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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 18:19

                                               

 - Titre original : The Fighter

 - Film américain sorti le 09 mars 2011

 - Réalisé par David O. Russell

 - Avec Mark Wahlberg, Christian Bale, Amy Adams,…

  - Biopic, Drame

              Micky Ward est un jeune boxeur dont la carrière stagne. Il va rencontrer Charlene, une femme au caractère bien trempé, qui va l'aider à s'affranchir de l'influence négative de sa mère, qui gère maladroitement sa carrière, et de ses soeurs envahissantes. Son demi-frère Dicky Eklund, lui, a connu la gloire sur le ring, il y a bien longtemps. C'était avant qu'il ne sombre dans la drogue, avant son séjour en prison. Entre le sportif en quête d'un second souffle et l'ex-toxico, il y a longtemps que le courant ne passe plus. Trop de non-dits, d’échecs et de souffrances. Pourtant, parfois, les hommes changent, et Micky et Dicky vont peut-être avoir ensemble, la chance de réussir ce qu'ils ont raté chacun de leur côté...

 

Mark Wahlberg et Christian Bale. Paramount PicturesMark Wahlberg et Christian Bale. Paramount Pictures

            Projet porté de très longue date par l'acteur Mark Wahlberg qui souhaitait en interpréter le rôle principal, et un temps prévu pour être réalisé par Darren Aronofsky, qui se retrouve finalement avec la casquette de producteur, Fighter est enfin arrivé sur les écrans après un développement interminable. Finalement réalisé par David O. Russell, metteur en scène des Rois du désert qui s'est mis à dos la quasi-totalité d'Hollywood avec son caractère insupportable et tyrannique, ce film permet à la fois de relancer sa carrière et de montrer qu'un film de commande n'est pas toujours impersonnel et dénué de toute ambition artistique.  

            Cependant au départ, Fighter a pas mal de choses qui jouent contre lui. Outre le fait qu'il soit produit par les frères Weinstein, il est d'une structure très classique, reprenant le motif typiquement américain du « rise and fall » déjà présent dans bon nombre de classiques divers et notamment quelques-uns des plus grand long-métrages ayant pour sujet le milieu de la boxe : Million Dollar Baby, Raging Bull et évidemment Rocky auquel on pense inévitablement. De plus, le film de Russell a un peu tout pour se morfondre dans le misérabilisme (pas étonnant qu'Aronofsky ait été un temps intéressé) : quartier miteux, frère accro au crack qui tente vainement de retrouver sa gloire d'antan, mère et famille envahissante et tyrannique, une ancienne étudiante de fac coincée dans le métier de barmaid,... Cependant l'arrivée de Russell sur ce projet a entrainé une réécriture du scénario afin de rendre le sujet plus humain.  

            Car contrairement à ce que l'on aurait pu craindre, Fighter n'en fait jamais des tonnes et Russell évite constamment le symbolisme lourdingue dans lequel son prédécesseur aurait pu se complaire. Il n'hésite pas non plus à mettre de l'humour dans son récit, afin d'alléger une histoire qui aurait pu être trop complaisante et désagréable à regarder, avec le personnage soumis du père et les multiples sorties aériennes du frère incarné par un Christian Bale monumental. Et si le film passe évidemment par quelques passages obligés, il le fait avec suffisamment de finesse pour que ceux-ci ne plombent pas le résultat final et ne paraissent pas stéréotypé. En outre, le script réserve quelques passages assez audacieux qui aurait pu paraitre ridicule à l'écran mais qui fonctionne en fin de compte : c'est le cas d'une très touchante séquence où Dicky (le frère junkie incarné par Bale) et sa mère chantent une chanson dont le contenu résonne comme une excuse et une révélation de la part du premier.  

            Mais l'atout principal de Fighter ne réside pas tant dans son scénario classique mais bien écrit, ni dans la mise en scène efficace de Russell mais dans son casting. Il y a d'abord Mark Wahlberg qui trouve ici probablement le rôle de sa vie. En retrait alors qu'il est le sujet de ce « biopic », et c'est justement tout à son honneur, il livre une belle prestation physique et émotionnelle d'un homme timide, vivant dans l'ombre étouffante de sa famille, et à qui la vie tarde à sourire. Cependant, il doit faire face à trois autres acteurs au sommet de leur forme et qui dévorent l'écran à chacune de leurs apparitions ; ce qui donne l'impression illusoire que Wahlberg livre une prestation un peu « fade ». La charmante Amy Adams, qui interprète la petite amie de Micky, n'a pas hésité à s'enlaidir pour ce rôle et à faire preuve de plus d'affirmation. Fini les rôles de gentilles filles un peu en retrait.  

            Mais les deux atouts majeurs de Fighter, qui amènent le film à un haut niveau, sont les deux nouveaux oscarisés Christian Bale et Melissa Leo. On a beaucoup parlé du premier pour la simple bonne raison qu'il avait encore suivi un régime drastique pour perdre de nombreux kilos afin de prendre les traits de Dicky (avant d'en reprendre vingt autres pour reporter le costume du justicier de Gotham dans The Dark Knight Rises, ultime opus de la trilogie « Batman »  par Christopher Nolan). Cependant cette prouesse physique n'est qu'une façade. Elle lui permet de gagner en crédibilité pour ce rôle mais ne constitue qu'une partie de  la réussite de son incarnation. Il évite judicieusement toute forme du cabotinage, ce qui constituait le risque majeur d'un tel rôle, et est d'une incroyable crédibilité (on sent qu'il a longuement parlé avec le vrai Dicky et qu'il a observé minutieusement l'attitude et les mouvements de « junkies »). Son personnage est vraisemblablement le plus travaillé, surtout avec le fil rouge des reporters de HBO qui le suivent pendant toute la première moitié du film et dont on ne comprend que bien plus tard le véritable sujet de leur documentaire. On ressent enfin une belle complicité entre lui et Mark Wahlberg, clé essentielle pour la réussite du film. Quant à Melissa Leo, qui n'a pas volé sa statuette dorée, elle est juste époustouflante. Elle compose un personnage maniaque, tyrannique, superficiel, insupportable que l'on n'arrive pourtant pas complètement à détester. Car l'interprétation de Leo laisse transparaître un mal-être et des blessures qui finissent par la rendre touchante, fragile. Et comment ne pas parler de ses nombreuses filles commères et patibulaires qui sont presque plus oppressantes que cette mère (la personne qui a fait le casting a eu du flair pour trouver des trognes pareilles).  

            Car Fighter n'est pas en premier lieu un film de boxe. D'ailleurs la plupart de ses modèles n'étaient jamais des films sur la boxe mais des films sociaux. C'est avant tout l'histoire d'un homme qui essaye de vivre sa passion jusqu'au bout et qui tente tant bien que mal de quitter sa vie médiocre dans un quartier précaire et miteux. C'est aussi l'histoire d'un homme qui essaye de quitter le giron étouffant de sa famille afin de vivre sa vie, de faire ses propres choix, de mener lui-même ses propres combats (il ne cesse de répéter : « c'est moi qui suis sur le ring ! »). Fighter est un film surprenant parce qu'il critique, met à mal cette notion sacralisée, et particulièrement en Amérique, qu'est « la famille ». Ici, l'entourage filial est destructeur : il est « castrateur » pour Micky qui n'arrive pas à progresser et est à la fois dangereux et violent : la scène où Micky se voit contraint par sa mère et son frère à accepter un combat avec un boxeur bien plus gros que lui (et qui entrainera le massacre et l'humiliation du héros) et celle où la mère et les soeurs viennent sur le porche de la maison de la petite amie du personnage principal avec l'intention de lui refaire le portrait sont particulièrement éloquentes.  

            Cependant Fighter ne délaisse pas les scènes de combat. Mais la plus mémorable reste évidemment la dernière, qui conclue le film sur une note optimiste et montrant la rédemption de tous les personnages. Une scène galvanisante où Micky prend sa revanche et rang sur le ring les coups qu'il a reçu toute sa vie et où Dicky accepte de ne plus courir après sa gloire d'antan et de passer le flambeau (le tout dernier plan de Bale est sublime). On est à deux doigts du final mythique de Rocky, et même si on regrettera le léger écart de la désormais classique « image des vrais personnages pour conclure le film » (mais qui a surtout pour conséquence de rappeler brutalement au spectateur la nature filmique de l'histoire qu'il vient de voir), il serait injuste de ne pas reconnaitre que Fighter est une grande bouffée d'émotions qui ne laisse pas indifférente.  

NOTE à7,5 / 10

Melissa Leo, Mark Wahlberg et Christian Bale. Paramount PicturesMark Wahlberg. Paramount Pictures

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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 19:33

                                           

 - Titre original : Never Let Me Go

 - Film britannique sorti le 02 mars 2011

 - Réalisé par Mark Romanek

 - Avec Carey Mulligan, Andrew Garfield, Keira Knightley,…

  - Drame, Romance

                   Depuis l'enfance, Kathy, Ruth et Tommy sont les pensionnaires d'une école en apparence idyllique, une institution coupée du monde où seuls comptent leur éducation et leur bien-être. Devenus jeunes adultes, leur vie bascule : ils découvrent un inquiétant secret qui va bouleverser jusqu'à leurs amours, leurs amitié, leur perception de tout ce qu'ils ont vécu jusqu'à présent...

Twentieth Century Fox FranceTwentieth Century Fox France

            Adaptation d'un « best-seller » de l'écrivain Kazuo Ishiguro, Never Let Me Go est d'abord ce que l'on peut appeler un « drôle de mélange ». De prime abord, le film a tout  du drame romantique un peu quelconque. Mais très vite et de façon assez insidieuse, on commence à remarquer des éléments assez déroutants et fantastiques qui ne collent pas à notre réalité. 

            C'est l'un des principaux intérêts du film de Mark Romanek. Il est complètement inclassable. Ne vendant pas la mèche immédiatement, à la différence d'une bande annonce absolument atroce, Romanek laisse planer un temps le doute sur un élément capital de l'histoire, ne distillant que quelques éléments (phrases ou allusions) faisant référence à une réalité des plus surprenante. Car le monde dans lequel évolue les trois personnages principaux n'est rien de moins qu'une uchronie où une avancée majeure de médecine aurait été accomplie dès les années 60-70. En cela Never Let Me Go est un film de science-fiction assez atypique. Pas de débauche d'effets spéciaux, d'images futuristes ou fantastiques. L'histoire se déroule dans une société qui pourrait être la nôtre mais qui en diverge sur certains aspects. Mais comme tout bon film de S.F., Never Let Me Go est évidemment avant tout un portrait de notre monde et de nous-même.  

            La grande question qui sous-tend tout le film est celle-ci : qu'est-ce qui définit l'être humain ? Car les héros découvrent en grandissant qu'ils ne sont que des « clones » à partir de personnes anonymes dont on peut supposer qu'ils ne faisaient pas parti de la haute société. Ils sont considérés comme de simples outils de médecine, condamnés à donner docilement leurs organes vitaux jusqu'à ce qu'ils meurent. Endoctrinés dès leurs naissances, leur faisant croire que c'est l'unique but de leur existence, ces « clones » (même si ce terme n'est à aucun moment employé dans le film) refusent ou sont incapable, physiquement mais aussi psychologiquement vraisemblablement, de se rebeller contre leur sort. Tout juste peuvent-ils encore espérer une « issue de secours » illusoire pour essayer de survivre un peu plus longtemps que les autres. Cette léthargie, qui est plus sous-entendue qu'explicitée, dessert légèrement le long-métrage, et notamment son rythme. On attend un réveil, un sursaut qui ne viendra finalement pas, les protagonistes s'abandonnant constamment à leur destin.  

             Cependant cette inertie constante des personnages renforce l'idée d'un destin imbattable, d'une sorte de pouvoir supérieur et inflexible qui contrôle le futur et les faits et gestes du trio principal. Ce pessimisme, ce refus d'agir, influe sur le jeu des comédiens et particulièrement de Carey Mulligan, dont le rôle demande une interprétation assez intériorisée et en retrait (elle est celle qui s'est fait voler le garçon qu'elle aimait par sa meilleure amie). Mais elle peine à certains moments à faire passer les émotions que ressent son personnage. A l'inverse, ce type de rôle sobre sied mieux à Keira Knightley et à Andrew Garfield (définitivement l'un des jeunes acteurs américains les plus prometteurs de sa génération). Ce dernier livre une prestation assez bouleversante et ses dernières scènes sont d'une puissance certaine, notamment son gigantesque cri de rage, ultime acte de révolte contre son sort, après avoir entendu  la remarque assassine de l'ancienne directrice de leur pensionnat, se demandant si ces « pauvres créatures » disposaient d’une âme.    

            Car ce qu'il y a de foncièrement « choquant » dans ce monde parallèle, ce n'est pas tant l'absence de réactivité de ces êtres « artificiels » mais plutôt l'absence de contestation, de critique de cette pratique par les « vrais » humains. Ce clonage est donc une pratique établie depuis plusieurs décennies et qui semble avoir fait « ses preuves », allant jusqu'à éteindre toute velléité de contradiction. Comme le dit l'ancienne directrice de Hailsham, les gens ne voudront plus renoncer à de nombreuses années supplémentaires de vie et à la guérison de maladies autrefois incurables. En découle alors un paradoxe assez troublant. Ces clones, dont on cherche à savoir s'ils ont un soupçon d'âme et dont on a limité la personnalité à un simple prénom, sont visiblement capables de créer, de désirer, d'aimer alors que les « vrais » humains semblent avoir perdu toute trace d'humanité et de compassion. Derrière cette façade propre et bien intentionné (certains clones ont pour tâche d'aider psychologiquement les futurs opérés), se cache donc un monde monstrueux, impersonnel, où l'on « élève » des semblables afin de leur prendre de force leurs organes vitaux, tel des outils dont on se débarrasse une fois qu'ils ont assuré leurs fonctions.  

            Ainsi, le second film de Mark Romanek se révèle assez troublant. Mélange entre romance, drame et science-fiction, Never Let Me Go questionne la nature même de l'Homme : qu'est-ce qui constitue ce que l'on appelle l'âme ? Il s'agit aussi d'une quête d'identité, où les héros partent à la recherche du double à partir duquel ils ont été modelés. S'il fait parfois défaut en termes d'émotions, Never Let Mo Go et propose un trio de jeunes acteurs talentueux et demeure suffisamment atypique, brassant de nombreux thèmes riches, pour qu'il mérite le coup d'oeil en salle. 

NOTE à 07 / 10

Twentieth Century Fox FranceTwentieth Century Fox France

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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 16:15

                                               

 - Titre original : Paul

 - Film américano-britannique sorti le 02 mars 2011

 - Réalisé par Greg Mottola

 - Avec Simon Pegg, Nick Frost, Jason Bateman,…

 - Comédie, Science-fiction

                 Depuis soixante ans, Paul, un extraterrestre, vit sur terre et collabore avec le gouvernement américain. Il se cache à l'abri des regards dans une base militaire ultra secrète. Paul est à l'origine de tout ce qu'on a pu imaginer sur les extraterrestres, du merchandising aux scénarios de Rencontres du troisième type, E.T. ou encore X-Files. Hélas pour lui, maintenant que le gouvernement américain lui a soutiré toutes les informations intéressantes sur la vie extraterrestre, il décide de se débarrasser de lui. Paul réussit alors à s'échapper et tombe nez à nez avec deux adulescents fans de science-fiction qui sillonnent les Etats-Unis en camping car. Paul les convainc de l'emmener avec eux et de l'aider à quitter la terre. La tâche s'avère d'autant plus difficile pour ces deux « héros du dimanche » qu'ils sont poursuivis par un agent implacable du FIB assisté de deux pieds nickelés...

Nick Frost & Simon Pegg. Universal Pictures International FranceUniversal Pictures International France

            L'équipe réunie était pleine de promesses. Une comédie de science-fiction rendant hommage à tout un pan de la culture geek écrite par et avec Nick Frost et Simon Pegg en personnage principaux, avec Seth Rogen en extraterrestre dévergondé et libre, Jason Bateman et la grande prêtresse de la S.F. (fantasme, un jour, de tout geek) Sigourney « Ripley » Weaver en guest-star, le tout réalisé par le metteur en scène du terriblement touchant Adventureland et du génial SuperGrave. Le tout annonçant la grande confrontation entre l'école britannique « Edgar Wright » et l'école américaine « Judd Apatow ».  

            Tout d'abord, il faut bien reconnaître quelque chose après le visionnage de Paul : le film n'est pas aussi drôle que ce que l'on était en droit d'attendre. Niveau hilarité et efficacité des gags, Mottola ne parvient pas à atteindre les premières oeuvres d'Edgar Wright (on pense surtout au deux premiers opus de la « Ice and Blood trilogy », Shaun of the Dead et Hot Fuzz, où le duo Pegg / Frost tenait le premier rôle). De même, Mottola n'est pas aussi doué que Wright pour instaurer dans ses récits un rythme déjanté. Paul relève plus du  « road movie » que de la poursuite effrénée, si l'on met à part une scène de course de voiture assez bien réalisée vers la fin du long-métrage. Mais cependant, on n'attendait pas de Paul d'avoir une réalisation extrêmement élaborée. Greg Mottola met en scène le plus honnêtement possible le scénario des deux compères et s'efforce de s'effacer derrière le sujet afin de le servir avec une plus grande efficacité.  

            Mais cependant on ne perd pas tant au change. Certes Paul n'est surement pas le film le plus tordant jamais réalisé mais on devrait plutôt se montrer satisfait que l'équipe de talents réunis n'ait pas souhaité réaliser une « simple et facile » parodie. Paul se révèle être un film assez tendre et émouvant. Les personnages ne sont à aucun moment caricaturaux et jamais on est amené à porter un jugement sur eux. Alors que bon nombre de comédies (notamment française) se complaisent à se moquer de la figure du geek, le duo Pegg / Frost refuse de ridiculiser ces personnes car les comprenant parfaitement (en plus d'en être très certainement). En résulte deux personnages qui refusent de grandir, préférant se réfugier dans leur imaginaire et qui décident de partir sur la trace de ce qui a marqué toute leur enfance au point de façonner leur propre identité.  

            C'est lors de ce voyage aux Etats-Unis, afin de visiter les hauts lieux de l'ufologie, qu'ils vont rencontrer Paul, caricature complète de l'extraterrestre telle que tout le monde se l'imagine. Et l'idée absolument géniale du scénario se trouve là. Ce personnage cliché (corps maigrichon, très grosse tête avec des yeux globuleux,...) est justement à l'origine de tout cet imaginaire « geek fan de S.F. », au point de donner quelques idées à Spielberg (qui fait un très sympathique caméo vocal) pour améliorer le script de son futur E.T. Paul devient donc une figure presque « mythique », puisqu'à l'origine de tout de par sa légende et ses conseils à différents artiste, voire messianique avec ses pouvoirs.   

            La religion est justement l'un des grands thèmes de ce film plus osé qu'il n'y parait. Le personnage borgne incarné par Kristen Wiig est une jeune femme timide, cloitrée et aveuglée par l'éducation créationniste de son cinglé de père bouseux obsédé par la Bible. C'est en rencontrant Paul que celle-ci va pouvoir se libérer du carcan étouffant de la religion, qu'elle va pouvoir jurer, fumer des pétards, s'autoriser à la sexualité, vivre... Dans cette représentation du duel entre créationnisme et évolutionnisme, c'est ce dernier qui en sort largement vainqueur, faisant un véritable doigt d'honneur à toute la population de la « Bible Belt ». De même, Paul fait en arrière-plan la critique des préjugés entretenus par des populations bornées et paranoïaques. Les deux héros, de par leur âge et leur proximité, passent régulièrement aux yeux de certains pour des gays. Mais si pour Paul ce n'est pas un problème ou une honte (bien au contraire puisque le peuple dont il fait partie est fondamentalement bi), ce n'est pas le cas de tout le monde. Les deux cowboys ringards qui souhaitent démolir ces deux « homos » sans aucune raison par exemple (mais qui prendront cher par la suite).  

            Le scénario de Paul est d'ailleurs dans la plus grande tradition des Apatow-Wright (ce qui peut paraitre surprenant puisque ce n'est pas le même type d'humour) c'est-à-dire qu'il ne limite pas ses personnages à des fonctions mais les fait au contraire évoluer et murir. C'était le cas des deux films de Wright avec le duo Frost / Pegg, mais c'est aussi le cas de bons nombre de productions Apatow et des deux précédentes réalisations de Mottola. Mais la fin est nettement plus optimiste, puisque cette évolution se fait de façon moins mélancolique que dans Adventureland et surtout SuperGrave où ce sentiment de perte était particulièrement perceptible. D'ailleurs les dix dernières minutes sont tout simplement jouissives entre les références aux films de Spielberg (Rencontres du troisième type pour le décor ; E.T. dont la fin est assez identique à celle de Paul qui est d'ailleurs pas loin d'être aussi émouvante), le clin d'oeil à Sigourney Weaver qui se prend un poing en pleine poire après qu'un des protagoniste lui ait dit « get away from her, you bitch » (phrase cultissime de Weaver qui ouvrait son duel final avec la « Reine-Mère » dans le film de James Cameron Aliens) et les multiples retournements de situation qui amènent la résolution de tous les enjeux posés par le film.  

            Paul est donc une belle réussite dont les effets spéciaux n'ont pas à rougir des plus grosses productions actuelles, à mille lieux des produits comiques honteux de notre belle France, et qui palie certains moments pas forcément hilarants par des instants assez touchants ou intenses (quelques scènes de tensions et d'actions assez réussies). Très certainement pas le meilleur film de Mottola, mais la réunion entre tous ces acteurs confirmés est tellement plaisante qu'il est difficile de faire la fine bouche. Le duo Pegg / Frost a mis quatre ans à se reformer sur un projet cinématographique mais la prochaine réunion ne sera pas trop longue à attendre : ils interprèteront les Dupont/d dans l'adaptation évènement de Tintin et le Secret de la Licorne par Steven Spielberg (eh oui, encore lui).   

NOTE à 7,5 / 10

Bill Hader & Simon Pegg. Universal Pictures International FranceBlythe Danner, Nick Frost, Simon Pegg & Kristen Wiig. Universal Pictures International France

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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 15:52

                                              

 - Titre original : 127 Hours

 - Film américano-britannique sorti le 23 février 2011

 - Réalisé par Danny Boyle

 - Avec James Franco, Amber Tamblyn, Kate Mara,…

 - Thriller, Aventure, Biopic, Drame

               Parti pour une randonnée en solitaire dans les gorges de l'Utah, Aron Ralston, jeune alpiniste expérimenté, se retrouve bloqué au fond d'un canyon isolé lorsqu'un rocher s'éboule, lui emprisonnant le bras. Pris au piège, menacé de déshydratation et d'hypothermie, il est en proie à des avec pour seule compagnie le souvenir des siens. Cinq jours plus tard, comprenant que les secours n'arriveront pas, il va devoir prendre la plus grave décision de son existance...

James Franco, Kate Mara & Amber Tamblyn. Pathé DistributionJames Franco. Pathé Distribution

            On avait quitté le britannique Danny Boyle avec son fameux Slumdog millionaire, « hommage indépendant » à Bollywood qui avait été le succès public surprise de 2008 / 2009 et qui avait raflé pas moins de huit oscars. Cependant son film n'en demeurait pas moins ultra classique et quelconque mais s'insérait sans mal dans une filmographie aussi inconstante que celle de Boyle, dont l'unique fait de gloire était d'avoir signé l'une des plus envoutantes oeuvres de science-fiction de ces dernières années avec Sunshine

            Comme toujours après un tel succès, la grande question est de savoir comment passer après. A l'inverse d'un Cameron qui avait décidé après Titanic de faire encore plus énorme, Boyle s'est tourné vers un petit projet à budget « réduit » et dont le sujet l'aurait rendu difficile à produire dans d'autres circonstances. Ce sujet c'est l'histoire vraie d'Aron Ralston qui s'était retrouvé coincé dans un canyon par un rocher et qui pour s'en sortir avait été obligé de s'automutiler. D'emblée le sujet révèle quelques difficultés assez ardues à affronter. D'abord, il y a une unité de lieu qui peut poser problème sur la durée du récit. Et il y a surtout le fait que 90% du temps, il y aura le même acteur bloqué dans une certaine position à l'écran. Et c'est là que la mise en scène « clipesque » de Boyle peut trouver un intérêt, à savoir éviter à tout prix l'immobilisme et les baisses de rythme.   

            Cependant, Danny Boyle est très loin d'être un metteur en scène réellement compétent et régulièrement ses effets de caméra, de lumière et de montage semblent souvent extrêmement gratuit. De plus il fait preuve d'une lourdeur pachydermique quand il s'agit de faire des métaphores ou du symbolisme (que ceux qui trouve qu'Aronofsky est le plus grand spécialiste dans ce domaine passe immédiatement leur chemin). Les seconds rôles terriblement anecdotiques ne dépassent pas le niveau du symbole (les parents représentant l'inspiration et la protection ; le personnage jouée par Clémance Poésy représentant l'amour perdu ;...). Et les flash-backs coupent le récit de manière peu judicieuse, en plus d'être un procédé un peu facile pour éviter le challenge que représentait le défi de 127heures (à savoir un acteur, face à l'écran, bloqué dans le même lieu).  

             Mais le film prend une toute autre ampleur quand il se focalise sur le personnage d'Aron, auquel James Franco prête ses traits. Ce dernier livre une des prestations les plus extrêmes de ces derniers mois et Aron se révèle être un personnage absolument fascinant. Jeune homme qui pour se sentir vivre devient accro au risque et à l'adrénaline, ce qui en ferait un parfait héros dans un film de Kathryn Bigelow, Aron est surtout un homme à deux facettes. Un homme beau, fort, débrouillard, aventurier mais aussi arrogant, sûr de lui et égocentrique (il se prend constamment en photo même dans les pires situations). Le genre d'hommes dans la vie courante que l'on serait plutôt amené à détester. C'est notamment l'un des (très) nombreux tours de force de Franco de réussir à rendre sympathique et fragile un homme tel que lui. On est donc constamment dans un rapport ambivalent avec ce type : d'un côté ce qui lui arrive était inévitable (Aron dira à un moment qu'il soupçonne cette météorite de s'être écrasé sur Terre juste pour aller à sa rencontre) et d'une certaine façon il le mérite puisqu'il ne suit les conseils de personnes et ne les écoute pas ; de l'autre on ne peut que souffrir avec lui et souhaiter qu'il s'en sorte tant cette « punition » parait et est insoutenable.  

            Les meilleures séquences sont celles qui font preuve du moins d'artifices, quand la caméra colle au plus près du visage de Franco. De même Danny Boyle arrive sans peine à magnifier les paysages démesurés et surréalistes du désert nord-américain. Et quand il abandonne ses effets de clips gratuits, il arrive même à créer une poignée de plans et d'images vraiment immersives qui forcent l'admiration : on retiendra particulièrement ce plan qui suit la chute de l'une des filles dans le lac souterrain et surtout cet autre plan où la caméra part de Franco, coincé par le rocher, pour remonter lentement hors du canyon et s'élever dans le ciel, montrant l'immensité vide et rude où le personnage principal est coincé et caché. Cette aptitude à magnifier certaines séquences se retrouvent aussi dans quelques scènes de « trip » où le personnage de Franco commence à perdre pied face à sa situation désespérée.  

            Mais là où 127 heures se montre assez brillant c'est dans son côté très immersif. Les séquences d'ascension durant les vingt premières minutes sont assez impressionnantes. Avec sa caméra toujours collée aux personnages et à ses émotions, 127 heures est un « film de sensation » où le récit n'est pas si important puisque l'intention est surtout de faire vivre aux spectateurs un véritable « ride » éprouvant. A ce titre, la séquence capitale, phare du projet, est celle où Aron se coupe le bras avec l'aide d'une lame émoussée ridicule. Séquence choc littéralement hallucinante, d'une brutalité et d'une violence difficilement supportable. On n'avait pas vu beaucoup de scènes gores aussi marquantes et intenses depuis un bon moment. C'est aussi lors de cette scène qu'A.R. Rahman livre le seul bon morceau de sa bande originale (mais celui-ci rachète complètement tous ceux qu'il a composé pour ce long-métrage). Il faut aussi saluer un travail assez inspiré sur le son rendant la séquence encore plus insoutenable (le bruit strident, électrique et assourdissant à chaque fois que la lame touche le nerf). Ne durant pourtant à peine quatre minutes, cette scène semble s'étirer indéfiniment jusqu'à une conclusion assez surréaliste où Aron regarde silencieusement son bras coupé toujours coincé avant de le prendre en photo.  

            Ce film est donc une bonne surprise surtout quand on sait la carrière en dents de scie de Boyle. Ce 127 heures rude et sans concession  est un film d'aventure assez prenant, qui souffre cependant de quelques tics de mise en scène assez agaçants mais omniprésent chez Boyle. Sans baisse de rythme mais ponctué de quelques instants assez maladroit, ce dernier film de Boyle est avant tout l'occasion de voir l'arrivée tonitruante de James Franco dans la cour des grands. Et rien que pour ça (et la séquence d'amputation), 127 heures mérite d'être vu en salle.  

NOTE à 07 / 10

James Franco. Pathé DistributionJames Franco. Pathé Distribution

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 18:35

                                              

 - Titre original : True Grit         

 - Film américain sorti le 23 février 2011

 - Réalisé par Ethan et Joel Coen

 - Avec Jeff Bridges, Matt Damon, Josh Brolin,…

  - Western

             1870, juste après la guerre de Sécession, sur l'ultime frontière de l'Ouest américain. Seul au monde, Mattie Ross, 14 ans, réclame justice pour la mort de son père, abattu de sang-froid pour deux pièces d'or par le lâche Tom Chaney. L'assassin s'est réfugié en territoire indien. Pour le retrouver et le faire pendre, Mattie engage Rooster Cogburn, un U.S. Marshal alcoolique. Mais Chaney est déjà recherché par LaBoeuf, un Texas Ranger qui veut le capturer contre une belle récompense. Ayant la même cible, les voilà rivaux dans la traque. Tenace et obstiné, chacun des trois protagonistes possède sa propre motivation et n'obéit qu'à son code d'honneur. Ce trio improbable chevauche désormais vers ce qui fait l'étoffe des légendes : la brutalité et la ruse, le courage et les désillusions, la persévérance et l'amour...

Paramount Pictures FranceParamount Pictures France

            C'était presque une évidence surtout après leur monumental No Country for old men qui en avait de très nombreuses caractéristiques : les frères Coen mourraient d'envie de s'atteler à un western. N'ayant jamais cessé de questionner et de représenter les mythes américains et leur illustration dans le cinéma avec un certain second degré (Hollywood avec Barton Fink, le « film noir » avec The Barber,...) il était inévitable qu'ils se confrontent de manière frontale au plus grand de ces mythes américains : le Far West et ses cowboys.  

            Certes adapté d'un roman de Charles Portis et du film 100 dollars pour un shérif de Henry Hathaway qui mettait en vedette un John Wayne qui réalisait que sa carrière était plus proche de sa fin que du début, True Grit n'est cependant pas un remake. C'est plutôt une réadaptation de l'oeuvre originale à la sauce Coen. Leur western est d'ailleurs un étrange mélange. D'un point de vue strictement formel il ressemble aux westerns des années 40-50 à la John Ford mais qui disposerait de quelques touches plus réalistes et désenchantées typique d'un western spaghetti (mais leur film est cependant assez éloigné d'une oeuvre de Sergio Leone). On se retrouve donc en plein dans un Far West typique du septième art mais qui, au fur et à mesure que le film avance, se déconstruit, est remis en question. Tout comme l'héroïne Mattie, on débarque sur une terre de « légendes ». Chaque Marshal a une certaine réputation et un tableau de chasse, il y a des criminels, des Indiens,... Mais cette apparente façade cache en fait une réalité parfois moins glorieuse qu'elle ne veut bien le faire paraître.  

            Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que la première « apparition » du terrible Marshal Cogburn se fait à l'arrière d'un saloon, dans de pauvres toilettes où il est en train d'accomplir une « affaire qui risque de prendre un certain temps ». De même sa seconde apparition le montre en plein procès où son intégrité lors d'une traque est mise en doute. Si le personnage interprété par Bridges n'a pas la même résonnance que celui de Wayne, ce dernier se servant de ce rôle pour briser sa propre légende (ce qui lui vaudra au passage l'oscar), il demeure néanmoins cette figure qui désacralise le « cowboy solitaire et vaillant ». Au même titre que le personnage du chef d'oeuvre d'Eastwood, Impitoyable, western crépusculaire qui avait amené le genre à son chant du cygne au point de le faire « disparaitre » pendant près de deux décennies (à deux ou trois oeuvres près), le Marshal Cogburn est un alcoolique notoire, qui vit à l'arrière d'une boutique chinoise miteuse, qui s'humilie lors d'un exercice de tir et qui s'est fait abandonner par sa femme et son fils après que son auberge ait fait faillite.  

            C'est aussi un peu le cas du Texas Ranger Laboeuf qui traque Tom Chaney  depuis des mois pour un autre crime et qui ne parvient jamais à moins de trois cents mètres de lui. Prétentieux et fier, il est cependant très vite cerné par la jeune et très perspicace Mattie : c'est un homme pas très doué qui essaye de cacher sa maladresse et son manque d'assurance et d'autorité derrière son insigne. La plupart des personnages sont sales, portent de vieux vêtements, jurent et parlent avec un accent tellement prononcé que certaines lignes de dialogues sont à la limite de l'audible. On est donc bien loin du « western de studio » qui créait le mythe de la conquête de l'Ouest pour glorifier le modèle américain aux yeux du monde.   

            Et ce pessimisme, présent dans l'humour noir récurrent des frères Coen, se ressent jusque dans les moments de tensions suivi d'accès de violence très brefs mais inattendues pour un long-métrage classé « PG-13 » aux Etats-Unis (soit quasiment tous public en France). Les frères Coen ont déjà montré à maintes reprises leur savoir-faire dans la réalisation de séquences marquantes et angoissantes, comme la séquence du motel de No Country... figurant sans mal comme l'une des séquences les plus parfaites réalisées la décennie précédente, et dans leur True Grit ils n'ont pas lésiné sur les séquences de bravoure marquantes. Que ce soit toute la partie se déroulant dans la cabane la nuit ou le duel final à quatre contre un, chaque séquence d'action, aussi courte soit-elles, sont d'une efficacité hallucinante. A noter aussi un immense travail sur le son qui rend ces scènes encore plus immersives et intenses.  

            Mais la très grande surprise de True Grit est la révélation de la très jeune et très talentueuse Hailee Steinfield dans le rôle de Mattie. Contrairement au film original, son personnage n'est jamais agaçant et est écrit avec une rare finesse. Jeune fille très débrouillarde et perspicace, elle se retrouve soudainement confrontée à la violence avec l'assassinat de son père. Cette jeune fille d'apparence « pure » et « innocente » décide alors de se lancer dans une vendetta obsessionnelle afin que la justice soit rendue. Ou comment True Grit est surtout un film sur la désillusion et la perte de l'innocence. Car l'on ne peut sortir indemne d'une telle quête morbide et immorale. En cela, les vingt dernières minutes du film sont très certainement les plus belles, notamment grâce à une scène de cavale nocturne hautement symbolique et bouleversante où les deux protagonistes principaux vont aller jusqu'au bout d'eux-mêmes au point de devoir faire des sacrifices.  

            Mais True Grit, sur sa fin, ne se révèle pas aussi pessimiste qu'il voulait bien paraitre. Car les personnages principaux auront chacun le droit à leur instant de gloire les amenant à leur rédemption. Le Marshal retrouve sa force d'antan  lors de la confrontation finale tout comme le personnage d'Eastwood dans Impitoyable retrouvait ses réflexes meurtriers malgré son âge avancé. Le Texas Ranger qui n'a cessé de faire preuve de son inaptitude à la traque aura l'occasion d'accomplir quelques actes vaillants lui permettant de se racheter aux yeux de ses partenaires. Lors de cette séquence finale, ces grandes figures alors décrédibilisées, remises en question, retrouve leur ampleur d'antan. Et la dernière scène du film, vraisemblablement la plus risquée, montre qu'une page de l'Histoire américaine vient de se tourner.   

            La période a changé, le monde s'est modernisé, les valeurs d'autrefois ont été remplacées par d'autres. Mais les mythes doivent garder toute leur magie et leur mystère s'ils veulent perdurer et garder leur force d'évocation. D'ailleurs le film des frères Coen est émaillé de quelques séquences oniriques et surréalistes : un premier plan magnifique qui ouvre le film sur un lent fondu comme si cette histoire était un lointain souvenir ; la rencontre avec un « homme-ours » ; la séquence du puits aux serpents et bien évidemment la chevauchée nocturne sous un ciel étoilée ;... True Grit est l'inverse d'un chant du cygne ; le film des frères Coen soutient au contraire que la mythologie américaine est encore loin d'être obsolète.   

            Ce nouveau film des frères Coen marque semble-t-il un tournant dans leur carrière. De facture plus classique, ce qui n'enlève rien au travail d'orfèvre accompli sur le scénario et la mise en scène, assez fidèle aux codes du genre, leur True Grit délaisse un peu le cynisme dont ils faisaient souvent preuve pour raconter au premier degré ce récit de vengeance âpre et légèrement désenchanté. Bourré de scènes iconiques et époustouflantes, soutenu par un scénario riche et des dialogues précis et efficace, et porté par une interprétation et une mise en scène presque parfaite (la photographie de Roger Deakins est absolument magnifique !), True Grit est à deux doigt du chef d'oeuvre et se hisse sans aucun problème comme l'un des long-métrages majeurs des deux frangins.  

NOTE à8,5 / 10

Hailee Steinfeld. Paramount Pictures FranceHailee Steinfeld & Matt Damon. Paramount Pictures France 

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 18:19

                                           

 - Titre original : Largo Winch II

 - Film français sorti le 16 février 2011

 - Réalisé par Jérôme Salle

 - Avec Tomer Sisley, Sharon Stone, Ulrich Tukur,…

 - Aventure, Action

            Propulsé à la tête du groupe W après le décès de son père adoptif, Largo Winch décide, à la surprise générale, de le mettre en vente afin de créer une ambitieuse fondation humanitaire. Mais le jour de la signature, il se retrouve accusé de crimes contre l'humanité par un mystérieux témoin. Pour prouver son innocence, Largo devra retourner sur les traces de sa vie passée, au coeur de la jungle birmane...

Mamee Napakpapha Nakprasitte & Tomer Sisley. Wild Bunch DistributionSharon Stone & Tomer Sisley. Wild Bunch Distribution

            On ne le dira jamais assez, l'un des exercices cinématographique les plus risqués et à la mode ces dernières années est l'adaptation à l'écran d'une bande dessinée. La France pouvait se targuer de n'en avoir réussi presqu'aucune mais le premier épisode de Largo Winch faisait figure d'exception. Pas vraiment un film marquant mais un « James Bond » à la française assez divertissant et efficace. Cependant une suite n'était pas du tout nécessaire ou souhaitable mais si les intentions et les ambitions étaient demeurées intactes, le spectacle pouvait être de nouveau assuré de façon honnête.  

            Las, ce second opus, toujours réalisé par Jérôme Salle et avec encore une fois Tomer Sisley en rôle-titre, est loin d'atteindre le niveau du premier coup d'essai sorti il y a deux ans.  Cinq minutes après le début du film on peut déjà flairer la catastrophe : on se retrouve face à une course poursuite en voiture tout droit tiré du pré-générique du dernier James Bond, Quantum of Solace. Cadrage en gros plan, caméra secouée, montage terriblement « cut » : le résultat est tout simplement illisible et serait digne de figurer aux côtés des plus mauvaises scènes d'action de la « méthode Greengrass ». Et c'est bien regrettable car si elle avait été correctement mis en scène, Largo Winch II aurait pu se targuer d'avoir l'une des plus impressionnantes séquences d'action du cinéma français de ces dernières années. Et ce sera le cas pour la quasi-totalité des scènes de bravoure du film de Salle. Bagarre incompréhensible, fusillade bâclée,... Ratage à tous les niveaux à l'exception d'une séquence assez impressionnante de parachutisme (plus de plans larges probablement à cause des conditions de tournages).  

            Autre grand défaut de Largo Winch II : son scénario. Difficile d'en dire beaucoup de mal puisqu'on l'a déjà oublié cinq minutes après la fin de la projection. Trame inintéressante, personnages secondaires sans charisme (même Ulrich Tukur est honteusement sous exploité),  absence cruelle d'émotion et d'humour et retournements de situation trop revus (certains personnages gentils devenant méchants et vice-versa). Si l'interprétation des acteurs ne fait cependant pas défaut, le vrai problème venant de l'écriture des personnages, l'un des aspects les plus embarrassants de ce Largo Winch II est la présence de la « has been » Sharon Stone. Actrice sublime, des plus prometteuses à une époque révolue depuis longtemps où elle jouait chez Verhoeven et Scorsese, elle a « brisé » sa carrière en enquillant de nombreux navets et autres films embarrassants ces dix dernières années (du type Catwoman ou Basic Instinct 2).   

Probablement « réduit » à jouer dans une production européenne, cette dernière devant être bien contente de pouvoir se targuer de disposer d'une star pareille à son casting, en l'échange d'un chèque probablement conséquent, Sharon Stone semble avoir oublié qu'elle n'a plus vingt ans (et elle a essayé de les retrouver visiblement vu les ravages de la chirurgie esthétique). Evidemment elle nous refait Catherine Tramell pendant près de deux heures, croisant et décroisant les jambes lors de chaque séquence de dialogue dans des tenues « sexy » digne d'une midinette qui aurait (très) mauvais goût. Le résultat est tellement ridicule, voire embarrassant, qu'on finit par s'interroger s'il n'y a pas du second degré derrière tout ça. Sa première apparition ne laisse aucunement place au doute : elle est en tenue légère dans une chambre d'hôtel d'où sort un minet de vingt-cinq ans avec qui elle vient vraisemblablement de coucher (la même blague sera quand même reprise au moins trois fois).  

            Entre Sharon Stone qui se croit dans Basic Instinct, un metteur en scène qui repompe les scènes d'actions des séries « James Bond » et « Jason Bourne », et un scénario qui lorgne un temps sur Rambo, The Dark Knight pour un évènement « inattendu » à la fin du deuxième tiers du long-métrage et de n'importe quel « blockbuster » fade pour sa structure, Largo Winch II a un peu tous les éléments contre lui. On peut toujours essayer de lui trouver quelques circonstances atténuantes qui justifieraient son visionnage : quelques beaux paysages, quelques seconds rôles un peu amusants, une scène d'action impressionnante quoiqu'un peu revue entre « James Bond » et Point Break. Mais le véritable sauveur du long-métrage demeure Tomer Sisley, acteur aux antipodes du Largo Winch de la BD, décrié avant la sortie du long-métrage par les fans (un peu comme l'actuel James Bond, Daniel Craig) avant d'être reconnu comme l'incarnation la plus réussie du personnage. Sisley allie une certaine classe avec un physique d'« actionner » crédible. A la fois émouvant et sobre, c'est le contrepoint total de ce long-métrage pompeux, mal foutu, prétentieux, friqué et vide.  

            Vrai déception donc, surtout après les promesses d'un premier épisode plutôt jouissif, Largo Winch II symbolise surtout un genre assez détestable qu'est le « blockbuster bling-bling ». Plein de stars, plein d'argent pour aveugler le spectateur afin que celui n'ait rien à redire en le détournant de l'absence totale de scénario et de cohérence. Pour le coup, un troisième épisode est encore moins souhaitable. Mieux vaut en rester là, le résultat étant suffisamment embarrassant à certains moments et semblant confirmer que l'efficacité américaine est difficilement transposable en France.   

NOTE à 3,5 / 10

Tomer Sisley. Wild Bunch DistributionWild Bunch Distribution

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 18:49

                                                Wild Bunch Distribution

 - Titre original : The King's Speech

  - Film britannique sorti le 02 février 2011

 - Réalisé par Tom Hooper

 - Avec Colin Firth, Helena Bonham Carter, Geoffrey Rush,…

  - Historique, Biopic, Drame

             Le film raconte l'histoire vraie et méconnue du père de l'actuelle Reine Elisabeth. Celui-ci va devenir, contraint et forcé, le Roi George VI, suite à l'abdication de son frère Edouard VII. D'apparence fragile, incapable de s'exprimer en public, considéré par certains comme inapte à la fonction, George VI affrontera son handicap grâce au soutien indéfectible de sa femme et surmontera ses peurs grâce à un thérapeute du langage aux méthodes peu conventionnelles. Sa voix retrouvée, il réussira à convaincre le peuple anglais de déclarer la guerre à Hitler...

Colin Firth & Helena Bonham Carter. Wild Bunch Distribution

            Chaque année c'est la même rengaine, c'est le retour de l'éternel marronnier : LE film « indépendant » qui a fait le tour des festivals (Sundance, Toronto,…) et qui a remporté les suffrages de la presse et du grand public et qui se retrouve ainsi en pole position pour la course aux oscars. Cette fois-ci c'est Le Discours d'un roi qui remporte ce titre cette année ; la question est de savoir s'il est supérieur à la plupart de ces « bolides de compétition » produits semble-t-il dans l'unique but de remporter le plus de trophées. 

            Pour ce point il vaut mieux passer outre ce type de fumisterie, ce film « indépendant » étant produit par la compagnie des Weinstein, sans nul doute les producteurs les plus puissants mais aussi les plus abjects d'Hollywood. Le problème c'est que Le Discours d'un roi s'inscrit dans la lignée peu valorisante des « films à oscars » encensés pendant quelques mois de façon assez aberrante et souvent complètement oubliés quelques mois après. Sujet « prometteur » et « séduisant », performance d'acteurs impressionnantes (très régulièrement l'unique base vraiment solide de ces long-métrages), mise en scène terriblement académique, scénario clichés et balisés... Tout est fait pour plaire puisqu'ils sont produit dans le but de remporter tous les suffrages en prenant le moins de risques possible. Parmi eux on trouve des titres comme The Reader, Precious et des grands gagnants assez embarrassants comme Collision, Shakespeare in Love ou Un Homme d'exception.    

            On saura à la fin de cette semaine si les oscars ont cédé encore une fois aux sirènes du consensuel, du conformisme et de la facilité, mais cependant Le Discours d'un roi est moins catastrophique que les films précédemment cités. C'est très loin d'être un chef d'oeuvre comme on peut l'entendre un peu partout mais le film est suffisamment bien fait et honnête. D'abord parce qu'il a un atout de taille : Colin Firth. Ce film est le « sien ». Il est au top de sa forme, le rôle est passionnant et émouvant, et il l'interprète de façon vraiment magistrale. Il dévore l'écran à chaque seconde et, malgré un rôle éminemment « casse-gueule », il n'en fait jamais des tonnes et ne cède à aucun moment au pathos, préférant une retenue, une intériorité qui est tout à son honneur. Il est accompagné d'une Helena Bonham Carter enfin revenue à sa gloire d'antan, à croire qu'elle a enfin retrouvé le talent d'actrice qu'elle semblait avoir perdu en rencontrant son actuel mari Tim Burton. C'est bien simple, elle n'avait pas été aussi juste et émouvante depuis le Fight Club de David Fincher. Et pour compléter le trio, il y a enfin un Geoffrey Rush impérial, à la fois drôle et touchant.  

            Tout comme il est un « film d’acteurs », Le Discours d'un roi est aussi un « film de scénario ». Il dispose déjà d'un sujet en or : le combat d'un homme qui refuse ses responsabilités, en plus de ne pas pouvoir « physiquement » les assumer, et qui se retrouve contraint de devenir roi. Souffrant de troubles d'élocution, faisant de lui la risée de sa famille et de la nation, il va devoir se confronter à cette espèce de « monstre de scène charismatique » qu'était Adolf Hitler. Cependant si l'arrivée imminente et inévitable d'une guerre avec l'Allemagne et la nécessité de trouver un symbole royal derrière qui se rallier sous-tend le récit, ce contraste entre ces deux hommes aux aptitudes opposées n'est malheureusement qu'effleuré. De même, la naissance de la radio et de ce qu'elle a changé dans la façon de communiquer et dans le rapport entre cette figure royale autrefois inaccessible et la population « commune » est aussi un peu trop sous-traitée.  La force du film de Tom Hooper demeure surtout dans ce parcours « thérapeutique » des personnages et dans la façon, très juste, dont ceux-ci sont écrits.  

            C'est donc plus sur la forme que Le Discours d’un roi se révèle assez bancal. D'abord parce que Tom Hooper n'est pas un grand metteur en scène. Sa réalisation est académique, parfois même un peu trop télévisuelle. Pour symboliser le malaise que ressent George VI, Hooper n'a qu'une seule idée de mise en scène : deux types d'échelle de plan uniquement. On passe de l'un à l'autre sans réelle logique d'ailleurs et cela entraine un sentiment de répétition assez agaçant. De même que visuellement c'est trop léché, trop propre, trop classique. A noter aussi qu'Alexandre Desplat livre une partition peu inspirée et variée, surtout quand on la compare à celle qu'il a composé pour le dernier film de Polanski, The Ghost Writer. Du côté des déceptions on peut aussi dire que le récit, classique à l'extrême, souffre de quelques lourdeurs et surtout de quelques longueurs vers le milieu du long-métrage (l'épisode du « j'arrête vos leçons, j'en ai assez ! » étant archi revu et nous faisant bien perdre une vingtaine de minutes).  

            Cependant ces scories peuvent être vite oubliées avec quelques scènes vraiment poignantes. Parmi elles on retiendra la séquence d'introduction mettant en parallèle la préparation d'un animateur radio chevronné et du futur roi terrorisé avant un discours ; la séquence où George improvise une histoire pour ses deux filles ; et bien évidemment la séquence phare qu'est le discours final pour lancer l'Angleterre dans la guerre contre l'Allemagne. Cette dernière, accompagnée de la septième symphonie de Beethoven, rachète à elle seule les tous défauts du film. L'effet est d'ailleurs assez surprenant : le spectateur est tellement inquiet au sujet du bégaiement du roi qu'il n'écoute en rien le contenu du discours ; Hooper rendant cette séquence « hitchcockienne » plutôt que comme un lourd morceau de « pathos » accompagné de violons.   

             Enfin, dans le rayon des qualités, il ne faut pas oublier de mentionner deux seconds rôles de qualité. Il y a d'abord Michael Gambon qui interprète brillamment  et sobrement le père tyrannique et envahissant de George, dont ce dernier n'aura de cesse d'essayer de lui succéder dignement et de lui faire honneur. Et il y a Guy Pearce, un de ces rares acteurs rehaussant automatiquement le niveau des films dans lequel ils jouent, qui incarne le frère de George et qui, sans handicap, se révèle bien plus lâche et faible que ce dernier. Mais le scénario, certes bien trop riche en thématiques ce qui devient pour lui une faiblesse, n'est jamais manichéen et ne condamne à aucun moment l'attitude de ces personnages.  

             Le film de Tom Hooper est loin d'être parfait et a le désavantage de porter le titre agaçant de « production pour les récompenses ». Il n'en demeure pas moins au-dessus de l'ensemble de la production de ce type, malgré une mise en scène académique et peu inspirée, grâce à un scénario d'une grande richesse et souvent d'une belle justesse et surtout grâce à des interprétations époustouflantes (même dans le cas de Timothy Spall qui surjoue légèrement mais de façon plutôt savoureuse son interprétation de Churchill). Ce récit intelligent arrive à faire naître de nombreuses sensations pour le spectateur et peut donc être considéré comme du bon spectacle populaire.  

NOTE à6,5 / 10 

Colin Firth. Wild Bunch DistributionGeoffrey Rush. Wild Bunch Distribution 

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12 février 2011 6 12 /02 /février /2011 18:07

                                               

 - Titre original : Tron Legacy

 - Film américain sorti le 09 février 2011

 - Réalisé par Joseph Kosinski

 - Avec Jeff Bridges, Garrett Hedlund, Olivia Wilde,…

 - Science-fiction, Action, Aventure

            Sam Flynn, 27 ans, est le fils expert en technologie de Kevin Flynn. Cherchant à percer le mystère de la disparition de son père, il se retrouve aspiré dans ce même monde de programmes redoutables et de jeux mortels où vit son père depuis 25 ans. Avec la fidèle confidente de Kevin, père et fils s'engagent dans un voyage où la mort guette, à travers un cyber univers époustouflant visuellement, devenu plus avancé technologiquement et plus dangereux que jamais...

Garrett Hedlund. Walt Disney Studios Motion Pictures FranceWalt Disney Studios Motion Pictures France

            Plus de vingt-huit ans après le Tron original, petit film novateur devenu culte quelques années après avoir subi un flop des plus retentissants, Disney décide de filer un budget de près de 200 millions de dollars à un débutant dont c'est le premier film et qui n'a qu'une expérience dans le domaine de la publicité. Pour le coup on peut se demander quelle mouche a piqué la firme aux grandes oreilles tant le pari semble risqué et presque perdu d'avance et qu'il ne représente rien de moins que le gros « mastodonte » du studio produit pour les fêtes de fin d'année. 

            Certes cela reste une « suite-reboot » mais l'audace de l'entreprise mérite qu'on la note et la félicite. Pour autant, de bonnes intentions ne suffisent malheureusement pas à faire un bon film. Et si les moyens techniques sont visiblement là (budget conséquent doublé d'une équipe de très talentueux techniciens confirmés au service de Joseph Kosinski), ils sont au service d'une histoire d'un classicisme des plus déprimants. A ce niveau-là on peut dire que la structure du scénario n'est pas tant « classique », dans le sens où les étapes sont des plus connus et représentatifs du « parcours initiatique lambda », que « cliché ». C'est un peu tout le paradoxe de ce Tron l'héritage : une esthétique poussée, moderne et anti-commercial au possible, qui pouvait rebuter le grand public qui n'allait pas forcément y être sensible, contrebalancée par une histoire complètement balisée et connue du plus grand nombre.   

            C'est en fait le grand point faible de ce premier film au demeurant d'assez bonne facture. Là où on aurait pu avoir un spectacle total, immersif et jusqu'au-boutiste, on se retrouve finalement avec un récit simpliste, qui essaye de brasser de grandes notions sérieuses (la recherche de la perfection, le génocide, les totalitarismes, la figure de Créateur et du Prophète,...) sans jamais en approfondir une seule et qui est émaillée de quelques trouvailles visuelles assez bluffantes et novatrices. A ce titre, son absence dans la catégorie des meilleurs effets spéciaux aux oscars de cette année est incompréhensible, tant il domine la compétition et que cela constitue vraiment son avantage principal. Tron l'héritage s'impose aussi comme l'un des films « après-Avatar » qui utilise le mieux la 3D (en plus d'être très agréable au regard ; toute la différence avec une post-production jusqu'à présent). L'idée originale, comme le dernier film de Cameron, est encore de se servir de ce procédé de trois dimensions comme un moyen narratif, de mise en scène. 

            Ainsi, toutes les séquences dans le monde réel, à l'exception d'un travelling aérien du plus bel effet introduisant le film, sont en deux dimensions. Ce n'est que lorsque l'on entre dans le monde vidéo-ludique de « Tron » que la 3D apparait. Ou quand la 3D permet d'entrer littéralement dans un nouveau monde « qui dépasse nos rêves les plus fous ». De même, l'idée est encore une fois de donner de la profondeur à cet univers plutôt que de se servir de la 3D comme d'un « gimmick » ridicule n'ayant d'autre utilité que d'envoyer des objets à la figure du spectateur. La remarque que l'on peut faire cependant est que cet effet 3D n'est pas toujours immédiatement visible dans un espace qui se veut étendu indéfiniment (l'absence d'arrière-plan ou de différentes « échelles de plans » entraine une absence de « référent » pour le spectateur qui l'aiderait à y déceler immédiatement des premiers et seconds plans). Ce qui donne l'effet trompeur d'une absence de relief dans certaines séquences. 

             Kosinski a néanmoins l'intelligence d'user d'une mise en scène et d'un montage fluide qui rendent les scènes d'actions très lisibles (car problème, si sur-découpage, de luminosité ou de distinction des formes et de l'espace) sans pour autant abuser de ralentis faciles. Ces séquences d'action, qui ne sont pas toujours d'un dynamisme qui n'aurait rien à envier aux talents d'un Cameron ou d'un McTiernan, demeurent de beaux morceaux visuels ; c'est notamment le cas de la célèbre course de moto et de la bataille aérienne finale époustouflante « à la Star Wars ». Le bât blesse dans les scènes plus « terre-à-terre » de dialogues. Un scénario indigent mélangeant quelques notions informatiques se chargeant de rendre le tout le moins clair possible. Et passons sur le fait que les programmes aient tous le physique de « top models » (métaphore de cette recherche de la perfection par le personnage de Kevin Flynn incarné par Bridges ?) et que ceux-ci viennent danser dans une boite « branchée » où joue les « Daft Punk » (clin d'oeil inévitable et balourd qui sort le spectateur du récit) et dirigée par un sosie vulgaire de David Bowie incarné par un Michael Sheen plus insupportable que jamais ; son interprétation d'une dizaine de minutes est plus surjouée que les dernières prestations de Johnny Depp.  

            L'interprétation des acteurs est l'une des faiblesses majeures de ce Tron l'héritage. Si Jeff Bridges s'en sort relativement bien, mais il n'y a que lui pour incarner aussi parfaitement la figure du sage « cool », son double numérique et plus jeune nommé CLU est nettement plus bancal. Certes la prouesse technique est impressionnante, les textures du visage ayant atteint un niveau de réalisme assez hallucinant, mais les mouvements de celui-ci sont encore trop (im)parfaits pour emporter une totale adhésion. Mais le pari technologique était risqué et loin d'être gagné d'avance. Le personnage de Tron est aussi traité de façon assez honteuse et n'est présent à l'écran que cinq minutes avant de changer de camps de façon ridicule. Là où c'est cependant plus embarrassant c'est lorsque des acteurs en chair et en os arrivent sans effort à être plus impersonnels qu'un avatar numérique. Olivia Wilde joue évidemment le rôle de la belle cruche un peu naïve mais le pire est sûrement Garrett Hedlund, jeune héros anti-charismatique et mono-expressif au possible, qui échoue littéralement à transmettre une émotion ou une excitation à la découverte de ce nouveau monde (Sam Worthington dans Avatar le surclassait à bon nombre de niveaux) ou lors des retrouvailles avec son père. 

            Un petit mot s'impose aussi sur la partition composé par les « Daft Punk », une « première » pour le groupe et un des principaux arguments de vente du film (oui c'est un peu saugrenu surtout pour un film budgété à près de 200 million de dollars mais ça à l'air d'être un nouvel effet de mode si l'on regarde Hanna de Joe Wright vendu entre autres par sa BO composée par les « Chemical Brothers »). Si la partition est dans l'ensemble assez réussie et assez agréable à écouter, elle s'allie cependant parfois mal aux images et a même tendance à devenir trop envahissante lors de certaines séquences (un peu comme Hans Zimmer qui faisait de l'excès de zèle pour l'Inception de Nolan). Mais en fin de compte, pour résumer, tout ce qu'on peut dire de ce Tron l'héritage est qu'il tient du « non-évènement ».   

Visuellement impressionnant mais toujours trop influencé pour trouver sa propre identité (les décors tout droits tirés de 2001 ou de Blade Runner), mis en scène avec brio et avec de bonnes idées (le jeu manichéen des couleurs qui est un bon moyen purement visuel de signifier qui est bon ou mauvais) mais pâtissant d'une interprétation approximative et d'un scénario bancal, prévisible et quelconque. La caricature même du « blockbuster » actuel sans âme. Spectacle visuel et pyrotechnique immersif mais dénué d'émotion ou d'empathie envers des personnages stéréotypés. Pas un mauvais moment à passer mais l'histoire du cinéma, des effets spéciaux ou de la 3D ne s'écrira malheureusement pas avec le premier film de Kosinski.  

NOTE à 05 / 10

James Frain, Michael Sheen, Beau Garrett et Jeff Bridges. Walt Disney Studios Motion Pictures FranceWalt Disney Studios Motion Pictures France

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12 février 2011 6 12 /02 /février /2011 17:48

                                                 

 - Titre original : Black Swan

 - Film américain sorti le 09 février 2011

 - Réalisé par Darren Aronofsky

 - Avec Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel,…

 - Thriller

            Rivalités dans la troupe du New York City Ballet. Nina est prête à tout pour obtenir le rôle principal du « Lac des Cygnes » que dirige l'ambigu Thomas. Mais elle se trouve bientôt confrontée à la belle et sensuelle nouvelle recrue Lilly...

Natalie Portman et Mila Kunis. Twentieth Century Fox FranceNatalie Portman. Twentieth Century Fox France

à Attention, cette critique contient de nombreux spoilers

 

            C'est un fait, Darren Aronofsky est l'un des jeunes cinéastes les plus singuliers de la décennie précédente. Ayant signé quelques films devenus au fil du temps véritablement cultes, malgré souvent des sorties un peu confidentielles et un maigre succès en salles, comme Pi, le controversé The Fountain et le désormais fameux Requiem for a dream, Aronofsky avait commencé à trouver la grâce de la critique, de la profession et du public avec The Wrestler qui remettait Mickey Rourke sur le devant de la scène. Après ce film « thérapeutique », pour l'acteur mais aussi son réalisateur, il revient avec Black Swan, un film sur le milieu hautement compétitif et étouffant du ballet.   

            De prime abord Black Swan possède quelques similitudes avec le précédent film d'Aronofsky. Là où The Wrestler représentait de façon précise le monde du « catch », Black Swan décrit le milieu lui aussi méconnu de la danse classique. Deux portraits de personnes solitaires, aux caractères certes opposés, qui se dévouent totalement, psychologiquement et physiquement, à leur art jusqu'à se mettre eux-mêmes en danger. Même mise en scène, à hauteur d'homme et caméra à l'épaule suivant les personnages (mais l'image n'est à aucun moment illisible à la différence d'un film de Paul Greengrass). Et ils ont chacun une fin assez semblable, Black Swan se terminant lui aussi sur une magnifique chute du personnage principale symbolisant un abandon de soi, un laisser-aller. Ces ressemblances ne sont pas surprenantes quand on sait que ces deux films découlent en fait d'un seul et même projet originel qui devait narrer l'histoire d'amour entre un catcheur vieillissant et une jeune ballerine. Le film s'est donc retrouvé par la suite divisé en deux et Black Swan fut plusieurs fois réécrit et Aronofsky y inscrivit la trame du « Lac des Cygnes ». 

            Mais cependant cette similitude entre ces deux films s'arrête là. Premièrement parce que leur genre est bien différent. The Wrestler est un drame larmoyant se complaisant parfois un peu trop dans le misérabilisme (défaut que l'on retrouvait déjà dans Requiem for a dream) ; Black Swan est un thriller fantastique sur une femme sombrant peu à peu dans une folie, une paranoïa destructrice. Mais surtout, l'affiliation la plus évidente que l'on peut faire avec Black Swan est avec deux grands chefs d'oeuvre assez opposé qu'Aronofsky n'a pas réalisé mais pour lequel il voue une grande admiration (aucun doute pour le second en tout cas) : Les Chaussons Rouges de Michael Powell et Perfect Blue de Satoshi Kon. L'affiliation avec le drame onirique bouleversant de Powell est flagrant d'abord parce qu'il traite du même milieu, celui de la danse classique. De même l'inquiétant imprésario Boris Lermontov qui tombe amoureux de sa jeune et ambitieuse protégée, Victoria Page, possède quelques points commun avec le directeur artistique Thomas Leroy, même si Vincent Cassel se démarque en lui conférant quelques touches d'humour qui le rend plus « grotesque » que menaçant. Mais c'est surtout la ressemblance entre Nina dans Black Swan et Victoria dans Les Chaussons Rouges qui relie les deux films.  

            En effet ces deux jeunes ballerines sont à la fois obsédées par leur art, au point d'en oublier leur vie privée, et font preuve d'une ambition impressionnante et d'un attrait vers la gloire que peut leur offrir leur prestation si celle-ci atteint la perfection. De même, celles-ci vont être à tel point marqué par l'histoire qu'elles doivent interpréter qu'elles vont finir par les mélanger avec leur propre existence. Elles retrouvent ainsi des répercussions, des ressemblances entre ces histoire et ce qui arrive au personnage qu'elles incarnent dans leur propre vie. C'est en cela que la fin de Black Swan n'est pas difficile à deviner mais cela n'enlève en rien sa beauté et le récit n'en pâtit d'ailleurs pas puisque ce final n'est que la conclusion logique de ce qui se déroule sous nos yeux pendant les deux heures que dure le film. L'illustration parfaite de cela est évidemment la longue séquence de vingt minutes qui clôt le long-métrage et qui est la prestation finale, la première pour laquelle Nina s'est entrainée et s'est perdue. Une scène qui rappelle la séquence hallucinante au milieu des Chaussons Rouges où Victoria se lançait dans un long ballet de près d'un quart d'heure visuellement visionnaire et envoutant. Dans Black Swan, la séquence est filmé caméra à l'épaule, au plus près des danseurs, en long plans-séquences et accompagnée de la sublime musique de Tchaïkovski (conduite par Clint Mansell, le compositeur attitré d'Aronofsky, qui livre une bande originale vraiment très réussie et fortement inspiré de la partition du « Lac des Cygne »). Et lors d'un unique plan incroyable qui est aussi probablement la plus belle image du film, Nina se transforme  littéralement en un gigantesque cygne noir sous l'ovation du public et après une succession de pirouettes de plus en plus frénétiques. D'abord « cygne banc », femme pure, vierge, elle accomplit enfin complètement sa métamorphose, qui n'était que partielle durant tout le film, en « cygne noir », en femme séductrice tentée par le péché, la corruption, l'« hybris », le sexe, la mort...  

            Pour cela, Nina a dû s'abandonner, se donner sans réserve à son rôle qu'elle ne pouvait auparavant interpréter que partiellement car n'étant qu'une « face » de son personnage. Et si, pour incarner parfaitement son personnage, il fallait vivre vraiment vivre ce qu'il a vécu ? Et c'est à partir de là que l'on retrouve l'affiliation avec le film d'animation japonais Perfect Blue. Dans ce dernier, une jeune et innocente chanteuse du nom de Mima (même consonance dans les noms des deux héroïnes) quitte subitement son groupe très populaire pour entamer une carrière d'actrice. Comme dans le film de Powell et d'Aronofsky, Perfect Blue mélange brillamment ce qui tient de la réalité et ce qui est rêvé, imaginé. Mima, tout comme Nina, va mélanger ce qu'elle joue et ce qu'elle vit vraiment ; de même, ce qui lui arrive finit par avoir d'inquiétantes répercussion dans la réalité. Dans Black Swan, le personnage de Lilly interprété par une inquiétante Mila Kunis, et étant la doublure libérée, trouble et légèrement perverse de Nina, s'inspire clairement du double maléfique de Mima représentant son image passée qui ne cesse de la rattraper et dont on ne sait jamais si elle est réelle ou une simple imagination de l'esprit torturée de l'ex-chanteuse. Dans un extrait du feuilleton que tourne Mima dans Perfect Blue, deux personnages avaient cet échange : « Une illusion ne tue pas » - « Sauf si elle trouve un corps pour s'incarner ». Aronofsky semble avoir appliqué cette maxime à la lettre dans le cas de Lilly puisque c'est sous le corps de cette dernière, qui existe bien, que les pulsions destructrices et « perverses » de Nina vont s'incarner, prendre forme.  

            Le rôle de Lilly est donc des plus importants dans Black Swan puisque c'est elle qui va tirer Nina vers son « côté obscur ». Cependant Aronofsky adopte une démarche assez rare puisqu'il refuse de s'abandonner à un mystère complet qui déboucherait sur un twist final sensé clouer le spectateur à son siège. Bien au contraire, il veut que le spectateur sache que Nina est en plein délire. La séquence clé du film, qui révèle la véritable nature de cette Lilly, intervient d'ailleurs à la fin du deuxième tiers de Black Swan. Révélation qui se fait d'ailleurs de façon originale et audacieuse. Nina, entrainé par Lilly, se retrouve sous ecstasy et se lance dans une danse endiablée dans une discothèque bondé. Scène brillamment réalisée (comme quoi, après Collateral, Biutiful et The Social Network, Black Swan confirme que les boites de nuit inspirent les réalisateurs talentueux), puisqu'elle est un enchainement de plans rapides avec des filtres rouges ou vert, elle nous fait comprendre la vérité presqu'inconsciemment par le biais d'images subliminales (Nina avec soudainement un maquillage noir excessif autour des yeux la rendant plus inquiétante ; l'image très furtive d'une sombre figure ailée ; quelques images d'une Nina « dédoublé » ; et surtout une fin de séquence où l'on arrive à distinguer les deux femmes en train de danser de façon absolument symétrique).  

            De cette séquence suivra la scène de saphisme, qui a beaucoup fait parler, entre Nina et Lilly. En effet imaginez l'émoi masculin de voir Natalie Portman et Mila Kunis s'enlaçant langoureusement. Outre le fait que la séquence soit assez belle, elle est moins érotique que furieusement angoissante et dérangeante. On y voit le tatouage sur le dos de Lilly, une paire d'ailes noires loin d'être anodine, s'animer tandis que la peau de Nina, au fur et à mesure qu'elle jouit, est parcourue de frissons (difficile à décrire autrement que comme « une chair de poule mouvante », qui s'expliquera plus tard quand des plumes commenceront à pousser sur son corps). Ultime étape avant que Nina ne plonge irrémédiablement dans cette spirale folle (à noter l'omniprésence des mouvements circulaires que ce soit de la caméra ou des personnages). Et on ne peut parler de Black Swan sans parler de l'interprétation très impressionnante de Natalie Portman qui, comme Nina, se donne littéralement pour ce rôle. Elle danse, pleure, crie, court, met son corps à rude épreuve au point d'être à la limite de l'anorexie... Un rôle bien compliqué, qui ne fait pas dans la demi-mesure mais qui nécessite un travail physique des plus éprouvants. A ses côtés il y a aussi Barbara Hershey, très inquiétante dans le rôle de la mère castratrice et ambigüe de Nina qui a dû abandonner sa carrière de danseuse pour l'élever. Il y a aussi Winona Ryder qui incarne Beth, la « vieille » danseuse que Nina doit remplacer et qui n'accepte pas sa soudaine mise à l'écart. De part ces deux personnages transparait le plus cette compétition, cette rivalité terrifiante entre les danseuses avant qu'elles ne dépassent leur « date de péremption » ; on y retrouve alors l'influence du sulfureux Showgirls de Verhoeven, un autre film de danse féminin très sous-estimé.  

            Avec Black Swan, Darren Aronofsky livre son film le plus abouti à la fois par sa mise en scène mais aussi par sa richesse. Il y aurait encore beaucoup à dire sur les jeux de miroirs et les rôles des reflets par exemple ou s'étendre encore davantage sur le symbolisme des différents personnages. Le long-métrage d'Aronofsky n'est pas tout à fait un film d'horreur puisque Aronofsky privilégie les « jump scares » efficace et un constant climat oppressant et dérangeant. Mais il est néanmoins généreux en séquences surréaliste comme le dernier plan de Beth ou encore cette image où une multitude de dessin représentant Nina se mettent à lui parler (idée reprise encore une fois de Perfect Blue dont Black Swan est décidément bien le pendant « live »). Et cerise sur le gâteau, cette version « cronenbergienne et de palmesque » du « Lac des Cygnes » nous offre l'un des plus beau et des plus émouvant final de ces derniers mois.  

NOTE à 7,5 / 10 

Natalie Portman. Twentieth Century Fox FranceNatalie Portman. Twentieth Century Fox France

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27 janvier 2011 4 27 /01 /janvier /2011 13:31

                                                  

 - Titre original : The Way Back

 - Film américain sorti le 26 janvier 2011

 - Réalisé par Peter Weir

 - Avec Jim Sturgess, Ed Harris, Saoirse Ronan,…

  - Aventure, Drame

            En 1940, une petite troupe de prisonniers décide de s'évader d'un camp de travail sibérien. Pour ces hommes venus de tous les horizons, s'échapper de cet enfer ne sera que le début de l'aventure. Ensemble, ils vont parcourir plus de dix milles kilomètres, à travers la toundra sibérienne glacée, traversant les plaines de Mongolie, les fournaises du désert de Gobi puis les sommets de l'Himalaya pour franchir la Grande Muraille de Chine. Certains s'arrêteront en chemin, d'autres ne survivront pas aux épreuves. L'Inde - alors sous contrôle anglais - est le but ultime. Mais la route est longue, les rencontres risquées, les conditions physiques épouvantables, et chacun a ses secrets...

Colin Farrell, Jim Sturgess et Ed Harris. Metropolitan FilmExportMetropolitan FilmExport

            Important évènement de ce début d'année, le retour sur le grand écran d'un très talentueux réalisateur qui avait eu tendance ces derniers temps à se faire bien trop rare. Silence radio presque total depuis ce monument du film d'aventure et de voyage qu'était Master and Commander, l'australien Peter Weir revient aux affaires avec un autre « film de voyage ». Le sujet est ambitieux puisqu'il retrace la marche pour la survie d'un petit groupe d'hommes sur plusieurs milliers de kilomètres et à travers une panoplie de contrées hostiles.   

            Adapté du récit prétendument vrai fait dans le livre « A marche forcée » de Slavomir Rawicz, la véracité du propos important finalement très peu dans la crédibilité du long-métrage, Les Chemins de la Liberté avait, semble-t-il, tout pour être un périple épique et emphatique à la David Lean doublé d'un éloge à la nature et sa beauté, typique chez Weir mais aussi chez un réalisateur comme Terence Malick. Pourtant Peter Weir ne cède pas tout à fait aux sirènes de l'académisme. Son récit est nettement plus intimiste, toujours filmé à hauteur d'homme, ce qui n'empêche cependant pas une mise en scène valorisante des paysages traversés, et est moins une succession d'actes de bravoures audacieux qu'une suite de scénettes plus ou moins éloignées dans le temps retraçant des situations plutôt « ordinaires » et peignant le quotidien difficile de ces hommes. Peter Weir ne vise donc pas le spectaculaire et serait en fait tenté vers un récit épuré et contemplatif. Cette épuration visuelle se voit dans l'enchainement des décors filmés : d'abord une forêt enneigé où grouillent mille bruits, puis les rives campagnardes du lac Baïkal, le désert silencieux, plat et brulant de Gobi avant d'atteindre les sommets enneigés et dénudés de l'Himalaya.    

            Aspect épuré qui passe aussi par la mise en scène (parfois trop) classique de Weir et surtout par la caractérisation des personnages. Mis à part le héros principal dont on sait la raison de l'emprisonnement dès la séquence d'introduction, tous les autres membres du groupe ont des origines très floues. On ne sait pas quels ont été leur « crime », ni d'où ils viennent, ce qu'ils veulent faire une fois rentré chez eux... Chaque personnage est donc réduit à la plus simple figure, la plus simple expression. L'idée est originale, chacun devant prendre son temps pour découvrir l'autre qui peut être animé de mauvaises intentions sans qu'on ne le sache. Cela amène aussi une forme de tension dans le récit qui « happe » le spectateur qui cherche à savoir qui ils sont. La contrepartie est cependant le manque d'empathie que le spectateur peut ressentir à leur égard et surtout une certaine absence d'émotions entre les différents protagonistes qui peut poser problème lors du déroulement du récit.  

            Le film est doté d'un casting suffisamment talentueux pour faire oublier en grande partie ce désagrément. Et si l'on omet cette obligation pour une production de ce type de faire parler ses personnages, pourtant russes ou polonais, en anglais avec un accent à couper au couteau, la plupart des acteurs principaux livre des prestations au minimum honorables. C'est le cas de Jim Sturgess qui interprète le rôle du « jeune guide débrouillard » et de Colin Farrell qui surjoue légèrement, notamment par son accent, son personnage furieusement iconique de bandit un peu lâche mais aussi attachant (la dernière scène à son sujet est par ailleurs très émouvante). La jeune Saoirse Ronan, déjà très impressionnante dans le Lovely Bones de Peter Jackson,  livre une performance impressionnante avec cet unique jeune personnage féminin qui va se révéler surprenante et surtout nécessaire à la dynamique du groupe, qui commencera à communiquer à travers elle. Mais c'est surtout le formidable Ed Harris qui remporte le morceau dans son rôle d'Américain traumatisé par un évènement qu'il préfère taire. C'est bien simple, il livre une des plus intenses interprétations de sa carrière ; c'est dire si le bonhomme est bon dans le film de Weir.  

            On peut aussi noter la présence de Mark Strong durant les vingt premières minutes et qui incarne un prisonnier qui se persuade, pour survivre, qu'il va s'évader mais qui n'ose jamais le faire. Un rôle qui le change un peu des éternels méchants qu'il jouait l'année précédente dans Kick-Ass, Sherlock Holmes et le très mauvais Robin des Bois. Le film est traversé de passages et d'images assez marquants comme cette scène où le groupe d'homme se met à disputer de la nourriture à une meute de loup ou encore ce moment où la troupe bien affaibli, arrivant enfin aux portes de la Mongolie, réalise que le pays est lui aussi devenu communiste et qu'il doit encore continuer un long chemin pour être vraiment sauvé. De même, la mort de certains personnages est toujours filmée de façon respectueuse, sans pathos et parfois même de façon très poétique (le premier mort glacé par la neige de la toundra). On peut par contre regretter la fin très faiblarde du film, bâclée même, comme si Weir ne savait pas trop comment achever son récit, faisant un parallèle très fragile et pas des plus fins entre le parcours de ces hommes et le combat pour la liberté des pays de l'Est dominé par la dictature communiste de l'URSS.  

            Sans être son oeuvre la plus marquante ou la plus aboutie, Les Chemins de la liberté est une belle réussite de la part de Weir. Si l'on pouvait être amené à en attendre un peu plus après une aussi longue absence, le film avec lequel Weir revient demeure rempli de qualités de mise en scène et d'interprétations marquantes. Un film à la fois humaniste, captivant et magnifique qui n'a vraiment de fausse note que ses cinq dernières minutes et quelques difficultés d'attachement à certains personnages.    

NOTE à 7,5 / 10 

Saoirse Ronan. Metropolitan FilmExportMetropolitan FilmExport 

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