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4 décembre 2011 7 04 /12 /décembre /2011 14:08

                                       

 - Titre original : Black Gold

 - Film franco-qatari sorti le 23 novembre 2011

 - Réalisé par Jean-Jacques Annaud

 - Avec Tahar Rahim, Mark Strong, Antonio Banderas,…

 - Aventure, Drame

                La rivalité entre deux émirs d’Arabie et l’ascension d’un jeune Prince dynamique qui va unir les tribus du royaume du désert dans les années 30 au moment de la découverte du pétrole.

                Jean-Jacques Annaud est encore très clairement le plus ambitieux des cinéastes français actuels. Sa filmographie compte des projets tellement ambitieux qu’il a souvent fallu en faire au moins des productions européennes tournées en langue anglaise pour qu’ils aient une chance de voir un jour les salles de cinéma. Cela a d’ailleurs fini par payer en donnant quelques classiques comme La Guerre du Feu, Le Nom de la Rose, L’Ours et, dans une moindre mesure, Sept Ans au Tibet et Stalingrad. Mais son dernier long-métrage, une fable mythologique paillarde intitulée Sa Majesté Minor, avait été un four immense en plus d’avoir été littéralement pulvérisé par la presse spécialisée. 

                Soyons très clair : ce n’est pas avec Or Noir qu’il retrouvera sa gloire d’antan. D’abord parce que ce film qui a couté quarante millions d’euros atteindra péniblement la barre des trois cent milles entrées en France. Et il est peu probable qu’il arrive à se rattraper à l’étranger si la campagne marketing est aussi absurde et inefficace qu’elle ne l’a été dans l’hexagone (une première bande annonce sur le net trois semaines avant la sortie, peu de promotion par rapport à son budget…). Mais aussi parce que le film est plein de défauts et qu’il est loin d’être aussi épique que les anciens long-métrages d’aventure de Jean-Jacques Annaud. La faute d’abord à un scénario un peu trop simpliste, qui sacrifie à un didactisme balourd la complexité des personnages et surtout l’empathie que le spectateur peut avoir à leur encontre. Raccourcis scénaristiques, retournements de situation parfois un peu faciles mais, plus que tout, structures narratives presqu’éculée car restant sur des chemins battus sans jamais en dévier. 

                Evidemment, Or Noir fait difficilement le poids face à quelques uns de ses illustres prédécesseurs, Lawrence d’Arabie en tête avec qui il partage notamment cette désormais classique et éprouvante traversée du désert. Annaud partage néanmoins avec Lean ce gout du scope, des grands espaces et des séquences à la fois lyriques et éblouissantes. Il parvient d’ailleurs par instant à insuffler du souffle lors de quelques scènes de batailles assez impressionnantes mais qui interviennent majoritairement lors de la seconde heure du long-métrage. Car c’est justement un autre reproche que l’on peut lui faire : l’installation de son récit s’étire beaucoup trop en longueur. Mais si cette première partie est aussi peu efficace, c’est aussi parce que c’est celle où l’on voit le plus le personnage de cheik moderne et cupide incarné par Antonio Banderas. En effet, s’il avait su se montrer glacial et inquiétant dans le très grand film d’Almodovar, La Piel que Habito, sorti cet été, il fait preuve ici d’un manque de subtilité étourdissant, d’autant plus de la part de l’acteur qui joua un rôle de musulman dans le très beau 13ème Guerrier de John McTiernan. 

                Dans Or Noir, il cabotine constamment, en fronçant les sourcils et en prenant une voix rauque qui ne fait que renforcer son accent espagnol. Freida Pinto, qui interprète sa fille, ne surjoue pas mais ne se montre pas plus expressive et convaincante. Son rôle est même assez inintéressant et inutile ; Pinto semble d’ailleurs s’y être abonné puisqu’elle nous avait offert une belle composition de personnage-décors dans le mauvais La Planète des Singes – Les origines. Mark Strong, très occupé dernièrement entre L’Aigle de la Neuvième Légion, Green Lantern, La Taupe et John Carter, s’en tire un peu mieux. Si son personnage traditionnaliste dispose déjà d’un peu plus d’épaisseur, Strong y apporte son impressionnant charisme, achevant de rendre ridicule le personnage de Banderas. C’est là qu’apparait pleinement le manichéisme de cette histoire : les deux chefs de tribus sont d’exacts opposés. Le premier développe sa ville en reniant peu à peu ce qui en fait la culture, la spécificité et la religion. Le second respecte tellement ses « traditions » qu’il en détourne parfois le sens et refuse d’améliorer les conditions de vie de ses habitants. 

                C’est entre ces deux visions fondamentalement opposées que va grandir le jeune prince incarné par Tahar Rahim. Fils naturel du second, il sera néanmoins élevé par le premier et marié à sa fille afin de sceller une entente entre les deux ennemis. Quel camp choisira-t-il au moment où il redécouvre la tribu de son vrai père ? Aidera-t-il ce beau-père qui élimina son frère ainé destiné à lui succéder (obligeant le jeune héros intello à diriger une région et une armée) ou bien se ralliera-t-il à ce père qui l’a échangé contre une bande de sable ? Par ce conflit intérieur, le jeune homme timide et maladroit va s’affirmer et devenir une figure charismatique, ralliant les tribus derrière lui avant de détrôner ses « mentors ». Cela ne vous rappelle rien ? Le parcours du jeune prince est d’une certaine façon assez similaire à celui du jeune délinquant emprisonné dans Un Prophète de Jacques Audiard, qui avait brutalement révélé Tahar Rahim.  Ce parcours s'achève d'ailleurs sur une même touche de cynisme et de noiceur, en montrant bien quel camp a finalement choisi le jeune prince et montrant à la fois les compromis qu'il est en train de faire (reniant quelques principes qu'il a appris) et la concrétisation de la "prophétie" qu'avait fait son vrai père au sujet de l'exploitation de cette terre et du pétrôle qu'elle renferme (à noter à ce sujet un très beau plan de ce liquide noir qui coule et salit le sable doré, comme s'il s'agissait d'un or déjà perverti).

                C’est pour cette raison que Rahim est l’acteur qui s’en sort le mieux : le rôle lui est déjà connu et il l’avait déjà brillamment interprété. C’est dans le parcours de ce personnage que réside tout l’intérêt du film. Un parcours presque mythologique, assez similaire en certains points à ceux des grands héros (cinématographiques notamment), passant par des étapes codées comme sa « renaissance » aux yeux de tous qui sous-entend son statut d’« élu ». Un parcours illustré de façon irréprochable avec une photographie ocre magnifique, reproduisant des images d’Epinal classiques semblables à des peintures, et une musique orientale de James Horner plutôt réussie bien que surlignant un peu trop certaines scènes. Or Noir n’est donc certainement pas exempt de défauts, mais il fait preuve d’une trop grande ambition et générosité pour qu’on puisse le balayer d’un revers de la main. Si la vague Intouchables est réjouissante sur le succès du cinéma français sur son propre territoire, elle se révèle malheureusement de plus en plus dévastatrice en occultant des œuvres tout aussi populaires et bien plus audacieuses.  

NOTE à 5,5 / 10

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