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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 21:00
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Titre original : Safe

Film américain sorti le 27 juin 2012

Réalisé par Boaz Yakin

Avec Jason Statham, Catherine Chan, Robert John Burke,…

Action, Thriller

Un ancien agent secret sauve une petite fille à la mémoire exceptionnelle, déclenchant ainsi une guerre des gangs entre les Triades, la mafia russe et des policiers new-yorkais corrompus. Tous veulent mettre la main sur l'enfant, la seule à détenir la combinaison d'un coffre-fort très convoité. 

    

Il est peut-être légèrement hasardeux de l’affirmer mais Jason Statham pourrait être perçu comme l’équivalent des vieux Sylvester Stallone ou Arnold Schwarzenegger aux yeux de la génération 2000s. C’est du moins ce que laisse entendre le dyptique Expendables qui confronte Stallone et Statham dans une sorte de rapport maître/disciple. Cependant la réalité est un poil plus nuancée. Car Statham ne peut pour l’instant pas encore se vanter d’avoir eu un rôle fédérateur voire iconique comme Stallone en a eu dans les années 80 avec le vétéran Rambo ou le boxeur Rocky. Il peut encore moins se vanter d’avoir travaillé avec de grands metteurs en scène, à la différence d’un Schwarzenegger qui avait été engagé par de grosses pointures tels James Cameron, Paul Verhoeven, John McTiernan ou encore Kim Jee-woon.

Au mieux, Jason Statham peut bien se vanter d’avoir intégré quelques castings luxueux chez Guy Ritchie (ce qui n’est pas spécialement glorieux vu le talent extrêmement limité du metteur en scène) ou encore chez Michael Mann pour un quasi caméo dans le magistral Collateral. Un bon réalisateur ayant un point de vue et un style : c’est ce qui manque principalement dans le parcours de Statham qui se contente bien trop souvent de participer à des projets de cinéma certes réguliers mais ayant tout juste assez de pognon pour ne pas passer directement par la case DVD.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/54/45/20026039.jpgSauvetage

C’est là que Safe se démarque d’une certaine façon du reste de sa filmographie. Sur le papier, ce nouveau long-métrage a pourtant tout de la série B avec un concept initial des plus simples. Un agent sur le carreau, cherchant à se venger d’un groupe de mafieux russe qui a assassiné sa femme et l’a contraint à une forme d’exil social, rencontre une petite chinoise surdouée poursuivie par ce même groupe de mafieux, cherchant à récupérer la combinaison d’un coffre renfermant plusieurs millions de dollars, et dont la mémoire est le seul lieu où est encore conservé ce précieux code excessivement complexe. Cela donne évidemment lieu à un « buddy movie » apparemment classique entre deux héros antagonistes : l’un est une petite fille et l’autre est un homme adulte ; l’un a des compétences intellectuelles très développées tandis que l’autre dispose d’une force qui permet de combler les lacunes « physiques » de la jeune gamine.

A eux deux, ils vont pouvoir se compléter l’un l’autre par leur association et devenir une sorte d’ennemi suffisamment dangereux et intelligent pour pouvoir parer la mafia. Une alchimie qui fonctionne à ce point que les deux héros finissent par se gangréner : le personnage de Statham finit par faire preuve d’une intelligence retorse tandis que la petite fille n’hésitera pas à employer les mêmes moyens violents que les adultes. Le tandem fonctionne ainsi très bien et Statham refait preuve d’une certaine présence nécessaire pour ce type d’« actionner » bourrin mais efficace. De même, il est aussi plutôt agréable de revoir des films d’action durant moins de deux heures à une époque où l’on est envahi de blockbusters friqués prétentieux considérant à tort qu’ils ont tellement de choses à dire et à montrer qu’ils tournent à vide sur près de deux heures et demi souvent insupportables. Dans Safe, dont le titre fait référence à la fois au coffre-fort et à la protection de la petite fille, tout est carré, efficace et va à 100 à l’heure. Pas de fioriture ou de dialogues inutiles puisque, si c’est possible, les personnages se définissent et évoluent dans l’action.

De même que pour The Raid, on pourra lui faire le reproche de favoriser l’efficacité à la psychologie de comptoir. Hors les films de Gareth Evans et de Boaz Yakin se déroulent tous les deux sur une courte durée d’à peine plus de quelques heures. A l’exception notable des dix premières minutes de Safe qui introduisent plus qu’efficacement les personnages et les traumatismes qu’ils ont subi et qui sont devenus le moteur de leurs existences. Les deux films accumulent aussi un « body count » assez admirable puisque dans Safe les morts s’enchainent par dizaines pendant près de trois quarts d’heure. Pourtant, l’ambiance n’est pas vraiment à la rigolade et à l’esbroufe décomplexée, bien que quelques « punchlines », marque de fabrique du justicier « bad-ass » et cool, interviennent de temps à autres à la fin d’une scène d’action ou d’un corps-à-corps particulièrement intense.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/54/45/20035521.jpgRétro

L’atmosphère de Safe se rapproche plus du polar américain musclé comme on en faisait dans les années 70. On pense régulièrement, certes dans une moindre mesure, au génial French Connection de William Friedkin dans la façon que Yakin a de manier la caméra à l’épaule ainsi que dans sa vision de la mégalopole de New York City. La musique de Safe est tellement inspirée des sonorités de l’époque que l’un des thèmes est, à la note près, le même que celui du chef d’œuvre de Friedkin. Le côté « course contre la montre » plaide aussi pour cette impression rétro ainsi que sa violence assez réaliste puisqu’on n’est surement pas dans un film d’action « PG-13 ». Occasionnellement, on retrouve aussi des traces du plus récent mais non moins magistral Die Hard 3 de John McTiernan dans sa description d’un antihéros déchu cherchant la rédemption et dans son utilisation spatiale et ludique de New York pour dynamiser les scènes d’action.

Mais là où le film surprend vraiment c’est dans sa mise en scène qui n’est pas aussi fonctionnelle que l’on pouvait le craindre. Si bon nombre de films d’actions de Statham sont platement illustrés et au service de sa star principale, Safe se démarque en instaurant dans ses séquences de combats et de poursuites quelques audaces inattendues. Deux ou trois plans-séquences viennent ainsi aérer le long-métrage, dont un particulièrement inattendu et réussi dans une voiture où la caméra se sert des rétroviseurs comme autant de points de vue de l’action et restant de cette façon collé à ce que voit le personnage principal. Immersion et efficacité garantie. De même, l’utilisation de la caméra à l’épaule n’est que rarement abusive et la majorité de l’action reste appréciable tout en gagnant cet aspect sec et nerveux qui a été porté à son apogée avec les longs-métrages de Paul Greengrass.

On pourrait donc résumer Safe à la bonne petite surprise de cette fin de premier semestre 2012. Une moitié d’année en demi teinte qui avait vu s’enchainer quelques très grands films pendant ses trois premiers mois avant de laisser la place à un calme plat entaché par quelques superproductions honteuses et ringardes pendant le printemps. Les sorties rapprochées de quelques films jubilatoires comme 21 Jump Street, The Raid ou bien ce Safe indiquent peut-être un nouveau dynamisme chez ce cinéma de divertissement un tant soit peu ambitieux qui avait perdu quelques unes de ses lettres de noblesses après Prometheus ou Dark Shadows. Un signe annonciateur et optimiste pour cet été pourtant assez pauvre en films devant apparemment mêler intelligence du propos, maitrise de la mise en scène et sensations fortes pour le public si l’on excepte The Dark Knight Rises de Christopher Nolan ou Rebelle, le dernier Pixar.

NOTE :  6,5 / 10

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 22:43
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Titre original : The Deep Blue Sea

Film britannique sorti le 20 juin 2012

Réalisé par Terence Davies

Avec Rachel Weisz, Tom Hiddleston, Simon Russell Beale,…

Drame, Romance

Hester Collyer, épouse de Sir William Collyer, haut magistrat britannique, mène une vie privilégiée dans le Londres des années 1950. A la grande surprise de son entourage, elle quitte son mari pour Freddie Page, ancien pilote de la Royal Air Force, dont elle s'est éperdument éprise. Sir William refusant de divorcer, Hester doit choisir entre le confort de son mariage et la passion. 

    

La passion amoureuse fait parti de ces grands sujets qui ont fasciné les artistes pendant des siècles. Pas uniquement des cinéastes donc, mais aussi des écrivains, des peintres ou encore des musiciens. Un très vaste et très complexe sujet d’ailleurs pour lequel les hommes n’ont cessé de décortiquer les multiples formes et subtilités. Comment nait la passion ? Comment peut-elle ensuite disparaitre ? Le film de Terence Davies s’inscrit dans cette très longue lignée d’œuvres ayant comme centre d’intérêt une ardente histoire d’amour et la tentative de représentation (par le langage visuel) de la complexité et de l’intensité extrême d’une relation passionnelle.

On pourrait un peu comparer le long-métrage de Davies avec le très beau film de l’année précédente mis en scène par Derek Cianfrance, Blue Valentine, avec Ryan Gosling et Michelle Williams. Un long-métrage lui-aussi intimiste sur un couple vivant une relation très forte. Les deux œuvres avaient ainsi la lourde tâche de faire transparaitre la multitude de sentiments et de sensations qui interviennent lors de telles rencontres. A une différence notable près, puisque Blue Valentine montrait dans un montage parallèle pertinent la naissance ainsi que la mort irrémédiable de cet amour malgré les efforts du couple pour le sauver. Si The Deep Blue Sea dévoile le début de cette relation, le film s’y attarde nettement moins pour relater surtout la fin inéluctable de cette relation extraconjugale (autre détail divergeant avec le film de Cianfrance).

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/37/55/20078812.jpgPassion enflammée

Le long-métrage de Davies est aussi assez handicapé par le caractère théâtral de l’œuvre originale qu’il entend adapter sur grand écran. D’un point de vue rythmique mais aussi de réalisation, le film de Davies ayant la trompeuse apparence d’un téléfilm de prestige plutôt que celle d’un long-métrage de cinéma. Son économie de moyen plaide pour cette impression tout comme sa mise en scène qui est dénuée de mouvement de caméra, de travelling complexe ou de montage surprenant. Et comme il s’agit d’une adaptation de pièce de théâtre, une très grande partie de The Deep Blue Sea se déroule dans des décors intérieurs. Peu d’ampleur donc dans la reconstitution historique puisque même les très rares scènes à l’air libre ne laissent pas transparaitre l’aspect « extérieur » de ce monde.

Néanmoins la réalisation de Davies n’est justement pas tant basée sur la mobilité que sur l’immobilité. Le travail de la mise en scène se fait principalement au niveau de la composition de cadres parfaitement structurés afin de renforcer cette impression d’enfermement quasi physique que ressent le trio de protagonistes principaux. Ceux-ci sont seuls même lorsqu’ils croient être avec quelqu’un d’autre. Souvent, la relation entre les deux protagonistes réunis ne fonctionne déjà plus. William, le mari, s’évertue dans l’illusion la plus totale à reconquérir sa femme qui se refuse catégoriquement à lui ; l’amant parle avec jubilation à la maîtresse qu’il croit complètement énamourée alors qu’elle vient d’accomplir une tentative de suicide quelques heures plus tôt… Il y a ainsi un problème de communication entre ces personnages qui ne se comprennent plus. Le vieux mari et sa mère ne réalisent pas l’importance, la force et la beauté de ce qui a conduit Hester dans les bras d’un autre (la passion) tandis que le pilote Freddie ne comprend pas le dilemme qui a poussé Hester à tenter de commettre l’irréparable.

C’est pourtant par une grande envie de liberté que tout a débuté. Une liberté audacieuse presque scandaleuse dans l’Angleterre puritaine et corsetée de l’après Seconde Guerre mondiale. Une liberté de choix et d’actes déplacée pour une femme. Car c’est Hester qui ose prendre sa vie et son destin en main au lieu d’obéir sagement aux règles qu’on lui a imposé. Au lieu de vivre avec mesure et combler servilement son mari sans penser à elle-même, Hester vit tout avec passion. C’est une femme passionnée qui préfèrerait mourir tôt si cela lui permet de vivre avec intensité plutôt que de se contenter d’une longue, plate et monotone existence.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/37/55/20129822.jpgLibération

Les deux « voies » ont pourtant chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Car la passion extrême peut en effet disparaitre aussi vite qu’elle est apparue. La passion ne résout pas ces problèmes financiers qui embarrassent Freddie, ce dernier ne pouvant pas offrir autant à Hester que son riche mari. La passion ne peut s’embarrasser de toute forme de monotonie, d’où le fait (certes non excusable) que Freddie oublie de souhaiter l’anniversaire d’Hester tandis que le mari, réglé comme une horloge malgré le fait qu’il considère l’avoir souhaité assez tard, y pense automatiquement. A l’inverse, ce dernier se révèle tendre et attentionné malgré sa rigueur et son écrasement face à l’omniprésence de sa mère glaciale. Hester est tiraillée car malgré sa liberté de choix, elle ne sait pas si elle a choisi juste. L’attentionné mais ennuyeux William n’était-il pas préférable au véhément et agité Freddie ?

C’est ce dilemme tragique, très théâtral dans l’esprit, que relate le film de Terrence Davies qui se charge néanmoins de brouiller les pistes en mélangeant narrativement le passé, le présent, le futur ; autre point de ressemblance avec Blue Valentine qui faisait de même. L’issue finale est malheureusement certaine car inéluctable une fois que la révélation de cette incommunicabilité et donc de cette incompatibilité est révélée. Mais peu importe le choix au final tant que l’on peut le faire. C’est la morale de cette histoire qui dévoile par une histoire intimiste l’émergence de la lutte féministe qui forcera la société anglaise d’après-guerre à évoluer. L’Angleterre des « Sirs » et des « Ladies » s’apprête à être révolu au moment où cette femme se décide à vivre pleinement chaque instant comme si c’était le dernier plutôt que de se plier à des traditions et des règles de bienséances ancestrales qui ne concernent plus que la fine élite du pays et non plus ce « bas-peuple » se réunissant dans les bars et vivant dans de modestes appartements.

Ce très beau film d’amour intimiste est aidé par deux atouts non négligeables. Le premier est sa photographie assez tétanisante de beauté, à la fois feutrée et brumeuse, tantôt sombre et tantôt lumineuse. L’autre atout est son trio d’acteurs formidables. Si Simon Russell Beale aurait pu se voir éclipsé par le couple principal, il se révèle d’une magnifique subtilité, parvenant sans mal à passer de la tristesse profonde à la joie contenue en voyant la belle accepter ses présents de réconciliation. Les deux autres acteurs ne déméritent pas avec un Tom Hiddleston qui lave l’affront d’Avengers et retrouve la grâce qui l’animait dans le somptueux Cheval de Guerre de Spielberg où il avait droit à un rôle secondaire assez remarquable. Mais la vedette principale reste Rachel Weisz qui incarne l’héroïne. Elle est de quasiment tous les plans et est radieuse de beauté. Son talent inonde presqu’avec obscénité l’écran tant elle surclasse bon nombre d’actrices en terme de charisme mais aussi de jeu grâce à l’immense variété de son répertoire. Rien que pour elle, The Deep Blue Sea est à voir. Cette dernière continue d’ailleurs à faire balancer sa carrière entre projets d’auteurs et blockbusters puisqu’on la retrouvera cette fois à la rentrée dans le film d’action à gros budget Jason Bourne : l’héritage.

NOTE :  7 / 10

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 20:38
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Titre original : The Dictator

Film américain sorti le 20 juin 2012

Réalisé par Larry Charles

Avec Sacha Baron Cohen, Anna Faris, Ben Kingsley,…

Comédie

Isolée, mais riche en ressources pétrolières, la République du Wadiya, en Afrique du Nord, est dirigée d’une main de fer par l’Amiral Général Aladeen. Vouant une haine farouche à l’Occident, le dictateur a été nommé Leader Suprême à l’âge de 6 ans, après la mort prématurée de son père, tué dans un accident de chasse par 97 balles perdues et une grenade ! Depuis son accession au pouvoir absolu, Aladeen se fie aux conseils d’Oncle Tamir, à la fois Chef de la Police Secrète, Chef de la Sécurité et Pourvoyeur de Femmes. Malheureusement pour Aladeen et ses conseillers, les pays occidentaux commencent à s’intéresser de près à Wadiya et les Nations Unies ont fréquemment sanctionné le pays depuis une dizaine d’années. Pour autant, le dictateur n’est pas du tout disposé à autoriser l’accès de ses installations d’armes secrètes à un inspecteur du Conseil de Sécurité – sinon à quoi bon fabriquer des armes secrètes ? Mais lorsqu’un énième sosie du Leader Suprême est tué dans un attentat, Tamir parvient à convaincre Aladeen de se rendre à New York pour répondre aux questions de l’ONU. C’est ainsi que le dictateur, accompagné de Tamir et de ses plus proches conseillers, débarquent à New York, où ils reçoivent un accueil des plus tièdes. Il faut dire que la ville compte une importante communauté de réfugiés wadiyens qui rêvent de voir leur pays libéré du joug despotique d’Aladeen. Mais bien plus que des expatriés en colère, ce sont des sanctions qui attendent le dictateur dans la patrie de la liberté… 

    

Sacha Baron Cohen a réussi à s’imposer en quelques années comme l’un des humoristes internationaux les plus provocateurs et jusqu’au boutiste qui soit. Sa passion ? Confectionner des personnages extrêmes complètement barrés avec lesquels il prête corps avec une conviction et une volonté assez hallucinante, allant jusqu’à faire la promotion de ses films en restant dans ces rôle et non pas en redevenant l’acteur qui les incarne. Des shows et des campagnes marketing réglés au millimètre, d’une réelle efficacité mais ayant toujours un arrière-gout assez décevant car toute cette folie n’est en fait que très préparée.

Bien qu’il parvienne à donner une apparence de spontanéité et d’improvisation à ses interventions provocatrices, le mythe Sacha Baron Cohen a une certaine tendance à tourner un peu vite en rond, le moteur de cette machine à buzz finissant par ronronner tranquillement tant cette dernière est parfaitement huilée. Après le choc, assez inattendu en son genre, qu’avait constitué Borat, film où Cohen devenait un reporter kazakh, l’acteur humoristique à performances avait enchainé sur Brüno, caricature volontairement outrancière d’un « top model autrichien gay ».  Ajoutons à cela qu’il avait aussi auparavant interprété Ali-G, une vulgaire figure du rap. Mais ses performances au box office ne font que décroitre et il devient rapidement aisé de savoir pourquoi ce « système Baron Cohen » commence à montrer ses limites. The Dictator inquiétait déjà dans ce sens puisque Cohen se relançait à nouveau dans l’interprétation permanente d’un nouveau personnage excentrique et étranger visant encore à montrer les failles d’un système américain qu’il dérègle par son simple passage. Alors ce Dictator est-il une redite inutile ou bien annonce-t-il un renouvellement bienvenu ?

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/77/28/20133671.jpgRébellion

Un peu des deux au final. Du point de vue du film lui-même, The Dictator surprend plutôt dans le bon sens du terme avec l’abandon total dès le premier quart d’heure de ce format de faux documentaire qui affaiblissait parfois Borat ou Brüno, certaines séquences drôles n’ayant eu parfois aucune autre justification scénaristique que de faire rire pendant cinq minutes sans faire avancer le film plus que ça. Ici, la structure du scénario est davantage narrative. On suit une histoire et un personnage en étant plus directement impliqué. Un revirement assez classique donc, mais réussi. Changement aussi dans la tonalité de l’humour puisque celui-ci est un peu moins « trash » et vulgaire que dans les deux précédents opus ; ce qui est d’autant plus surprenant lorsque l’on sait le sujet de The Dictator qui pouvait pourtant donner lieu à tout un tas de blagues et de situations véritablement de « mauvais goût ».

Hormis une séquence d’accouchement assez tordue, d’autant plus qu’elle dure, et de quelques pointes un peu salaces, l’humour est relativement retenu. D’ailleurs, il n’est pas toujours d’une efficacité à toute épreuve puisqu’un certain nombre de « chutes » ne fonctionne pas tout à fait. Il est même assez prévisible voire parfois un peu trop répétitif. S’il y a bien quelques séquences d’anthologie, parmi lesquelles on comptera la scène de l’accouchement ou encore l’hilarante scène dans l’hélicoptère (les deux meilleures du film), la plupart du temps, le long-métrage ne surprend pas. Il apparait même comme assez moralisateur sur la fin avec un discours visant à montrer que l’Amérique est très loin d’être la démocratie qu’elle entend prôner dans le reste du monde. Sur une séquence similaire, Michel Hazanavicius avait fait bien plus percutant dans OSS 117 Rio ne répond plus avec l’excellente et maligne réplique sur la « France du général De Gaulle ».

The Dictators’accompagne aussi de quelques caméos plus ou moins savoureux, mais la véritable star du film reste évidemment Sacha Baron Cohen. De quasiment tous les plans puisque même l’un de ses antagonistes est un sosie du général Aladeen, Sacha Baron Cohen compose un personnage à la fois complexe, ambigu et contradictoire. Celui-ci doit faire face à son oncle traitre incarné par un très drôle Ben Kingsley ; l’Histoire nous a depuis longtemps montré que les jeunes souverains doivent toujours se méfier de leurs oncles paternels qui n’aiment pas être mis à l’écart de ce pouvoir qu’ils auraient pu obtenir s’il n’y avait pas eu ces embarrassants neveux.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/92/85/20096407.jpgDémocratisation

Pourtant ce général Aladeen ne semblait pas démériter en termes de cruauté par rapport à son oncle-conseiller fourbe. Au contraire même, et tout l’intérêt du film se trouve dans ce retournement de situation par rapport aux codes du genre. D’habitude, le jeune roi/prince/dirigeant se fait renverser par un prétendant traitre plus avide et intéressé. Ce dernier s’acharne alors à se donner plus de richesses et plus de pouvoir au détriment d’un pays ou d’un royaume qui sombre dans la dictature au fur et à mesure que le peuple se voit privé de ses droits élémentaires afin de permettre le train de vie outrancier de son nouveau dirigeant. Mais quel est le but « machiavélique » de l’oncle dans The Dictator ? Instaurer une démocratie et donner plus de richesses à son peuple. Un retournement intéressant qui voit la démocratie être cette nouvelle menace que ce Dictateur perçoit comme le pire et le plus dangereux des régimes.

Evidemment et malheureusement, le film de Larry Charles ne va pas au bout de sa logique puisque même cet oncle cache en fait d’autres objectifs et est moins intéressé par une démocratie que par l’ouverture des frontières aux multinationales afin de piller les ressources de l’Etat qu’il dirige et recevoir en contrepartie un énorme chèque lui permettant d’acheter la villa voisine de celle de George Clooney au bord du lac de Côme. Et pendant ce temps, le dictateur, ayant perdu son « identité » en même temps qu’on lui a dérobé sa longue barbe (Cohen file ainsi un bon coup de pied dans les visions stéréotypés des occidentaux vis-à-vis de leurs « voisins »), découvre les bienfaits de l’égalité, de l’engagement, de la révolte et de la liberté en la personne de Zoe, jeune propriétaire d’une épicerie bio altermondialiste où ne travaillent que des réfugiés politiques. Un havre de paix et d’amour qui, paradoxalement, fonctionnera un tantinet mieux grâce aux méthodes totalitaires mais plus encadrées d’Aladeen.

Mais rien n’est évidemment très sérieux dans The Dictator. La preuve d’ailleurs avec ce dirigeant de pacotille plus bête que méchant qui, face à l’opposition et à la résistance tellement bien organisées de son pays, n’a en fait jamais réussi à véritablement exécuter un ennemi du régime ; une terrible désillusion pour lui lorsqu’il découvre la vérité en entrant par mégarde dans un restaurant pour les opposants au régime d’Aladeen. Le jeune général avouera ensuite plus tard ne pas vouloir marcher sur les pas de son tyran de père et refuser sa destinée de dictateur suprême. Les rares personnes qui l’approchent sont ceux qui font parti de sa servile escorte personnelle ; les autres ne pouvant être soit que des rebelles terroristes cherchant à l’assassiner, soit d’aguichantes starlettes (souvent américaines pour accentuer le paradoxe Aladeen) attirées dans son palais en échange de quelques luxueux pots de vin. Constamment à la recherche d’un inoffensif câlin, Aladeen ne trouvera le réconfort que chez cette Zoe qui acceptera enfin de le prendre dans ses bras. Elle lui permet aussi de libérer son esprit, de ne plus (trop) être un enfant, de voir ses erreurs de jugement et de comportement ; cet apprentissage se concluant pour lui par une surréaliste découverte de la masturbation.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/77/28/20133666.jpgPacification

L’histoire d’amour est assez clichée et suit rigoureusement les règles du genre. C’est un peu le problème général de The Dictator. On a l’impression de voir une comédie dont l’ambition initiale est de se démarquer du reste de la production avec une liberté de ton assez forte et un refus ouvert du politiquement correct avant de se retrouver quand même devant un long-métrage terriblement classique et sage. Sa structure narrative est éculée, ses gags ont déjà été pour la plupart rabâchés par d’autres et le film de Larry Charles est vraiment à la traine d’un point de vue technique par rapport à certains de ses concurrents. On ne peut lui enlever une certaine efficacité au niveau des zygomatiques, mais au niveau strictement empathique et moral The Dictator reste très inégal, à mille coudées en dessous d’une (vieille) comédie politique comme Le Dictateur de Chaplin par exemple (ce dernier est d’ailleurs plus pertinent et d’actualité que le long-métrage de Charles), et ce, même s’il essaye de temps à autres à donner de l’épaisseur à son personnage principal.

Reste qu’il est d’une certaine et louable équité lorsqu’il s’agit de taper et d’égratigner l’image de tout le monde. L’intrigue elle-même est très fragile puisqu’elle se limite à n’être qu’une succession de situations surprenantes  devant permettre au final à « l’antihéros » d’évoluer tout en reprenant sa place d’antan. Et la séquence finale donne un arrière-gout de « tout ça pour ça » : rien n’a vraiment changé, ou si peu, mais cela n’a pas d’importance puisqu’encore une fois tout ça n’est pas bien sérieux (en plus du fait que la conclusion enchaine quelques unes des blagues les plus prévisibles et ratées du long-métrage alors que l’introduction était si hilarante, notamment grâce à une dédicace au décédé Kim Jong-il). The Dictator est un film un peu vain sur les bords malgré des intentions louables au départ. Un parfait représentant du ralentissement du « système Sacha Baron Cohen ».

Il faudrait un peu plus que ça pour relancer le comédien dont les performances au box office, notamment sur le territoire américain, ne font que s’amenuiser fortement. S’il a déjà livré des interprétations plutôt convaincantes dans des rôles secondaires dans des films mineurs de Tim Burton (Sweeney Todd) et de Martin Scorsese (Hugo Cabret), ce renouvellement qui pourrait être en adéquation avec la nature de caméléon de l’acteur comique devrait être son rôle de Freddy Mercury, leader du groupe « Queen », dans le biopic de Stephen Frears, metteur en scène de The Queen (ça ne s’invente pas). Mais connaissant le côté jusqu’au boutiste de l’acteur, on peut déjà être assuré sur l’intensité de cette performance

NOTE :  6,5 / 10

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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 11:14
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Titre original : Snow White and the Huntsman

Film américain sorti le 13 juin 2012

Réalisé par Rupert Sanders

Avec Kristen Stewart, Chris Hemsworth, Charlize Theron,…

Fantastique, Action, Aventure

Dans des temps immémoriaux où la magie, les fées et les nains étaient monnaie courante, naquit un jour l’unique enfant d’un bon roi et de son épouse chérie : une fille aux lèvres rouge sang, à la chevelure noire comme l’ébène et à la peau blanche comme neige. Et voilà précisément où l’histoire que vous croyiez connaître prend fin et où la nouvelle adaptation épique et envoutante de ce célèbre conte des frères Grimm débute. Notre héroïne, dont la beauté vient entacher la suprématie de l’orgueilleuse Reine Ravenna et déclencher son courroux, n’a plus rien d’une damoiselle en détresse, et la cruelle marâtre en quête de jeunesse éternelle ignore que sa seule et unique rivale a été formée à l’art de la guerre par le chasseur qu’elle avait elle-même envoyé pour la capturer. Alliant leurs forces, Blanche-Neige et le chasseur vont fomenter une rébellion et lever une armée pour reconquérir le royaume de Tabor et libérer son peuple du joug de l’impitoyable Ravenna. 

    

Le conte de fée revisité est à la mode dans le monde du cinéma depuis peu de temps. Une vague relancée notamment par le succès phénoménal du pourtant très consternant Alice au pays des merveilles de Tim Burton. Depuis, des versions modernisées et cinématographiques de fameux contes ne cessent de fleurir. On avait eu auparavant un Petit Chaperon Rouge minable mis en scène par la réalisatrice du premier Twilight et on va avoir droit dans un avenir proche à une nouvelle vision de Hansel & Gretel avec Jeremy Renner et Gemma Arterton (projet dont la sortie a été repoussée de plus d’un mois pour une raison encore inconnue), une adaptation de « Jack et le haricot magique » par Bryan Singer dont les premières images ne rassurent pas du tout (elle aussi repoussée de plusieurs mois) ou encore un prequel de La Belle au Bois Dormant intitulé Maléfique et avec Angelina Jolie dans le rôle de la méchante fée (le premier visuel apparu sur le net ces derniers jours laisse lui-aussi perplexe).

Mais le grand conte revisité en ce moment n’est autre que « Blanche Neige ». En effet, en à peine quelques semaines d’intervalles, deux visions de l’histoire seront sorties sur les écrans (trois étaient en fait prévues, puisqu’un projet depuis avorté avec Saoirse Ronan devait être monté). Il y a près de deux mois, c’était le film de Tarsem Singh (The Fall, Les Immortels) qui avait eu le droit à la primauté de l’exploitation ; c’est désormais au tour de la superproduction de l’inconnu Rupert Sanders de se pointer dans les cinémas français. Un phénomène de plus en plus récurent qui voit de doubles projets, sur un même sujet et avec des dates de sortie relativement proches, obtenir sans problème un « feu vert » de la part de studios concurrents : deux biopics sur Linda Lovelace ; deux adaptations de « La Guerre des Boutons » ; deux projets sur « La Belle et la Bête » ;… Bonne nouvelle : les deux projets « Blanche Neige » n’ont strictement rien en commun, ni entre eux ni  même avec le conte dont ils sont adaptés.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/73/81/20140158.jpgMiroir, mon beau miroir

Le premier était une comédie à tendance bollywoodienne et à message féministe ; le second est une sombre quête d’héroic-fantasy à message lui-aussi féministe. Si l’on connait un tant soit peu le conte original, dans lequel l’héroïne ne faisait que subir et fuir, il est évident que ces deux longs-métrages ne respectent en rien le matériau d’origine en le passant à la moulinette bien pensante du XXIème siècle voulant que toute histoire avec un personnage principal féminin dispose d’un argumentaire peu subtil sur la libération de la femme. L’autre ressemblance entre le film de Singh et celui de Sanders est la grande importance accordée à la méchante reine (appelée Ravenna dans cette nouvelle version), ce qui donne l’occasion aux metteurs en scène de lourdement insister sur la vacuité de cette destructrice recherche désespérée de la jeunesse et de la beauté éternelle.

Ces méchantes reines sont presque les héroïnes de ces longs-métrages. Des reines évidemment pas si détestables, d’autant plus que le film de Sanders confère pour le coup à cette dernière un traumatisme infantile afin d’expliquer sa cruauté. Pour le reste, et mis à part l’extravagance des costumes, les deux films rivaux divergent complètement en termes de direction artistique, d’atmosphère et de narration. Cela veut-il dire que les deux longs-métrages sont bons ? Pas vraiment. On avait vu il y a quelques semaines que la comédie de Singh, si elle se suivait agréablement, n’était pas pleinement aboutie et accusait un certain nombre de baisses de rythme assez gênantes. Blanche Neige et le Chasseur n’est pas non plus dénué de très gros défauts.

Reconnaissons-lui au moins quelque chose : des blockbusters de cette année, il n’est clairement pas l’un des plus embarrassants. Mais il faut dire que la compétition au titre de « pire film à gros budget de 2012 » est particulièrement rude entre Ghost Rider 2, Sherlock Holmes 2, La Colère des Titans, Battleship, Men in Black 3, Dark Shadows ou encore l’inénarrable Prometheus. Le film de Rupert Sanders est du niveau de l’Avengers de Joss Whedon : regardable, supportable mais très vite oubliable. Rien, dans Blanche Neige et le Chasseur, n’a pas déjà été vu ailleurs et en mieux. D’un point de vue narratif, c’est l’encéphalogramme plat tant la production s’est contentée d’insérer une très vague quête à base d’Elu, de prédiction, de destinée, de mort, de renaissance et de meurtre symbolique du « père » (ici, plutôt de la mère).

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/85/34/52/20089535.jpgSommeil éternel

Rien de bien neuf, mais surtout rien de bien approfondi. Rupert Sanders se contente de dérouler et de lister le cahier des charges. Aucune surprise, aucune audace. On passe par là, parce que les autres films ont fait la même chose. La construction scénaristique est à ce point bancal que l’on passe d’une étape à une autre sans même qu’on ait pu voir le liant entre les deux. Un exemple ? Blanche Neige passe en deux temps et trois mouvements du statut de jeune princesse en détresse à celui de chevalière meneuse d’hommes et as du combat sans que cela ait été amené au préalable. A peine se réveille-t-elle de son long sommeil, durant tout au plus quelques heures, qu’elle se met soudain à haranguer toute une armée acquise directement à sa cause alors qu’elle n’était auparavant qu’une jeune fille faible et incertaine aimant la nature et les fées. Kristen Stewart croit judicieux de surcompenser sa petite taille, et son peu d’intérêt pour le rôle, en braillant des ordres pour faire croire qu’elle a du charisme, de la force et de la volonté. Cela ne rend pourtant la scène que plus grotesque et insupportable.

L’interprétation est l’un des gros points faibles. Le cas de Stewart est particulièrement parlant. Il semble qu’il s’agisse pour elle d’un simple boulot alimentaire. Que voulez-vous, la saga Twilight s’achevant dans quelques mois, il faut bien payer les traites de sa nouvelle maison de 300 m2. Or son compagnon Robert Pattinson a, semble-t-il, décidé de se lancer pour les prochaines années dans des films de Cronenberg ou des longs-métrages indépendants aux rayonnements très éphémères et pas très réputés pour permettre d’amonceler l’argent nécessaire au train de vie du couple. Il faut bien que quelqu’un fasse le « sale » boulot. Trêve d’humour, même si cela permettrait d’expliquer le surprenant choix de Stewart pour un imparfait film de studio de cette ampleur, elle qui fait pourtant preuve d’une certaine exigence et d’un certain flair lorsqu’il s’agit de mener sa carrière dans le cinéma indépendant.

Le casting masculin est à l’avenant entre un inutile prince charmant sans âme et une troupe de nains à têtes de célébrités ayant à se partager tout au plus une dizaine de répliques chacun. Le seul qui surprend réellement est Chris Hemsworth, interprète de Thor et futur troisième couteau dans Expendables 2. Or, quand on en vient à trouver que le jeune homme au regard bovin est le meilleur acteur du film (et de très loin), c’est qu’il doit y avoir un petit problème d’interprétation. Peut-être est-ce dû à l’écriture plus aboutie de son personnage qui lui permettrait ainsi de se démarquer du reste du casting. Peut-être est-ce aussi dû au fait qu’il ait laissé éclater à cette occasion un potentiel dramatique assez inattendu qui n’était pas forcément très perceptible dans Thor (quoique), Avengers ou encore La Cabane dans les Bois. Quoiqu’il en soit, ce chasseur veuf et alcoolique cherchant une nouvelle cause à défendre pour trouver la rédemption et, indirectement, l’amour, est un personnage particulièrement touchant. La ressemblance avec le parcours de John Carter dans le long-métrage éponyme d’Andrew Stanton est assez frappante tant les deux personnages sont strictement identiques. L’un des changements majeurs du conte (le réveil de Blanche Neige) le concerne  et constitue l’une des rares bonnes idées inattendues et cohérentes du scénario, en plus de parfaitement étoffer la relation entre les deux personnages principaux en une simple poignée de secondes.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/85/34/52/20089530.jpgQui est la plus belle ?

Plus surprenant, l’interprétation de Charlize Theron se révèle très affligeante. Cette dernière avait déjà surpris en revenant après trois années d’absence dans Young Adult où, malgré les éloges enthousiastes d’une critique fascinée par l’excessivement surestimé et prétentieux Jason Reitman, elle livrait une interprétation somme toute assez médiocre. On l’avait ensuite retrouvé deux mois après dans Prometheus où elle en rajoutait une couche et donnait à voir le pire rôle de sa carrière, à savoir celui d’une blonde frigide et inexpressive en arrière-plan. On était persuadé de ne pas pouvoir la voir plus bas mais elle nous fait encore mentir deux semaines après dans ce Blanche Neige et le Chasseur.

Confondant surjeu braillard avec expression exagérée de la folie, Theron parodie très mal Jack Nicholson dans Shining, devenu depuis le mètre-étalon de l’incarnation de la démence obsessionnelle et meurtrière. Si elle ne se situe pas dans cet aspect du long-métrage, alors on cherchera encore longtemps l’affiliation avec le chef d’œuvre de Kubrick que se targuent d’avoir instauré Theron et Sanders dans Blanche Neige et le Chasseur. On se rend vite compte qu’il aurait été préférable pour Theron qu’elle reste aussi inexpressive que dans le navet S.F. de Ridley Scott. L’artificialité de son jeu saute à la gorge au point que le personnage agace après cinq minutes d’apparition.

On n’arrive pas à ressentir de la jubilation à la voir jouer, ni même à percevoir le soi-disant plaisir de l’actrice à incarner ce rôle de sorcière à la cruauté sans borne. Malgré la supériorité évidente de sa beauté, combinée à sa « hype » bien plus solide que celle de sa co-partenaire (qui n’est vue que comme la fille ne souriant jamais et à l’inexpressivité frôlant le zéro), il faut bien admettre que Theron est pourtant encore plus mauvaise que Stewart. Complètement outrancière, roulant des yeux et parlant toujours en alternant soupirs exacerbés et voix grave pour faire plus peur, Theron rappelle un peu le jeu menaçant excessivement appuyé, souvent grotesque et abominablement premier degré d’Anthony Hopkins après qu’il ait vu le rôle d’Hannibal Lecter lui phagocyter en partie sa carrière.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/73/81/20140175.jpgEmprunt à taux variable

Mais le problème principal de ce Blanche Neige et le Chasseur reste son incroyable manque d’inventivité. Le film de Sanders mange à tous les râteliers et régurgite toutes ses influences ni vu ni connu, profitant d’une légère méconnaissance cinématographique de l’ado américain moyen (et ce n’est même pas sûr) pour que ces plagiats passent comme une lettre à la poste. Les héros traversent un village au bord d’un lac exclusivement habité par des femmes ? Princesse Mononoke de Hayao Miyazaki. Blanche Neige rencontre l’esprit de la Nature/Forêt ? C’est un cerf géant aux bois majestueux qui ne se montre que lors d’uniques occasions. Comme dans, encore une fois, Princesse Mononoke. Blanche Neige chevauchant un cheval blanc (symbole de la pureté) et poursuivie par plusieurs cavaliers noirs ? Difficile de ne pas voir la ressemblance plus que flagrante avec la séquence de la chevauchée d’Arwen dans Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l’Anneau de Peter Jackson. Et lorsque ce même destrier finit par sombrer dans des sables mouvants embrumés (en hors champs évidemment, sans qu’on puisse éprouver une once d’empathie à la différence de la bouleversante scène de son modèle) ? La célèbre séquence tire-larmes de L’Histoire sans fin de Wolfgang Peterson bien sûr !

 Mais l’affiliation est bien plus large et ne se contente pas juste de repomper des pans entiers d’œuvres étrangères. Pour tous ceux qui auraient juré de ne plus jamais aller voir un film de Ridley Scott après son insultant Prometheus, n’entrez pas dans la salle projetant Blanche Neige et le Chasseur. Vous vous feriez bien avoir tant le long-métrage de Sanders ressemble en tout point à un film du vieux réalisateur britannique. Impossible de ne pas se souvenir des batailles dans Gladiator, dans Kingdom of Heaven ou encore dans Robin des Bois lorsque l’on voit le quasi copier-coller esthétique dans le long-métrage de Sanders. Une reprise totale des tics de mise en scène, de montage voire même de musique des films de Ridley Scott. Même le passage féérique dans une version « live » d’un décor merveilleux de Disney semble être une maladroite redite pleine de CGI douteux (d’horribles lapins notamment) du monde imaginaire de l’intéressant Legend de Scott. Lors de cette séquence, on remarque aussi que ces fées prennent l’apparence d’animaux comme dans un autre film fantastique et merveilleux bien connu : Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro (le design de celles-ci est assez similaire).

Ces influences sont loin d’être embarrassantes. Elles sont mêmes pour la plupart assez prestigieuses. Mais elles jouent toutes en défaveur du film de Sanders qui essayent de se les réattribuer à son compte. En effet, que peut faire un prétentieux blockbuster au sérieux papal face à l’un des plus grands dessins animés de tous les temps ou quelques œuvres épiques populaires encore aujourd’hui appréciées, parfois malgré leurs grands âges ? On aurait pu croire de temps à autres à des clins d’œil si ces emprunts n’avaient pas été aussi nombreux et conséquents. On se demande ce que Sanders et ses scénaristes ont bien pu apporter de neuf dans cette superproduction qui essaye de s’attribuer les mérites des autres. En gros, Blanche Neige et le Chasseur c’est un peu la compilation de tous les films de ces trente-quarante dernières années où figuraient des épées ou des arcs. Le digest sans ambition de trois décennies d’héroic fantasy sans véritablement en comprendre la force symbolique ; un bestiaire fantastique complet est balancé sans autre raison que faire exotique et réjouir un public nourri aux écrits de Tolkien (apparition gratuite d'un troll par exemple). Un produit efficace, indolore, en pilote automatique, pas désagréable à l’œil sur le moment mais terriblement friable dans notre esprit une fois qu’on commence à y repenser une fois sorti en salle. Espérons qu’une sequel ne verra pas le jour sachant l’impossibilité des producteurs à ne plus penser leurs blockbusters que sous forme d’une trilogie. Dans tous les cas, préférez par exemple le Blanche Neige de Michael Cohn (version du conte déjà bien plus sombre et angoissante quinze ans avant le film de Sanders) ou encore le classique immortel de Disney.

NOTE :  5 / 10

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13 juin 2012 3 13 /06 /juin /2012 17:08
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Titre original : 21 Jump Street

Film américain sorti le 06 juin 2012

Réalisé par Phil Lord et Chris Miller

Avec Jonah Hill, Channing Tatum, Brie Larson,…

Comédie, Policier

Les nouvelles aventures de la brigade de 21 Jump Street, un groupe de jeunes policiers pouvant aisément se faire passer pour des adolescents et ainsi infiltrer les réseaux des trafiquants de drogue qui sévissent dans les milieux universitaires californiens.

    

Les cas de Prometheus et d’Avengers nous l’ont encore récemment prouvé : le passage d’un format télévisuel à un format cinématographique est loin d’être aisé. En premier lieu pour une simple raison de durée. Une série peut largement se permettre de prendre son temps, de s’embarrasser de détails pour construire petit à petit ses multiples personnages tout en parvenant à mener diverses intrigues parallèles à leurs termes. Les conditions d’un visionnage d’une série télévisée divergent aussi des conditions de projection d’un long-métrage. Un spectateur est « enfermé » dans une salle de cinéma pendant deux, voire trois, voire quatre heures au maximum mais est bien obligé d’en sortir au bout d’un moment. D’autant plus qu’il est contraint de visionner l’œuvre en continue là où une série est toujours fragmentée.

Ce changement de domaine nécessite une adaptation de la part des scénaristes qui souhaitent passer de l’un à l’autre. Une adaptation qui n’est pas forcément faite ce qui donne lieu à des moitiés de longs-métrages aux intrigues noueuses mal adaptées au format « court » d’un film. De même, s’il est plus facile de transformer un long-métrage en une série, tout ce qui doit être fait étant justement de rajouter à l’infini de la matière pour tenir plusieurs épisodes, faire d’une série un film est autrement plus compliqué. Que faut-il couper ? Supprimer de nombreux éléments est une démarche nécessaire pour faire contenir toute la richesse de cette série en une simple poignée d’heures, mais la difficulté est justement de savoir ce qu’il ne faut pas enlever pour conserver ce sel qui rend une série meilleure qu’une autre.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/45/34/20053894.jpgPetite lucarne et grand écran

Une tentative d’adaptation rarement fructueuse tant les deux médias ne concordent pas vraiment. Passer de l’un à l’autre nécessite automatiquement une perte et rares sont les scénaristes à savoir être concis et efficace, à savoir quoi enlever ou garder ; pour s’en convaincre il n’y a qu’à voir la préproduction interminable de l’adaptation sur le grand écran de « 24 ». Les pertinentes adaptations de série TV au cinéma se comptent sur les doigts d’une main : parmi elles, on peut citer les deux excellents films de Brian de Palma, génial metteur en scène qui avait su retranscrire au cinéma l’atmosphère des « Incorruptibles » et de « Mission Impossible » (dans le cas des épisodes qui suivirent ce dernier, on peut plus parler de « suites de films » que d’« adaptations à proprement parler de série TV »).

Cela ne semble pas avoir grand rapport avec 21 Jump Street, adaptation de la série TV éponyme de la fin des années 80, réalisé par Phil Lord et Chris Miller, déjà metteur en scène du savoureux film d’animation Tempête de boulettes géantes. Pourtant la clé de la réussite de cette nouvelle comédie, jouée et coécrite par le très talentueux Jonah Hill et qui sera sans nul doute l’objet filmique de 2012 absolument inratable pour les zygomatiques, tient pourtant dans la maxime des Incorruptibles et du Mission Impossible de Brian de Palma : « trahir complètement l’original ». Cela était particulièrement perceptible avec M:I où le héros de la série Jim Phelps devenait soudain un traitre envers sa patrie et le principal ennemi à abattre pour un jeune héros de cinéma (Ethan Hunt), devant par ce meurtre prendre littéralement la place de l’ancien chef d’équipe et permettre l’instauration sur de nouvelles bases d’une nouvelle « saga ».

21 Jump Streetest destiné à tout le monde sauf aux fans de la première heure de la série originale. Ceux-ci risquent de crier au sacrilège en voyant l’humour volontairement bas du front, les irrévérences faites continuellement aux codes du genre ainsi qu’un caméo génial et loin d’être inutile qui est on ne peut plus clair quant à la note d’intention du long-métrage, à savoir faire table rase du passé. Le commissaire mutant les deux policiers incapables au 21 Jump Street, après une première arrestation ratée dans les grandes largeurs, leur dit bien qu’il s’agit d’un vieux programme ringard réactivé par quelques hauts placés persuadés que tout le monde n’y verra que du feu. Mais pas question pour autant que Miller et Lord fassent un pâle remake sur ordre de producteurs intéressés comme si rien n’avait changé en vingt ans. La nostalgie, c’est bien beau cinq minutes mais ça ne suffit pas à faire un bon film.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/73/46/24/20011856.jpgStéréotypes

D’ailleurs rien ne se déroule comme prévu dans 21 Jump Street. A commencer par le duo principal. D’un côté il y a le beau gosse musclé, cool et un peu crétin sur les bords. De l’autre il y a le geek intelligent, timide, pas très doué en sport et pas trop gâté par la nature. 21 Jump Street est une plongée dans les stéréotypes. Les deux héros sont des archétypes complets. Rien ne semble transparaitre de différent de leurs abords caricaturaux. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont été choisi pour être plongé en infiltration dans un lycée, lieu où se déroule tous ces « teen movies » et « soap » clichés qui se contentent de recycler des figures vieilles d’un demi-siècle (la bombe, le gars cool et musclé, le geek solitaire,…). On a même droit à un des plus grands stéréotypes du film policier : le capitaine noir qui crie tout le temps ; figure comique qui avait déjà été épinglé dans un autre buddy movie policier parodique de haut standing : Last Action Hero de John McTiernan. Le capitaine est d’ailleurs parfaitement conscient d’être un cliché et s’en justifie sans honte.

En toute logique donc, le personnage de l’inexpressif Channing Tatum reçoit l’identité de Jenko, bellâtre arrogant au physique d’adulte comme dans tous les teen movies qui emploient des quasi-trentenaires pour jouer des lycéens, tandis que Jonah Hill prend l’identité de Schmidt, petit gros plongé dans ses études. Mais voilà, le bellâtre ayant tout reçu du côté du physique plutôt que de la tête mélange au pire moment leurs couvertures, obligeant le duo à intervertir leurs places. Tatum se retrouve obligé de jouer les grosses têtes en sciences tandis que Hill doit feindre d’être un as au relai. Car si le duo fonctionnait comme un tout unique (Hill étant la tête, Tatum étant le corps), la chose est bien moins aisée une fois qu’ils ont échangé leurs places. Une adaptation va être requise pour que ce duo de choc soumis à une « terrible » épreuve puisse s’en sortir indemne.

Mais le changement ne s’arrête pas là. Car sept ans après leurs passages au lycée, ils y retournent en croyant que rien n’a véritablement évolué. Grossière erreur. Les ringards d’hier sont les gars « in » d’aujourd’hui. Et vice et versa, évidemment. Le personnage de Tatum l’apprend à ses dépends dès son arrivée au lycée où il croit accomplir un geste cool alors qu’il ne fait que se mettre à dos les élèves dorénavant « hype » (du genre écolo alors qu’on frimait auparavant avec des voitures bruyantes et consommatrices). Et le geek de pouvoir obtenir sa revanche pour ses quelques années de martyr au lycée. Le grand balèze est rejeté, regardé avec un mépris certain comme s’il était une sorte de gros bœuf inexpressif qui cogne avant et réfléchi ensuite. La timidité du petit complexé est au contraire vu comme quelque chose d’attendrissant tandis que chacun de ses actes pour tenter de se démarquer est perçu comme un signe de rébellion courageux. 21 Jump Street est la « revanche du nerd ».

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/73/46/24/20011855.jpgLiaison covalente

Un retournement d’autant plus surprenant que la série originale mettait surtout en vedette le très jeune Johnny Depp, alors le chéri de ces demoiselles, et qui pouvait être comparé à l’époque à un équivalent de Robert Pattinson avant l’heure. « 21 Jump Street » était une série à la gloire des « minets », de ces petites « gueules d’anges » ténébreuses et rebelles. L’adaptation ne leur laisse pourtant pas une place de premier plan. D’abord Tatum en prend pour son grade, et son charisme est loin d’égaler celui d’un Depp. On peut se tourner à la limite vers Eric (Dave Franco), jeune beau mec affable, engagé, serviable qui essaye vainement de jouer au grand dur mais qui fait dans son pantalon dès qu’il est un tant soit peu en danger.

Le héros de 21 Jump Street pourrait plutôt être le personnage incarné par Hill. Bien qu’il en prenne aussi plein la figure, il apparait assez clairement comme le « lead » principal. Une autre torsion des codes du « buddy movie » qui veut que le personnage principal soit le beau-gosse de service et qu’un sidekick humoristique et moins classe le suive en arrière-plan. Mais cette fois, le sidekick est le beau gosse qui croyait pourtant qu’il allait jouer un rôle de premier plan dans sa mission avant d’être peu à peu mis sur le côté. La dynamique de 21 Jump Street est de permettre à ce duo d’accepter enfin de se considérer comme égaux, et non plus de faire comme s’il devait y avoir un meneur. Un concept qu’ils avaient perdu une fois retournés en « enfer » (le lycée) où ils rejouent presqu’inconsciemment les codes et la rivalité qui les animaient dans leurs jeunes années.

Pour cela, les deux héros vont devoir dépasser leurs faiblesses. Le salut de Jenko viendra de son amitié et de sa compréhension à l’encontre du groupe de « nerd » qu’il ridiculisait autrefois. La fin de la course poursuite en limousine est résolue par ses nouvelles connaissances en science. A l’inverse, la consécration du timide Schmidt viendra en adoptant enfin la démarche cool qu’il souhaite avoir depuis le départ, c’est-à-dire tirer comme un flic de cinéma et emballer la jolie fille du lycée dont il est amoureux (excellente utilisation de « flashbacks traumatiques »). Chacun doit prendre la place de l’autre pour définitivement se comprendre et se compléter (ils comprennent ainsi ce que l’autre a vécu). Une réunion jubilatoire qui se fera lors de la déclamation coordonnée des « droits Miranda » lors de l’arrestation finale, montrant qu’ils ont enfin progressé depuis leur premier coup d’essai lamentable. Accessoirement, le but du duo est de vivre une vraie aventure policière à la Die Hard ou L’Arme Fatale. Le décalage est jubilatoire puisque l’on a droit à une vraie intrigue policière, presque faite au premier degré, mais dans le cadre d’un lycée et avec des dealers de drogue à peine pré-pubères.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/45/34/20054433.jpgHigh School Comedy

L’humour est évidemment omniprésent dans le long-métrage, et quelques séquences peuvent déjà être considérée comme d’anthologie : la scène de trip des deux héros qui est juste à se tordre de rire, la fête délirante organisée chez le personnage de Jonah Hill ou encore la course poursuite sur l’autoroute avec Hill déguisé en Peter Pan et Tatum en molécule conduisant une voiture d’autoécole puis une coccinelle rose tout en n’arrivant qu’à faire exposer un camion de poulets au lieu de camions citernes pleins de gaz inflammable. Le scénario est d’une grande finesse malgré son humour potache ; ridiculisant la quasi-totalité des comédies françaises consensuelles, pas drôle et tout public. Malgré ses blagues grasses, 21 Jump Street est un petit bijou d’humanité sur la naissance d’une amitié et qui refuse de se moquer définitivement de ses personnages. On s’attache à la plupart d’entre eux en une poignée de minutes et le scénario ne faiblit quasiment jamais ; il faut dire que cette comédie est un tantinet plus courte que les productions ou réalisations de Judd Apatow.

Mieux rythmée, mais aussi réalisée avec une certaine inventivité et efficacité qui ne laisse augurer que du bon pour le duo Miller et Lord. Jonah Hill confirme encore une fois son immense talent comique mais aussi sa capacité à s’orienter dans des domaines plus dramatiques (il avait déjà fait une forte impression dans Moneyball et il va se lancer aux côtés de DiCaprio dans le prochain long-métrage de Martin Scorsese, The Wolf of Wall Street). Channing Tatum surprend agréablement. S’il reste un acteur assez médiocre, son air inexpressif joue pour le coup à l’instauration de son personnage et à l’empathie qu’on en éprouve. Il fait preuve d’un beau sens de l’autodérision qui l’amène sans conteste à livrer sa plus chouette mais aussi sa meilleure performance à ce jour. Un duo bien inattendu qui fonctionne parfaitement à l’écran avec une réelle bonne humeur communicative (comme s’ils avaient réellement entre eux cette « liaison covalente » que Channing Tatum finira par apprendre dans son cours de chimie appliquée).

21 Jump Streetest une salvatrice bouffée d’énergie après près de trois mois de quasi-néant cinématographique. Une comédie hilarante et étonnamment émouvante qui cache en son sein une pertinente analyse des mœurs de l’adolescent du XXIème siècle, une critique des clichés dans la culture populaire américaine ainsi qu’un cassage en règle des codes du « buddy movie » policier. Il est peu probable que ce long-métrage cartonne en France, écrasé par les rouleaux-compresseurs promotionnels des ringards MIB 3, Prometheus, Dark Shadows et Avengers, et c’est bien dommage. Reste que 21 Jump Street est une nouvelle pierre à l’immense édifice de la comédie américaine et constituera sans aucun doute dans quelques années un classique du genre. Reste à savoir si une suite à la fac comme il l’est sous-entendu à la fin aura un sens vu la déconstruction jusqu’au-boutiste des codes du genre.

NOTE :  7,5 / 10

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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 23:06
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Titre original : Prometheus

Film américain sorti le 30 mai 2012

Réalisé par Ridley Scott

Avec Noomi Rapace, Michael Fassbender, Charlize Theron

Science-fiction, Epouvante-horreur

Une équipe d’explorateurs découvre un indice sur l’origine de l’humanité sur Terre. Cette découverte les entraîne dans un voyage fascinant jusqu’aux recoins les plus sombres de l’univers. Là-bas, un affrontement terrifiant qui décidera de l’avenir de l’humanité les attend.

    

SPOILERS

Ce devait être le gros film évènement de l’année à égalité avec le troisième et dernier opus de la trilogie « Batman » de Christopher Nolan, The Dark Knight Rises. C’était aussi le grand film mystère de 2012 tant il était impossible de prévoir ce qu’il y aurait dedans. Il n’était d’abord qu’un simple Alien 5 avant de devenir par la suite un Alien 0 devant se dérouler avant le premier épisode et lever le mystère sur le Derelict, le mystérieux vaisseau extraterrestre qui s’était écrasé sur la planète LV-426, et son immense occupant, le Space Jockey, créature gigantesque fossilisée qui faisait apparemment corps avec le siège sur lequel elle se trouvait et dont la poitrine avait été perforée. Qu’est-ce qui lui était sorti de la cage thoracique ? Qui avait pondu ces millions d’œufs dans la soute ? En gros, comment l’abominable xénomorphe était-il né et comment avait-il décimé l’équipage de ce vaisseau venu d’un autre monde ?

Le dernier film de Ridley Scott découlait de ce projet et se démarquait soi-disant de la franchise Alien en se faisant d’abord appeler Paradise puis Prometheus. Selon les dires du réalisateur, il s’agissait d’un film de S.F. autonome qui se déroulait bien dans l’univers d’Alien sans pour autant faire apparaitre la fameuse créature. Non, ô grand jamais, Scott ne sabordera la mythologie qu’il avait brillamment initié en 1979. C’était avant tout une histoire sombre et indépendante sur l’origine de l’Humanité qui était née du travail préparatoire pour cette prequel désormais mise à la poubelle. Ridley Scott le jurait sur tous les toits : il avait retrouvé la pêche après vingt-cinq années d’errance artistique où le metteur en scène avait payé ses deux chef d’œuvres futuristes trop précoces, Alien et Blade Runner, en enquillant les projets plus ridicules et insipides les uns que les autres. A l’exception d’un Gladiator salutaire (bien que Scott n’ait jamais digéré de ne pas avoir obtenu l’oscar du meilleur réalisateur par la même occasion), le Ridley Scott d’il y a vingt ans était bien mort pour laisser à sa place un obscur sosie éponyme ayant enchainé quelques navets aux budgets indécents par rapport aux résultats à l’écran.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/66/95/20120385.jpgAlien Résurrection

En effet, là où les producteurs avaient tenté de mettre de la poudre aux yeux des fans « hardcore » de la série Alien en faisant revenir son instigateur, leur faisant ainsi croire que Prometheus allait remettre la saga sur le droit chemin après les accablants Alien Résurrection et Alien vs. Predator, une partie des cinéphiles ne pouvait s’empêcher d’être très méfiante en voyant l’arrivée sur le projet d’un homme ayant enchainé le pro-interventionniste La Chute du Faucon Noir, le grotesque Hannibal, le soporifique et pompeux Kingdom of Heaven, le lénifiant Mensonge d’Etat (Scott, en vraie girouette opportuniste, signait cette fois un film « démocrate »), l’embarrassant Une Grande Année et le complètement lamentable Robin des bois « begins » à 200 millions de dollars de budget.

Pourtant l’espoir avait fini par naître tant Ridley Scott semblait être sincère dans ses propos : « un film de « dark S.F. » au « discours philosophique ambitieux » tout en ayant une direction artistique phénoménale et une échelle épique à en faire trembler l’immense Avatar de James Cameron. Les bandes annonces et la titanesque campagne de promotion firent parfaitement leur boulot en vendant un film de science-fiction comme on en a qu’un toutes les décennies. Certains se mettaient à fantasmer en envisageant Prometheus comme le plus grand film de S.F. depuis Blade Runner. Un « space opera » en plus, trois déifié pour nous plonger dans l’immensité intersidérale, nous faire côtoyer des vaisseaux spatiaux et nous permettre de visiter des monuments extraterrestres de toute beauté comme si on y était !

Sauf que cette campagne marketing instaura dans le même temps un doute. Prometheus n’est-il vraiment pas lié à Alien comme s’évertuent de le faire croire Scott et ses producteurs ? Cette alarme qui retentit dans les divers « teasers » n’est-elle pas celle qui rendit célèbre la première bande annonce d’Alien ? Et cette typographie et la façon dont apparait le titre du film n’est-elle pas la même que celles d’Alien ? Et ces décors semblant ressortir tout droit des artworks non utilisés pour le premier épisode, tout en recyclant ceux déjà faits dans les autres longs-métrages de la saga ? Et que vient faire le Space Jockey si le film n’a presqu’aucun rapport avec le film de 1979 ? Et pourquoi chacune des scènes entraperçues dans la BA de Prometheus renvoie automatiquement à une séquence ou une idée du premier épisode ? Le lien, l’ADN d’Alien ne serait pourtant perceptible qu’au cours des huit dernières minutes. De deux choses l’une, soit la BA a dévoilé complètement ces huit minutes, soit le projet est bien plus mensonger qu’il voulait le faire paraitre.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/66/95/20113143.jpgCycle de la vie

Le mystère restait néanmoins entier avant l’entrée en salles et le bénéfice du doute était toujours permit. Après tout, c’était bien la première fois depuis longtemps qu’un film de Ridley Scott donnait vraiment envie et était la promesse d’un blockbuster de haut standing. La France en ayant quasiment eu l’exclusivité, la plupart des critiques nationales se firent plutôt convaincues par l’affaire ; il y avait en tout cas un nombre étonnement élevé d’avis positifs au sujet d’un film de S.F., genre qui n’est pourtant pas le plus populaire aux yeux de l’élite culturelle française. Hors les deux premières minutes d’introduction vont remettre très vite les pendules à l’heure, rappelant bien qui est malheureusement à la barre du projet. Au milieu d’un paysage dévasté où des torrents d’eau lézardent une terre grise encore sans vie, un être encapuchonné tel un chevalier Jedi admire une soucoupe volante bruyante. Otant ses habits, on découvre avec stupeur une sorte de nageur albinos géant bodybuildé en pagne qui, après avoir bu une décoction particulière, se décomposent en poussant de grands rugissements avant de sombrer dans l’eau tourbillonnante où son ADN se dissout avant de se reformer pour former de nouvelles cellules et créer ainsi la vie sur Terre.

Effectivement, on est à des années lumières d’Alien. Mais du coup, point de suspense sur l’apparence de nos créateurs extraterrestres ni même sur la viabilité de la théorie des deux héros à l’origine du long voyage du « Prometheus ». Tant pis. Mais il s’agit-là d’une entrée en matière pour le moins surprenante. Les vingt-cinq premières minutes ont même plutôt tendance à rassurer par leur tenue. Attention il n’y a rien de très novateur puisqu’il s’agit à peu près d’une redite de la première demi-heure d’Alien le huitième passager : un équipage se réveille dans l’espace après un long hyper-sommeil lorsque leur vaisseau s’approche d’une planète inconnue ; ils y atterrissent et découvrent immédiatement (par le plus grand des hasards cette fois) une structure architecturale vraisemblablement extraterrestre qu’ils s’emploient à explorer avant de découvrir un nid d’amphores cylindriques (très certainement des œufs alien dans une version antérieure du script) aux contenus dangereux.

Rien de bien neuf sous le soleil si ce n’est que les effets spéciaux ont fait un réel bond en avant pendant ces trente années. On ne peut clairement pas enlever à la direction artistique d’être absolument magnifique. Si ce n’est que tous ces couloirs et designs ont déjà été vu au cours de la quadrilogie Alien et que la plupart de ces décors ne sont qu’un recyclage des dessins préparatoires de Giger ainsi que des illustrations de « Metal Hurlant ». Mais soit, ça reste joli à regarder. Cependant quelques scories viennent déjà gâcher ces vingt-cinq minutes de découvertes. D’abord une apparition toute sauf réussie du personnage de Peter Weyland, fondateur de la fameuse compagnie « Weyland-Industries » qui souhaitait récupérer le xénomorphe pour en faire une arme, capture pouvant se faire au détriment de l’équipage qu’elle envoyait pour le ramener. Ce personnage de plus d’une centaine d’années, refusant de mourir comme un roi et s’évertuant à repousser sa mort inévitable par sa fortune incommensurable, est l’instigateur de cette expédition visant à découvrir les créateurs de l’Humanité dans le but que ces derniers acceptent de rendre immortel leurs créations (il est le pendant humain de Roy Batty dans Blade Runner qui cherchait lui-aussi à allonger son espérance de vie en partant à la rencontre de son « fabriquant » pour que celui-ci repousse sa date terminale). Mais ce personnage qui n’apparait jamais autrement que sous l’apparence d’un vieillard est interprété par le « jeune » Guy Pearce affublé ainsi d’un grotesque maquillage.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/66/95/20113142.jpgMorcellement

D’autres faiblesses sont bien plus dommageables puisqu’elles viennent directement du script. Celui-ci, comme nous allons le voir, est le point faible principal de Prometheus, à tel point qu’il est très difficile d’en faire abstraction pour ne voir que le « bon côté » des choses. Rarement on a vu dans un blockbuster une écriture aussi aberrante des personnages ; pourtant on a été plutôt servi depuis quelques mois au niveau des films à gros budget mal écrits. Mais là où on n’attend pas grand-chose à la base d’un Men in Black 3, d’autant plus si l’on est au courant de la production chaotique dont le film était victime, d’un Sherlock Holmes 2 ou encore d’un long-métrage tel que La Colère des Titans, un film comme Prometheus n’a pas le droit à ce genre d’erreurs. Car on place de plus grandes espérances en lui, et ce n’est pas sans être la faute d’une campagne marketing vantant un nouveau chef d’œuvre ou les propos pompiers et prétentieux de son metteur en scène.

Hors l’équipage de ce « Prometheus » est un groupe de bras cassés, pour ne pas dire autre chose et éviter d’être vulgaire. Rarement dans l’histoire de la science-fiction aura-t-on vu équipe de scientifiques aussi peu crédible. Quelle bonne idée en effet de partir en première expédition sans même être muni d’un quelconque moyen de défense en cas de mauvaise surprise ! C’est sûr, pour Hollywood, être scientifique signifie toujours au minimum d’être un pacifiste aveugle et new age (« tout n’est que paix et amour »). Evidemment lorsque les choses ne tournent pas à leur avantage, ils finissent par bêtement s’en mordre les doigts (et le spectateur est censé éprouver de la crainte pour eux). A peine les astronautes repèrent-ils que l’air est apparemment respirable qu’ils enlèvent immédiatement leurs casques sans apparemment envisager une seule seconde la possibilité d’infections mortels inconnues que leurs équipements terriens ne pourraient pas détecter. Et c’est sans compter David l’androïde qui, sous prétexte d’avoir passé deux ans à décortiquer les langues antiques pour trouver un « langage originel », ce qui ne devrait en plus que fonctionner en théorie, arrive à comprendre en dix secondes n’importe quel signe ou bouton alien. Jamais l’équipe ne se retrouvera bloquée ou arrêtée.

A sa décharge, David a le droit à la meilleure séquence du film lorsqu’il parcourt tout seul le vaisseau pendant toute la durée de ce voyage de près de deux ans. Une séquence calme presque contemplative qui amène le spectateur à croire qu’il est sur le point de regarder un grand film de S.F. avec quelques interrogations métaphysique passionnantes notamment liées à la vie artificielle. Par intermittence, on peut aussi féliciter l’équipe des effets spéciaux qui livre véritablement des plans d’ensembles sublimes, que ce soit dans l’espace ou à l’approche de la planète. Bien qu’encore une fois James Cameron était arrivé bien à l’avance en introduisant Avatar par une scène similaire à laquelle il est parfois difficile de ne pas penser. L’intérieur du dôme est nettement moins novateur bien qu’on puisse encore saluer l’équipe de tournage qui a eu le courage de reproduire réellement des décors gigantesques dans les célébrissimes studios Pinewood.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/66/95/20062435.jpgIncohérences

Mais la comparaison avec Alien fait très mal, ne serait-ce que par la simple caractérisation de l’équipe. D’abord Prometheus possède le double de personnages que le film de 1979, un nombre élevé pourtant bien dispensable vu que seuls sept ou huit d’entre eux apparaissent véritablement de façon récurrente. Les autres se contentent de faire de la figuration ou d’avoir quelques répliques bien dispensables. Mais là où le bât blesse vraiment c’est dans la cohérence de ces personnages et des ficelles scénaristiques. Dans le premier Alien, l’équipage pouvait être amené à faire quelques erreurs, quoiqu’elles se comptent sur les doigts d’une main. Elles pouvaient s’expliquer par le caractère exceptionnel de la situation face à laquelle ces personnages étaient confrontés mais aussi par le simple fait de leur profession. Ce n’étaient que des pilotes-ouvriers d’une cargaison commerciale.

Mais des erreurs de comportement sont nettement moins pardonnables quand l’équipe en question n’est autre que l’élite scientifique de l’humanité devant être préparée à de tels expéditions et étant obligée de suivre un protocole drastique afin de garantir leur sécurité. On ne peut qu’être ébahi devant l’incompétence et la crétinerie intersidérale de ces savants. D’abord ils ne sont même pas au courant de la mission et sont ainsi partis pour un voyage de quatre ans (aller et retour) sans même savoir dans quel but (outre le fait qu’une expédition pareille aurait bien eu du mal à ne pas être ébruitée). Mais pour le coup, Scott et Lindelof sont suffisamment malins et roublards pour faire une ellipse au moment opportun, évitant ainsi d’avoir à expliquer cela.

Pour bien dévoiler le sérieux de ce script, suivons le personnage de Fifield, géologue punk et tatoué. Il accompagne le premier groupe d’expédition dans le dôme extraterrestre et, une fois entré à l’intérieur, active une poignée de robots-scanner sphériques afin d’établir une carte en trois dimensions des lieux. Ajoutons à cela qu’il a visiblement un écran sur son bras qui lui permet de voir l’avancée de ce scanner, qui prendra plusieurs heures tant cette structure complexe est gigantesque, et guide ainsi le reste de l’équipe (il dit « mes louveteaux me disent d’aller par là », ponctué d’un hurlement à la mort digne d’un gamin). Maintenant que vous avec ces données en main, devinez qui va malgré tout se paumer sur le chemin du retour alors que le signal n’est pas encore brouillé et que le vaisseau « Prometheus » capte lui-aussi au même moment le scanner du dôme et la position des scientifiques à l’intérieur ?

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/66/95/20120358.jpgInfantile

Malheureusement ce n’est pas tout. Revenons un peu en arrière pour connaître les motivations de Fifield de soudainement quitter le groupe et se paumer comme une andouille sans raison apparente. Effrayé par une apparition holographique dont l’utilité scénaristique n’est autre que gratuite afin de dévoiler un évènement sur lequel on n’aura aucune explication au final, Fifield refuse de suivre le groupe qui cherche à entrer dans une salle fermée. La raison de sa soudaine panique ? Il pète les plombs d’un coup en voyant un cadavre décapité de Space Jockey. Outre le fait que la réaction soit saugrenue sachant la direction de son voyage (l’espace intersidéral) et sa situation actuelle (une construction architecturale sur une planète lointaine qui doit bien sa fondation par une créature d’un autre monde), il décide malgré tout de se séparer du groupe.

Sachant que le corps décapité ne bougera pas et qu’il se trouve en plein milieu devant cette porte qui finit par être ouverte par le reste du groupe, devinez dans quel endroit Fifield et le camarade effrayé qui l’a suivi vont se réfugier une fois qu’ils se retrouvent tout seuls dans cette grotte de plusieurs dizaine de kilomètres ? Bingo ! Dans la salle même dans laquelle il ne voulait pas entrer. Continuons encore un peu. Fifield et son ami sont visiblement terrorisés par la moindre possibilité de vie extraterrestre, même morte depuis deux milles ans. Une séquence les montre d’ailleurs pris de panique lorsque le pilote du « Prometheus » les alerte qu’une des sondes a remarqué une forme de vie qui a fini par disparaitre (autre incohérence, celle-ci est en faite bloquée devant une porte ; on ignore comment elle a repéré une forme de vie au travers sachant qu’il s’agit d’un Space Jockey endormi qui ne bouge pas de son caisson depuis deux millénaires). Que va faire le duo de « sérieux scientifiques » lorsque ceux-ci tomberont nez-à-nez avec une sorte de cobra extraterrestre vivant ? Ils vont jouer avec comme si c’était un chat et essayent de le caresser en riant. Logique. Et pour Mr Ridley Scott il apparaitrait comme normal que l’on éprouve de l’empathie ou de l’inquiétude au sujet de ces deux incapables décérébrés qui se font éliminer de la plus horrible mais aussi de la plus sotte des manières.

Et c’est comme ça tout le temps. Le pilote s’aperçoit qu’une sonde repère une forme de vie intermittente ? Sûrement un bogue dont il ne faut strictement pas s’inquiéter. Ces deux collègues sont coincés toute une nuit dans un dôme alien ? Il quitte son poste d’où il peut les contacter et surveiller la carte en trois dimensions du dôme pour aller coucher avec sa supérieure qui lui fait des « avances ». Sans prendre la peine de faire appel à un remplaçant pour surveiller ; et c’est pourtant pas faute d’avoir augmenté l’équipage par rapport au premier épisode. Inutile de dire qu’un James Cameron s’était beaucoup mieux débrouillé avec un nombre similaire de personnages dans Aliens tout en réussissant à leur donner un comportement cohérent (ces marines sont bien plus prudents et malins que ces scientifiques censés avoir plusieurs années d’étude). L’un des membres de ce corps scientifique va jusqu’à ce saouler comme une adolescente dépressive parce qu’il a découvert des formes de vies extraterrestres décédés (mais il a quand même découvert l’existence d’une peuplade intersidérale intelligente et vu des choses que presqu’aucun homme ne verra). Non, ce n’est qu’un tombeau pense-t-il avant d’enquiller sur une nouvelle bouteille de vodka.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/66/95/20113144.jpgBriser la suspension d’incrédulité

Aucun protocole scientifique élémentaire n’est suivi. Il n’y a qu’à voir la consternante scène de l’étude de la tête du Space Jockey pour avoir du mal à se retenir de se cacher les yeux de honte après avoir assisté à une séquence pareille où l’incompétence de personnages est mise à ce point en exergue. Aucune précaution n’est prise, aucune réflexion préalable n’est faite. Non, on agit en dépit du bon sens et des risques et on observe ce qui se produit, généralement en se mordant les doigts. Même l’androïde David ne suit que trop bien son modèle humain en s’employant à quelques expériences à l’intérêt très relatif et dont la réussite dépend avant tout du plus pur des hasards. Les fans du film vous répondront qu’il ne fait qu’expérimenter ce qu’il découvre sans autre plan derrière la tête, ce qui veut donc dire qu’on accepte sans problème qu’il fasse n’importe quoi sans raison (mais qu’avait-il derrière la tête en plaçant une goutte de liquide noir dans le verre d’Holloway, petit ami de l’héroïne Elisabeth Shaw ? C’était juste pour faire mumuse ?!)

Si la première heure n’est pas très convaincante malgré quelques passages tape-à-l’œil aux effets spéciaux suffisamment hallucinants pour que le spectateur évite de trop se poser de questions sur le bazar scénaristique ambiant, la seconde fait preuve de tant d’audaces dans l’ellipse délirante et la torsion du concept de suspension d’incrédulité qu’on ne peut qu’en rester admiratif. Ridley Scott affirmait à qui voulait l’entendre que « sacrebleu, je ne fais aucune concession, fuck the producers, mon montage en salle sera MON director’s cut », il est quand même sacrément difficile de croire un seul instant que Prometheus n’ait pas été très sévèrement charcuté. Ou alors Scott n’est plus bon que pour la maison de retraite s’il est incapable de voir de telles incohérences scénaristiques et la non tenue de son script.

A partir de cette séquence nocturne déjà bien tarte qui se finit sur une scène choc qui peine à réveiller le spectateur qui n’y croit déjà presque plus, le long-métrage part strictement en roue libre. Là où l’illusion d’un film de S.F. « sérieux » perdurait encore, Prometheus se met soudain à ressembler à un bis italien à qui l’on aurait confié plusieurs millions de dollars. Un étrange décalage où une superproduction balance des actions et des réactions régulièrement grotesques avec un sérieux papal qui donne une folle envie de baffer toute l’équipe de tournage qui nous vomit sa prétention sans borne. Il est vrai que nous vivons désormais dans un monde qui considère que le meilleur blockbuster de 2011 n’est autre que le navrant La Planète des Singes - les origines. Comment alors condamner la scène de Prometheus où un scientifique découvre qu’il est infecté d’un mal extraterrestre mystérieux mais qui ne considère pas un seul instant la nécessité de prévenir son équipage de cette infection peut-être mortelle et contagieuse, sachant qu’une scène similaire se trouvait dans le film si acclamé de Rupert Wyatt qui voyait un savant mourir bêtement d’atroces souffrances sans qu’il n’ait considéré un seul instant à consulter un médecin ?

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/66/95/20076869.jpgMutation

Là où les incohérences scénaristiques fâcheuses apparaissaient de temps à autres dans la première heure, la seconde ne laisse aucun répit, faisant succéder à la réaction grotesque d’un personnage une nouvelle réaction encore plus aberrante. On pourrait presque finir par parler d’objet expérimental tant Prometheus essaye de ne pas placer un seul évènement crédible. A peine a-t-on le temps de digérer l’exécution du savant pestiféré acceptant de se sacrifier car la commandante du Prometheus refuse de lui donner accès au quartier de quarantaine (?!) que tout les autres scientifiques de l’expédition, qui ignorent la façon dont l’un d’entre eux a été contaminé et qui ont, comme lui, retiré leurs casques sous le dôme pour respirer à pleins poumons un air extraterrestre peut être vicié, sont acceptés à bord sans aucune condition.

On n’éprouve d’ailleurs aucune empathie pour le petit ami de l’héroïne qui se fait cramer au lance-flamme, les bras en croix. Certes, l’acteur Logan Marshall-Green joue comme un pied et son personnage est tellement mal écrit et consternant qu’on avait en fait qu’une seule envie, c’était de le voir mourir dans d’atroces souffrances. Mais quand même. D’ailleurs sa petite amie stérile (traumatisme lourdaud, grossièrement amené et faussement ironique pour justifier sa volonté de connaître à tout prix l’origine et la création de cette vie qu’elle ne peut donner et concevoir) ne semble pas être affectée outre mesure après son évanouissement. Il ne sera d’ailleurs par la suite mentionné qu’une fois dans tout le long-métrage. Comme elle a, fort heureusement pour David, couché avec son petit ami après sa contamination, elle se retrouve miraculeusement engrossée d’un fœtus étrange à croissance foutrement rapide. Mais on refuse de lui retirer cet étrange être à l’intérieur de son ventre car le Prometheus n’est pas équipé pour une telle opération.

Qu’à cela ne tienne, malgré qu’on lui ait administré un calmant, Shaw casse la figure à deux scientifiques anonymes avant de se ruer dans la cabine-canot de sauvetage de la commandante Meredith Vickers (qui est une femme rappelons-le) où elle avait vu un « médipod », une machine pouvant faire de façon autonome des opérations à cœur ouvert. Sauf que celui-ci n’est programmé que pour les hommes. Pour quelle raison la science médicale est-elle si peu au point par rapport au reste ? D’autant plus qu’un avortement ne parait pas être une opération inutile dans le cadre d’une expédition où les membres sont de sexes différents et où des coucheries ne peuvent être à exclure après un si long voyage. Mais passons.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/85/32/85/19859023.jpgNaissance

Si on n’est pas trop idiot, sachant que Vickers ne peut utiliser cette machine, on ne peut que définitivement deviner un twist, déjà bien prévisible, avec l’arrivée du vieux Weyland à bord. Pourquoi avoir caché sa présence aux scientifiques sachant qu’il finira par se montrer au grand jour ? Un nouveau mystère décidément bien mystérieux. Sauf que, vu la brutalité de la machine, il n’est pas certain que cet homme condamné à mourir dans les prochains jours puisse survivre à une quelconque opération faite par ce médipod. Bien que Shaw se fasse une césarienne plutôt qu’un avortement plus adapté, elle semble subir une opération avec une anesthésie très relative et est recousue à l’arrache par un « pistolet-agrafes ». 

On l’a bien compris, il s’agit de la scène choc de Prometheus. L’alien n’étant pas là pour exploser les cages thoraciques à grands renforts de jets de sang, Scott s’est débrouillé pour en réaliser une version alternative. Une séquence particulièrement réussie, poisseuse et claustrophobe bien que l’on puisse regretter que la majorité du gore de cette scène ait été rajouté en post-production afin de pouvoir être effacée si la Fox obligeait soudain l’impétueux Scott à se taire et à sortir une version « PG-13 ». On pourra aussi regretter que l’opération ait lieu trois minutes à peine après l’annonce de la grossesse de Shaw, là où un Cronenberg cradingue des années 80 n’aurait clairement pas hésité à jouer sur cette psychose du parasite vivant sous la peau.

Malheureusement, si prise indépendamment la séquence du médipod est clairement une des meilleures scènes qu’ait réalisé Ridley Scott en vingt ans, la séquence ne fonctionne pas dans son ensemble. Shaw assomme deux savants et personne ne part à sa recherche ou ne remarque que quelque chose ne va pas. Elle a le droit à plus d’un quart d‘heure de tranquillité alors qu’elle fait un bruit pas possible et qu’elle se trouve quand même dans les quartiers de la chef du vaisseau. Elle se retire une sorte de poulpe du bide, auquel elle envoie un jet stérilisateur comme si ça allait la tuer, et n’en parlera pas à son équipage. Rien. Pas un mot sur les trente minutes restantes du long-métrage. Personne ne s’en rendra compte, pas même les membres de l’équipage devant lesquels elle tombera à genoux, dénudée et en sang.

http://media.melty.fr/article-822879-ajust_900/prometheus-17-photos-ridley-scott-charlize.jpgRéapparition

Immédiatement après, c’est-à-dire une à deux minutes après cette scène choc, est révélé en grande pompe le twist Weyland qui ne s’émeut pas avec David de la voir débouler avec une cicatrice abdominale récente et le corps taché d’hémoglobine. Comme si l’épisode de la césarienne n’avait pas eu lieu. « Allez, dit David, allons voir notre ultime créateur encore vivant ». « Super, répond Weyland, je n’attendais que ça pour qu’on me file l’immortalité. Vous venez Mlle Shaw ? ». « Euh, nous avons eu tort mais d’accord ». Ca gène visiblement Mlle Shaw de ne montrer ne serait-ce qu’une once de sensibilité à l’encontre du fait qu’elle ait vu son amoureux se faire incendier et qu’elle se soit arraché presqu’à vif un poulpe alien de l’abdomen.

On a longtemps craint en voyant les premières images que Shaw soit une « Ripley-like » : une femme en retrait qui finit par s’affirmer au fur et à mesure que progresse l’aventure. Elizabeth Shaw n’est pas une femme forte. Elle est l’inverse même de Ripley. Il s’agit d’un personnage sans personnalité, sans aucune autre volonté que d’avoir la réponse à sa foutue question, prête à suivre n’importe qui même si ceux-ci lui font les pires crasses. Elle n’éprouve aucune haine pour Vickers qui refuse son petit ami dans son vaisseau et lui envoie un bon coup de lance-flamme presque sans broncher. Elle accepte de suivre immédiatement David qui lui avoue qu’il a contaminé lui-même Holloway ; même si elle finit par y être obligée à cause des circonstances, Shaw ne daignera pas montrer un seul signe de rejet de sa part pour cette option. Elle ne fait que subir et n’est poussée que par un traumatisme infantile cliché : la mort de ses parents à cause de maladies qui fait très vaguement écho au décès de son petit ami comme le soulignera David pour donner une caution sérieuse au film (comment le sait-il ? tout simplement parce qu’on peut maintenant lire les rêves dans l’univers d’Alien…). Ellen Ripley n’aurait jamais agit de la manière dont agit Shaw. Bonne idée de scénario ? Même pas, puisqu’il est strictement impossible d’éprouver de l’empathie pour une femme si dénuée de volonté qu’elle traverse le film telle un être léthargique (et ce n’est pas faute de Noomi Rapace d’essayer de relever le niveau). Une question peut d’ailleurs se poser : l’intérêt de la série d’Alien ne résidait-il pas plus dans le parcours de cette héroïne forte que dans les apparitions de son antagoniste ? Dans ce cas, comment se plonger dans Prometheus si son héroïne est d’une fadeur et d’une mollesse aussi déconcertante ?

Deux minutes après la découverte de la présence de Weyland dans le Prometheus, voilà t’y pas que Fifield réapparait. Et oui, l’équipage n’ayant retrouvé que son comparse décédé, ils n’ont pas essayé de retrouver l’autre ni même pris la peine de regarder ce que les caméras des combinaisons transmettaient. Ou alors elles se sont miraculeusement remises en marche pile au bon moment. Mais Fifield est devenu encore plus bête qu’avant après avoir plongé la tête la première dans cette substance noire dangereuse conservée dans les amphores et faisant muter tout ce qui y entre en contact (sans une réelle cohérence d’ailleurs). Là on se trouve face à un Fifield zombifié, contorsionniste et invincible qui fait « grrrr ! » dans la séquence qui remporte presqu’haut la main la palme de la scène la plus grotesque du long-métrage. On se croit alors dans une scène de film Z à peine digne ayant un seul but : dégarnir quelque peu les rangs de cet équipage trop nombreux. Ainsi des savants font leurs premières et dernières apparitions au cours de ces plans d’un dixième de seconde qui les voit mourir dans d’atroces souffrances. Une séquence complètement inutile dans la narration puisqu’encore une fois, on ne reviendra jamais sur cet évènement. Mais ça fait quelques morts de plus pour permettre à Shaw de se retrouver toute seule à la fin comme Ripley dans Alien.

http://media.melty.fr/article-893154-ajust_900/prometheus-ridley-scott.jpgHubris

Lindelof essaye vaguement de lancer quelques pistes encore mystérieuses sans jamais les exploiter ou ne faire plus que les mentionner. Ainsi donc, au détour d’un mot, on découvre que le personnage de Vickers (Charlize Theron, de loin dans le pire rôle de sa carrière) est la fille naturelle de Weyland. Il aurait été pertinent de jouer sur le fait qu’elle soit en permanente confrontation avec David, le « fils » que Weyland n’a jamais eu. En effet ce dernier est un robot voulant être humain tandis qu’elle est une humaine à l’apparence et l’expressivité d’un robot. Mais Lindelof ne s’y penche que lors d’une très courte scène de dialogue destinée à (encore) ajouter du mystère à toute cette intrigue mystérieuse déjà trop pleine de mystères.

Prometheus ne gagne jamais à se rattacher à la franchise Alien. Il est évident que Prometheus n’est pas dénué de questionnements qui auraient pu être pertinents et audacieux si le film s’était concentré sur David (excellent Michael Fassbender, terriblement touchant dans sa façon de croire jusqu’au bout à ce projet et il est bien le seul). Ce dernier est le reflet même de cette humanité cherchant pourquoi elle a été crée. Et lui, quelle réponse peut-il avoir ? Pourquoi les humains ont-ils voulu le créer ? « Parce qu’on le pouvait » lui répondra tout bêtement Holloway. Comme si la réponse à cette question ancestrale qui hante l’Humanité ne pouvait être que décevante. Et si les Space Jockey eux aussi nous avait crée que parce qu’ils le pouvaient et qu’ils avaient voulu se le prouver ? Quel scandale et quel choc cela représenterait pour nous. Mais ces idées ne sont qu’effleurée au détour d’un dialogue. Jamais plus.

Car les impératifs commerciaux ainsi que la nécessité de satisfaire la « fan-base » geek reprend toujours le dessus. Il faut enchainer de la pyrotechnie, du bruit, des effets spéciaux. Il faut de la destruction, de la violence, de l’impulsif et non de la réflexion. A peine réveille-t-on le dernier Space Jockey ayant survécu à cette mystérieuse catastrophe qui les a décimé il y a 2000 ans et pour laquelle on n’aura même pas le droit à l’ombre d’un début de semblant de réponse, que celui-ci se lève et explose la figure à tout le monde en grognant. C’est ballot. Voyager deux ans dans l’espace afin de rencontrer sa divinité créatrice pour tomber sur un bodybuilder albinos rageur qui devrait prochainement intégrer le casting d’Expendables 3. Vraiment ça valait le coup. Et Prometheus se rêve vraiment comme le « dark » 2001 - L’Odyssée de l’espace moderne ? Il va falloir revoir ses ambitions à la baisse messieurs Scott et Lindelof, car chatouiller le chef d’œuvre métaphysique de Kubrick n’est clairement pas dans vos compétences ni dans vos talents dont vous semblez pour le coup manquer cruellement.  

http://s0.wat.fr/image/ridley-scott-sur-tournage_509xr_22xkxv.jpgTrous noirs

Le film ne fait déjà à ce moment-là plus du tout sens. Le pilote noir, non scientifique, explique à Shaw ce qu’il a découvert visiblement tout seul (on l’en félicite parce qu’on ne sait ni ne saura jamais comment il est parvenu à une telle conclusion) : cette base souterraine est une usine militaire et chimique d’armes de destruction massive. Pardon ? Mais pourrait-on savoir pourquoi Mr Lindelof ? Ah ! C’est purement gratuit afin de justifier que le Space Jockey albinos extermine tout l’équipage et parte ensuite démolir la Terre. Pourquoi pas. Bientôt les fans de Prometheus viendront nous expliquer qu’il s’agit en fait d’une métaphore pertinente sur l’échec irakien. Mais dans ce cas, sachant que cette planète ne serait pas vraiment la leur, pourquoi aucun Space Jockey n’est venu voir ce qui clochait sur celle-ci puisque personne ne répondait depuis près de deux millénaires ? Pourquoi n’ont-ils pas envoyé depuis des Space Jockeys pour nous éliminer et accomplir ce qui était prévu avec la création de cette « huile noire » ? Et si l’espèce a changé d’avis au sujet de notre extermination, pourquoi le seul à vouloir encore supprimer la race terrienne est resté endormi sachant qu’il aurait pu partir il y a deux milles ans accomplir son funeste boulot (ce qu’il fait en plus dès qu’il est réveillé) ? Parce que les autres Space Jockeys l’ont mis de force dans un caisson d’hypersommeil pour l’en empêcher mais qu’ils ont tous été tué avant de partir ? Mais surtout pourquoi avoir donné aux hommes préhistoriques l’adresse de cette base cachant des « armes de destruction massive » ? D’autant plus que celles-ci allaient être envoyées sur Terre ?

Il y a un moment où la pratique du tout est mystérieux trouve ses limites. On est au cinéma, pas à la télévision. Un film, même si l’on y prévoit à l’avance des suites, se doit de tenir debout tout seul. Tout expliquer, sûrement pas. C’était même l’un des risques de ce faux prequel mais « vrai remake » qui ne se gène pourtant pas pour ruiner le mystère de la race Space Jockey, et d’une odieuse manière en plus. Mais il y a une très grosse différence entre les zones d’ombres d’Alien par exemple, qui ne concernent que l’aspect des décors du Derelict, très annexes donc à l’histoire centrale et servant « juste » à établir une atmosphère étrange, et les mystères à répétitions de Prometheus qui sont liés intrinsèquement à la narration, voire sont même des enjeux principaux (pourquoi nous ont-ils crée ? pourquoi veulent-ils nous détruire ? pourquoi ont-ils changé d’avis ? Que s’est-il passé sous ce dôme ? Et à quoi sert-il ?).

A l’inverse d’Alien, Prometheus est un film relatant une exploration. Si évidemment toutes les réponses ne peuvent, ni ne doivent être donné, il aurait été bien de lâcher un peu de mou au lieu de nous obliger à attendre une hypothétique suite dans quatre-cinq-six ans qui ne viendra que si le long-métrage est un carton en salle pour comprendre un minimum ce qu’il découvre. En l’état, Prometheus ne raconte rien. Il est pensé en trilogie sans savoir si les deux autres opus seront faits. D’ailleurs on peut même émettre un doute sur ce point sachant comment Lindelof conclut ses scénarios super mystérieux (Lost). En fait, il est vite évident que Lindelof et Scott ne savent pas où ils vont. Ils ne cachent même pas qu’ils n’en ont rien à faire. Après tout, les spectateurs se chargeront de rembourser ce gros objet « hype » plus construit sur un buzz éphémère que sur un solide scénario.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/85/32/85/19859024.jpgSérialisation

Il s’agit de la nouvelle plaie du cinéma anglophone avec le succès grandissant de leurs séries télévisées populaires et parfaitement ficelées. On fait appel à des scénaristes de séries pour écrire les blockbusters sans qu’ils parviennent à s’adapter au format plus court. Lindelof en est la preuve flagrante mais il n’avait pas été le seul auparavant.  La télévision empoisonne de nouveau le cinéma. J.J. Abrams avait déjà amené sa mise en scène télévisuelle à être placée en porte étendard de la réalisation moderne de blockbuster et avait mis à la mode ses ficelles de petits malins visant le prochain rebondissement/twist inattendu plutôt qu’à la cohérence globale du long métrage. Joss Whedon écrivit les Avengers et, outre sa réalisation plate et passe-partout annihilant tout le caractère épique de son sujet, fut incapable de finir son long-métrage sans rajouter une scénette finale faisant office de « to be continued ». Même Steven Moffat (« Sherlock ») avait achevé le Tintin de Spielberg sur une fin ouverte, bien qu’elle soit plus en cohérence de part le sujet du film (Tintin étant une série de bandes dessinées où on suit le duo principal d’aventures en aventures).

Doit-on craindre une « sérialisation » du septième art ? Vaste débat qui n’aura certainement toujours pas trouvé sa réponse dans les années qui viennent, mais on ne peut nier que cela gâche en partie le plaisir que l’on prend devant un long-métrage. S’il est normal de faire en sorte que le spectateur n’ait qu’une envie à la sortie d’un blockbuster (voir immédiatement une suite), il l’est moins de se farcir des demi-films, surtout au prix où coûtent aujourd’hui les places, et de dédouaner un scénariste médiocre qui n’a pas daigné relire sa copie et un studio/réalisateur qui ont immédiatement approuvé ce script incohérent plein de trous sous prétexte qu’on aura (peut-être) des explications plus tard. Ne pas savoir d’où vient le Space Jockey dans Alien est une chose (surtout qu’il n’apparait au plus qu’une minute) ; ne pas savoir pourquoi ils veulent détruire l’Humanité en est une autre alors que c’est la raison principale de la mort de la quasi-totalité de l’équipage dans Prometheus.

Prometheus se finit au moment où le film ne fait que commencer. Au moment où Shaw fait son premier choix autonome afin de trouver sa réponse. Mais c’est tellement mieux d’avoir un long-métrage qu’avec des questions sans réponse ! Ca donne l’impression que le film est intelligent et ça fait jubiler le public geek qui passera les cinq prochaines années à élaborer des théories farfelues pour expliquer telles incohérences ou trous scénaristiques balancés à l’arrache afin de s’auto-convaincre que le « méga film évènement qui va ressusciter la S.F. » n’est pas un gigantesque étron. Cette même communauté « geek » qui se plait à descendre Avatar sous prétexte qu’il est destiné aux enfants pour ensuite élever Prometheus au rang de grand film parce que c’est sombre et violent. Cette comparaison est pourtant tout le temps en défaveur du film de Scott. Même au niveau de la 3D, il ne lui arrive pas à la cheville (elle devient quasiment invisible pendant la seconde heure). On peut reprocher un paquet de choses au script d’Avatar, mais celui-ci est cohérent ; c’est d’ailleurs sa « faiblesse » aux yeux de ses détracteurs qui ne le voient que comme un concentré de clichés et de recettes bien établis. Le scénario de Prometheus est imprévisible pour le coup. Mais c’est parce que les personnages n’ont aucune cohérence et que leurs actions et les évènements qui leur arrivent n’ont aucune répercussion dans les scènes suivantes.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/66/95/20048256.jpgSacrifice

Au final, Prometheus c’est surtout beaucoup de bruit, à l’image de ce très impressionnant crash du vaisseau alien (encore une fois, pris indépendamment, la séquence est assez remarquable). Une scène à ce point bruyante qu’elle est à deux doigts de faire exploser les enceintes des salles de cinéma ; c’est d’ailleurs ce qui est arrivé lors de la première projection presse mondiale à Paris. On surligne le tout avec des effets visuels à gogo et des décibels à rendre sourd le spectateur le plus au fond de la salle afin de l’anesthésier et lui rendre « invisible » les innombrables scories du scénario. Là encore, dans ses plus gros moments de bravoure, Prometheus ne se donne même pas la peine de ne pas se moquer du spectateur. Le trio de pilotes kamikazes du Prometheus part se suicider en levant les bras, sous une musique patriotique et à coup de « lens flares », afin d’abimer le vaisseau du méchant alien (qui démarre à l’aide d’une flute !) et l’empêcher de détruire la Terre tandis que les deux héroïnes fuient le vaisseau qui se crashe en courant bien dans son axe pour se faire écraser. Tout ça parce que Shaw leur a demandé de se donner la mort.

Les mercenaires ne rechignent pas, d’autant plus que deux d’entre eux auraient pu avoir la vie sauve. On fait deux ou trois vannes pour dédramatiser la situation puis on va gaiment mourir comme si on était à Space Mountain. Consternant. Reste évidemment le climax final. Qui dure trois minutes à tout casser dans lesquelles Scott et Lindelof arrivent quand même à placer un paquet d’incohérences. Shaw fait au moins deux cents mètres en rampant en moins de deux minutes (ce qui lui reste d’oxygène dans son scaphandre). A noter qu’après sa césarienne, les agrafes tiennent visiblement très bien puisqu’elle peut sauter, courir et se blesser sans que cela entraine de complications. Le Space Jockey qui a survécu au crash court à l’air libre sans son casque pachydermique ; ça valait le coup de terraformer le dôme. Paul le poulpe revient sous le format « big size » car il a bien grandi pour une bestiole enfermée dans une petite salle stérilisée.

A peine le géant menaçant a-t-il le temps de foncer droit sur Shaw (Scott ne connait plus le suspense) que dix secondes plus tard il se fait attraper par un Cthulhu du pauvre. A cet instant, le spectateur se sent un peu comme ce Space Jockey obligé à faire une sorte de fellation à ce poulpe-facehugger géant. Car twist évidemment : ce poulpe est une version géante et antérieure aux fameux « facehuggers » qui s’accrochent comme un parasite au visage d’un être vivant pour lui inséminer un embryon dans la cage thoracique. Et Scott de faire un doigt d’honneur cinématographique au public en montrant Shaw qui quitte cette planète funeste  avec, sous le bras, la tête restante de l’androïde qui a tué son petit ami et l’a engrossé sciemment d’un extraterrestre gluant. Dans un autre vaisseau de Space Jockey, elle annonce qu’elle part toute seule et sans arme non pas sur Terre pour alerter l’humanité de la menace mais sur la vraie planète de leurs créateurs géants et belliqueux pour leur demander des explications. Bravo ma grande ! Au moins le deuxième épisode ne devrait pas avoir une durée excédant trois minutes à moins que tu n’arrives sur cette planète que dans le troisième épisode.

http://www.csmonitor.com/var/ezflow_site/storage/images/media/content/2011/1222-prometheus/11310198-1-eng-US/1222-prometheus_full_600.jpgDestruction

Et au moment où on croit que c’est enfin terminé, Scott achève son public avec une séquence gratuite sous la forme d’un second doigt d’honneur encore plus révoltant. Une apparition d’un proto-Alien ridicule tellement insultante qu’elle ne peut avoir été envisagée au premier degré. Une scène gratuite, sans aucun sens sachant que Shaw a quitté la planète et n’ayant que l’unique but de faire jouir la « fan base » geek. On frise l’escroquerie en bande organisée. Ce qui est véritablement scandaleux c’est d’abord le fait qu’un nombre incommensurable de projets filmiques audacieux « pour adultes » a été annulé par des studios frileux au cours des 110 années précédentes et qu’on permette ensuite à cette production indigne et lamentable d’être le film « R » le plus cher et ambitieux de l’histoire du cinéma. Ce qui est aussi scandaleux, c’est que cette bouse minable empêche Guillermo Del Toro de se lancer dans son adaptation rêvée des « Montagnes hallucinées » aux côtés de James Cameron et de Tom Cruise puisque Scott vient de lui couper l’herbe sous le pied (inutile de dire que le film de Del Toro aurait eu infiniment plus de gueule).

Prometheus est l’un des space opera les plus embarrassants jamais réalisé. L’un des blockbusters les moins bien écrits de ces dernières années. Un film applaudi pour sa production design alors qu’il se contente de placer ce qui n’avait pas été utilisé dans Alien. Un « film écologique » en somme. Un film qui sous couvert d’être classé « R » a malgré tout enlevé presque toute la charge érotique des dessins de « Metal Hurlant » qu’il repompe sans vergogne. Un pitoyable remake d’Alien dont il reprend la structure narrative et les rebondissements tout en leurs faisant perdre leurs forces et leurs viscéralités. Une bondieuserie consensuelle insupportable faisant l’apologie du créationnisme et de l’importance de croire (« j’y crois parce que j’ai choisi de le croire » remporte la palme de la phrase « nanarde » de 2012) tout en empruntant une symbolique majoritairement chrétienne en rassurant les intégristes religieux de la « Bible Belt » sur le fait que de toute façon il y a bien quelque chose d’autre qui a crée nos créateurs. Un long-métrage opportuniste à 150 millions de dollars dont le scénario a été co-écrit avec Lindelof probablement en état d’ébriété (dixit fièrement ou puérilement Scott dans son interview dans « Le Nouvel Observateur »).

Ridley Scott vient de lancer une trilogie prequel aussi passionnante et réussie que George Lucas en 1999 avec La Menace Fantôme. Il ne reste qu’à espérer qu’il ne copiera pas son modèle en retouchant son œuvre originale de 1979 pour la faire concorder avec sa prequel pathétique (les incohérences de design sont aussi légions). En attendant, il envisage de saloper son second chef d’œuvre Blade Runner en lui affublant une sequel toute inutile. Il compte y faire revenir Harrison Ford afin de répondre enfin à la question de la nature du personnage de Deckard (humain ou replicant ?) et vient d’annoncer qu’il envisage déjà d’y mettre les scènes qu’il n’avait pas inclus dans son film de 1983. Une impression de déjà vu ? Souvenez-vous de Prometheus lorsque vous découvrirez les premiers teasers super excitants et esthétiques de Blade Runner 2 : les chances pour que ce second retour en arrière soit d’anthologie sont devenues scientifiquement nulles depuis ce funèbre jour du 30 mai 2012.

NOTE :  2,5 / 10

http://naijamayor.com/wp-content/uploads/2012/04/Prometheus.jpg
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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 20:13
http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/59/53/20080335.jpg

Titre original : Cosmopolis

Film canadien sorti le 25 mai 2012

Réalisé par David Cronenberg

Avec Robert Pattinson, Juliette Binoche, Paul Giamatti,…

Drame 

Dans un New York en ébullition, l'ère du capitalisme touche à sa fin. Eric Packer, golden boy de la haute finance, s’engouffre dans sa limousine blanche. Alors que la visite du président des Etats-Unis paralyse Manhattan, Eric Packer n’a qu’une seule obsession : une coupe de cheveux chez son coiffeur à l’autre bout de la ville. Au fur et à mesure de la journée, le chaos s’installe, et il assiste, impuissant, à l’effondrement de son empire. Il est aussi certain qu’on va l’assassiner. Quand ? Où ? Il s’apprête à vivre les 24 heures les plus importantes de sa vie.

    

Beaucoup y ont cru, à son grand retour. Malgré les réticences bien légitimes qu’avaient causé l’annonce de l’arrivée dans le rôle principal du « chéri de ces demoiselles » Robert Pattinson, l’inexpressif vampire de la soporifique saga vampirique Twilight, la bande annonce assez sidérante de Cosmopolis avait de nouveau fait naître l’espoir chez les fans du David Cronenberg de la Belle Epoque de le voir renaître de ses cendres. Le programme était le suivant : sexe moite, violence crue, folie, perdition, quête de sensations et mutilation dans un milieu urbain apparemment apocalyptique sombrant dans une démence désespérée. Une sorte de péloche allumée mixant le Cronenberg de la « Nouvelle Chair » et le Gaspar Noé expérimental.

Sauf qu’ils sont (très) nombreux à rire jaune, les spectateurs qui sortent des projections de Cosmopolis, souvent avant même que le film ne soit terminé. La raison est simple : la bande annonce ultra sensorielle et rythmée de Cosmopolis est l’exact antithèse du long-métrage final froid et aseptisé. Erreur de marketing ? Gageons plutôt qu’il s’agit d’une très maligne et perverse manipulation pour attirer du beau monde en salles. D’ailleurs le choix de Pattinson n’est-il pas en cohérence avec cette démarche, sachant que des hordes de groupies enamourées vont de toute façon se ruer en salles pour voir le beau « Bob » sans même s’être demandé si le film les concernait ? Le cinéma intello du (vieux) Cronenberg ne ressemble pourtant en rien aux amourettes prudes de Twilight.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/59/53/20059285.jpgChute

A vrai dire, Cosmopolis ne ressemble pas à grand-chose de ce qu’a fait précédemment Cronenberg, ni même à ce qui avait été réalisé jusque là. C’est peut-être pour cette première raison que son film est le plus « marquant » depuis qu’il a réalisé Crash, dans le sens où il n’est pas oublié et expédié sitôt franchi le pas de la porte de sortie. Il faut dire qu’après la sortie de ce chef d’œuvre sulfureux et troublant, la carrière de Cronenberg ne fut que sur une pente descendante. A l’instar d’un Tim Burton, leurs chutes se faisant au même moment, il semblait que quelque chose se soit brisé en lui. Quelque chose de nouveau empêchait ainsi l’ancien Cronenberg de revenir. Il s’agit en l’occurrence d’un problème assez récurrent et empoisonnant chez les grands metteurs en scène. Après une poignée de décennies où il s’était vu continuellement démoli par une critique qui le regardait avec mépris, il semblerait que Cronenberg ait soudain eu l’idée saugrenue qu’il n’était pas un « auteur ».

Un titre honorifique que tous les fans du réalisateur depuis ses premiers films à la toute fin des années 70 n’auraient jamais eu l’idée de lui refuser. Mais le temps avançant et la vieillesse approchant, Cronenberg s’est inévitablement demandé s’il était un réalisateur sérieux. Visiblement non puisqu’il n’avait droit qu’à de la condescendance de la part de cette critique qui ne prenait alors que rarement la peine d’analyser ses « péloches fantastiques, Z et tordues ». La chute de Cronenberg vers un cinéma cérébral et la masturbation intellectuelle commença d’abord avec eXistenZ, une relecture de son cultissime et visionnaire Videodrome. Si l’une des principales menaces pour l’avenir de l’Homme, qui guettait au début des années 80 et qui fut épinglée dans Videodrome, était cette télévision de plus en plus vouée à devenir un appareil publicitaire manipulateur destiné à satisfaire et à faire naître le moindre désir chez celui qui la regardait, Cronenberg s’attela fièrement et en toute logique à ce nouveau « mal du siècle » qui risquait d’aliéner l’humanité à l’aube du XXIème siècle : le jeu vidéo.

Outre quelques séquences étranges et certaines bonnes idées, Cronenberg prouvait surtout qu’il ne comprenait pas trop ce nouveau média. Sa critique s’en retrouvait ainsi affaiblie bien qu’on ne pouvait décerner à eXistenZ que le titre de « film mineur » plutôt que celui de « flop ». Le long-métrage suivant inquiéta beaucoup plus ses admirateurs. Spider avait pourtant tout pour plaire : le génial Ralph Fiennes en premier rôle dans un film dédié frontalement à cette psychanalyse autour de laquelle tournait déjà toute la filmographie du metteur en scène canadien. Grosse désillusion, le film n’étant surtout qu’un pensum bavard presqu’autiste. L’inquiétude commençait à naître lorsque le très intéressant History of Violence fit illusion pendant un temps, malgré un dernier tiers plus théorique et prétentieux. Cronenberg déclara avoir trouvé un alter ego en la personne de Viggo Mortensen et on espéra alors que cette collaboration relancerait définitivement la carrière du cinéaste après ces deux longs-métrages fort oubliables.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/59/53/20089910.jpgRat mort

Mais l’enthousiasme fut de courte durée. Car si son film sur les gangsters russes Les Promesses de l’Ombre réservait quelques bons moments (dont une scène de bagarre dans un sauna qui est, il faut bien le reconnaitre, l’une des plus grandes séquences qu’ait jamais réalisé Cronenberg), l’ensemble pâtissait d’une impression de déjà vu et de classicisme. Mais le réalisateur de La Mouche paraissait être retourné à ce cinéma plus charnel qui avait fait son succès. Manque de chance, son long-métrage suivant A Dangerous Method fit office de bon en arrière. De nouveau, Cronenberg s’attaquait frontalement à la psychanalyse et prouvait à nouveau qu’il était plus pertinent et fascinant lorsqu’il usait de sujets détournés et de métaphores pour en parler. Non seulement le film était extrêmement bavard (faiblesse compréhensible lorsque l’on s’attèle à la « médecine par la parole ») mais il était particulièrement entaché par une facture proprette, tellement classique qu’on se serait cru dans une croute à oscars, et bien handicapé par quelques interprétations grossières et hasardeuses (une Keira Knightley hystérique en tête) à peine rattrapées par les sobres Michael Fassbender et Viggo Mortensen.

Pour beaucoup, Cosmopolis apparaitra comme le point de non retour de Cronenberg. Et ils ont suffisamment d’arguments pertinents pour étayer leur perception. Mais c’est un fait que cela faisait longtemps qu’un film de Cronenberg n’avait pas fait autant réagir viscéralement, même de façon négative. Cérébral, le film l’est indéniablement. Obscur, Cosmopolis l’est sans aucun doute. Bavard, il l’est même au plus haut point. Le long-métrage de Cronenberg est inégal, pas dénué de scènes à rallonge à l’intérêt parfois relatif, et affaibli par des interprétations plus ou moins réussies (Juliette Binoche et Sarah Gadon sont particulièrement embarrassantes et agaçantes, bien que ce soit le rôle qui le veuille pour cette dernière). On peut très légitimement condamner une « paresse » de la part de Cronenberg lorsqu’il annonce fièrement que son premier script depuis près de dix ans n’a été composé qu’en six jours en conservant presque mot pour mot les dialogues écrits par Don DeLillo dans son ouvrage éponyme.

Cela en fait-il une mauvaise adaptation ? Pas forcément. Ou tout du moins on peut reconnaitre qu’il s’agit d’un exercice de style assez audacieux et risqué. Les vingt premières minutes inquiètent d’ailleurs grandement sur la viabilité et l’utilité de cette démarche tant les dialogues semblent maladroitement récités par des acteurs qui n’en comprennent visiblement pas plus le sens que nous.  Cosmopolis est un film facile à détester. Il a toute les scories que l’on retrouvait dans les derniers Cronenberg mais poussés cette fois dans leurs ultimes retranchements. De deux choses l’une : soit Cronenberg a définitivement et aveuglément plongé dans ses travers pour devenir un nouveau cinéaste bien plus intellectuel et « petit public », soit le metteur en scène canadien est conscient de ses travers et a décidé de les exacerber dans le but de s’en débarrasser plus rapidement.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/59/53/20070328.jpg‘Un spectre hante le monde’

La réponse ne viendra évidemment qu’avec les prochains David Cronenberg qui confirmeront si Cosmopolis est un « one shot » ou bien les prémices d’une « nouvelle » filmographie qui n’intéressera qu’une nouvelle partie de la communauté cinéphile. Pourtant quelque chose empêche de détester complètement ce long-métrage. D’abord parce qu’il reçoit une volée de bois verts de la part des réfractaires mais aussi de ceux qui pressentaient un virage de Cronenberg et qui on choisit spécifiquement celui-ci pour clamer haut et fort leurs refus de le suivre sur cette voie. Cosmopolis n’est pas le pire Cronenberg. Il possède en son sein des thématiques bien plus intéressantes que dans ses précédents films, renvoyant malgré tout et plus directement au Cronenberg des années 80 et 90. Nombreux sont ceux qui vantent ou se moquent du soi-disant caractère avant-gardiste de l’ouvrage (ces derniers arguant qu’il arrive bien trop tard et qu’il explique ce que l’on sait déjà ; comme si faire des films sur le Vietnam après le retrait des troupes étaient idiots). Ils font néanmoins erreur : les anciens longs-métrages de Cronenberg étaient souvent visionnaires ; Cosmopolis ne l’est pas. Il est malheureusement bien contemporain.

La critique dite « sérieuse » se pâment actuellement sur le fait que le film est une violente charge anticapitaliste (donc intrinsèquement un film de gauche comme la majorité de la profession). La vérité c’est que ce n’est pas cet aspect là qui est le plus intéressant ni le plus abouti. On ne perçoit que par petites touches et en arrière plan ce New York déliquescent en proie à une ferveur révolutionnaire visant à détruire, même illusoirement, le système mis en place. A ceci s’ajoute à la rigueur la glaçante agression à l’encontre du directeur du FMI à la télévision coréenne, éborgné brutalement au couteau par un activiste. On aimerait en voir plus mais le but et le parti pris radical du film l’en empêche (rester enfermer dans la limousine, regardant à travers les vitres ce monde tel un spectateur devant un écran). Cosmopolis se déroule, au début, sous une ère sur le point d’être bouleversée par un évènement révolutionnaire inévitable. Et son héros en est le prophète ou du moins le symbole. On retrouve ainsi les héros de Videodrome, de Faux-semblant, de La Mouche ou encore de Crash, sur le point d’assister à un changement radical du monde qui entrainerait leurs mutations ainsi que celle de l’espèce humaine qui atteindrait alors un stade supérieur.

Ce système capitaliste poussé jusque dans sa logique la plus absurde et théorique est sur le point de s’effondrer. Si cet effondrement efficient n’est que partiellement montré au cours d’une émeute et par la symbolique récurrente du rat mort qu’emploient ces révolutionnaires, il est particulièrement visible via le parcours d’Eric Packer. C’est à travers lui que se fait la métaphore de la chute du système et c’est son histoire personnelle et non pas celle de la chute de la ville de New York, symbolisant avec Wall Street en son sein le cœur même du système, qui donne un intérêt à Cosmopolis. Un cœur par ailleurs malade et sur le point de lâcher.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/59/53/20070330.jpgPénétration

Eric Packer n’est pas malade. Ou plutôt il a peur de l’être. Etant milliardaire et disposant de ressources financières apparemment illimitées, il profite de son argent pour se payer un check-up médical complet tous les jours afin de découvrir au plus tôt toute infection. Jusqu’ici, rien n’était à signaler. Mais le matin de ce jour que relate Cosmopolis n’est pas celui d’un jour comme les autres. Le climat ambiant l’indique bien : quelque chose doit et va se produire. Eric Packer étant l’incarnation humaine de ce système capitaliste basé sur l’équilibre de faits calculés, précis, immuables, il semble ainsi contracter quelque chose d’anormal : à la fin du check-up et une longue séquence de « toucher rectal », le nouveau médecin lui révèle qu’il a une prostate asymétrique. Une imperfection soudainement révélé, larvée depuis tout ce temps dans son propre corps sans qu’il puisse savoir quel en est le but (le faire mourir de maladie fulgurante comme son père ?).

La thématique de la maladie a toujours été très présente chez Cronenberg. Cette fascination/peur de ce corps qui mute lui provient vraisemblablement de son propre père, décédé d’un cancer. La Mouche pouvait être vue comme une métaphore du cancer (ou du sida vu l’époque), Chromosome 3 relatait la diffusion d’une épidémie, Faux Semblant suivait le délire paranoïaque de deux jumeaux gynécologues persuadés que la matrice des femmes était en train d’évoluer en quelque chose de monstrueux… Les héros cronenbergien sont des êtres à part qui ont quelque chose en plus ou en tout cas de différent, que ce soit les mutilés d’accidents de voitures dans Crash, le héros-voyant de Dead Zone, le gangster recouvert de tatouages dans Les Promesses de l’Ombre, voire de façon plus métaphorique le héros d’apparence normale mais renfermant le « mal » en lui dans History of Violence.

Eric Backer est certes un être à part grâce à son incommensurable fortune. Il vit à l’écart du monde, tel un mégalo paranoïaque détaché, dans sa limousine « high-tech ». Mais sa véritable anomalie, il croit la découvrir dans cette prostate asymétrique. Une différence non plus matérielle ou psychologique, mais bien physique. Une « menace » interne qui pourrait se déclencher à tout instant, une épée de Damoclès qui pourrait lui offrir ce martyr à la fois craint et désiré. La thématique médicale est larvée constamment dans Cosmopolis. Cette limousine est quasiment « stérile » par le simple fait qu’elle empêche toute interférence avec ce monde extérieur. La scène d’introduction porte déjà la note d’intention puisqu’Eric ne cesse de demander à un de ses jeunes collègues traders si le véhicule d’où il reçoit et analyse les données est protégé de toute intrusion ou infection extérieure (le terme anglais « penetration » est encore plus éloquent). Rien ne doit pénétrer ce corps métallique avec lequel Eric ne fait plus qu’un, pas même un virus biologique et encore moins un virus informatique.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/59/53/20070320.jpgPulsion de mort

Et pourtant des intrusions il va y en avoir dans cette limousine. Un va et vient incessant de personnalités diverses venant avertir ou discourir avec Erik. Peu à peu, une tension se crée car une menace se rapproche par le biais de rumeurs. Peu à peu, la cible de cette dernière se précise : Eric Packer est en danger de mort. Quelqu’un est sur ses traces avec la ferme intention de reproduire cet éternel geste accompli depuis la nuit des temps : en période de révolution, on « exécute » les anciennes figures du pouvoir. Très vite, il apparait que la finalité de Cosmopolis ne peut être autre chose que cette confrontation ultime entre la proie haïe et ce prédateur aux motivations mystérieuses.

La grande particularité d’Eric Packer est justement de ne pas fuir le danger, au grand dam de son garde du corps. Mais il ne s’agit pas là de courage. Si Eric Packer ne fait rien pour éviter cette « mort », c’est évidemment parce qu’il souhaite aller à sa rencontre. Quel est l’intérêt de ces innombrables « check-up » si c’est pour ne jamais rien découvrir de dramatique ? Pourquoi ne pas reporter au lendemain cette soudaine envie d’aller chez le coiffeur à l’autre bout de la ville, faisant ainsi non seulement fi du trafic automobile délirant, dû conjointement aux obsèques d’une star du rap, d’une émeute anarchique et de la venue officielle du président des Etats-Unis, mais surtout de cette menace réelle qui le poursuit ? Parce qu’il veut rencontrer la mort. Cette menace invisible est vraisemblablement la chose la plus excitante arrivée à cet homme depuis longtemps.

Pour cela il suffit de regarder les premières minutes du long-métrage. Eric Packer est un être inexpressif, immobile, se cachant derrière ses lunettes de soleil pour bien s’assurer qu’aucune once d’humanité ou d’empathie ne transparaisse de lui. Il est d’une richesse indécente et Cosmopolis nous révèle lentement l’étendue de sa folie possessive absurde : il a deux ascenseurs allant à des vitesses différentes, il possède un vieil avion de guerre russe qu’il ne peut pas utiliser mais qu’il vient admirer, il a gadgétisé sa limousine, il dispose d’un appartement immense qu’il peut agrandir à volonté et souhaite acheter une chapelle par simple caprice pour la posséder et la priver aux yeux du peuple. Eric Packer a tout et pourtant il ne jouit de rien. Il est une machine à lire des données. Un être fusionnant avec l’un des sièges de sa limousine comme s’il était une partie intégrante du véhicule. Les écrans à chiffres qu’il tripote ne sont que les extensions des bras de cet homme-données noyé dans l’information et perdant toute matérialité.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/59/53/20089912.jpgAsymétrique

Pour la retrouver, Packer va non seulement devoir éprouver de nouveau quelque chose mais surtout ne plus être cet être équilibré dont chaque geste est minutieusement calculé et prévu. En gros, il doit accepter de ne plus s’aborder comme il aborde l’infinité continue d’informations chiffrées qui lui passe devant les yeux : plus de façon rationnelle, équilibrée, naturelle. C’est ainsi que Eric Packer accepte de tout perdre. Première étape fondamentale pour redevenir un homme comme les autres. Ces milliards s’évaporent en une poignée de minutes sans qu’il arrive à en éprouver quoi que ce soit si ce n’est un sentiment de liberté. La perte de cette richesse matérielle se symbolise parfaitement à travers l’évolution de la limousine qui devient de plus en plus sale et cabossée au fur et à mesure que Packer approche de sa destination. La limousine est aussi l’image de l’état mental de plus en plus ravagé d’Eric Packer. L’homme et la machine ne font toujours qu’un, comme cela était le cas dans Crash où les protagonistes jouissaient non plus par la pénétration organique mais par l’emboitement des véhicules lors de collisions violentes et libératrices.

Eric Packer se dénude aussi comme le remarque sa richissime et froide fiancée. Au cours de son voyage il perd sa cravate, sa veste, tout ce qui symbolisait son sérieux et sa nature d’homme d’affaire. Vers la fin, il reçoit en pleine figure une tarte à la crème de la part d’un anarchiste exubérant (interprété par un survolté et très amusant Mathieu Amalric) qui le salit encore un peu plus et il ne se fera faire qu’une moitié de coupe en décidant de partir soudainement du salon de coiffure. Sans véritablement s’en rendre compte, Packer se fait « contaminer » pas l’asymétrie de sa prostate, perdant ainsi cet équilibre et cette maîtrise dont il s’acharnait à faire preuve. Ce n’est qu’en ayant tout perdu, y compris sa limousine, qu’il pourra rencontrer son antagoniste.

S’il parait être redevenu parmi les humains et avoir perdu ce statut de jeune dieu mégalo vivant dans les plus hautes cimes de la ville, Eric Packer n’est néanmoins pas encore parvenu à accomplir ce qu’il souhaitait vraiment au moment où il rencontre enfin Benno, l’homme qui veut l’abattre. Car s’il est bien redescendu de son piédestal et qu’il se retrouve enfin dénudé et quasiment sans protection, il n’est pas encore redevenu un humain. A l’inverse de sa fiancée qui craint de s’engager, de se lancer et de trop se rapprocher des autres par peur de la souffrance (d’où le fait qu’elle se cache aux yeux du monde), Eric recherche cette souffrance lui rappelant qu’il est un être vivant de chair et de sang.

http://c2.img.v4.skyrock.net/c2a/breaking-dawn-forever/pics/3089379295_1_3_Ybbzcuy6.jpg‘Everybody wants to live’

Cosmopolis est l’histoire d’un jeune homme inexpressif et insensible qui va se mettre à chercher n’importe quelle source de plaisir et de souffrance (les deux étant régulièrement liés) comme s’il s’agissait d’un propre acte de rébellion. Le comportement de Packer est une rébellion à ce système établi (désigné sous le nom de « Centre ») qui le surprotège alors qu’il ne demande qu’à avoir mal comme ces hommes au-dehors qu’il regarde avec envie en train de s’immoler, essayant de sentir ce que ces martyrs ressent en accomplissant un tel geste sur leurs propres personnes. « Il y a suffisamment de souffrance pour tout le monde » dit-il en voyant des jeunes de son âge danser comme pour oublier leurs propres conditions minables et douloureuses. Mais pas pour Eric. Ce dernier possède tout, sauf une chose : la douleur. Cette douleur qui ne peut venir que par un manque ou une erreur. La douleur ne vient pas de la perfection. Eric Packer veut posséder la seule chose qui se refuse encore à lui mais qu’il ne peut justement avoir parce qu’il possède « tout ».

La souffrance est une partie intégrante de la vie. C’est elle qui fait « danser » ces jeunes, c’est elle qui amène les gens à se révolter, à détruire, à s’immoler. Eric Packer est un mort vivant. Il ne vit pas. Il ne fait que passer dans son interminable corbillard finissant par devenir un cercueil le protégeant du reste de la ville. Choisir Pattinson, soit la figure du vampire pour la nouvelle génération, prend alors un nouveau sens. Eric cherche à travers son épopée à « s’enflammer » par tous les moyens possibles. Malgré ses remarques persistantes et pressantes, il ne parviendra pas à faire céder sa fiancée qui se refuse à lui tout en lui faisant miroiter une future consommation du mariage qui ne viendra jamais. Il se lance alors éperdument aux côtés de femmes plus âgées, ouvertes mais aussi plus désespérées. Mais ces adultères ne le satisfont pas suffisamment.

Si la quête de plaisir charnel ne permet pas de l’enflammer, peut-être que la quête de la douleur sadomasochiste (et donc d’une autre forme de plaisir moins amical) y parviendra. Le sexe est quelque chose de « commun ». Tout le monde le fait. Eric Packer demandera justement à l’une de ses maîtresses de lui « montrer quelque chose de nouveau ». Mais cette souffrance, personne ne veut la lui donner. Ni ce médecin qui, malgré ce toucher rectal au cours duquel Eric commençait à ressentir une certaine excitation, ne lui diagnostique rien de douloureux ou de morbide, ni cette maîtresse qui refuse de l’électrocuter avec son tazer et encore moins ce garde du corps collant qui s’assure continuellement qu’aucun mal ne soit fait à son patron. Ce dernier intervient même entre Eric et l’entarteur qui venait d’attaquer l’ex-milliardaire.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/59/53/20059286.jpgLe roi et le fou

L’unique solution pour cet Eric en perdition afin d’atteindre son but est d’éliminer purement et simplement celui qui s’interpose entre lui et son « tueur ». Abandonné ou ayant été abandonné par tout ceux qui refusaient d’accomplir ce qu’il leur demandait, Eric est enfin prêt pour l’ultime épreuve de son existence en se retrouvant face au mystérieux Benno. Guidé par une irrésistible pulsion de mort, c’est Eric lui-même qui va à la rencontre de ce sniper embusqué qui le rate à plusieurs reprises. Un geste qui surprendrait n’importe qui mais qui est en logique avec le personnage ; ce dernier, au cours du dernier tiers du film, s’évertue constamment à trouver une arme (d’où le fait qu’il s’en va précipitamment de chez le coiffeur après en avoir trouvé une). Une fois face à face, pas de duel comme dans un western. Les deux antagonistes font ce que les personnages du film font depuis le début : ils s’assoient et parlent.

Eric cherche en effet à comprendre quel est le message qui se cache derrière son « meurtre ». Pourquoi Benno veut le tuer ? Tout crime ou suicide découle d’une force oppressante. Ce n’est pas pour rien que ces manifestants se sont immolés. Ce n’est donc pas pour rien que Benno le pourchasse. Ce dernier est pourtant loin d’être différent d’Eric. De tous les êtres que ce dernier a croisé, Benno est clairement celui qui est le plus proche de lui (il a d’ailleurs lui-aussi une prostate asymétrique). Deux êtres à part. L’un a été soudain trahi par son système d’équilibre et se voit ruiner par un fait qu’il n’a pas su prévoir malgré l’établissement d’équations apparemment naturelles, universelles et immuables ; le second ne comprend plus ce monde dans lequel il évolue, où tout est millimétré à l’extrême, régit par des codes et des réglementations absurdes et où tout n’est que valeurs. Tout y compris le temps. Le futur se fait toujours plus pressant car le présent lui-même n’est maintenant plus réduit qu’à une simple nanoseconde. Le présent est à peine arrivé que le futur a déjà pris sa place.

C’est ce monde angoissant qui rend fou. Ce monde qui enlève toute humanité car tout le monde doit être réglé comme une montre sur l’horloge du capitalisme et du « temps c’est de l’argent ». Un monde où on n’est rien, si l’on ne possède rien. Un monde où nous ne sommes que des rouages serviles à l’exception de quelques privilégiés déifiés et en costards-cravates. Des rois si indécents face à des peuples si démunis et effrayés que la marche de l’Histoire ne peut que les voir chuter pour permettre un ordre nouveau. Un monde virtuel de données, d’informations, de flux perpétuel qui a annihilé toute matérialité. Seul compte encore le langage (une respiration peut bouleverser le monde de la finance, et accidentellement le monde « réel », comme le rappelle une des collègues d’Eric). La survie ne se fait que par la parole. Ne plus trouver ses mots, c’est la mort comme le dévoile les dernières minutes où Eric n’arrive plus à répondre quoi que ce soit après cette longue lutte de mots avec son « tueur ».

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/84/59/53/20070327.jpgSymptôme

Pourquoi Benno cherche-t-il à tuer Eric ? Lui-même ne semble pas en être sûr, se cachant derrière un mobile confortable selon lequel le riche doit payer pour ses « crimes » ostentatoires à l’encontre de la population pauvre. Un riche prétentieux et choquant cherchant à avoir toujours plus, à afficher plus et, dans le cas contraire, à perdre plus que les autres pour prouver malgré tout sa supériorité et son autorité. Un riche ne voulant qu’être au-dessus de tous, même après avoir chuté. Peut-être alors que Benno a raté sciemment sa cible. Peut-être qu’ayant été un de ses anciens employés invisibles, il connait si bien Eric qu’il savait qu’il viendrait le voir, poussé par ce désir presque « sexuel » de mort. La dernière réplique énigmatique de Benno recèle vraisemblablement la clé : « je voulais que vous me sauviez ». On en revient telle une boucle à cette obsession de la maladie.

Le sauver de quoi ? D’être un symptôme de cette société malade en accomplissant un geste « cliché », symptomatique, automatique dans une circonstance financière difficile : tout comme on s’immole par le feu pour faire passer un message protestataire fort, recopiant ainsi le vieil acte de ces moines bouddhistes ayant été à l’origine de ce geste devenu depuis « traditionnel », le pauvre tâche mécaniquement d’accomplir cette prévisible lutte des classes en tuant le riche tout en espérant rééquilibrer ainsi le monde. Eric a échoué de ce point de vue là, mais il est malgré tout parvenu à ses fins. Dans un geste instinctif, il se tire dans la main, accomplissant le geste sadomasochiste qu’il voulait subir depuis le matin. Dans un cri de douleur mais aussi de jouissance absolue, il éprouve enfin sa douleur.

Et quelques secondes avant le coup de feu « cliché » (qui sera hors champ et inaudible pour éviter à Cosmopolis de le devenir), Eric verse sa première vraie larme. Non pas celle qu’il avait essayé d’avoir en faisant grotesquement semblant d’être affecté par la mort d’un artiste qu’il ne connaissait pas et dont il n’avait mis la musique que dans son ascenseur privé. Une larme qui le montre cette fois bien doué de sentiments et de sensations. Son visage n’est plus aussi inexpressif bien que cette évolution se soit fait par étapes et non soudainement (Pattinson livre une composition particulièrement ardue mais impressionnante à ce titre). Eric est plus libre que jamais, débarrassé de toutes ces protections superflues et étouffantes. Eric Packer est libre de choisir sa propre mort, de commettre des gestes soudains et est bientôt libre de cette vie terrestre si insatisfaisante. Pendant le crescendo final de la bande son monumentale d’Howard Shore (une des meilleures qu’il ait composé pour Cronenberg), Eric Packer réalise enfin ce qu’il cherchait peut-être inconsciemment : on n’est jamais aussi vivant qu’à quelques secondes de sa mort.

NOTE :  6,5 / 10 http://img.filmsactu.net/datas/films/c/o/cosmopolis/xl/cosmopolis-photo-4fbf83e75431f.jpg

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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 10:47
http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/83/04/97/20092801.jpg

Titre original : On the Road

Film américain sorti le 23 mai 2012

Réalisé par Walter Salles

Avec Sam Riley, Garrett Hedlund, Kristen Stewart,…

Drame

Au lendemain de la mort de son père, Sal Paradise, apprenti écrivain new-yorkais, rencontre Dean Moriarty, jeune ex-taulard au charme ravageur, marié à la très libre et très séduisante Marylou. Entre Sal et Dean, l’entente est immédiate et fusionnelle. Décidés à ne pas se laisser enfermer dans une vie trop étriquée, les deux amis rompent leurs attaches et prennent la route avec Marylou. Assoiffés de liberté, les trois jeunes gens partent à la rencontre du monde, des autres et d’eux-mêmes.

    

L’adaptation de livres en films est une démarche aussi vieille que le cinéma lui-même. Généralement, le mieux est de s’emparer d’un ouvrage imparfait afin que le long-métrage puisse aisément y apporter quelque chose et parvienne ainsi à le transposer fidèlement, à son esprit en tout cas, sur un support visuel. S’attaquer à un ouvrage littéraire adulé et considéré comme un chef d’œuvre est nettement plus ardu et audacieux. Peu de metteurs en scènes ont suffisamment de talent, d’intelligence et de culture pour en comprendre l’essence et palier visuellement au fait que le livre trouvait souvent son caractère de « grande œuvre » dans sa forme écrite. La démarche est donc généralement vouée à l’échec.

Ce n’est qu’en partie le cas de Sur la route de Walter Salles. Le roman éponyme de Jack Kerouac est l’ouvrage fondateur de la « beat generation » au début des années 50 et constitue ainsi un monument en soi au sein de la culture américaine mais aussi internationale. L’adapter dans un quelconque autre format entrainerait presqu’automatiquement une perte de ce qui fait sa spécificité. Le risque est alors de faire de ce voyage « sur la route » rien de plus qu’un banal « road movie ». Et il est malheureusement rapidement évidemment que Salles ne parvient pas à relever son pari ; pas forcément par sa faute mais vraisemblablement par le fait que cette adaptation arrive bien trop tard, au cours d’un contexte obsolète qui ne s’y prête plus.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/89/37/42/20102196.jpgVoyage dans le temps

En effet, « Sur la route » est le symbole même du malaise et des rêves d’une génération maintenant vieille de plus de soixante ans. Que peut-on en dire aujourd’hui ? Faire maintenant une adaptation qui se veut fidèle n’a pas vraiment de sens car le film tâcherait vainement de parler d’une période qui n’est plus, sans avoir aucun recul. On se retrouve alors avec un film lui-même « obsolète » qui, au mieux, ne pourra qu’attiser ce désir de voyager et de liberté chez les jeunes spectateurs sans être parvenu à avoir le même impact que le roman, notamment au moment de sa publication. Sur la route est l’archétype de l’adaptation prévue pour rafler des récompenses. On adapte un grand livre reconnu, gageure certaine d’une « grande » histoire, et on la met à l’écran en attendant que quelques restes du bouquin fassent leurs effets en réussissant à transparaitre, parfois accidentellement, de l’adaptation cinématographique.

On en conviendra, Salles et Coppola (ce dernier à la production et le premier qui est en terrain connu après l’intéressant Carnet de voyage retraçant le parcours du Che en Amérique du sud avant qu’il ne se lance en politique) ne se moquent pas de nous au niveau de l’emballage. La photographie est absolument magnifique et elle magnifie sans aucun problème ces paysages si étourdissants des Etats-Unis. On peut clairement condamner l’académisme de cette mise en scène qui n’invente rien et se contente de ce qui été accomplie avant elle, mais on ne peut lui enlever le fait que son efficacité est plutôt bien été conservée. On est en terrain connu en somme, et reconstitution 40s-50s oblige, il y a plein de couleurs comme si cela avait été tourné en technicolor et un grain d’image pour conférer un côté « image d’archive » au long-métrage de Walter Salles.

De même, le casting est assez convaincant. On pourra toujours regretter le peu charismatique Garrett Hedlund dans le rôle de l’ultra séduisant Dean Moriarty, choix de casting assez saugrenu qui avait difficilement rassuré lorsqu’on l’avait vu en premier rôle inexpressif dans Tron l’héritage. Sam Riley rattrape heureusement le coup, au point que la très présente voix off qui aurait pu être indigeste passe plutôt bien grâce à sa tonalité vocale lancinante et envoutante. Quant à Kristen Stewart, elle continue de prouver à ses détracteurs qu’elle a une vie après Twilight en brisant toujours un peu plus son image de fille sage (bien que ses scènes de sexe, parfois à trois, n’arrivent pas à égaler la prestation « crash test » de son « compagnon vampire » à la vie et à l’écran, Robert Pattinson, dans le Cosmopolis de David Cronenberg). Un fait néanmoins pas très surprenant pour ceux qui l’avaient déjà découvert avant l’adaptation des piteuses histoires romantico-fantastiques de Stephenie Meyer et qui, depuis, suivent assidument sa carrière alternative déjà riche en rôles de « marginales » dans les excellents Panic Room, Into the Wild, Adventureland, Welcome to the Rileys ainsi que The Runaways.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/83/04/97/20094644.jpgCombustion instantanée

Si tout le reste du casting fonctionne plutôt bien, notamment Viggo Mortensen, un problème se pose vite à ce sujet. Car qui dit « road movie », dit aussi « rencontres » et donc « nombreux seconds rôles ». Malgré sa « longueur » (deux heures vingt), le film Sur la route peine à faire vivre la plupart de ces personnages secondaires qui, pour la plupart, n’apparaissent pas plus de cinq minutes. Il est parfois bien difficile de percevoir en une poignée de minutes la spécificité de l’une de ces personnes si merveilleuses et si pleines de vie (dont leur aura et leurs envies semblent littéralement « bruler ») que le trio rencontre sur sa route. Au final, on ne retient pas beaucoup de ces personnages qui ne font qu’entrer et sortir du cadre avant de disparaitre irrémédiablement, remplacés par d’autres qui ne resteront pas plus longtemps à l’écran.

On sent que Salles essaye de contenir la complexité et la richesse du roman de Kerouac dans cette durée pénible de deux heures vingt minutes, suffisamment longue pour ne pas trop survoler le sujet mais aussi suffisamment courte pour ne pas perdre plus d’une séance par jour, ce qui serait sinon un certain handicap financier pour son remboursement. On finit par se sentir agacé comme lorsque l’on participe à ces genres de voyages organisés où tout est préparé à l’avance et où tout doit être visité à toute allure sans que l’on ne s’arrête quelques instant pour admirer. Il faut tout faire très vite. Peu de pauses, on passe à l’étape suivante en ayant déjà difficilement finie la précédente. Au final, il ne reste que quelques vagues images que l’on est parvenu à « voler » de cette album que l’on tourne bien trop rapidement (le personnage d’Amy Adams est par exemple limitée à une simple droguée voyant des lézards dans le jardin).

On pourra aussi regretter cette subversion et cette liberté de ton de façade. Malgré les scènes de sexe, très peu de nudité. Les séquences de drogue et de trip sont toujours très propres afin de ne pas heurter le spectateur. Mais au final, c’est encore ce caractère « obsolète » qui ressort de cette adaptation. Elle a d’abord mise bien trop de temps à être montée, Francis Ford Coppola devant déjà l’adapter à partir de la fin des années 60*, ce qui aurait eu un tout autre visage mais surtout une toute autre actualité avec son époque. Sur la route de Walter Salles ne résonnent pas avec grand-chose et arrive quelques cinquante années trop tard après de multiples adaptations et « road movies » qui s’étaient déjà indirectement inspirés du roman de Kerouac (notamment le célèbre Easy Rider). A ce niveau, Sur la route est le John Carter non abouti du « road movie ». Une initiative d’autant plus vouée à l’échec que Salles, bien que son film demeure sympathique et divertissant, s’était fait damer le pion par Sean Penn il y a de cela quatre années avec son Into the Wild ; ce dernier parvenait en effet infiniment plus à faire ressentir cette ivresse de liberté et de paix tout en ne sacrifiant presque jamais ses personnages secondaires.

NOTE :  5,5 / 10 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/83/04/97/20094639.jpg
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30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 21:20
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Titre original : Men in Black 3

Film américain sorti 23 mai 2012

Réalisé par Barry Sonnenfeld

Avec Will Smith, Tommy Lee Jones, Josh Brolin,…

Comédie, Action, Science-fiction

Un certain Boris voyage dans le temps afin de tuer l'agent K, ce qui déclenchera la fin du monde. L'agent J est donc contraint de retourner dans les années 1960 pour y retrouver l'agent K...

      

Des suites, toujours des suites. Ce phénomène classique d’Hollywood, bien plus vieux qu’il n’est pourtant politiquement correct de le penser, est un business actuellement en plein boom. Dès qu’un long-métrage marche ou qu’il a le potentiel pour, on fait directement signer un contrat liant le metteur en scène et les acteurs à un probable deuxième voire troisième opus. Ces contrats sont même parfois une des conditions nécessaires pour pouvoir participer à un blockbuster. Dernièrement, c’est le troisième épisode longtemps attendu de Men in Black qui vient pointer le bout de son nez.

Petit rappel nécessaire : le premier épisode était censé être un « one shot » (un seul coup), un film que le studio Columbia ne voyait pas spécialement cartonner en salles et qui eut une sacrée surprise lorsqu’il reçut les premiers chiffres du box office dévoilant les résultats impressionnants de cette « petite » production. Mais le film de Barry Sonnenfeld avait pour lui une écriture assez travaillé et un visuel ainsi qu’un univers riches et attrayants. Il y avait en plus un duo d’acteurs qui fonctionnait parfaitement malgré une association inattendue et dont la finalité dévoilait une idée somme toute assez touchante où un WASP vieillissant (Tommy Lee Jones) trouvait comme digne successeur un jeune Afro-américain (Will Smith). Une idée pertinente sur cette ancienne Amérique blanche et pulp des années 50-60 qui laissait sa place à une nouvelle Amérique plus métissée et dynamique ; une morale semblable à la conclusion du Gran Torino de Clint Eastwood où le républicain régulièrement qualifié de « facho » faisait un ultime pied de nez en dévoilant qu’il léguait consciemment et avec joie son héritage à un jeune Asiatique issu de l’immigration.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/70/90/20076785.jpgBazar temporel

Or un tel succès ne pouvait rester longtemps impuni : les dieux d’Hollywood décidèrent de lui attacher une suite, condamnant ainsi l’inventif film de S.F. à voir son concept répété jusqu’à la moelle et son message complètement dévoyé. Le problème de Men in Black dans le cadre d’une suite, c’est qu’il sacrifiait à la fin ce qui contribuait en partie à son succès : l’alchimie entre les complètement opposés Jones et Smith qui se séparaient lors des dernières minutes du long-métrage. Comment faire alors un second épisode sans prendre le risque d’introduire un nouveau personnage qui n’est pas garanti de rencontrer un succès certain auprès du public ? C’est ainsi qu’on ramena le vieil agent K (Jones) à la raison et ce, même si la finalité de Men in Black était justement de permettre son départ. Faisant comme si le un n’avait presque jamais existé, Men in Black 2 adoptait une structure narrative inverse destinée à faire un gigantesque pas en arrière tout en se finissant de la façon que le premier film avait refusé.

Après la réussite financière assez relative du deuxième épisode, le chantier d’un troisième opus prit sensiblement plus de temps. C’est près de quatorze ans après la première aventure que le fameux duo de costards-cravates à lunettes noires façon FBI revient pour la troisième fois. Et ce devrait être la dernière, vu la production catastrophique de ce blockbuster et les réceptions critiques et publiques assez indifférentes. Après avoir validé un script ayant pour thème central le voyage dans le temps, la production s’est soudain rendue compte en plein tournage que les rapports entre les évènements passés et présents ne concordaient pas et que toute la structure narrative ne tenait pas (l’éternel problème des voyages spatiotemporels). Arrêt de la production pour plusieurs mois le temps qu’une flopée de scénaristes tente de sauver les meubles en raccordant les divers morceaux tout en se débrouillant avec ce qui avait déjà été filmé.

Résultat : le budget a explosé, dépassant les 370 millions de dollars en comptant la campagne marketing, soit à peu près autant que la dernière méga production de James Cameron. Angoisse bien compréhensible au studio Columbia sachant qu’il faudrait faire le double au box office pour commencer à toucher des bénéfices. Autant dire que si par miracle MIB 3 y parvient, il ne devrait y avoir que quelques miettes à grappiller. Tout ça pour ça. C’est un peu la réflexion parfaite que l’on peut se faire en voyant le film de Sonnenfeld. La production de ce long-métrage a été tellement douloureuse et chaotique que rien de bon ne pouvait en sortir. Le film a trop longtemps trainé. Men in Black 3 est exactement comme Indiana Jones 4. Un fantasme longtemps alimenté, attendu, mais tellement repoussé et remanié que le produit final ressemble à un gloubi-boulga d’idées parfois pas forcément idiotes mais jamais agencées ou emboitées.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/70/90/20000149.jpgAbsence

A ce titre la première demi-heure est à la fois déprimante et parfaitement représentative du problème. Trente minutes de vagues péripéties consternantes qui essayent de refaire comme dans les épisodes précédents mais qui n’arrivent pourtant jamais à convaincre. Danny Elfman a beau répéter à plusieurs reprises son (excellent) thème musical, ici légèrement remanié, on n’y croit plus. La mise en scène est régulièrement statique et n’utilise que très occasionnellement le procédé de la 3D pour en faire quelque chose de ludique (à l’exception notable de la chouette séquence du saut dans le vide). Certains effets spéciaux sont assez embarrassants pour une production de cette envergure et surtout de cette époque. La direction artistique ne surprend plus et les décors sont régulièrement d’une non-inventivité assez folle. Là où dans MIB 1 et 2 des détails débordaient carrément du cadre, ici tout semble vide, cheap et la fameuse agence parait limitée à une vingtaine d’agents au maximum.

Le fait est que les anciens personnages secondaires, qui faisaient entre autre le sel des deux épisodes précédents, ne reviennent pas. Le chien parlant n’apparait que sur une photo, les vermisseaux n’apparaissent qu’une fois en arrière-plan, l’extraterrestre à tête repoussante disparait purement et simplement (le personnage comique de Michael Stuhlbarg a la charge de tous les remplacer) tandis que le directeur du MIB est remplacé par Emma Thompson. Cette grande actrice n’a évidemment que cinq minutes de temps de présence à l’écran mais c’est déjà beaucoup trop pour ce qu’elle fait (un discours en langue extraterrestre tout juste digne d’un enfant de maternelle).

Absence aussi bien regrettable d’un méchant d‘envergure. Si Vincent d’Onofrio avait livré une interprétation assez jubilatoire dans la première aventure et que Lara Flynn Boyle avait composé un personnage assez pervers (son impressionnante plastique n’étant pas étrangère à son impact « rétinien »), Jemaine Clement peine à marquer les esprits. Là où les deux précédents méchants, derrière leurs « déguisements » d’humains, finissaient par dévoiler une nature beaucoup plus angoissante, monstrueuse et gigantesque, le méchant de MIB 3 ne reste en fin de compte qu’un humanoïde lançant des dards de l’une de ses mains. D’autant plus que malgré sa voix grave censée faire peur, il est plutôt idiot et pas très charismatique. On a bien du mal à voir en quoi il constitue une réelle menace pour l’agent K, censé être le plus doué de toute l’agence. Il manque aussi un réel protagoniste féminin comme dans les épisodes précédents, surtout que le personnage d’Emma Thompson (y compris quand elle est plus jeune) ne remplit pas cet office. A la place, on donne du temps de présence à un personnage geek rondouillard incroyablement crispant  et mal écrit.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/70/90/20086544.jpgLier n’est pas jouer

On en vient donc au « trio » principal. Evacuons rapidement Tommy Lee Jones qui vient ici pour cachetonner et doit être intérieurement bien content de n’avoir que vingt minutes à jouer. On ne pourra au moins pas lui enlever qu’il est en complète cohérence avec son personnage puisque les scénaristes ont eu l’idée d’amplifier encore plus son caractère bougon et peu expressif (à ce niveau, Jones ferait ainsi presque du « méta-jeu »). Will Smith, trois ans après son dernier long-métrage, n’a pas changé d’un iota. Ceux qui l’aimaient l’aimeront encore tandis que ceux qui ne supportaient pas son habituel jeu outrancier « comico-cool » ne risquent pas de se réconcilier avec lui cette fois. Au moins peut-on dire qu’il apparait comme un peu plus concerné pendant le dernier quart d’heure qui, comme on va le voir, renferme la seule grande idée du long-métrage.

La vraie surprise vient d’un Josh Brolin qui enchaine malheureusement les projets pour la plupart idiots. Son interprétation de K/Tommy Lee Jones en plus jeune est assez effarante tant elle est réussie. Cela permet ainsi de redynamiser quelques peu le duo d’acteurs en apportant du sang neuf tout en conservant une absence de prise de risque puisque ce nouveau personnage est en fait exactement le même que jouait Jones dans le premier épisode. MIB 3 a beau se vendre comme le film qui révèlera pourquoi le personnage de K est si triste, la version de Brolin ne sourit quasiment jamais auparavant et on a donc bien du mal à voir qu’est-ce qui a changé après coup (comme si Jones ne souriait pas dans les précédents épisodes !).

Car on en vient à la grande idée « poudre aux yeux » de ce troisième opus : sans trop en révéler, disons que cet évènement traumatisant concerne en fait les deux personnages principaux, cédant alors à l’idée crétine du « tout est lié depuis le début ». Si on ne peut enlever que le dernier quart d’heure, se déroulant au cours du lancement de la célèbre fusée Apollo 11 vers la Lune, ressemble enfin à un épisode dynamique de MIB (avec quelques bonnes idées en prime), il annihile toute la logique des personnages établis dès le premier film. Ainsi donc, tout était prévu. La tristesse du K dans le premier épisode ne venait pas de cette fameuse femme qu’il avait laissé pour s’engager et disparaitre dans le « néant » ; personnage d’ailleurs qui a lui-même purement et simplement disparu tant il empêchait justement K de revenir dans les suites. K ne s’était pas reconnu dans le futur J mais avait agit comme s’il avait une dette à payer. Un acte totalement « logique » aux yeux des scénaristes, sauf qu’il apparait assez saugrenu voire cruel une fois qu’on connait ce secret (qu’on voit venir dès la dixième minute tant cela est amené avec subtilité) que K ait décidé de faire couper définitivement tout lien familiaux à J.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/89/36/03/20072344.jpgPoint de non-retour

Un exemple de plus de la non-cohérence scénaristique de cet opus qui a tellement accumulé de plumes que le film part dans tous les sens sans aucune logique (l’histoire spatiotemporelle a bien du mal à voir ses fameux trous comblés), aux enjeux parfois incompréhensibles et brouillons. On envoie un Noir en pleine période de lutte pour les Droits civiques ? N’utilisons cette idée que lors de deux scénettes absolument inutiles dans la narration. Et si on faisait croire que le personnage d’Emma Thompson avait une importance dans le passé de K alors que non en fait, rendant ainsi cette sous-intrigue parfaitement inutile ? Et si tous les hippies et célébrités 70s étaient des extraterrestres ? Qu’est-ce que ce gimmick référentiel serait tordant. Et si cette menace ultime qu’est l’annihilation de la Terre n’était montrée qu’en arrière plan de deux ou trois images, histoire de ne pas du tout appuyer sur l’urgence de la situation ?

Bref, il s’agit clairement de l’épisode de trop qui permet en plus de revaloriser la seconde aventure pourtant très loin d’être dénuée de défauts. Il n’y a pour cela qu’à voir la misère du bestiaire extraterrestre et la platitude des séquences d’actions introductives (qu’on compare ne serait-ce que la séquence du métro de MIB 2 avec la consternante bagarre dans le restaurant chinois pour bien prendre en compte la mesure du problème). Sans intérêt, mal foutu, mal écrit et dénué de rythme, MIB 3 est un carnage qui confirme encore une fois que le blockbuster américain, en 2012, c’est plus trop ça. Il va devenir urgent qu’Hollywood se rende compte qu’une refonte totale de son système est nécessaire si elle ne veut pas couler sous les gros budgets pompeux et vides comme ce fut le cas à la fin des années 60.

NOTE :  2,5 / 10

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27 mai 2012 7 27 /05 /mai /2012 22:57
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Titre original : Moonrise Kingdom

Film américain sorti le 16 mai 2012

Réalisé par Wes Anderson

Avec Jared Gilman, Kara Hayward, Bruce Willis,…

Comédie, Drame

Sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre, au cœur de l’été 1965, Suzy et Sam, douze ans, tombent amoureux, concluent un pacte secret et s’enfuient ensemble. Alors que chacun se mobilise pour les retrouver, une violent tempête s’approche des côtes et va bouleverser davantage encore la vie de la communauté.

    

Wes Anderson est l’un des fleurons de cette « nouvelle » génération de cinéastes américains. Il s’est très vite imposé au milieu des Paul Thomas Anderson et James Gray avec un style décalé « vintage » bien à lui. Un univers visuel immédiatement reconnaissable qui contribue à l’identité assez forte de ses long-métrages, mais qui pourrait peut-être un jour se retourner contre lui comme ce fut le cas de Tim Burton et de Jean-Pierre Jeunet qui ont finit par se répéter et être incapables de réinventer leurs mondes.

Ce n’est pas encore le cas pour Wes Anderson puisque Moonrise Kingdom, sans confiner au chef d’œuvre, est un film ayant à la fois une esthétique aboutie, une écriture subtile et efficace ainsi qu’un rythme plutôt enjoué. Pour peu qu’on ne soit pas réfractaire aux innombrables emprunts « chics » à même de plaire aux bobos parisiens (Wes Anderson est un francophile séjournant régulièrement dans les beaux quartiers de la capitale), son film réussit à réunir ce qui se fait de mieux dans les cinémas indépendants américain et surtout européen.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/88/63/68/20081691.JPGContrainte étouffante

Car c’est particulièrement de ce « vieux continent » que parait venir la sensibilité et l’inventivité de Moonrise Kingdom. Anderson filme l’enfance dans tout ce qu’elle a de merveilleux mais aussi de cruelle comme l’aurait fait François Truffaut. Cette île aux couleurs acidulés et aux personnages excentriques ne dépareraient pas dans un film de Jacques Demy. Mais ici, pas de parti pris de réalisme privilégiant les « prises sur le vif » et les improvisations dont était friand la Nouvelle Vague. Dans Moonrise Kingdom tout est minutieusement millimétré. C’est très clairement le reproche qu’on pourra faire au long-métrage, à savoir être une bouffée d’air frais prônant la liberté et l’imagination qui reste très précisément cadré, un brin trop corsetté. La mise en scène parfois étouffante ne se lâche pas vraiment malgré les nombreuses idées loufoques ou décalés qui agrémentent ces cadres préparés ou ces travellings qui ne daignent pas dévier de leurs trajectoires de quelques millimètres.

On aimerait parfois qu’Anderson abandonne son story-board précis pour se lancer dans quelque chose de plus inattendu qui tienne à la fois de l’audace et de la spontanéité. De là viendrait peut-être un futur risque pour la carrière d’Anderson, à savoir de bien trop coller à sa « recette » dont les admirateurs du cinéaste attendent à chacun de ses nouveaux métrages qu’il y mette le moindre des ingrédients pour combler leur « faim ». Un mince regret tant le spectacle reste inventif et divertissant d’un bout à l’autre, s'achevant sur un final des plus chouettes tandis qu'Alexandre Desplat retrouve un peu la forme avec un score bien inspiré. Pour peu, on aurait l’impression qu’Anderson a plongé son casting de stars dans un monde « animé ». Ce n’est pas surprenant de la part d’un metteur en scène qui n’a pas hésité à traverser la frontière entre le « live » et l’animation avec son précédent long-métrage, Fantastic Mr Fox.

Tous les habitants de cette île au large de la Nouvelle Angleterre semblent évoluer dans un rêve, une terre fantasmée avec ces fameuses communautés insulaires où tout le monde connait tout le monde. Un monde tranquille à l’esthétique d’autant plus nostalgique que l’histoire se déroule pendant ces années cinquante que l’on croit si paisibles. La vie coule comme un long fleuve tranquille. Aucun nuage menaçant ne parait pointer aux larges des côtes et tout le monde est à sa « place ». Apparence évidemment trompeuse puisque le vernis ne va pas tarder à se morceler lorsque deux enfants, par un acte de rébellion inattendu et soudain, vont mettre en branle la population de l’île qui part à leur recherche après leur disparition.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/88/64/21/20051349.jpgRoméo et Juliette Junior

Moonrise Kingdomest en premier lieu l’histoire d’amour entre deux désaxés et rebus de la société, un peu comme l’était le très récent film de Jacques Audiard De rouille et d’os. Un jeune garçon d’abord, Sam (Jared Gilman), un orphelin instable et détesté par ses camarades scouts qui trouve soudain l’amour en rencontrant Suzy (Kara Hayward), jeune fille mal dans sa peau, elle aussi au seuil de l’adolescence. Tous les deux sont des incompris dont la violence et la fureur de vivre détonnent dans cet environnement si tranquille. Des êtres trop adultes et sérieux plongés dans deux petits corps juvéniles. Le décalage est assez frappant puisqu’il touche dans le sens inverse ces adultes immatures.

Il n’y a qu’à voir les parents infantiles de Suzy qui sont incapables d’agir en tant que responsables de quatre enfants et qui ne masquent même plus leurs désaccords et leur séparation (pendant l’introduction ils ne sont jamais dans la même pièce). La mère (Frances McDormand) a eu un semblant d’aventure extraconjugale et le père (le fidèle Bill Murray) ne fait que s’apitoyer sur lui-même. La fuite de leur fille leur permettrait ainsi de se « retrouver » en ayant de nouveau un objectif commun qui les concerne et qui se doit d’être résolu en famille. Mais le couple Bishop n’est pas le seul à avoir des secrets sur cette île. Le commissaire solitaire et célibataire Sharp, incarné par un Bruce Willis de nouveau en forme et enfin concerné par le personnage qu’il joue, souffre d’être seul ainsi que de son « non-accomplissement » tandis que le personnage d’Edward Norton, chef de camp scout, souffre aussi de sa solitude et tente de palier son absence de lien familial en jouant les « mères » pour toute une bande d’enfants.

Il y a quelque chose de tragique dans cette « romance juvénile » où chaque individu vivant sur cette île s’acharne à interdire cette union et à séparer définitivement ces deux « amants ». Moonrise Kingdom est un film d’enfants shakespearien. Tout prend des conséquences dramatiques et épiques alors que tout se joue pourtant à l’échelle de préadolescents. Wes Anderson s’amuse de ces nombreux moments saugrenus où les deux jeunes amoureux semblent prêts à tout pour ne pas être séparés. Apparaissent alors des séquences assez sombres où les enfants n’hésitent pas à blesser les autres ou s’apprêtent à ce suicider, tels deux amants tragiques, lorsque leurs « ennemis » sont sur le point d’arriver à leur fin.

Jhttp://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/88/63/68/20081688.JPGeux d’enfants

Moonrise Kingdom, derrière sa façade de « bonbon acidulé » et ludique, recèle un véritable sérieux. Les deux héros veulent vivre comme des adultes alors qu’ils ne sont encore que des « bambins ». Ils veulent tout vivre et tout de suite. Vraisemblablement trop vite. Ils font leurs crises d’adolescence (fugue, rejet de l’autorité et d’une vie monotone conduisant à la névrose et à l’ennui) alors qu’ils n’ont que treize ans ; ils décident de s’installer ensemble dans un endroit connu de personne et qui leur appartiendrait donc (la crique « Moonrise Kingdom », soit le « royaume de la Lune levant ») ; et essaieront ensuite un peu plus tard de se marier. Le long-métrage d’Anderson est aussi un film sur la découverte de l’autre (comme un certain nombre de pertinents films d’amour).

Une découverte d’ailleurs psychologique sur les secrets intimes de l’autre, ceux que l’on ne dit qu’aux personnes que l’on aime et à qui l’on fait confiance. Par le dévoilement de ces secrets et doutes, le lien entre les deux personnes, qui n’avait été que sous-jacent avant car on ne savait pas ce qui avait fait que les deux enfants aillent instinctivement l’un vers l’autre, se fait ainsi jour et l’on comprend pourquoi ils sont fait l’un pour l’autre. Découverte aussi sexuelle lors d’une excellente séquence sur la plage de « Moonrise Kingdom » où les deux enfants apprennent à s’embrasser et « dévoilent » leurs corps. En poussant la symbolique un peu loin, on peut même voir la séquence où Sam perce jusqu’au sang les oreilles de Suzy pour lui accrocher ses premières boucles d’oreilles comme une métaphore de la défloraison.

A l’inverse de l’ennuyeux Jeux d’enfants de Yann Samuell, qui montrait un amour d’enfance entre deux êtres devenus adultes mais continuant d’agir en enfant en suivant les règles d’un douloureux jeu qui n’est plus de leur âge, Moonrise Kingdom met en scène deux enfants jouant à un jeu d’adulte qui n’est pas adapté à eux. Dans les deux cas, les amants vont apprendre à grandir et à perdre une partie de cette enfance. Mais là où cela apparaissait comme « logique » dans un film comme Jeux d’enfants, cet acte, cette perte prend une connotation bien plus mélancolique dans le long-métrage de Wes Anderson. Et ce dernier ne la filme pas sans un lyrisme à la fois romanesque mais aussi apocalyptique.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/88/63/68/20081696.JPGLe vent se lève

Car Moonrise Kingdom est certes un mélange des genres (film d’aventure, romance, comédie dramatique, chasse à l’homme) mais il s’agit surtout en filigrane d’un film catastrophe. Un personnage explique en introduction qu’une tempête mémorable, menaçante telle une épée de Damoclès, est sur le point de toucher l’île. Cette annonce prépare à la conclusion dévastatrice du long-métrage qui voit l’île se faire ravager par des orages et des pluies torrentielles. Une catastrophe naturelle qui oblige chacun à se remettre en question et à décider de la démarche et des choix cruciaux qu’ils ont l’intention d’adopter pour leurs avenirs. Un instant capital où la vie des individus de la communauté change. L’arrivée de la tempête symbolise en quelque sorte l’arrivée imminente du personnage « Service Social », incarné par Tilda Swinton, qui a pour mission de récupérer le jeune Sam pour le mettre dans une autre sorte de « camp » après que l’une de ses nombreuses familles d’accueil refusa de le reprendre après sa fugue.

« Service Social » est évidemment la menace suprême que ce jeune couple doit affronter. Car si elle parvient à s’emparer de lui, la séparation ne sera plus seulement faite par des hommes mais elle sera aussi géographique puisqu’il sera obligé de quitter l’île où vit sa bien-aimée. Cela est en parfaite logique avec cette démarche d’accentuation, où chaque lutte pour rester ensemble finit par ressembler littéralement à d’épiques batailles « seule contre tous ». Le grand méchant dragon/loup habillé de violet amène ainsi avec lui sa tempête diabolique et dévastatrice ; tout comme le film d’Audiard, et de façon encore plus évidente, la filiation avec le conte est inévitable, que ce soit pour sa structure narrative que son esthétique merveilleuse.

Moonrise Kingdomest alors un film adulte derrière les oripeaux d’un long-métrage « futile » pour enfants ; une démarche d’autant plus respectable qu’une grande majorité de films, notamment américains, ont plutôt tendance à emprunter la démarche inverse actuellement. Le casting est déjà en soi assez jouissif mais les acteurs livrent pour la plupart des interprétations vraiment jubilatoires. Une mention spéciale est à faire aux deux jeunes acteurs principaux, Jared Gilman et Kara Hayward, qui réussissent à tenir la dragée haute à quelques uns des acteurs les plus impressionnants de ces dernières décennies (Bill Murray, Frances McDormand et Harvey Keitel en tête). Un film d’abord merveilleux sur l’imaginaire et les amours d’enfants, mais aussi mélancolique sur ce douloureux passage à l’adolescence et cet abandon du monde de l’enfance parfaitement symbolisé par la destruction littérale de la crique « Moonrise Kingdom », engloutie à jamais par la crue de la mer après le passage de la tempête.

NOTE :  7  / 10http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/88/64/21/20051283.jpg

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