suffire à nous sauver…

Rosie Huntington-Whiteley & Shia LaBeouf. Paramount Pictures France

            Michael Bay est un cas très complexe dans le milieu de la grosse production hollywoodienne. Souvent honnis par les cinéphiles pour des raisons parfois très compréhensibles (scénario rachitique au détriment d'une avalanche d'effets spéciaux et d'explosions, humour en dessous de la ceinture, traitement catastrophique des personnages féminins,...) son style immédiatement reconnaissable fait cependant de lui un « auteur » à part entière. D'une extrême générosité au niveau du divertissement (en termes de spectacles ses films valent largement le prix du billet), il se montre souvent brillant technicien et grand bosseur ce qui apporte une plus-value à ses long-métrages. Et c'est enfin un réalisateur de films d'actions qui refuse de déléguer ces séquences de bravoure et de destruction à une seconde équipe.  

            L'allumage constant qu'il subit par la critique spécialisée internationale n'empêche cependant pas ses films de cartonner au box-office et de toujours se doter de castings fourmillant d'acteurs dits « respectables » (Ed Harris et Sean Connery dans The Rock, Steve Buscemi dans Armageddon, Ewan McGregor dans The Island, John Turturro dans la trilogie Transformers...). Néanmoins, aussi virtuoses techniquement soient-ils, les films de Michael Bay souffrent souvent d'un récit abscons et d'un rythme assez inégal, le bonhomme aimant souvent que ses long-métrages atteignent pas loin de deux heures et demie. Cela transforme parfois les projections de ses films en sortes d'expériences métaphysiques qui tenteraient de tester les limites du corps humains (les yeux, les oreilles et le cerveau en prenant souvent un coup). Et lorsque Bay tente de radicaliser encore plus son « style », cela donne des objets filmiques aberrants, outranciers, exaspérants et épuisants comme Bad Boys 2 et Transformers 2. Ce dernier avait d'ailleurs atteint un summum de médiocrité, de néant scénaristique et de consternation humoristique qui faisait perdre tout espoir en un troisième épisode un tant soit peu regardable.   

            Cependant il ne faut jamais dire jamais. Les premières bandes annonces de Transformers 3 laissaient présager un spectacle tout simplement monstrueux au niveau de la pyrotechnie et du défi technique. De plus, le film marquait les premiers pas de Michael Bay dans le format de la vraie 3D, format qu'il avait pourtant critiqué et mis en doute avant qu'on ne le lui ait en quelques sortes imposé. Première bonne nouvelle : cette 3D est très clairement la plus impressionnante et immersive depuis celle du Avatar de James Cameron.  Il est d'ailleurs paradoxal de remarquer que c'est un sceptique qui montre à tous les opportunistes adeptes de la post-prod dans une boite du Tiers-Monde  comment il faut dignement se servir de ce nouveau moyen de narration. En plus de retenir Transformers 3 comme le premier film de guerre en 3D, celui-ci ouvre la vague des films vraiment tourné en trois dimensions et porteurs vraisemblablement d'un vrai point de vue de mise en scène (Tintin de Spielberg, Hugo Cabret de Martin Scorsese, Bilbo le Hobbit de Peter Jackson, Pacific Rim de Guillermo Del Toro notamment).   

            La séquence d'introduction de ce troisième épisode est même impressionnante de maîtrise. Bay arrive clairement à exposer les enjeux au détour d'une séquence qui revisite par le biais d'un mélange d'images fictives et réelles (parfois retouchées) l'épisode de la conquête spatiale. Cette illusion apparait pourtant vite au grand jour pour révéler de nouveau le vrai Bay. La première image introduisant le personnage féminin qui remplace l'insipide et catastrophique Megan Fox après ses propos légèrement provocants n'est autre qu'un gros plan sur la culotte de cette dernière (jouée par le mannequin de « Victoria’s Secret », Rosie Huntington-Whiteley). Si cette dernière a un léger rôle dans l'intrigue, notamment en amenant un personnage à faire un saugrenu mais salvateur changement de camps, elle reste encore une fois un personnage-vitrine chargé de faire baver les deux ou trois « geek » encore fans des jouets dont sont tirés les films (ses courbes sont même littéralement comparées à celles d'une voiture). Cependant Huntington-Whiteley n'est pas aussi mauvaise actrice qu'on aurait pu craindre, bien qu'assez inexpressive, mais elle évite les postures d'allumeuses vulgaires que Fox nous faisaient toutes les minutes pour sortir le public masculin de sa torpeur face au deuxième épisode.  

            La première heure et demie dispose aussi d'un semblant de scénario qui pose les bases de quelques idées potentiellement intéressantes : théories du complot, détournement des robots pour alimenter l'interventionnisme américain, les difficultés du héros des deux premiers opus à revenir à une « vie normale » (mais néanmoins très aisée) et à souffrir du manque de reconnaissance du gouvernement qu'il a sauvé à deux reprises (ce qui donne droit à une séquence assez drôle où le jeune Sam reçoit une médaille de la part de Barack Obama). Cependant, Bay n'arrive pas à doser son long-métrage et laisse parfois place à d'absurdes séquences comiques largement dispensables, notamment avec le personnage de l'employé asiatique forcément hystérique et pervers ; Ken Jeong repoussant ici les limites du cabotinage outrancier et embarrassant. L'inattendu John Malkovich en fait aussi des caisses mais se révèle assez amusant au détour d'une séquence montrant l'angoisse du héros lors d'un entretien d'embauche ; il l'est cependant un peu moins lorsqu'il s'amuse à faire des guili-guili à un robot géant. De même la présence de Frances McDormand est surprenante dans le bon sens du terme (il doit y avoir une close dans le contrat pour un film des frères Coen stipulant qu'il faut passer chez Michael Bay).  

            Mais très vite le film s'essouffle malgré ses semblants de « twists » et de rebondissements. Un nombre incalculable de séquences pourrait être raccourcies voire supprimées sans que cela n'interfère dans le déroulement du récit principal. Et malgré trois morceaux de bravoure assez courts (un à Tchernobyl, un autre sur une autoroute qui s'achève sur un ralenti en 3D tout bonnement hallucinant et un duel « leonien » entre quatre robots), on finit très vite par s'ennuyer. Car on est venu pour une chose principalement : la grosse scène d'action à Chicago que nous vend les diverses bande annonces. Au bout d'une heure et demie, on finit même par se sentir agacé voire frustré. Mais c'est quand l'intertitre indiquant « Chicago » apparait à l'écran que le film commence véritablement. Et à partir de ce moment-là les nombreux défauts des deux premiers tiers (humour consternants, moments lacrymaux gonflants, patriotisme sous-jacent,...) sont quelques peu rachetés  par la débauche pyrotechnique qui va s'enclencher sur près de trois quarts d'heure.  

            La longue bataille s'ouvre sur quelques images étonnamment violentes de massacre de civils ponctué d'ellipses qui font écho à la première moitié de La Guerre des Mondes de Spielberg. Une ouverture surprenante quand on sait l'adoration que voue Bay aux scènes de destruction. La bataille s'ouvrira donc directement sur la métropole déjà à feu et à sang. Un décor apocalyptique bluffant de réalisme où se déroulera une bataille d'une générosité visuelle sans égale. Tout va alors y passer : entre ciel et terre, à l'air libre ou dans les gratte-ciels, duels à mort ou fusillades de groupes... Certains passages sont moins trépidants, surtout vers la fin car trop d'action tuent l'action, mais quelques séquences sont justes les plus sidérantes et les plus impressionnantes vues dans un blockbuster depuis au moins le dernier film de Cameron. Deux moments se démarquent très nettement pour le prix de la « meilleur scène d'action de l'année » : un saut en parachute en 3D absolument vertigineux (on s'accroche véritablement à son siège) et une séquence dans un building de deux cents mètres qui est cassé en deux par un ver mécanique de taille équivalente (obligeant les héros à faire du toboggan sur les parois du bâtiment). Deux passages absolument délirants ponctués d'autres séquences de combat tout aussi maîtrisés.  

            Transformers 3 n'est donc absolument pas dénué de défauts : humour beauf largement dispensable, astuces scénaristiques faciles et amenées à la truelle, des personnages parfois sous-écrits ou sous-exploité (notamment celui incarné par Patrick Dempsey ainsi qu'Optimus Prime), quelques dialogues moralisateurs assez ringards, rythme mal pensé,... Pourtant le film se révèle comme le meilleur (ou le moins pire diront certains) de la trilogie. Parce qu'une telle générosité est rare mais surtout parce que Bay, quoiqu'on en dise et pense, vient de passer un cap dans sa carrière. Sa mise en scène a évolué ces derniers temps, et la 3D l'a obligé à continuer dans ce sens, et se révèle d'une maîtrise assez surprenante. On ne changera pas Bay car tous les défauts précités font évidemment parti de son style si reconnaissable. Un style très agaçant certes, mais très peu de personnes à l'heure actuelle peut réclamer le titre d'actionner inspiré et efficace. Et à l'heure où un McTiernan ne peut plus tourner à cause de problème judiciaire et qu'un James Cameron ne fait qu'un film tous les six ans, Michael Bay fait partie des rares, avec Michael Mann et Tony Scott, à tenter de réaliser de grandes scènes d'actions qui brillent par leur inventivité visuelle et leur audace de mise en scène.  

NOTE à 6 / 10

 

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3 juillet 2011 7 03 /07 /juillet /2011 16:52

                                            

 - Titre original : Balada Triste De La Trompeta

 - Film espagnol sorti le 22 juin 2011

 - Réalisé par Alex de la Iglesia

 - Avec Carlos Areces, Antonio de la Torre, Carolina Bang,…

 - Drame, Comédie, Guerre 

              Dans l'enceinte d'un cirque, les singes crient sauvagement dans leur cage tandis qu'à l'extérieur, les hommes s'entretuent sur la piste d'un tout autre cirque : la guerre civile espagnole. Recruté de force par l'armée républicaine, le clown Auguste se retrouve, dans son costume de scène, au milieu d'une bataille où il finira par perpétrer un massacre à coup de machette au sein du camp national. Quelques années plus tard, sous la dictature de Franco, Javier, le fils du clown milicien, se trouve du travail en tant que clown triste dans un cirque où il va rencontrer un invraisemblable panel de personnages marginaux, comme l'homme canon, le dompteur d’éléphants, un couple en crise, dresseurs de chiens mais surtout un autre clown : un clown brutal, rongé par la haine et le désespoir, Sergio. Les deux clowns vont alors s'affronter sans limite pour l'amour d'une acrobate, la plus belle et la plus cruelle femme du cirque : Natalia...

SNDSND

            Le dernier film de l'espagnol Alex de la Iglesia est tourné depuis quelques temps et a reçu dans le territoire ibérique un véritable triomphe critique et public. Il a aussi fait le tour des festivals et y a remporté un franc succès, notamment lors du dernier festival de Venise où il a reçu le Lion d'Argent des mains de Quentin Tarantino. Il arrive enfin sur les écrans français, à une période fort peu opportune puisque, l'été étant arrivé, ces dernières semaines voient la venue des blockbusters américains. Et cela ne fera qu'accentuer le caractère « ovniesque » de ce film furieux.  

            Allons directement à l'essentiel : Balada Triste est un très grand film. Un film pas forcément facile à voir, à appréhender mais qui est essentiel, incroyablement audacieux, énergique et outrancier. Alex de la Iglesia orchestre ici l'un des mélanges de genres les plus sidérants et réussis de ces dernières années. C'est tour à tour un film de guerre, un drame romanesque, une comédie (très) noire, un film d'horreur et de monstres et un « revenge movie » ponctuée de fulgurances gores assez marquantes. Balada Triste est, avec le Tree of Life de Malick, l'un des films les plus riches (d'interprétations et d'influences) sortis ces derniers mois. Mais à l'inverse du film de Malick, le long-métrage d'Alex de la Iglesia est d'une noirceur absolue. Un immense constat pessimiste, sans illusion sur la nature violente, bestiale qui se cache dans chaque être. Une monstruosité qui n'attend qu'un déclic pour se déchainer. Une fois que l'on a franchi le pas, il est bien difficile de revenir en arrière.  

            Le film se pose comme un duel tiré tout droit d'un western. Deux personnages apparemment opposés vont en effet s'affronter. Le premier est Javier, le « clown triste ». Celui-ci n'a pas eu d'enfance : il a assisté à l'horreur de la guerre, a vu son père devenir fou et a contribué à sa mort en tentant de le venger. Face à ce lourd passé, il est condamné à ne pas faire rire les enfants autrement qu'en étant humilié par le clown souriant, véritable vedette du spectacle. Ce dernier s'appelle Sergio et, bien que l'on ne sache rien de son passé, il est tout aussi sombre que son comparse. Alcoolique, très violent, vulgaire, il dispose pourtant d'un talent inné pour faire rire les enfants. Il les aime d'ailleurs véritablement. Le seul problème comme il le dit, c'est que s'il n'était pas devenu clown il serait devenu psychopathe. Les deux clowns se révèlent cependant assez similaires : volonté de dépasser et d'annihiler les souffrances et la violence qui se cache au fond d'eux par le biais de l'humour et en rendant les enfants joyeux ; amour pour une même femme ; une nature monstrueuse qui n'attend qu'un élément déclencheur pour éclater au grand jour.…  

            L'objet de convoitise est l'acrobate Natalia, jouée par la sublime Carolina Bang. Au départ elle est perçue comme une magnifique femme battue par son terrible petit ami (Sergio). Une princesse en détresse pour laquelle Javier tombe sous le charme qui va s'acharner à sauver. Mais assez rapidement, au détour d'une séquence dans un restaurant qui est la meilleure du film, Natalia se révèle bien plus ambigüe et perverse. Une femme qui aime vivre (trop) dangereusement et qui aime souffrir d'une certaine manière. Une femme qui cherche l'amour, la protection mais de préférence toujours accompagnée d'un coup de poing.  Une femme qui est attirée à la fois par le « bon » et la « brute », incapable donc de choisir sans éprouver par la suite un manque. Cela entraine inévitablement la souffrance des deux hommes. Une souffrance telle qu'elle va les transformer littéralement en monstre. La séquence en montage parallèle convoque deux figures devenues célèbres par les productions Universal des années 20 et 30. Le « loup-garou » Javier se cache dans une tanière perdue en forêt après avoir tenté de tuer Sergio et est condamné, pour survivre, à chasser et à dévorer les cerfs qu'il croise. Son long séjour dans la nature déteindra sur sa peau qui noircira. Le visage mutilé et recousu de Sergio après cette violente agression convoque la figure du monstre de Frankenstein et la scène de l'opération fait directement écho à celle de la création du célèbre monstre.  

            La note d'intention était claire dès le départ avec un générique de début énergique qui entrecroisait les photos réelles de l'Espagne franquiste (et donc des partisans de Franco) avec ceux des monstres du cinéma à l'époque (dont le loup-garou et Frankenstein). Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que Balada Triste renvoie au très célèbre Freaks de Tod Browning. Les transformations des personnages en monstres ivre de violence se font ainsi à même la peau, Javier se taillant et se mutilant le visage afin d'avoir un masque « indélébile » (moment gore sidérant). Un masque effrayant qui marque sa chute dans la folie bestiale, la même dans laquelle était tombé son père lors d'une séquence d'introduction tétanisante et à la fin de sa vie. Le film entre alors dans sa seconde partie dans une sorte d'hystérie ultra violente, une sorte de massacre grand guignolesque particulièrement dépressif. Une immense spirale dans lequel plonge les deux personnages sans aucun espoir de retour et qui est intiée par la chanson de Raphaël, qui donne le titre au film d'Iglesia, tiré du long-métrage espagnol des années 70 Sin un adios.  

            Tout comme le magnifique Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro se servait de la guerre civile espagnole comme d'un arrière-plan qui faisait écho à son histoire fantastique et au parcours de la jeune héroïne, Balada Triste insert quelques évènements historiques dans sa trame principale. Javier assistera à une bataille entre les résistants et l'armée fasciste, il rencontrera Franco et lui mordra la main (il est à ce moment littéralement traité comme un chien par un homme qui le retient prisonnier afin de se venger d'une blessure qu'il a reçu de Javier des années auparavant). Une autre scène marquante voit le clown triste en pleine démence qui assiste à l'attentat qui tua en 1973 Carrero Blanco, successeur de Franco, et que l'on attribue à l'ETA. Scène assez irréelle où l'on assiste au vol d'une voiture au-dessus d'un toit et où le clown demande aux supposés terroristes de « quels cirques ils sont ». Le monde est un manège, une foire morbide, un jeu de massacre perpétuel où les clowns, chargés pourtant de faire rire et de faire oublier le malheur qui nous entoure, tirent sur la foule à coup de mitraillette et effraient les enfants.  

            Si la mise en scène des séquences des actions est parfois un poil hasardeuse (caméra secouée et images accélérées), Balada Triste regorge de séquences oniriques marquantes. Comme ce plan où le jeune Javier qui regarde son père être emmené par les milices armées alors qu'apparait derrière lui un lion placide, ou encore ce cortège funèbre qui voit toute la troupe du cirque, dont les animaux, apporter le corps de Sergio au médecin. L'une des plus impressionnantes est le cauchemar de Javier, qui le poussera au meurtre, qui flirte avec une imagerie volontairement grotesque et outrancière. Elle est, malgré l'horreur qui s'en dégage, révélatrice de l'humour très sombre mais très efficace qui traverse le film. Un humour désespéré comme dernier rempart contre cette déshumanisation de la société ; à noter que le « running gag » avec « Ghost Rider » est assez savoureux. Cela amène Balada Triste à revêtir des allures de gigantesque farce subversive accompagnée d'une bande originale réussie et rythmée.  

            Le dernier film d'Alex de la Iglesia prend une dimension assez bouleversante dans son dernier quart d'heure lorsque cette lutte à mort arrive à son terme, entrainant avec elle un final qui ne peut être heureux. Là encore, les références cinéphiles sont très fortes puisque Iglesia convoque Alfred Hitchcock avec Sueurs Froides et La Mort aux Trousses au cours de l'ascension vertigineuse du trio sur une croix immense sous laquelle repose les cadavres des travailleurs forcés de la construire par le régime franquiste. Entre les escaliers en colimaçon et les visages démesurés des statues, les deux clowns se livrent à un affrontement effrayant pour garder la « belle ». Cette scène renvoie évidemment à cet autre classique du film de monstre qu'est King Kong. La séquence se conclue, après un apogée de démence et de violence, par une chute vertigineuse, dramatique, bouleversante qui fait définitivement basculer le film dans la plus noire des tragédies. Et les derniers plans, faisant un écho inverse aux rires des enfants qui ouvrent le long-métrage, restent parmi les plus traumatisants vus sur un écran ces derniers mois.   

            Balada Triste rejoint sans problème le panthéon des tragédies grotesques, outrancières et furieuses dans lequel on retrouve le Scarface de Brian de Palma, le U-Turn d'Oliver Stone et dans une moindre mesure le Showgirls de Paul Verhoeven. Un film d'une richesse visuelle et thématique impressionnante, qui est à deux doigts de tomber dans le mauvais goût tout en réussissant à conserver un certain équilibre, et qui propulse Alex de la Iglesia comme l'un des plus grands réalisateurs européens actuels. Une immense claque qui dresse un portrait d'une noirceur absolue de l'humanité et qui hantera pendant quelques temps le spectateur qui aura fait le bon choix d'aller dans une des petites salles qui le diffusent. Et Balada Triste confirme une chose : les clowns sont bien des monstres comme les autres. 

NOTE à 8 / 10

SNDSND

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1 juillet 2011 5 01 /07 /juillet /2011 00:02

                                                    

 - Titre original : Blue Valentine

 - Film américain sorti le 15 juin 2011

 - Réalisé par Derek Cianfrance

 - Avec Ryan Gosling, Michelle Williams, Mike Vogel,…

 - Romance, Drame 

              Dean et Cindy se remémorent les bons moments de leur histoire et se donnent encore une chance, le temps d'une nuit, pour sauver leur mariage vascillant.

Ryan Gosling et Michelle Williams. Films sans FrontièresRyan Gosling. Films sans Frontières

            S'il y a bien une chose qui ne sonne que rarement juste au cinéma ce sont les histoires d'amour. D'autant plus lorsque le metteur en scène entend les aborder de manière réaliste. Comment réussir à se démarquer des innombrables productions ayant le même sujet ? Le metteur en scène, Derek Cianfrance, arrive à surprendre néanmoins alors que son film avait tout du long-métrage agaçant façon « festival Sundance » (par lequel il est passé). Le film ne se complait pas dans une mise en scène réaliste (comprendre sous le sens d'images moches) et misérabiliste.  

            Si le constat final est très amer, Blue Valentine n'hésite pas à montrer les instants joyeux, merveilleux qui permettent de bâtir une relation. Pour cela, le réalisateur construit son film par le biais d'un montage parallèle qui montre à la fois la façon dont le couple s'est créé et comment celui-ci a finit par se dissoudre. Ce montage est particulièrement bien pensé et d'une certaine logique puisqu'il permet d'expliquer par exemple la relation qu'entretient un personnage introduit dans une séquence auparavant. De même, le film sait alterner les points de vue et montrer ce que ressentent les deux protagonistes ce qui lui évite d'être trop centré sur l'un des membres du couple. D'un point de vue visuel, Blue Valentine est aussi réussi avec évidemment une prédominance du bleu et une grande importance donnée aux couleurs chatoyantes, lumineuses au fur et à mesure que le couple se forme, et afin de d'opposer ses séquences à la noirceur et aux ombres qui prédominent lors des scènes de disputes. 

            Le scénario est d'une grande précision et chaque dialogue ou séquence possède une réelle efficacité. On ressent bien le long travail de réécriture sur lequel Cianfrance s'est beaucoup appliqué au point d'écrire plus d'une cinquantaine de versions de cette histoire. Mais si Blue Valentine sonne aussi juste c'est avant tout grâce à l'immense talent de son duo de « jeunes » acteurs. Cela fait quelques temps qu'on le sait : Ryan Gosling est vraisemblablement l'un des acteurs américains les plus talentueux de sa génération. Et Michelle Williams a réussi à se dégager de l'emprise de la série « Dawson » pour s'affirmer comme l'une des actrices les plus intéressantes du moment (elle privilégie quelques projets de films indépendants et apparait dans un second rôle marquant dans Shutter Island de Martin Scorsese).  

            Tous les deux ont été obligé de vivre quelques temps sous le même toit afin de se préparer à leur rôle et à y apporter une forme d'intimité, d'alchimie. En résulte donc un couple très crédible, très juste ce qui confère une force à Blue Valentine que beaucoup de films romantiques n'ont pas. Le long-métrage n'aurait très certainement pas pu être aussi réussi et touchant avec d'autres acteurs. Tous les deux se montrent très impliqués dans leur rôle et arrivent à rendre attachant leurs personnages sans pour autant masquer leurs défauts : Dean a un penchant pour la bouteille qui l'a abimé après quelques années et souffre de quelques tocs ; Cindy a parfois une attitude méprisante et blessante au fur et à mesure que son couple se dégrade. Gosling et Williams, lors de quelques scènes, jouent avec un tel naturel que l'on peut parfois supposer qu'elles découlent de l'improvisation. Il faut aussi noter que cette promiscuité préparatoire amène ainsi les scènes de sexe à être étonnamment réalistes et fortes, le réalisateur n'ayant pas peur d'une certaine explicitation qui les rend plus belles et jamais vulgaires.  

            Le récit de Blue Valentine passe par toutes les grandes étapes d'une relation solide : le coup de foudre (« love at first sight ») que l'on voit du point de vue des deux protagoniste, les moments de séduction qui montre Ryan Gosling à son meilleur niveau de jeu, la « première fois », l'annonce de la grossesse (sûrement l'une des meilleures de l'histoire du cinéma), l'acceptation du statut de parents (d'autant plus compliqué pour le personnage joué par Gosling), le mariage, la jalousie, la routine, la déception, le dernier espoir et la peur de la rupture. Le film passe par tout un spectre d'émotions soutenu par des changements de couleurs et de lumières. Le récit est construit comme une forme de boucle puisque le personnage de Gosling, d'abord victime de la jalousie de l'ancien amant de sa compagne, va finir par agir exactement de la même manière (à agresser physiquement celui qu'il soupçonne d'être le nouvel amant, à espérer une seconde chance qui ne viendra pas) et à ressentir ainsi la même douleur insupportable. L'amour n'est qu'un éternel recommencement, une forme de cycle où chaque partenaire finit par être remplacé par un autre.   

            Blue Valentine est le récit d'un vague espoir. Un espoir qui tire sa force des souvenirs des personnages lorsqu'ils étaient heureux et confiants dans leur avenir. Une illusion qu'ils vont garder encore le temps d'une nuit (la séquence du motel qui se déroule dans une chambre à l'ambiance futuriste où le bleu est encore omniprésent) mais qui finira par éclater au grand jour. Et le déni du personnage de Gosling, venant de l'immaturité qu'il affiche dès la première scène, n'y changera rien. Les dix premières minutes se centrant sur la disparition du chien de la famille est assez symbolique de ce qui va suivre : quelque chose est mort ou s'est perdu en cours de route. Quelque chose qui faisait le ciment de cette famille. Le film retrace la recherche de cette chose qui n'aboutira qu'à un résultat funeste. Il est trop tard. Et le dernier plan, à la fois sublime et terrible, conclura cette histoire sur une note très amère. L'amour, de façon inéluctable, fait souffrir tous ceux qu'il a touché. Mais l'amour n'est pas pour autant un piège puisqu'elle permet la naissance de beaux « fruits » (une petite fille aimante dans le cas-présent). Et toute la beauté de cet amour réside, comme le montre le judicieux générique de fin, dans ces souvenirs de bonheur qui surgissent de la mémoire comme quelques feux d'artifices colorés et éphémères  

            Malgré son côté désespéré, sans illusion, Blue Valentine s'impose comme l'une des plus belles et l'une des plus justes histoires d'amour que le cinéma nous ait proposé ces dernières années. Une histoire qui, malgré sa volonté d'être réaliste et de mettre en scène un couple comme les autres, n'est pas dénué d'une certaine forme romanesque. Et en plus d'une élégante mise en scène et d'un scénario minutieux très émouvant, Blue Valentine est l'occasion de nous montrer un duo d'acteurs magnifiques dont les carrières ne sont pas prêtes de s'arrêter. On retrouvera d'ailleurs bientôt Ryan Gosling dans le Drive de Nicolas Winding Refn et la comédie Crazy, Stupid, Love de John Requa et Glell Ficarra.   

NOTE à 7,5 / 10

Michelle Williams. Films sans FrontièresMichelle Williams & Ryan Gosling. Films sans Frontières

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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 00:36

                                              

 - Titre original : Beginners

 - Film américain sorti le 15 juin 2011

 - Réalisé par Mike Mills

 - Avec Ewan McGregor, Mélanie Laurent, Christopher Plummer,…

 - Comédie dramatique 

              Oliver, illustrateur à Los Angeles, collectionne les ex et les déceptions amoureuses. Quand son père Hal tire sa révérence après avoir fait son « coming-out » à 75 ans et rejoint avec entrain la communauté homosexuelle, Oliver se penche sur ses relations familiales et ses échecs sentimentaux. Et il hérite d'un chien philosophe et bavard. La dépression guette. Jusqu'au jour où il rencontre Anna…

Ewan McGregor. MK2 DiffusionChristopher Plummer & Ewan McGregor. MK2 Diffusion

            En soi, l'histoire peu originale d'un trentenaire aisé ayant quelques talents d'artiste qui se retrouve en plein spleen après la mort de son paternel et une succession d'échecs sentimentaux n'avait à la base rien de bien séduisante. Déjà vue de façon plus ou moins lourdaude ou prétentieuse dans un millier de productions indépendantes. Pourtant Beginners est sûrement l'une de ces productions U.S. estampillé « Sundance » (soi-disant pas produites par les studios avec quelques acteurs célèbres cherchant le temps d'un film à revendiquer leur volonté de ne pas appartenir au système) les plus sympathiques de ces derniers mois.  

            La raison ne vient pas vraiment de la mise en scène. Si elle garde un certain dynamisme par quelques idées de montage plutôt inspirée, la réalisation demeure assez classique, sans grande audace technique ou visuelle. Là où le film dispose d'un sérieux atout c'est dans son scénario. Que ce soit dans sa structure, mélangeant de façon limpide le présent et les évènements passés du héros, ou dans son écriture, par le biais de dialogues justes et souvent très drôles. Beginners refuse justement un trop fort pessimisme et un réalisme sombre qui correspondrait à la dépression du personnage. Mike Mills privilégie une sorte d'ambiance rêveuse, lunaire qui fait écho au caractère naïf, inexpérimenté du jeune héros (« beginners » voulant dire « les débutants »). Un héros qui croit tout connaitre dans la vie : vie de famille complexe, déceptions amoureuse, solitude, deuil,... mais qui ressemble plus à un nouveau-né perdu qui ne comprend pas comment fonctionne le monde et les gens autour de lui.  

             Le film tient avant tout sur les épaules d'Ewan McGregor qui interprète le personnage principal qui raconte son histoire notamment par le biais d'une voix off pas trop désagréable et plutôt bien employée. Il arrive à insuffler une certaine sympathie à son personnage qui ne parait jamais arrogant ou trop égocentrique. Avec son personnage plein de faiblesses qui le rendent attachant, McGregor a rarement été aussi juste, ce qui n'est pas une mince affaire quand on voit certains de ces derniers rôles (dont The Ghost Writer de Roman Polanski). Mais il doit faire face à une rude concurrence avec Christopher Plummer qui interprète son père défunt qui, après la mort de sa femme, lui annonce qu'il est gay depuis près d'un demi-siècle. La grande prouesse de ce grand acteur qu'est Plummer c'est de ne pas jouer son rôle avec tous ces tics agaçants et grotesques que l'on affuble en général aux homosexuels. Pas de féminisation, pas une voix ou une attitude de « grande folle hystérique ». Grande sobriété donc qui amène une certaine modernité à Beginners (que l'on doit donc à l'intelligence de Plummer). Même Mélanie Laurent ne surjoue pas même si sa meilleure scène reste celle de la rencontre avec le héros alors qu'elle est temporairement muette (scène par ailleurs assez irrésistible et réussie). A noter aussi que le chien « joue » très bien et se révèle étonnamment expressif.  

            Le film joue sur l'illusion, sur ce qui est caché. Il faut un certain temps pour que l'on puisse élucider la véritable nature des personnages. Tout comme l'homosexualité du père a été gardée secrète pendant plus de quarante ans, l'identité et le passé d'Anna sera un mystère pendant plus de deux tiers du long-métrage. Le héros est aussi difficile à cerner, d'autant plus qu'il masque son malaise et ses pensées. La scène de la soirée déguisée vers le début du film le montre grimé dans son exact opposé : le docteur Freud. Soit un psychanalyste âgé alors qu'il est un trentenaire quelques peu « immature » qui serait plus à sa place sur le divan. Seuls ses dessins permettent de voir son humeur et ses pensées dépressives (et humoristiques) ; Anna utilise au départ elle-même son carnet de notes comme intermédiaire pour la communication. Le parcours du héros est, tout au long du film, celui de la « maturité », de la compréhension de l'amour et de cette vie de couple à l'encontre de laquelle il a toujours été méfiant. Que ce soit au sujet de ses parents, constamment en froid jusqu'à la mort de la mère, au sujet de la relation qu'entretien son père sur le seuil de la mort avec un garçon aussi âgé que son fils, au sujet de ses propres échecs sentimentaux et de l'appréhension de sa relation avec Anna. Comment cela fonctionne-t-il ? Question qui sera posées explicitement par le héros lors de la dernière ligne de dialogue de Beginners.    

            Le long-métrage de Mike Mills est aussi un film sur l'émancipation. Que devient-on quand nos parents meurent ? Que faire d'autant plus lorsque ceux-ci n'ont pas été de vrais modèles notamment au niveau relationnel ? Le personnage principal va devoir accepter son passé et ses démons. En premier, il doit d'abord rétablir un lien avec son père qui, autrefois continuellement absent, avait fini par disparaitre. Il doit ensuite accepter ce nouvel arrivant qu'est ce beau-père du même âge que lui et comprendre l'amour que ce dernier porte à son paternel. La dernière étape est évidemment de construire une relation durable avec Anna et de ne pas reculer comme il l'avait fait lors de ces précédentes aventures (c'est toujours lui qui était parti). Le chemin du héros doit l'amener à comprendre les actes de ses parents afin de pouvoir construire un couple en essayant d'éviter de reproduire les erreurs, les regrets de ceux-ci. Le héros doit dépasser cette peur de l'engagement qui le suit depuis son enfance et à sortir de cette solitude qui ne l'amène qu'à communiquer avec son chien. Ce dernier ne supporte d'ailleurs pas d'être séparé de son maître mais une des scènes les plus importantes et symboliques de Beginners voit le personnage principal qui se retrouve obligé de s'en séparer temporairement.  

            Le long-métrage de Mike Mills est donc une belle bouffée d'humour et d'émotions. Un film à la fois plein de tendresses, d'intelligence et de subtilités portés par des acteurs impliqués et inspirés qui ne souffre que de quelques baisses de régimes et d'un étirement en longueur un peu trop perceptible lors du dernier tiers. Mills se montre comme un metteur en scène assez prometteur, mais aussi comme un étonnant scénariste et, plus encore, comme un directeur d'acteurs brillant. 

NOTE à 7 / 10

Ewan McGregor & Mélanie Laurent. MK2 DiffusionEwan McGregor & Mélanie Laurent. MK2 Diffusion

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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 00:27

                                                

 - Titre original : Insidious

 - Film américain sorti le 15 juin 2011

 - Réalisé par James Wan

 - Avec Patrick Wilson, Rose Byrne, Ty Simpkins,…

  - Epouvante - Horreur 

              Josh, son épouse et leurs trios enfants vivent depuis peu dans leur nouvelle maison lorsque l'aîné tombe dans un coma inexpliqué. Etrangement, une succession de phénomènes paranormaux débute peu après. Un médium leur révèle alors que l'âme de leur fils se trouve quelque part entre la vie et la mort, dans la dimension astrale, et que les manifestations sont l'oeuvre de forces maléfiques voulant s'emparer de son enveloppe corporelle. Pour le sauver, Josh va devoir lui aussi quitter son corps et s'aventurer dans l'au-delà...

Patrick Wilson & Rose Byrne. Wild Bunch DistributionWild Bunch Distribution

            Au cours de la décennie précédente, le genre horrifique a connu deux séismes sans précédents. Le premier n'est pas directement lié au dernier film de James Wan. Il s'agit de Projet Blair Witch qui initiait la mode du film concept et du documenteur qui fut suivi de quelques longs-métrages plus ou moins aboutis : [Rec] étant le plus haut et le plus efficace des représentants et Paranormal Activity étant la preuve des très nombreuses limites de ce style. L'autre grand choc fut Saw qui était le premier film de James Wan et qui amena la suprématie dans les années suivantes du « torture porn » (films à la violence extrême, explicite, complaisante, voyeuriste...). Saw entraina une suite incalculable d'ersatz directs ou indirects, tous très souvent médiocres.  

            Insidious s'inscrit dans la démarche inverse ; démarche que Wan avait en parti et inconsciemment initié. Ce n'est pas un film concept. Ce n'est pas un film « caméra porté » où l'appareil joue d'une certaine manière un « personnage ». Et ce n'est pas un « torture porn ». Dans Insidious, rien n'est vraiment montré mais tout est brillamment suggéré. Wan revient à une tradition horrifique très seventies et eighties où le gore ne prenait pas le pas pour choquer les gens mais où le suspense et l'ambiance permettaient aux spectateurs de vivre viscéralement le cauchemar des personnages du film. Indirectement, Insidious est le remake d'une de ses fameuses productions de l'époque : le Poltergeist de Tobe Hooper où l'influence de son producteur et scénariste Steven Spielberg était très présente. Le film montre d'abord une belle famille typiquement étasunienne qui vient d'emménager dans une de ces milliers de maisons identiques, symboles de l'« American way of life ». L'unité de celle-ci va être mise à l'épreuve par l'arrivée inattendue d'un fantastique inquiétant et inexplicable.  

            Là où Insidious diverge avec Poltergeist, c'est que dans ce premier les esprits tourmentaient les mortels dans un but positif : celui de retrouver la paix (la « touche Spielberg »). Ce n'est pas le cas dans le film de James Wan. Ces fantômes qui errent dans le « Lointain » cherchent à assouvir un dessein plus noir et pervers : s'approprier les corps afin de vivre insidieusement dans ces enveloppes charnelles et bénéficier d'un surplus de temps. La mise en scène et la photographie prennent par conséquent une tonalité beaucoup plus sombre et réaliste. La première heure du film est réellement l'une des plus angoissantes de ces dernières années. Certains « jump scares », tombant au moment très opportun après une montée très maîtrisée du suspense, sont même vraiment terrifiants (dont une apparition absolument effrayante dans la chambre d'un bébé par le biais d'un plan séquence très approprié).   

            Le film se veut une modernisation de ce genre très codifié mettant en scène une maison hantée. La nouveauté ici est que ce n'est en fait pas la bâtisse qui l'est, mais le fils plongé dans un sommeil sans réveil qui sert d'intermédiaire aux esprits. Mais en soi, le film n'est pas une révolution. Il passe par tous les passages obligés mais il fait partie des rares récents films d'horreur à bien avoir su les employer. Tout arrive au bon moment (porte qui grince, alarme qui s'enclenche, lampe qui s'éteint, bruit dans le grenier...). Le tout devient très vite anxiogène, Wan refusant de relâcher la pression pendant plus d'une heure. Insidious ne cache pas ses influences : de Poltergeist donc, au Shining de Kubrick, avec un petit côté Exorciste de Friedkin. L'être démoniaque qui cherche à s'emparer du corps du jeune enfant est d'ailleurs un mix entre Dark Maul de Star Wars - La Menace Fantôme de George Lucas (la peau rouge et noir), Diablo dans X - Men 2 de Bryan Singer (les yeux et la queue fourchue) et de Freddie Krueger dans Les Griffes de la Nuit de Wes Craven (les lames faisant office de doigts).  

            Malheureusement Wan n'a pas réussi à maintenir ce rythme diabolique sur toute la durée d'Insidious. La seconde moitié du film, tout comme le Poltergeist de Hooper, voit l'arrivée de quelques exorcistes et chasseurs de fantômes. L'ambiance lorgne alors plus vers l'humour, qui détend (très légèrement) une atmosphère particulièrement lourde. Les deux chasseurs de fantômes semblent d'ailleurs tout droit tirés du Ghostbusters de Reitman. Insidious a même tendance à virer au grand guignol vers la fin. Car Wan commet une erreur qui plombe sérieusement son quatrième long-métrage : là où Poltergeist ne montrait jamais cet « au-delà » dans lequel l'enfant se retrouvait piégé, laissant le spectateur l'imaginer, Wan le montre de manière explicite. Cette incursion, à la fois beaucoup trop sobre (limitée par le budget minuscule attribué à Wan) mais aussi très « grotesque », constitue un virage trop violent qui « déréalise » l'intrigue, amenant le long-métrage à être beaucoup moins intense et à abuser de «  jump scares » moins efficaces et inattendus. Sans parler des cinq dernières minutes très faciles ponctuées par un retournement assez téléphoné.  

            Néanmoins, le film de Wan est encourageant à plusieurs niveaux. D'abord parce qu'il sait être angoissant par sa simple mise en scène et en refusant l'explicite. Mais aussi parce qu'il sait alterner les genres et arrive surtout à greffer un drame au sein de ce film fantastique (ce fantastique étant justement cette épreuve que les personnages doivent affronter pour pouvoir amener un retour à la normalité). Les acteurs sont donc assez justes dans ce film et ne se contente pas d'être des potiches « top models » chargés de se faire zigouiller les uns à la suite des autres dans un quelconque « slasher ». Si les seconds rôles, y compris les enfants, sont plutôt justes et même travaillés, c'est le rôle de la mère, parfaitement interprétée par l'excellente actrice Rose Byrne (actuellement à l'affiche dans le dernier X - Men mis en scène par Matthew Vaughn). Elle est parfaite en femme martyrisée par les esprits qui souffre en voyant son fils plongé dans un sommeil infini (métaphore du deuil qui destabilisera son couple et dont elle devra passer au-delà pour être plus forte). 

            Insidious est donc une de ses bonnes surprises qui permet de garder espoir dans le domaine du film d'horreur qui était parfois tombé bien bas entre les mains d'incompétents ces dernières années. Mais ce retour nostalgique, que laissait déjà augurer le Jusqu'en enfer de Sam Raimi, se révèle salvateur surtout lorsque de « jeunes » réalisateurs souhaitent rendre hommage à ce qu'ont apporté les « anciens » qui les ont inspiré tout en y greffant quelque chose de nouveau et de plus personnel. Si le film n'est pas exempt de défauts, surtout dans sa dernière demi-heure assez fragile, il demeure néanmoins un véritable « train fantôme », parfois grand guignol, mais furieusement divertissement et délicieusement effrayant. Une bien belle montée d'adrénaline pour un long-métrage honnête et très prometteur pour la suite de la carrière de Wan.   

NOTE à 7 / 10

Patrick Wilson. Wild Bunch DistributionWild Bunch Distribution

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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 00:10

                                                

 - Titre original : Jodaeiye Nader az Simin

 - Film iranien sorti le 08 juin 2011

 - Réalisé par Asghar Farhadi

 - Avec Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseini,…

 - Drame

                 Lorsque sa femme le quitte, Nader engage une aide-soignante pour s’occuper de son père malade. Il ignore alors que la jeune femme est enceinte et a accepté ce travail sans l’accord de son mari, un homme psychologiquement instable…

Leila Hatami. Memento Films DistributionPeyman Moadi. Memento Films Distribution

            Une Séparation est un véritable triomphe dans les divers festivals où il est passé, notamment celui de Berlin où il a obtenu deux Ours d'argent pour ses interprètes et l'Ours d'or, ainsi qu'un beau succès en France malgré son peu d'exposition médiatique. Une Séparation c'est aussi l'un des rares films iraniens à atteindre nos contrées. Et c'est là que réside la force du film d'Asghar Farhadi : être un reflet de l'oppression qu'exerce le régime sur ce pays meurtrie.  

            Une Séparation est un film « double ». C'est avant tout un drame intimiste sur une famille qui se déchire mais qui va cependant devoir faire face ensemble à une épreuve inattendue et douloureuse. C'est l'acceptation par la jeune fille du divorce inéluctable de ses parents. Epreuve apparemment insoutenable mais qui a avant tout pour but d'endurcir les personnages, de les faire murir. Le scénario est écrit avec une extrême minutie et précision, faisant surgir une multitude de sentiments, d'arrière-pensées jamais directement exprimées mais toujours facilement perceptibles ; le film refusant de prendre le spectateur par la main et de tout lui expliciter. On peut reprocher le rythme parfois trop lent de ce long-métrage mais sa longue exposition et ses longs silences se révèlent souvent payants, renforçant l'atmosphère anxiogène et donnant une plus grande profondeur psychologique aux différents personnages.  

            Mais le film de Farhadi peut aussi être vu sous l'angle du thriller. En effet le personnage du père, Nader, qui est brillamment et subtilement interprété par Peyman Moadi, est accusé d'avoir commis un acte aux conséquences dramatiques. Le réalisateur, de façon assez perverse et maligne, ne montrera jamais si le héros a commis cette acte, ni même s'il sait ce qu'il a vraiment fait. Le doute est omniprésent et l'on est toujours coincé dans la position du spectateur, de la fille pour être plus exact, qui observe et souffre en essayant de déterminer ce qui s'est vraiment passé. Essayer de déterminer la nature de l'autre, ce qui se cache sous ses masques qu'une pression sociale inimaginable est en train de faire voler en éclat. Une Séparation, sans trop y paraitre, est un miroir terrifiant de la société iranienne. Une société où la justice se fait de façon douteuse, dans des conditions contestables. Une société où la religion prend une trop grande place dans la vie privée et dans le rapport homme/femme.  

            Cette lutte judiciaire entre deux familles va rapidement prendre une dimension sociale. En effet celle-ci va devenir l'image d'une lutte de classe entre cette famille un peu aisée et la famille victime complètement défavorisée et démunie qui se sent persécutée. Un rapport de force très tendu, révélateur des malaises qui gangrènent la société iranienne. L'autre point fort d'Une Séparation est son refus du manichéisme. D'un côté le film est (très) loin d'être une apologie du régime mais il refuse aussi de céder dans l'excès inverse, c'est-à-dire le dénigrement systématique. Il aurait été facile, et même aveuglément acclamé par les critiques, de montrer les femmes martyrisées et victimes de ces hommes tout puissants qui ont, entre autres, la religion pour eux. Sauf que le film montre aussi des hommes fragiles, qui souffrent même s'ils acceptent souvent le système. Les femmes aussi souffrent, probablement plus, mais cette position intenable les amènent à avoir un comportement parfois très agressif à l'encontre de leur conjoint. Néanmoins il s'agit toujours de personnages forts, qu'ils soient hommes ou femmes.  

            Le film pâtit aussi de cette ambiance parfois très lourde, rendant son visionnage souvent éprouvant pour le spectateur. Mais la mise en scène est aussi assez efficace et appropriée au sujet, la caméra étant toujours proche des personnages. L'aspect réaliste de la réalisation (image pâle, caméra portée) lui confère un caractère documentaire, pris sur le vif et assez nerveux lors des confrontations parfois physiques. Les acteurs ne déméritent pas non plus et leurs récompenses sont bien justifiées. Aucun ne surjoue et préfère rester sobre dans l'ensemble afin de ne pas trop expliciter leurs personnages et garder ainsi une part de mystère, d'inaccessibilité. Cela n'empêche pourtant pas l'empathie, y compris pour le personnage colérique du mari de la femme victime. Seule la jeune actrice interprétant la fille du couple au bord du divorce n'arrive pas complètement à assurer dans son rôle (très) complexe et probablement trop grand pour elle ; cela est bien compréhensible sachant que même des adultes n'auraient pas forcément réussi à relever ce défi.  

            Malgré l'ambiance assez oppressante et le caractère très déprimant du film, presqu'intégralement dénué d'humour, et son rythme parfois en dents de scie, Une Séparation est une oeuvre des plus intéressantes et dont le relatif succès en France est à encourager surtout dans une période où notre cinéma national a perdu l'habitude de faire des films ayant une portée politique interrogeant les fondements de notre société. Un film qui tente de lier divertissement (par le biais du « thriller » et du film d'enquête), émotions (drame familial) et un certain sous-texte amenant le spectateur à remettre en question ce qu'il est et ce qu'il croit. 

NOTE à 6,5 / 10

Sareh Bayat. Memento Films DistributionPeyman Moadi. Memento Films Distribution

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19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 23:33

                                              

 - Titre original : London Boulevard

 - Film américano-britannique sorti le 08 juin 2011

 - Réalisé par William Monahan

 - Avec Colin Farrell, Keira Knightley, David Thewlis,…

  - Thriller, Romance

                Mitchel sort de prison plein de bonnes intentions. Pourtant, lorsqu'il tombe sur son vieil ami Billy, un petit voyou à la recherche d'un complice, il accepte de l'aider en échange d'un toit. Incapable de rompre avec son passé, Mitchel fait la connaissance de Charlotte, une star de cinéma terrée dans un luxueux hôtel particulier pour échapper aux hordes de paparazzi, dont il devient rapidement le garde personnel. Charlotte et Mitchel se rapprochent, envisageant même ensemble une vie à Los Angeles. Mais il a déjà attiré l'attention de Gant, un puissant parrain de la pègre, qui voit en lui un atout précieux pour ses affaires. Quand Mitchel refuse, Gant décide de le faire plier, ne reculant devant rien pour arriver à ses fins...

Colin Farrell. Metropolitan FilmExportRay Winstone & Colin Farrell. Metropolitan FilmExport 

            Passer du poste de scénariste à celui de réalisateur est de plus en plus courant ces dernières années. On peut d'ailleurs citer quelques grands noms comme Steven Zailian (Les Fous du roi), David Koepp (Fenêtre Secrète), Shane Black (Kiss Kiss Bang Bang et le troisième Iron Man) ou Christopher McQuarrie (Way of the Gun) qui ont tenté, avec plus ou moins de succès, de passer ce cap. La question étant : être un bon scénariste est-il un moyen suffisant pour se révéler brillant conteur par l'image ? Dernièrement c'est William Monahan, dont le plus haut fait de gloire est d'avoir écrit l'excellent remake d'Infernal Affairs d'Andrew Lau intitulé Les Infiltrés et mis en scène par Martin Scorsese, qui s'y met avec London Boulevard.  

            En soi, ce premier coup d'essai n'a rien de déshonorant. Le scénario de Monahan tient tout à fait la route et dispose d'un rythme suffisamment efficace pour maintenir l'intérêt du spectateur. L'histoire est cependant extrêmement classique, voire parfois assez éculée lors de certains rebondissements. La structure est elle-même très rodée et connue inconsciemment par les cinéphiles et les amateurs de polars mettant en scène des « gangsters ». London Boulevard suit donc un « ancien » du milieu criminel qui, après sa sortie, essaye de se racheter une conduite et refuse ce déterminisme social qui l'obligerait à retourner dans l'illégalité. Toute la tragédie de London Boulevard est cette lutte du héros pour échapper à ce milieu qui refuse de le laisser et qu'il ne peut abandonner d'un simple claquement de doigt. Une seconde « famille » bien collante et problématique en quelques sortes (la soeur du héros étant en plus un personnage bien déjanté et accro à certaines substances).   

            De façon générale, London Boulevard est un remake de L'Impasse de Brian de Palma avec l'atmosphère du Layer Cake de Matthew Vaughn et quelques touches des Infiltrés de Martin Scorsese (la violence et l'humour venant du personnage incarné par un excellent Ray Winstone qui est une version un peu moins « trash » du Frank Costello incarné par Jack Nicholson). C'est là l'un des premiers points faibles du film de Monahan. Rien n'est vraiment surprenant que ce soit la trajectoire du héros ou l'issue finale. Cependant les influences sont de qualité suffisante pour permettre au film d'être toujours au-dessus de la moyenne. Là où cela passe moins c'est avec la mise en scène bien trop classique de Monahan. Car c'est bien là l'intérêt principal de London Boulevard : voir si le scénariste est capable de passer derrière la caméra. Et là, au vue du résultat final, il n'y a rien de très encourageant ou d'inattendu. Le film aurait même bénéficié à être réalisé par un metteur en scène plus dynamique et audacieux. Peu de séquences restent en mémoire hormis quelques fulgurances et quelques dialogues particulièrement tendus, surtout entre Colin Farrell et Ray Winstone.  

            Si le film arrive un peu à surnager c'est surtout grâce à l'interprétation des acteurs principaux. Les « seconds couteaux » sont crédibles comme Ben Chaplin et Winstone, ce dernier étant particulièrement savoureux. L'interprétation de David Thewlis  est elle-aussi assez jouissive en acteur drogué qui se révèle étonnamment lucide et débrouillard. A l'inverse, Keira Knightley n'arrive pas à insuffler à son personnage le charisme et le mystère qui permettrait à ce rôle de devenir plus iconique. Si elle essaye visiblement de faire de son mieux et qu'il est très clair que, depuis la trilogie de Pirates des Caraïbes, elle s'est bien améliorée, elle n'a pas encore l’expérience pour assurer en « femme fatale » en détresse, poursuivie par des paparazzis vulgaires et obsédés. Mais le véritable intérêt de London Boulevard se nomme Colin Farrell.  

            C'est en effet lui la vraie star du film. Il est presque de tous les plans et il a rarement été aussi bon dans sa carrière. London Boulevard est donc plus un film d'acteur. Un film dont le prétexte serait de faire la part belle à un de ses comédiens. Le long-métrage de Monahan est à Colin Farrell ce que La Défense Lincoln était à Matthew McConaughey et Buried à Ryan Reynolds. Un écrin doré où il peut faire éclater son talent au grand jour, varier constamment de registres sans qu'un de ses partenaires ne lui fassent trop d’ombres (Winstone n'apparaissant que dans une poignée de scènes). Son personnage, assez positif car visant à la rédemption et la recherche du bonheur, met en valeur Farrell ; là où DiCaprio égratignait violemment son image de playboy dans des productions comme Shutter Island. La démarche est donc inverse, amenant le film à être une iconisation de l'acteur incarnant cet ex-détenu qui cherche à s'installer et qui règlera ses comptes une dernière fois avant de tirer sa révérence. Rédemption qui ne peut être entièrement accomplie car nécessitant une forme de retour à la normale après le déchainement de violence et d'un retour d'une forme de morale qui punit les criminels.  

            London Boulevard s'inscrit donc pleinement dans la tradition du film de gangster. A un point trop extrême justement car le film n'arrive pas à se libérer de ses influences trop encombrantes. Le long-métrage de Monahan respecte religieusement les codes du genre et fait en sorte de n'en bousculer aucune. Trop classique, sans audace et prévisible, le spectacle demeure néanmoins plaisant et honnêtement construit, le tout étant accompagné d'une bande originale assez emballante.   

NOTE à 6 / 10

Keira Knightley & Colin Farrell. Metropolitan FilmExportColin Farrell. Metropolitan FilmExport 

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6 juin 2011 1 06 /06 /juin /2011 17:59

                                              

 - Titre original : X-Men – First Class

 - Film américain sorti le 01 juin 2011

 - Réalisé par Matthew Vaughn

 - Avec James McAvoy, Michael Fassbender, Kevin Bacon,…

 - Action, Fantastique

                 Avant que les mutants n'aient révélé leur existence au monde, et avant que Charles Xavier et Erik Lehnsherr ne deviennent le Professeur X et Magneto, ils n'étaient encore que deux jeunes hommes découvrant leurs pouvoirs pour la première fois. Avant de devenir les pires ennemis, ils étaient encore amis, travaillaient avec d'autres mutants pour empêcher la destruction du monde, l'Armageddon. Au cours de cette opération, le conflit naissant entre les deux hommes s'accentua, et la guerre éternelle entre la Confrérie de Magneto et les X-Men du Professeur X éclata...

James McAvoy, Jennifer Lawrence, Rose Byrne & Michael Fassbender. Twentieth Century Fox FranceJennifer Lawrence. Twentieth Century Fox France

            S'il y a bien une licence « Marvel » qui a souffert d'une exploitation abusive tout en n'ayant jamais eu le droit à un seul film  décent au niveau de sa mythologie, instaurée par son créateur Stan Lee, c'est celle des X-Men. Il y a certes eu deux premiers épisodes sympathiques par Bryan Singer, mais rien de très mémorable notamment au niveau des scènes d'actions. Mais la franchise a véritablement chuté avec X-Men 3, abandonné au dernier moment par Matthew Vaughn pour « différends artistiques » et remplacé au pied levé par le tâcheron notoire Brett Ratner. Puis vint le film de trop avec X-Men Origins : Wolverine de Gavin Hood. Les fans ne se sont d'ailleurs pas remis de l'insulte qu'a constituée cette production de la Fox. Le public et la critique ont été unanimes quant à la médiocrité du long-métrage, au point que le nouveau film sur le mutant griffu incarné par Hugh Jackman, The Wolverine, a pour ambition de reprendre tout depuis le départ.  

            A un degré moindre, les X-Men étaient alors dans le même état que la licence Batman après le double massacre scandaleux orchestré par l'incompétent  Joel Schumacher et avant l'arrivée salvatrice de Christopher Nolan. Même démarche que le Batman Begins : quand la recette ne fonctionne plus, il est temps d'en reprendre les bases. X-Men - Le commencement veut donc montrer l'origine du conflit qui va opposer le professeur Charles Xavier (Professeur X) et Erik (futur Magneto). Pourquoi ont-ils eu une telle divergence d'opinion ? Comment les mutants ont-ils été découverts ? Et d'où viennent quelques-uns des mutants les plus iconiques de la série (Mystique en premier lieu). Beaucoup de questions qui nécessitent ainsi un très grand retour en arrière qui ne tiendra pas vraiment compte de la cohérence avec les deux précédents « mauvais garnements ». Le but est de relancer dignement cette mythologie dans le cadre cinématographique. Si l'on se réfère aux terribles déceptions qu'ont constitué X-Men 3 et Wolverine, le film de Matthew Vaughn y parvient haut-la-main. Néanmoins si on le rapproche de l'ensemble de la production filmique mettant en scène les super-héros, X-Men - Le commencement est très loin de tutoyer les sommets atteints par Batman le défi de Burton, Spider-man 2 de Raimi ou The Dark Knight de Nolan. 

            Il faut aussi préciser que ce nouveau X-Men n'est rien de moins que le plus « mauvais » film de la courte mais prometteuse carrière de Vaughn. Cependant il faut quand même féliciter ce dernier d'avoir largement réussi à limiter les dégâts. Il faut dire que la production a dû subir de nombreuses difficultés qui auraient pu sérieusement couler le long-métrage. Il y avait en effet fort à faire entre les six scénaristes chargés de regrouper les différents scripts et projets avortés en un seul long-métrage, le tournage débutant dix mois avant la sortie en salle amenant certains effets spéciaux à ne pas être finalisés (et ça se voit malheureusement) et une campagne marketing suicidaire (photos officielles douteuses, affiches scandaleusement immondes et un nombre effarant de « teasers » qui, mis bout-à-bout, doit dévoiler au moins la moitié du résultat final). Quand on prend en compte tous ces paramètres, la réussite d’X-Men - Le commencement parait même miraculeuse. 

            Cela tient en plusieurs points. Le plus important est le fait que le film se passe presque intégralement au début des années 60, ce qui en fait l'un des premiers films de super-héros à se dérouler principalement dans le passé. Le film exploite d'ailleurs intelligemment le contexte paranoïaque de la Guerre Froide et son paroxysme atteint avec la Crise des missiles de Cuba, crise que les mutants seront chargés de désamorcer. D'un point de vue esthétique, Matthew Vaughn emprunte beaucoup à la série James Bond à l'époque « Sean Connery », ce qui lui confère une identité assez sympathique au niveau des décors et des costumes délicieusement kitsch. De même, la mégalomanie du méchant n'est pas loin de le faire passer pour un de ces « bad-guys » qu'affrontait 007 dans les premiers épisodes (celui-ci se terrant par exemple dans un sous-marin et ayant pour ambition de faire démarrer la troisième guerre mondiale). De plus X-Men - le commencement  possède un côté « globe-trotter », exotique typique des grosses productions de ces années-là, entrainant un changement constant de lieux, de pays. Il faut enfin noter l'effort, assez inattendu, fait pour le respect des langues (Kevin Bacon parlant allemand ; Michael Fassbender passant de l'espagnol au français...) notamment dans un pays réputé allergique aux sous-titres.  

            L'autre bon point est son casting plutôt bien pensé, surtout pour les quatre acteurs principaux. Kevin Bacon est absolument jubilatoire et charismatique en méchant ayant un plan démoniaque. La jeune Jennifer Laurence tout juste révélée par Winter's Bone livre aussi une prestation réussie dans le rôle de la mutante Mystique, femme bleue qui peut prendre l'apparence de n'importe qui, et qui explore un peu plus que dans les épisodes précédents son passé et sa personnalité. Reste que sa relation avec le « gentil » professeur Xavier, bien qu'intéressante, est trop survolée. De même, son changement de camp est bien vite expédié malgré quelques séquences annonciatrices (notamment une scène où elle tente de séduire Erik/Magneto et une autre où elle se montre nue, telle qu'elle est vraiment, devant un Xavier assez froid). C'est là une des particularités du film de Vaughn : le méchant est bien plus sympathique que le héros qui se révèle assez manipulateur et parfois même en contradiction avec le discours qu'il prône et soutiendra plus tard. Ce dernier, à l'inverse de beaucoup d'autres mutants, n'a en effet pas à cacher son pouvoir. Si l'excellent James McAvoy est un peu en retrait, son personnage possède ainsi une ambiguïté assez inattendue.  

            Mais la véritable star du film c'est Michael Fassbender en Magneto. D'ailleurs il est très probable que le film ait récupérée quelques parcelles des scénarios élaborés pour le film qui était prévu sur son personnage. C'est simple, toutes les meilleures scènes sont avec lui. Que ce soit l'attaque du bateau du terrible Sebastian Shaw (très « bondienne » par son ambiance), la scène de la banque suisse où il use de son pouvoir pour torturer quelqu'un en lui arrachant son plombage dentaire et surtout la vendetta très « tarantinesque » dans une auberge sud-américaine lorsque celui-ci est à la recherche d'ancien nazis. Sa relation avec Xavier est évidemment le fil rouge de ce long-métrage car elle permet de comprendre la lutte qui les opposera par la suite ainsi que la paralysie du professeur. Le futur Magneto est aussi intimement lié au méchant principal puisque ce dernier a notamment tué sa mère et s'est servi du jeune Erik comme cobaye. Et si le final est en demi-teinte, affaibli par des effets spéciaux peu convaincants et quelques combats assez mal mis en scène, Vaughn réussit à y distiller quelques audaces. Comme ce duel final entre Erik et Shaw sous forme de passation de pouvoir tandis que Xavier essaye de reprendre le contrôle psychique pour forcer son ami à ne pas assouvir sa vengeance. Ou encore cette image des missiles, retournés par Magneto contre leurs envoyeurs, pour punir ces hommes « qui ne font que suivre aux ordres », répétant les mêmes erreurs du passé.  

            X-Men - Le commencement possède ainsi en sous-texte quelques idées audacieuses, y compris dans sa mise en scène (la transformation subjective de Hank McCoy en Fauve qui rappelle une bagarre filmée de façon similaire dans le Layer Cake de Vaughn). Mais toutes ces bonnes idées sont effleurées malgré la longue durée du film. Faute d'avoir su faire des choix. Le film est donc clairement imparfait, ce qui est d'autant plus rageant car on arrive à discerner le potentiel qu'il aurait pu avoir. La victime d'une production chaotique qui arrive à demeurer attachante et divertissante. Une victime aussi de quelques choix et de scènes moins inspirés, surtout celles ayant un rapport avec les très jeunes mutants (la scène des noms étant sur le papier une bonne idée mais paraissant au final assez facile, les clins d'oeil faciles et redondants). Reste un divertissement honnête, correctement mis en boite, qui essaye d'éviter de réitérer les erreurs du passé en tirant un trait sur les deux épisodes précédent. Un film de super-héros qui cherche à se démarquer par son contexte et son atmosphère très « pulp » des sixties. Le plus mauvais film de Vaughn malheureusement, mais clairement le meilleur film sur les X-Men à ce jour. Et l'apparition surprise d'une « gest-star » arrive à racheter, en une trentaine de secondes jouissives, les années de mauvais traitement qu'elle avait subit. 

NOTE à 6,5 / 10

January Jones et Kevin Bacon. Twentieth Century Fox FranceMichael Fassbender & James McAvoy. Twentieth Century Fox France

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4 juin 2011 6 04 /06 /juin /2011 00:14

                                             

 - Titre original : The Lincoln Lawyer

 - Film américain sorti le 25 mai 2011

 - Réalisé par Brad Furman

 - Avec Matthew McConaughey, Marisa Tomei, Ryan Philippe,…

 - Drame, Thriller

                 Michael Haller est avocat à Los Angeles. Habile, il est prêt à tout pour faire gagner les criminels de bas étage qu'il défend. Toujours entre deux tribunaux, il travaille à l'arrière de sa voiture, une Lincoln Continental. Ayant passé la plus grande partie de sa carrière à défendre des petits voyous minables, il décroche pourtant ce qu'il pense être l'affaire de sa vie : il est engagé pour défendre un riche play-boy de Beverly Hills accusé de tentative de meurtre. Mais ce qui semblait être une affaire facile et très rentable se transforme en redoutable duel entre deux maîtres de la manipulation...

Matthew McConaughey. Metropolitan FilmExportJohn Leguizamo & Matthew McConaughey. Metropolitan FilmExport

            Le film de procès est une sorte d'institution dans le cinéma américain. Cela a été encore plus renforcé avec les innombrables séries se déroulant dans le milieu juridique trouble des Etats-Unis. L'adaptation d'un roman de Michael Connelly par Brad Furman s'inscrit donc dans cette longue tradition. La question est donc de savoir si La Défense Lincoln apporte une nouvelle pièce à cet imposant édifice.   

En soi, la réponse est non. Le film est d'un très grand classicisme au niveau de son scénario. Le héros est évidemment un avocat aux dents longues qui va, au cours d'un procès, plonger (l'éternel peur américaine de la « chute » brutale). A une particularité près cependant : on découvre très vite que le client que sert le héros n'est autre qu'un manipulateur, voire bien pire ; et le film n'atténuera d'ailleurs pas l'aspect sombre de ce personnage par un retournement de situation final consensuel. De ce point de vue, le film de Furman va jusqu'au bout de son idée. Pour le reste, l'histoire est sans vraie surprise. Mais le scénario n'en est pas pour autant dénué de qualités. Tout d'abord il décrit de façon très précise et efficace le milieu judiciaire d'outre-Atlantique, ce qui permet aux spectateurs néophytes de ne jamais se sentir perdus. De plus, l'écriture des personnages est plutôt subtile, surtout en ce qui concerne le personnage principal incarné par Matthew McConaughey.  

Car c'est ce dernier qui se révèle être le véritable centre d'intérêt de La Défense Lincoln. Le film de Furman fait vraiment parti de ces productions qui sont avant tout soutenues par le jeu de leur acteur principal. L'attraction de La Défense Lincoln c'est McConaughey. C'est pour lui que l'on vient au départ. Trop longtemps habitué aux comédies romantiques souvent très inégales, McConaughey sort ici le grand jeu et entend bien montrer à tout le monde qu'il peut s'avérer être un acteur particulièrement talentueux et charismatique. Comme quoi, une bonne interprétation dépend souvent de la façon dont un acteur est dirigé et qu'un comédien apparemment banal peut soudainement se révéler brillant (cela avait été par exemple le cas de Ryan Reynolds dans le récent Buried de Rodrigo Cortès). McConaughey, qui est de tous les plans, se montre tour à tour cynique, calculateur, mélancolique puis au bord du gouffre. Mais malgré cela le spectateur arrive toujours à éprouver de l'empathie pour lui. Le personnage en lui-même est absolument fascinant et plein de défauts ; bien que cet aspect-là n'empêche jamais l'identification à cet antihéros. Cet avocat, tout comme le client qu'il est obligé de servir, restera cynique jusqu'au bout, malgré sa mésaventure, et gardera un côté très contestable (notamment au cours du dernier quart d'heure). Cela évite surtout à La Défense Lincoln de sombrer dans un moralisme bien-pensant inhérent à bon nombre de film sur la loi et la légitime défense.         

            Le film réunit aussi un casting plutôt inspiré. Si Ryan Philippe surjoue un peu trop dans son rôle de jeune homme instable et très ambigu, il n'en est pas de même pour Marisa Tomei qui se montre très touchante en incarnant l'ex-femme fragile du héros. Une scène très judicieuse montre même le couple qui s'est « reformé » au cours d'une nuit avant de brusquement se séparer au réveil afin de ne pas blesser la petite fille qu'ils ont eu ensemble. Les seconds rôles sont aussi plutôt bien interprétés par des acteurs confirmés comme Josh Lucas, John Leguizamo, Michael Pena et Frances Fisher, bien que ces trois derniers soient trop peu présents à l'écran. William H. Macy, qui dispose d'un peu plus de temps à l'écran, compose un personnage assez réussi et étoffé (il est lui-même assez méconnaissable). Si les personnages sont plutôt classiques, c'est un peu à cause du scénario qui ne réinvente pas grand-chose au genre. Certains rebondissements sont même bien attendus. Néanmoins, l'histoire se suit avec un réel plaisir et on se plait d'être en terrain connu. 

            Par contre, le film de Brad Furman pâtit de sa mise en scène peu inspirée, et parfois peu judicieuse. Lors des scènes de tension l'image est parfois trop secouée et donc peu lisible. De plus, Furman y ajoute des effets de style qui ne déplairait pas à un Tony Scott. Ces effets semblent d'autant plus inappropriés à l'immersion du spectateur que ceux-ci sont complètement absents lors des scènes de dialogues (à l'inverse d'un Tony Scott donc) et des scènes de procès. Ces dernières, très bien dialoguées, sont filmées de manière sobre et ne sont pas toujours très éloignées des innombrables séquences des séries télévisées juridiques américaines omniprésentes sur le petit écran depuis près de vingt ans. Elles se montrent néanmoins bien plus captivantes que les scènes véritablement nerveuses. Cependant on peut noter que Furman a eu une belle inspiration, lors d'une scène-clé sur le sort de l'un des personnages secondaires, en se lançant dans un plan séquence plutôt inattendu. Il faut aussi ajouter que la bande originale est assez agréable par rapport aux productions actuelles et surtout pour un film de ce genre qui a parfois tendance à négliger cet aspect.  

            La Défense Lincoln est donc un film relativement quelconque. Une enquête à la fois honnête, correctement construite mais jamais très originale ou novatrice. Un film qui n'aurait par grand intérêt s'il ne permettait pas à un acteur sous-estimé comme Matthew McConaughey de briller par une composition très impressionnante. Un petit film sympathique donc, comme tant d'autres au cours d'une année, pour le spectateur mais qui sera sans nul doute un long-métrage important, voire essentiel, pour la carrière de McConaughey.   

NOTE à 6 / 10

Matthew McConaughey & Marisa Tomei. Metropolitan FilmExportMatthew McConaughey & Ryan Phillippe. Metropolitan FilmExport

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4 juin 2011 6 04 /06 /juin /2011 00:03

                                               

 - Titre original : La Conquête

 - Film français sorti le 18 mai 2011

 - Réalisé par Xavier Durringer

 - Avec Denis Podalydès, Florence Pernel, Bernard Le Coq,…

 - Comédie dramatique, Thriller, Biopic

                 Le 6 mai 2007, alors que les Français s'apprêtent à élire leur nouveau chef de l'Etat durant le second tour de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy, sûr de sa victoire, reste cloîtré chez lui, en peignoir, sombre et abattu. Toute la journée, il cherche à joindre Cécilia qui le fuit. Les cinq années qui viennent de s'écouler défilent : elles racontent l'irrésistible ascension de Sarkozy, semée de coups tordus, de coups de gueule et d'affrontements en coulisse. C'est l'histoire d'un homme qui gagne le pouvoir et perd sa femme...

Bernard Le Coq et Denis Podalydès. Emilie de la Hosseraye / Mandarin Cinema - Gaumont 2011Florence Pernel et Denis Podalydès. Emilie de la Hosseraye / Mandarin Cinema - Gaumont 2011

            Contrairement aux américains qui tentent d'exorciser au plus vite leurs « traumatismes » sur le grand écran, les Français se montrent beaucoup plus prudents dans ce qui est d'aborder des phénomènes de sociétés qui fâchent, qui plus est quand ils sont relativement récents. L'annonce du nouveau film de Xavier Durringer sur l'ascension au pouvoir de l'actuel président de la République, Nicolas Sarkozy, ne pouvait de ce fait qu'être alléchante. Peut-être est-ce alors à cause des attentes démesurées que l'on avait mises dedans qui amènent le film à être une amère déception.  

            Avec un tel sujet, La Conquête aurait dû faire l'effet d'une « bombe » cinématographique et aurait dû se montrer artistiquement à la hauteur pour marquer le coup. Hélas, la mise en scène est à peine au niveau d'un téléfilm, Durringer ayant visiblement préféré faire du « théâtre filmé », là où il aurait été plus judicieux d'y mettre du rythme et de l'audace. On peut néanmoins nuancer sa responsabilité dans cet échec car il semble avoir été bien limité par son « petit » budget. Cela donne par exemple des séquences surréalistes où, pour faire croire qu'il y a dix milles personnes dans une salle, on n'en filme que trente au premier plan (et on rajoute les bruits d'une foule en délire). Le film est souvent composé de plans fixes alors que le centre même du film est le portrait d'un homme hyperactif. Ou comment montrer que l'on n'a pas eu les moyens de ses ambitions. Aucune séquence n'est marquante, la photographie est dénuée d'originalité et il n'y a aucun effet de montage singulier. La structure du récit est elle-même très lourde puisqu'elle est composée de « flashbacks » entre cette journée du 6 mai, où la probable absence de l'épouse du président au bureau de vote fait office de « suspense », et tout le parcours qui a précédé.  

            Structure donc affreusement classique qui n'est pas aidée par le scénario de Patrick Rotman ; et s'il y avait un bien un point qui était très attendu dans La Conquête c'était bien celui-là. Hormis quelques piques bien senties et efficaces (dont une comparaison assez cocasse faite par Sarkozy entre Dominique de Villepin sortant de l'eau et Ursula Andress dans la scène mythique du premier James Bond ; allusion trop populaire qui déplait au premier ministre de l'époque amenant Sarkozy à faire une analogie plus « noble » avec « le dieu grec qui était beau »). Mais dans l'ensemble, la plupart de ces phrases assassines sont déjà connues. Le film en lui-même ne révèle rien de nouveau, une page « Wikipédia » étant presque aussi instructive sur cette période et ces personnages. Certains points ou affaires sont presque mis aux oubliettes comme l'affaire Clearstream qui doit se contenter de cinq petites minutes. Le problème vient peut-être aussi de la surmédiatisation hexagonale de tous ces évènements qui font que la plupart des Français les connaissent déjà ; le film pourrait alors mieux fonctionner sur le marché étranger car ce dernier est moins au courant de ceux-ci.  

            Le film doit aussi faire face à un autre dilemme. Le sujet étant bien contemporain, l'équipe de La Conquête semble avoir eu peur de prendre parti. En effet, fallait-il céder à la critique facile ou tomber dans l'apologie, amenant les réfractaires à hurler à la propagande, une année avant l'élection présidentielle (car c'est bien connu, les Français n'ont pas assez de maturité intellectuelle et peuvent se faire influencer par un film des mois auparavant) ? Le résultat transparait dès les premières secondes avec la phrase « même basé sur des faits-réels, ce film reste avant tout une fiction ». Il n'y a pas encore eu de meilleur moyen pour dire que l'on a reculé devant l'obstacle, effrayé par l'importance et la difficulté du projet. S'ajoute à cela une des pires bandes originales composées ces dernières années. C'est simple, il n'y a que deux morceaux grand guignolesques qui sont répétés bruyamment et « ad nauseam » pendant au moins une séquence sur deux. Le compositeur Nicola Piovani fait même sortir les grands violons lors de la séparation entre Nicolas Sarkozy et Cécilia, laissant le spectateur assez perplexe sur la réaction qu'il doit avoir (est-ce une note d'humour ? De l'idiotie complète ?).  

            L'interprétation des acteurs est néanmoins révélatrice de la réelle ambition de La Conquête. L'objectif n'était visiblement pas de faire un film réaliste, cruel et sans concession du monde politique actuel, de ses rapports aux médias et au reste de la population. Non, la volonté de l'équipe semble d'avoir essayé de faire une version « live » des « Guignols de l'info », mais bien moins drôle encore que ceux d'aujourd'hui. Les acteurs sont aux diapasons avec cette idée et se plonge plus dans l'imitation que l'interprétation. Cependant, et de manière inattendue, cela fonctionne assez bien, le film prenant alors des airs de jeux de massacres réjouissant. Mais c'est bien pauvre pour satisfaire les attentes. Denis Podalydès livre une prestation plutôt convaincante (d'autant plus que le choix de cet acteur pour ce rôle n'était pas le plus évident), Samuel Labarthe est crédible en Dominique de Villepin et Bernard Le Coq est même impressionnant en Jacques Chirac. Mais face à ces « caricatures volontaires », Florence Pernel qui incarne Cecilia se montre plus sensible, sobre et donc plus en retrait alors que son rôle est crucial. Les personnages secondaires sont par contre très anecdotiques, voire même embarrassant dans le cas de Pierre Charon interprété par Dominique Besnehard.  

            Au lieu d'avoir un film sérieux et riche (comme les américains ont réussi à le faire avec quelques perles comme JFK d'Oliver Stone ou Les Hommes du Président d'Alan J. Pakula) on se retrouve avec une gentille comédie française comme on en produit des dizaines chaque année. Une comédie teintée de drame puisque le film ne raconte que l'histoire d'un politicien ambitieux qui perdra sa femme une fois à la plus haute fonction d'état, cela permettant ainsi d'humaniser un personnage aussi « extrême » et « haut en couleurs » que Sarkozy. On peut aussi y voir quelques rivalités assez tendues mais connues de tous, permettant alors l'élaboration de quelques coups tordus et trahisons. Une déchéance inéluctable (celle de Chirac) et une ascension fulgurante en parallèle (celle du "nain" qu'il n'arrivera jamais à controler). Une peu de bling-bling et de grossiereté pour faire politiquement incorrect. Et c'est tout. Seule « anomalie » donc à cette comédie : un sujet au départ audacieux. Sur un thème contemporain, on avait eu récemment de l'autre côté de l'Atlantique The Social Network qui analysait parfaitement, sous toutes ses coutures et de façon plutôt objective le phénomène de société contemporain qu'était « Facebook ». Le film avait lui-même été accusé d'opportunisme de longs mois avant sa sortie. Mais visiblement tout le monde ne peut pas être Sorkin ou Fincher. Reste le fait que La Conquête a (ré)ouvert une brèche qui, on peut toujours rêver, permettra la production d'oeuvres françaises traitant de sujets plus actuels et osant aborder de nouveau et sans crainte des domaines comme la politique.  

NOTE à 4,5 / 10      

Mathias Mlekuz (Franck Louvrier), Dominique Besnehard (Pierre Charon), Florence Pernel (Cécilia Sarkozy), Denis Podalydès (Nicolas Sarkozy), Yann Babilee Keogh (Richard Attias), Pierre Cassignard (Frédéric Lefebvre), Grégory Fitoussi (Laurent Solly). Emilie de la Hosseraye / Mandarin Cinema - Gaumont 2011Florence Pernel & Denis Podalydès. Emilie de la Hosseraye / Mandarin Cinema - Gaumont 2011

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