- Titre original : Transformers - Dark of the Moon
- Film américain sorti le 29 juin 2011
- Réalisé par Michael Bay
- Avec Shia LaBeouf, Rosie Huntington-Whiteley, Tyrese Gibson,
- Science-fiction, Action
Un évènement mystérieux lié à notre passé éclate au grand jour. C'est la guerre qui menace aujourd'hui notre Terre. Une guerre d'une telle ampleur que l'aide des Transformers pourrait, cette fois, ne pas suffire à nous sauver
Michael Bay est un cas très complexe dans le milieu de la grosse production hollywoodienne. Souvent honnis par les cinéphiles pour des raisons parfois très compréhensibles (scénario rachitique au détriment d'une avalanche d'effets spéciaux et d'explosions, humour en dessous de la ceinture, traitement catastrophique des personnages féminins,...) son style immédiatement reconnaissable fait cependant de lui un « auteur » à part entière. D'une extrême générosité au niveau du divertissement (en termes de spectacles ses films valent largement le prix du billet), il se montre souvent brillant technicien et grand bosseur ce qui apporte une plus-value à ses long-métrages. Et c'est enfin un réalisateur de films d'actions qui refuse de déléguer ces séquences de bravoure et de destruction à une seconde équipe.
L'allumage constant qu'il subit par la critique spécialisée internationale n'empêche cependant pas ses films de cartonner au box-office et de toujours se doter de castings fourmillant d'acteurs dits « respectables » (Ed Harris et Sean Connery dans The Rock, Steve Buscemi dans Armageddon, Ewan McGregor dans The Island, John Turturro dans la trilogie Transformers...). Néanmoins, aussi virtuoses techniquement soient-ils, les films de Michael Bay souffrent souvent d'un récit abscons et d'un rythme assez inégal, le bonhomme aimant souvent que ses long-métrages atteignent pas loin de deux heures et demie. Cela transforme parfois les projections de ses films en sortes d'expériences métaphysiques qui tenteraient de tester les limites du corps humains (les yeux, les oreilles et le cerveau en prenant souvent un coup). Et lorsque Bay tente de radicaliser encore plus son « style », cela donne des objets filmiques aberrants, outranciers, exaspérants et épuisants comme Bad Boys 2 et Transformers 2. Ce dernier avait d'ailleurs atteint un summum de médiocrité, de néant scénaristique et de consternation humoristique qui faisait perdre tout espoir en un troisième épisode un tant soit peu regardable.
Cependant il ne faut jamais dire jamais. Les premières bandes annonces de Transformers 3 laissaient présager un spectacle tout simplement monstrueux au niveau de la pyrotechnie et du défi technique. De plus, le film marquait les premiers pas de Michael Bay dans le format de la vraie 3D, format qu'il avait pourtant critiqué et mis en doute avant qu'on ne le lui ait en quelques sortes imposé. Première bonne nouvelle : cette 3D est très clairement la plus impressionnante et immersive depuis celle du Avatar de James Cameron. Il est d'ailleurs paradoxal de remarquer que c'est un sceptique qui montre à tous les opportunistes adeptes de la post-prod dans une boite du Tiers-Monde comment il faut dignement se servir de ce nouveau moyen de narration. En plus de retenir Transformers 3 comme le premier film de guerre en 3D, celui-ci ouvre la vague des films vraiment tourné en trois dimensions et porteurs vraisemblablement d'un vrai point de vue de mise en scène (Tintin de Spielberg, Hugo Cabret de Martin Scorsese, Bilbo le Hobbit de Peter Jackson, Pacific Rim de Guillermo Del Toro notamment).
La séquence d'introduction de ce troisième épisode est même impressionnante de maîtrise. Bay arrive clairement à exposer les enjeux au détour d'une séquence qui revisite par le biais d'un mélange d'images fictives et réelles (parfois retouchées) l'épisode de la conquête spatiale. Cette illusion apparait pourtant vite au grand jour pour révéler de nouveau le vrai Bay. La première image introduisant le personnage féminin qui remplace l'insipide et catastrophique Megan Fox après ses propos légèrement provocants n'est autre qu'un gros plan sur la culotte de cette dernière (jouée par le mannequin de « Victorias Secret », Rosie Huntington-Whiteley). Si cette dernière a un léger rôle dans l'intrigue, notamment en amenant un personnage à faire un saugrenu mais salvateur changement de camps, elle reste encore une fois un personnage-vitrine chargé de faire baver les deux ou trois « geek » encore fans des jouets dont sont tirés les films (ses courbes sont même littéralement comparées à celles d'une voiture). Cependant Huntington-Whiteley n'est pas aussi mauvaise actrice qu'on aurait pu craindre, bien qu'assez inexpressive, mais elle évite les postures d'allumeuses vulgaires que Fox nous faisaient toutes les minutes pour sortir le public masculin de sa torpeur face au deuxième épisode.
La première heure et demie dispose aussi d'un semblant de scénario qui pose les bases de quelques idées potentiellement intéressantes : théories du complot, détournement des robots pour alimenter l'interventionnisme américain, les difficultés du héros des deux premiers opus à revenir à une « vie normale » (mais néanmoins très aisée) et à souffrir du manque de reconnaissance du gouvernement qu'il a sauvé à deux reprises (ce qui donne droit à une séquence assez drôle où le jeune Sam reçoit une médaille de la part de Barack Obama). Cependant, Bay n'arrive pas à doser son long-métrage et laisse parfois place à d'absurdes séquences comiques largement dispensables, notamment avec le personnage de l'employé asiatique forcément hystérique et pervers ; Ken Jeong repoussant ici les limites du cabotinage outrancier et embarrassant. L'inattendu John Malkovich en fait aussi des caisses mais se révèle assez amusant au détour d'une séquence montrant l'angoisse du héros lors d'un entretien d'embauche ; il l'est cependant un peu moins lorsqu'il s'amuse à faire des guili-guili à un robot géant. De même la présence de Frances McDormand est surprenante dans le bon sens du terme (il doit y avoir une close dans le contrat pour un film des frères Coen stipulant qu'il faut passer chez Michael Bay).
Mais très vite le film s'essouffle malgré ses semblants de « twists » et de rebondissements. Un nombre incalculable de séquences pourrait être raccourcies voire supprimées sans que cela n'interfère dans le déroulement du récit principal. Et malgré trois morceaux de bravoure assez courts (un à Tchernobyl, un autre sur une autoroute qui s'achève sur un ralenti en 3D tout bonnement hallucinant et un duel « leonien » entre quatre robots), on finit très vite par s'ennuyer. Car on est venu pour une chose principalement : la grosse scène d'action à Chicago que nous vend les diverses bande annonces. Au bout d'une heure et demie, on finit même par se sentir agacé voire frustré. Mais c'est quand l'intertitre indiquant « Chicago » apparait à l'écran que le film commence véritablement. Et à partir de ce moment-là les nombreux défauts des deux premiers tiers (humour consternants, moments lacrymaux gonflants, patriotisme sous-jacent,...) sont quelques peu rachetés par la débauche pyrotechnique qui va s'enclencher sur près de trois quarts d'heure.
La longue bataille s'ouvre sur quelques images étonnamment violentes de massacre de civils ponctué d'ellipses qui font écho à la première moitié de La Guerre des Mondes de Spielberg. Une ouverture surprenante quand on sait l'adoration que voue Bay aux scènes de destruction. La bataille s'ouvrira donc directement sur la métropole déjà à feu et à sang. Un décor apocalyptique bluffant de réalisme où se déroulera une bataille d'une générosité visuelle sans égale. Tout va alors y passer : entre ciel et terre, à l'air libre ou dans les gratte-ciels, duels à mort ou fusillades de groupes... Certains passages sont moins trépidants, surtout vers la fin car trop d'action tuent l'action, mais quelques séquences sont justes les plus sidérantes et les plus impressionnantes vues dans un blockbuster depuis au moins le dernier film de Cameron. Deux moments se démarquent très nettement pour le prix de la « meilleur scène d'action de l'année » : un saut en parachute en 3D absolument vertigineux (on s'accroche véritablement à son siège) et une séquence dans un building de deux cents mètres qui est cassé en deux par un ver mécanique de taille équivalente (obligeant les héros à faire du toboggan sur les parois du bâtiment). Deux passages absolument délirants ponctués d'autres séquences de combat tout aussi maîtrisés.
Transformers 3 n'est donc absolument pas dénué de défauts : humour beauf largement dispensable, astuces scénaristiques faciles et amenées à la truelle, des personnages parfois sous-écrits ou sous-exploité (notamment celui incarné par Patrick Dempsey ainsi qu'Optimus Prime), quelques dialogues moralisateurs assez ringards, rythme mal pensé,... Pourtant le film se révèle comme le meilleur (ou le moins pire diront certains) de la trilogie. Parce qu'une telle générosité est rare mais surtout parce que Bay, quoiqu'on en dise et pense, vient de passer un cap dans sa carrière. Sa mise en scène a évolué ces derniers temps, et la 3D l'a obligé à continuer dans ce sens, et se révèle d'une maîtrise assez surprenante. On ne changera pas Bay car tous les défauts précités font évidemment parti de son style si reconnaissable. Un style très agaçant certes, mais très peu de personnes à l'heure actuelle peut réclamer le titre d'actionner inspiré et efficace. Et à l'heure où un McTiernan ne peut plus tourner à cause de problème judiciaire et qu'un James Cameron ne fait qu'un film tous les six ans, Michael Bay fait partie des rares, avec Michael Mann et Tony Scott, à tenter de réaliser de grandes scènes d'actions qui brillent par leur inventivité visuelle et leur audace de mise en scène.
NOTE à 6 / 10