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19 juin 2014 4 19 /06 /juin /2014 00:24

Et c'est parti pour dix-huit mois d'hystérie. Les geeks sont déjà au bord de l'insomnie, à l'affut de toute information croustillante qui leur permettra de rêver en attendant sa sortie en salles. Les sites sur le cinéma n'hésitent plus à balancer en "Une" de courts textes portant sur la moindre rumeur qui ébranle la toile, ayant ainsi l'assurance d'obtenir un maximum de "clics" en un minimum de temps. Ce projet qui attirera tous les regards jusqu'en décembre 2016 est évidemment Star Wars VII de J.J. Abrams. Et autant le dire, on n'avait pas vu pareille surexcitation collective pour un film depuis celle qui avait précédé la sortie de... Star Wars - Episode I : La Menace Fantôme de George Lucas.

Souvenez-vous, c'était en 1999, soit une éternité à l'échelle d'Internet où toute "news" est quasiment périmée avant même qu'elle n'ait eu le temps d'être massivement diffusée. Le long métrage de George Lucas était alors attendu comme le Messie car celui-ci marquait le début de la préquelle en trois épisodes devant révéler ce qui s'était passé avant les évènements relatés dans la trilogie originale de La Guerre des Etoiles, une oeuvre profondément ancrée dans l'inconscient collectif et apparaissant à juste titre comme l'un des pilliers de la culture populaire moderne. Sorti en 1977, le premier opus de Star Wars reçut, contre toute attente et malgré une production infernale pour son instigateur, un triomphe d'une ampleur inédite dans l'Histoire du cinéma. Comme le montrent ces images sidérantes du Chinese Theater à Los Angeles en mai 1977, les files d'attente aux Etats-Unis pour chaque séance s'étendaient jusque dans les rues, et ce, parfois sur plusieurs "blocs". Tout le monde voulait voir ce "space opera" dont tout le monde parlait. Tout le monde voulait voir ce phénomène qui déchainait la masse. Tout le monde voulait y participer, le vivre et l'intégrer afin de pouvoir dire à son tour : "Moi aussi, j'ai découvert Star Wars au cinéma". Les "vieux" critiques de l'époque étaient dépassés. En France, les remarques dédaigneuses ont fusé afin de tenter futilement de minimiser l'impact gigantesque que le film était en train d'engendrer à l'échelle mondiale (et non pas uniquement dans le milieu hollywoodien) tout en essayant de montrer qu'ils - l'intelligencia - n'étaient pas dupes face à ce gros jouet bruyant rempli d'effets visuels hallucinogènes visant à satisfaire de jeunes dépravés accrocs aux substances LSD.

On peine à présent à le croire, mais le long métrage déchaina les passions. Parce qu'il parvenait à plaire au plus grand nombre grâce à cette épopée à vocation universelle - qui est dorénavant citée comme exemple dans les écoles de scénaristes - Lucas fut la cible de critiques d'une agressivité désolante. En France, le journaliste Ignacio Ramonet fit notamment une analyse idéologique du film en écrivant que :

"seuls les Blancs (et anglophones) parviendront jusqu'au futur ; que [...] les femmes des agriculteurs devront toujours faire la cuisine pour leur mari : [...] que les militaires auront des tentations totalitaires, qu'ils [...] se mettront sous les ordres d'une jeune princesse et que celle-ci, à la fin, distribuera des décorations au cours de grandioses cérémonies de saveur hitlérienne." (1)

De leur côté, les critiques de l'émission "Le Masque et la Plume" se gaussèrent pour la plupart à son sujet en le balayant d'un revers de la main. Peu importe, le succès fut démesuré malgré ces quelques avis mesquins et George Lucas put étendre son odyssée comme il le prévoyait au départ avec Star Wars - L'Empire contre-attaque en 1980 et Star Wars - Le Retour du Jedi en 1983. Le cinéaste originaire de la ville de Modesto développa un puissant empire à l'aide de sa soudaine fortune mirobolante - accumulée notamment par sa judicieuse décision de baisser son salaire pour reçevoir en échange l'intégralité des recettes de la branche des "produits dérivés" alors peu considérée par les grands studios - qui lui assura le contrôle absolu sur ses futures productions et sur l'univers Star Wars dont il se retrouvait être l'unique décisionnaire.

Néanmoins, ce n'est qu'en 1999 que Lucas revint derrière la caméra, puisqu'il avait préféré assurer le poste de "producteur" lors des deux suites afin de déléguer le fastidieux boulot de la mise en scène tout en gardant le contrôle de la franchise. C'est cette Menace Fantôme qui marquait son retour en tant que cinéaste, ving-deux ans après La Guerre des Etoiles, désormais rebaptisée Star Wars - Episode IV : Un Nouvel Espoir afin de l'inclure logiquement dans le cadre de la trilogie préquelle qu'il préparait et qui se centrait sur la chute du chevalier Jedi Anakin Skywalker - le père de Luke, le héros de la trilogie initiale - qui l'amènera à devenir le vilain Dark Vador. La production de ce premier opus qui devait ouvrir les festivités avant le passage à l'an 2000 fut scrupuleusement suivie par une immense communauté de "fans" grâce à un nouvel outil d'informations en pleine expansion : l'Internet. En effet, La Menace Fantôme fut le premier "blockbuster" dont la fabrication a été particulièrement relayée via la toile et suivie massivement par les internautes-cinéphiles. Néanmoins, tout le monde ne disposait pas encore de cet outil aujourd'hui démocratisé. Pour découvrir les deux bandes annonces du film, les fans devaient parfois aller au cinéma pour la voir. Ainsi, aux Etats-Unis, il n'était pas rare qu'une partie du public quitte la projection d'un film après la diffusion du premier "trailer".

Inutile de dire que ce dernier entraina des réactions toutes sauf mesurées, la grande majorité s'extasiant sur les "money shots" tandis qu'une minorité s'inquiétait d'y retrouver des traces des travers que Lucas avait développé : une omniprésence du numérique (cf. la ressortie en 1997 de la trilogie originale au cinéma, dotée de plusieurs hideuses séquences modifiées afin de rendre populaire une saga qui l'était déjà auprès d'une nouvelle génération de gamins), une tendance à l'infantilisation (cf. le tristement fameux "Star Wars Holiday Special" que la société Lucasfilm a maintes fois tenté de supprimer), ou encore un amoindrissement de la portée mythologique de l'intrigue au profit d'un déluge de pirouettes spectaculaires. La sortie du "film-évènement qui allait tout ravager sur son passage et entrainer une nouvelle ère dans l'histoire du cinéma" en calma plus d'un. Entre Jar Jar Binks, l'acteur insipide incarnant Anakin Skywalker, un casting qui déclamait ses lignes avec toute la mauvaise volonté du monde, des personnages aux accents un tantinet racistes, Jar Jar Binks, un rythme mal gêré, d'interminables débats parlementaires pour vaguement tenter d'expliquer un complot corporatiste, une démystification de la Force et Jar Jar Binks, La Menace Fantôme prouvait qu'il n'était absolument pas à la hauteur des épisodes précédents tout en étant aussi désastreux si l'on se contentait de le juger par rapport aux "standards" de l'époque.

L'Attaque des Clônes en 2002 et, dans une moindre mesure, La Revanche des Siths en 2005 confirmèrent la débacle de l'entreprise. De plus en plus d'effets digitaux pour que Lucas n'ait plus à souffrir des contraintes et des contretemps inhérents à la mise en scène, du "fan service" inutile (Jango Fett, père du tueur à gage Boba Fett si aimé des afficionados de Star Wars, en est l'exemple le plus flagrant), des incohérences à la pelle qui prouvaient que Lucas n'avait jamais eu une ligne directrice précise concernant la prélogie, d'interminables scènes de discussion filmées en champs et contrechamps basiques, un univers de moins en moins original,... Si l'on écarte le miracle qu'a accompli la série animée Clone Wars par Genndy Tartakovsky, seuls le Obi-wan joué par Ewan McGregor et la composition musicale toujours aussi épique de John Williams surnagent aujourd'hui encore de ce carnage intégral. Pourtant, la perspective de poursuivre l'aventure Star Wars malgré un retour aussi calamiteux continua d'enthousiasmer les cinéphiles. Sitôt la prélogie achevée, tout le monde espérait voir se concrétiser cette fameuse troisième trilogie supposée se dérouler après les aventures originales de Luke Skywalker - période qui avait été explorée dans de nombreuses versions parallèles par des artistes divers, formant ce que l'on appelle "l'Univers Etendu". 

Cette arlésienne ne datait pas d'hier mais peu de choses concrêtes avaient été dévoilées sur ce que ces hypothétiques opus VII, VIII et IX étaient supposés raconter depuis que Lucas en avait fait mention dès la fin des années 1970. Indéniablement, Lucas et son équipe de scénaristes avaient réfléchi sur la trame d'épisodes ultérieurs au Retour du Jedi, mais le contenus de ceux-ci semblaient changer diamétralement au fil des années. La mystérieuse genèse de cette troisième trilogie était pour le moins complexe comme en atteste avec moultes détails l'article "La véritable histoire de épisodes VII, VIII et IX". Mais peu-à-peu, les rumeurs se calmèrent lorsque Lucas - après une série de triturations abominables visant à faire correspondre les trois épisodes originaux avec la prélogie - annonça qu'il prenait sa retraite et que, au bout de quelques années, rien de concret n'avait été annoncé pour confirmer la mise en chantier de cette troisième trilogie. C'est alors qu'un communiqué de presse d'une importance certaine dans l'Histoire du cinéma fut publié sur le net le 30 octobre 2012. Personne n'avait rien vu venir. Fait inédit, il n'y avait eu aucune fuite préalable au cours des mois précédents. Malgré l'ampleur de l'information, cette dernière a été révélée officiellement pour la toute première fois sans qu'Internet n'ait pu gâcher la surprise. Le 30 octobre 2012, le monde du cinéma a subi un véritable séisme à cause de cette photo :

Robert A. Iber, le PDG de la Walt Disney Company, et George Lucas, le créateur de STAR WARS

Robert A. Iber, le PDG de la Walt Disney Company, et George Lucas, le créateur de STAR WARS

L'Internet cessa de tourner. Comment une telle "news" a-t-elle pu échapper aux radars des internautes avant son officialisation ? Ainsi, après avoir lutté pendant trois décennies contre la mainmise des gros studios californiens afin de conserver le contrôle de ses films et de son univers, Lucas cédait toutes ses créations à la plus grosse des "majors" (2). En plus de sa célébrissime filiale d'animation, Disney disposait dorénavant de Pixar, de la majorité des super-héros Marvel, de la franchise Star Wars et de la série Indiana Jones - même si la priorité est donnée au "space opera", nul doute que le "reboot" des aventures de l'archéologue au chapeau est en préparation, le studio n'en ayant pas obtenu les droits d'exploitation à un tel prix pour ne rien en faire. Le prix de l'indépendance de Lucas contribua à la sidération qu'engendra cette nouvelle. Disney dû en effet débourser 4,05 milliars de dollars afin d'acquérir ce que le cinéaste avait mis tant de temps à développer à l'écart des studios : Lucasfilm Ltd, une entreprise pionnière dans le divertissement et l'innovation des technologies cinématographiques fondée à San Francisco dans le "Skywalker Ranch". Disney disposa de plus des filières s'occupant de la production de films "live", de produits dérivés et d'effets visuels - on y retrouve LucasArts, ILM (Industrial Light & Magic) et Skywalker Sound. Afin de sceller la transaction, le cinéaste déclara :

"Durant les 35 dernières années, un de mes plus grand plaisir a été de voir Star Wars passer d'une génération à la suivante. Il est maintenant temps pour moi de transmettre Star Wars à une nouvelle génération de réalisateurs. J'ai toujours cru que Star Wars pourrait me survivre, et je pense qu'il était important de réaliser cette transition de mon vivant. Je suis confiant dans le fait que Lucasfilm, sous la direction de Kathleen Kennedy et ayant une nouvelle maison au sein de l'organisation Disney, et Star Wars continueront de vivre, et fleuriront pour les nombreuses générations à venir. La portée de Disney et son expérience donnent à Lucasfilm l'opportunité de s'ouvrir vers de nouvelles voies dans le cinéma, la télévision, les médias intéractifs, les parcs à thèmes, les spectacles live, et les produits dérivés." (3).

Le 31 octobre, tout le monde ne parlait plus que de cela : après tant d'années d'incertitude, il y aura bien de nouveaux épisodes Star Wars au cinéma ! Aussitôt, la farandoles des rumeurs commença autour du film "le plus important de ces prochaines années" tandis que le sabotage conscient du John Carter d'Andrew Stanton quelques mois auparavant s'éclaira sous un nouveau jour - adapté des romans d'Edgar Rice Burrough composant ce Cycle de Mars qui servait de source d'inspiration principale à Lucas, le film produit par Disney risquait de lancer une franchise concurrente et trop similaire. La question qui brulait les lèvres était : Star Wars allait-il survivre à ce passage de flambeau ? Cette nouvelle génération de cinéastes réussirait-elle à rendre justice à l'univers de Lucas maintenant que ce dernier a accepté de ne plus être le "Gardien de la Flamme" ? De prime abord, si l'on passait outre l'idée absurde que Star Wars n'appartenait qu'à Lucas - ce qui était faux même lors de la confection de la trilogie initiale au cours de laquelle de nombreux collaborateurs apportèrent leur grain de sel - il y avait plutôt de quoi se réjouir par cette transition, surtout après cette prélogie qui avait montré que Lucas n'était plus que l'ombre de lui-même.

L'une des autres raisons était la présence de Kathleen Kennedy à la tête du projet. Cette dernière est l'une des (rares) femmes (très) puissantes à Hollywood et co-dirigeait jusqu'à lors avec son mari The Kennedy/Marshall Company crée en 1992. Cette société de production avait notamment à son actif Sixième Sens de M. Night Shyamalan, Munich et Lincoln de Steven Spielberg ou encore Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. De façon plus large, Kennedy, après avoir débuté comme assistante auprès du scénariste et cinéaste John Milius, s'est imposée peu-à-peu comme une figure de proue du divertissement hollywoodien et a produit la quasi-intégralité des longs métrages de Spielberg depuis les années 1980 (dont E.T. et la trilogie Jurassic Park). Très peu de temps après que le colossal marché ait été conclu, Kennedy révéla qu'elle travaillait depuis plusieurs mois sur le lancement d'une nouvelle trilogie. A partir d'un traitement écrit par Lucas retraçant les grandes lignes qu'étaient supposés suivre les trois prochains épisodes, le scénariste oscarisé Michael Arndt (Little Miss Sunshine, Toy Story 3) fut chargé de composer le script de l'épisode VII.

Il est difficile de ne pas se perdre dans le flot d'annonces plus ou moins sérieuses qui déferla durant les mois suivants. Le planning de Disney entendait sortir un film Star Wars tous les ans. L'épisode VII devait sortir en mai 2015 (date symbolique) avant d'être repoussé à décembre, l'épisode VIII est prévu en 2017 et l'épisode IX arrivera en 2019. Pour combler les trous, divers films additionnels furent annoncés : des "spin off", soit des longs métrages se déroulant dans le même univers mais se focalisant sur d'autres personnages et d'autres intrigues. Le 5 février 2013, Disney confirma la mise en chantier de ces derniers sans dévoiler sur quoi ils porteraient. Trois seraient officiellement prévus - le premier mis en scène par (le jeune) Gareth Edwards (Monsters, Godzilla) sortira à l'été 2016 et le second réalisé par (le jeune) Josh Trank (Chronicle, le "reboot" des 4 Fantastiques) sera visible sur les écrans à l'été 2018. Une rumeur apparue en janvier 2013 voulait que Zack Snyder (300, Watchmen, Man of Steel) se charge du troisième, qui reprendrait l'intrigue des Sept Samouraïs d'Akira Kurosawa (ce dernier ayant été une des grandes influences de la saga) en la transposant dans cette galaxie très, très lointaine. Néanmoins, le bonhomme est rattaché pour une durée indéterminée à Warner avec Man of Steel 2/Superman v. Batman/La Ligue des Justiciers, le commencement (on ne sait plus trop) puis par La Ligue des Justiciers. Des rumeurs récentes et persistantes veulent que ces "spin off" tournent autour de la jeunesse de Han Solo, de Boba Fett et du petit maitre jedi vert Yoda.

Mais qui allait oser s'asseoir sur le siège du réalisateur à la place de Lucas ? Qui aller être assez suicidaire pour s'embarquer dans le projet le plus risqué de ces dernières années - ne bénéficiant pas de la sacro-sainte aura du "Gardien du Temple", le moindre échec risque d'être fatal à la carrière du cinéaste qui aura à affronter les foudres d'une horde composée de quelques millions de fans ? Si les noms de Neill Blomkamp (District 9, Elysium), de Joseph Kosinski (OblivionTron l'héritage produit chez Disney) ou d'Andrew Stanton (un grand nom de Pixar ayant à son actif Le Monde de Némo, Wall-e et John Carter) faisaient rêver les cinéphiles et laissaient entrevoir une variété d'approches stimulantes et variées, ils semblerait qu'ils n'aient jamais été vraiment envisagés. Le premier cinéaste à avoir été approché pour l'épisode VII fut évidemment Steven Spielberg. Ami proche de Lucas et de Kennedy, il a entretenu un certain lien avec la saga : il a failli réaliser Le Retour du Jedi, a participé à l'élaboration du duel final dans La Revanche des Siths et s'est amusé à faire des clins d'oeil malicieux aux films dans E.T.. Mais le bonhomme a roulé sa bosse depuis et il déclina l'offre - il déclarait à cette époque qu'il voulait se mettre "en danger" et que faire des films d'aventure ne l'intéressait plus car il savait les réaliser les yeux fermés.

De son côté, Guillermo Del Toro (Le Labyrinthe de Pan, Pacific Rim) aurait été judicieusement contacté via son agent mais le cinéaste mexicain a refusé - son planning était déjà tellement chargé qu'il devait abandonner ou déléguer les trois quarts des projets auxquels il se retrouvait attaché. Son ami proche Alfonso Cuaron (Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban, Les Fils de l'Homme, Gravity) aurait entrepris des discussions mais celles-ci auraient en fait concernées la réalisation d'un épisode ultérieur - si la participation de ce cinéaste génial serait plus que réjouissante, ce dernier souhaite pour l'instant faire une pause après avoir passé quatre années épuisantes sur son propre film spatial. De manière plus surprenante, Ben Affleck (Gone Baby Gone, Argo) aurait aussi été courtisé tandis que Matthew Vaughn (Layer Cake, Kick-ass, X-men : le commencement) aurait été très proche de décrocher le poste - il aurait notamment conseillé d'engager Chloe Moretz (Kick-ass, Laisse-moi entrer) pour l'un des rôles principaux. De tous ces noms, le candidat le plus sérieux fut Brad Bird. Le réalisateur du Géant de fer, des Indestructibles, de Ratatouille et de Mission Impossible : Protocole Fantôme a déclaré que Lucas et Kennedy l'avaient rencontré en personne mais qu'il avait décliné l'offre pour se consacrer pleinement sur son prochain film intitulé Tomorrowland

Ce rendez-vous manqué est frustrant tant Bird est un artiste d'une grande intelligence, capable d'être aussi à l'aise avec le drame, l'humour et l'action. Il a l'expérience des grandes productions et il sait comment s'adresser à un jeune public tout en maniant des références et des thématiques susceptibles de parler aux adultes. Ne perdons pas espoir pour un futur épisode (4) car son "remplaçant" ne lui est pas étranger et a participé à l'élaboration de son film d'espionnage avec Tom Cruise. Le 25 janvier 2013, nouveau coup de théâtre : LucasFilm annonça que J.J. Abrams sera le réalisateur de Star Wars - Episode VII. "Golden Boy" de Hollywood qui rêve d'être Spielberg sans jamais parvenir à la cheville de son modèle, Abrams a débuté en tant que producteur et scénariste à la télévision (Lost notamment) avant de faire ses premier pas en tant que metteur en scène de cinéma avec Mission : Impossible 3 (il avait au préalable co-écrit Armaggedon de Michael Bay et rédigé une version de Superman lorsque la Warner tentait de ressuciter la franchise à la fin des années 1990). Grace à son succès et à sa popularité grandissante, ce "geek" portant toujours des lunettes, une casquette, un jean et des baskets (voyez que la tentative d'imitation du cinéaste des Dents de la Mer est d'une grande subtilité et ne se limite pas qu'à ses films - il ne manque plus que la barbe) eut ensuite pour tâche de ressuciter la série Star Trek sur le grand écran après moultes films de qualité décroissante.

Ainsi, grâce à un choix d'une franche originalité, les deux séries de S.F. concurrentes (et supposées très opposées) furent confiées au même homme. Sachant que Abrams, pour faire renaître la série de Gene Roddenberry, a pompé Star Wars, on peut considérer et craindre que son Episode VII ne soit pas très différent de son Star Trek et de sa suite pas super réjouissante Star Trek - Into Darkness. Pour rappeler la méfiance qu'inspire Abrams en ces lieux, je me contenterais de citer ce que j'avais écrit à son sujet lors de la critique de son précédent film :

"Certes, J.J. Abrams vient lui-aussi [à l'instar de son mentor Spielberg] de la télévision [...]. Mais son embrayage dans le domaine du cinéma est moins jubilatoire et original : la suite d'une série (Mission : Impossible 3), le "reboot" d'une vieille série (Star Trek), le "remake" masqué d'un classique de la S.F. sorti en 1982 (Super 8, vendu comme un projet original alors qu'il repompait intégralement une imagerie popularisée par le studio Amblin tout en la mâtinant d'un peu de Jurassic Park), et maintenant la suite du "reboot" de la vieille série (Star Trek - Into Darkness) avant la suite-"reboot" d'une énième franchise ne lui appartenant pas."

Le bonhomme n'est donc pas le plus imaginatif - ou le moins récycleur/plagieur - des cinéastes et sa personnalité est très peu marquée malgré l'insistance des "Cahiers du Cinéma" à nous le faire passer pour le meilleur "entertainer" dont Hollywood dispose à l'heure actuelle. Néanmoins, si le bougre n'est pas un grand réalisateur, il est un publicitaire hors pair aux méthodes parfaitement rodées. Le point de départ de ses films est toujours alléchant, le tournage est top secret pour intriguer les "geeks" avant de les exciter par quelques photos soit-disant "volées", quelques "teasers" font monter la sauce, on ment sur des points de détail pour faire croire que rien n'a été éventé. L'effet est que les cinéphiles se mettent à élaborer toute une intrigue et une mythologie "parallèles" à celles du film réel qu'ils n'ont pas encore vu (5). Le buzz monte à son paroxysme alors que J.J. fait le tour des conventions de "fanboys" pour leur dévoiler un morceau exclusif de la chose. Après de si longs préliminaires vient l'extase tant attendue avec la projection. Et lors du générique de fin, le spectateur plongé dans un état post-coïtal réalise avec déception que ça ne valait pas tout ce tintamarre. Comme pour confirmer la mauvaise tournure que venait de prendre le projet, Ardnt fut mystérieusement remplacé par Abrams et Lawrence Kasdan - une des nombreuses cautions artistiques visant à satisfaire et à aveugler les puristes. Ce dernier est le scénariste de L'Empire contre-attaque et du Retour du Jedi (ainsi que des Aventuriers de l'Arche Perdu) ; il bénéficie donc d'un certain "background" bien qu'il n'ait rien fait du même niveau depuis trente ans. Et Abrams est loin d'avoir brillé par la tenue de ses précédents scénarii. Simple réécriture ou refonte totale du projet ? On l'ignore mais cela a été suffisamment important pour repousser de six mois la sortie du film (Disney refuse d'accorder un délai supplémentaire). Plus d'un an après, la production derrière l'Episode VII révéla enfin son casting, marquant le "top départ" du tournage et de l'hystérie qui va durer sans discontinuer jusqu'en décembre 2015 :

La photo officielle du casting prise lors d'une lecture faite aux studios Pinewood, Londres, le 29 avril 2014. J.J Abrams y est entouré de (dans le sens des aiguilles d'une montre) Harrison Ford (HAN SOLO), Daisy Ridley, Carrie Fisher (LA PRINCESSE LEIA), Peter Mayhew (CHEWBACCA), le producteur Bryan Burk, Kathleen Kennedy, Domhnall Gleeson (Anna Karenine), Anthony Daniels (C3PO), Mark Hamill (LUKE SKYWALKER), Andy Serkis (Le Seigneur des Anneaux), Oscar Isaac (Inside Llewyn Davis), John Boyega (Attack the Block), Adam Driver (Lincoln) et de Lawrence Kasdan.

La photo officielle du casting prise lors d'une lecture faite aux studios Pinewood, Londres, le 29 avril 2014. J.J Abrams y est entouré de (dans le sens des aiguilles d'une montre) Harrison Ford (HAN SOLO), Daisy Ridley, Carrie Fisher (LA PRINCESSE LEIA), Peter Mayhew (CHEWBACCA), le producteur Bryan Burk, Kathleen Kennedy, Domhnall Gleeson (Anna Karenine), Anthony Daniels (C3PO), Mark Hamill (LUKE SKYWALKER), Andy Serkis (Le Seigneur des Anneaux), Oscar Isaac (Inside Llewyn Davis), John Boyega (Attack the Block), Adam Driver (Lincoln) et de Lawrence Kasdan.

A la liste d'acteurs sus-mentionnés s'ajoutent Max Von Sydow (L'Exorciste), Gwendoline Christie (la série Game of Thrones), l'oscarisée Lupita Nyong'o (12 Years a Slave) et a priori David Oyelowo (Jack Reacher). Si l'on s'en fie à l'âge et à la couleur de peau de ces deux derniers, on peut conclure qu'ils incarneront sûrement la mère et le père du personnage joué par Boyega. Ajoutons aussi qu'il s'agirait de "méchants" - vous voyez venir l'intrigue très originale dans la saga du jeune héros contraint d'affronter ses propres parents ? Parmi les recalés, citons Gary Oldman, Michael Fassbender, Saoirse Ronan (malheureusement), Zac Efron, Benedict Cumberbatch (malheureusement, bis) ou encore Judie Dench. Le casting rassure autant qu'il inquiète. Le bon coté est que ces acteurs sont d'excellents comédiens capables de rendre pleinement justice aux dialogues si particuliers de ce "space opera". Le retour des anciens est risqué, mais il semblerait qu'après un régime draconien Mark Hamill et Carrie Fisher semblent à peu près prêt à rendre justice à la version âgée de leurs personnages.

Néanmoins, attention à l'excès de nostalgie - probablement la plus grande crainte que l'on puisse avoir au sujet d'Abrams qui se complait bien trop souvent à faire des clins d'oeils et à récycler ce qui a été fait auparavant ! De plus, la mise en avant de Harrison Ford au détriment de Hamill (le premier étant beaucoup plus célèbre et son personnage étant beaucoup plus mémorable) indique que Star Wars ne suivra plus vraiment la lignée des Skywalker. Pour ne rien arranger, Ford, dont le rôle dans l'épisode VII a été décrit comme "gigantesque" - nul doute que la star devrait voir son ancien souhait être réalisé à la fin du film, vient de se blesser et est indisponible pendant huit semaines. Et devait-on vraiment reprendre le diminué Mayhew pour Chewbacca ainsi que Kenny Baker pour le droïde R2-D2, à l'heure où l'on peut éviter à un nain de se retrouver enfermer dans un caisson afin de controler le petit droïde, pour plaire à tout prix aux fans intégristes ?

Dans le cas des "nouveaux", on peut être légèrement perplexe. Qui parie qu'Oscar Isaac incarnera une sorte d'antihéros cynique visant à remplacer Han Solo ? Qui parie que le pro de la performance capture Andy Serkis interprêtera une créature alien chargée de se substituer à un Chewbacca grabataire ? Von Sydow jouera-t-il le fantôme d'Obi-wan Kenobi ? Les espoirs de nouveauté - loin d'être garantis - sont donc à placer dans le trio de héros principaux : Boyega (surement le nouveau "Luke"), Ridley (vu sa position sur la photo, probablement la fille de Solo et de Leia, et donc la remplaçante de cette dernière) et vraisemblablement Dominic Gleeson (à moins qu'il ne s'agisse d'Isaac chargé de se substituer à Solo). Abrams osera-t-il s'aventurer dans de nouveaux horizons ? Rien n'est moins sûr quand on se rappelle ses deux Star Trek complètement référenciels. Pour confirmer cette déférence paralysante, John Williams a été engagé pour les trois films au détriment d'un peu de sang neuf (au hasard, le tout indiqué Michael Giacchino). On peut craindre, vu l'âge du géant de la B.O. de films, qu'il ne parvienne pas à finir la trilogie, ce qui pourrait s'avérer dommageable quant à l'homogénéité musicale de l'ensemble. Evidemment, l'adoré Faucon Millenium sera là.

Et depuis quelques semaines, les effets d'annonces se multiplient pour donner aux fans ce qu'ils réclament (cette servitude envers eux sera-t-elle bénéfique au film ? Rien n'est moins sûr). Tournage en 35mm évidemment, localisé à Londres comme lors de la première Guerre des Etoiles, avec le retour d'une partie de l'ancienne équipe technique tandis qu'une part de l'intrigue se déroulera sur Tatooine (à croire qu'il n'y a que cette planète dans la galaxie Star Wars). Une longue série de photos "volées" est apparue dernièrement sur le net. Outre le fait que l'on puisse douter du caractère clandestin de ces images - comme si le tournage d'un film évènementiel était aussi détendu qu'un Club Med ! - celles-ci dévoilent plein de décors, d'accessoires et de bébêtes "en dur" afin de faire croire aux fans qu'il n'y aura pas beaucoup d'effets numériques (vous voulez dire comme lorsqu'on nous l'avait promis durant la production d'Indiana Jones et le crâne de cristal ?). Au passage, l'une d'entre elles prouve déjà qu'il y aurait bien un récyclage des anciens "concept arts" non employés par le film de 1977 (cf. cette sublime image de Ralph McQuarrie). Tout va bien : en 2014, on s'apprête à filmer un long métrage exactement comme en 1977, et tout ça pour votre bon plaisir ! Pendant ce temps-là, une rumeur persistante annonce que le costume de Boba Fett se promènerait sur le plateau - cette résurrection collerait idéalement avec ce supposé "spin-off" qui lui serait dédié.

On le sait, la mode hollwoodienne est à la nostalgie. Qu'il est aisé d'obtenir un succès en titillant la fibre sensible des cinéphiles : les plus vieux voudraient revivre cet émerveillement de leur jeunesse tandis que les plus jeunes souhaitent avoir l'opportunité de voir ces classiques - ou un "ersatz" - sur un grand écran et non plus en DVD. Néanmoins, combien de ces retours opportunistes n'ont pas été de véritables gueules de bois ? La leçon que nous ont donné Indiana Jones 4, Prometheus, Die Hard 4, Predators, les "remakes" de Total Recall, Robocop, The Thing, etc,... ne nous ont rien appris ? Cela est voué à l'échec car un film est TOUJOURS représentatif de son époque. Et la nôtre n'est pas assez courageuse pour inventer ses propres mythologies. Alors on pille (et non "s'inspire") d'anciennes oeuvres en croyant qu'il suffit de quelques clins d'oeils malicieux envers leurs éléments les plus caractéristiques pour que cela suffise à obtenir la même "essence". Combien de temps faudra-t-il encore pour que les cinéphiles comprennent que la nostalgie est un dangereux leurre commercial - car ce n'est évidemment pas par "nostalgie" que Disney a lancé une troisième trilogie Star Wars ?

Si on peut laisser le bénéfice du doute à Abrams qui peut nous réserver un sursaut en se retrouvant à la tête de son oeuvre préférée - si un bon réalisateur peut faire un mauvais film, pourquoi un cinéaste quelconque ne pourrait pas avoir un éclair de génie (Jason Reitman et Doug Liman nous l'ont prouvé avec leurs derniers films) ? - il est quand même difficile de jouer les impatients devant cette production aux airs de déjà-vu qui seront sans nul doute confirmés lors de la diffusion des premières photos officielles, des trente "trailers" et des cinquantes posters qui seront tous décortiqués plus que de raison. Si on a le droit d'attendre ce Star Wars VII, peut-on quand même s'avouer méfiant devant autant de bonnes intentions qui ne peuvent être complètement honnêtes ? Peut-on être un peu agacé par le fait que l'on nous concocte une soupe à laquelle on a déjà gouté ? Peut-on enfin surtout dire qu'un Star Wars devrait être infiniment plus qu'un divertissement "fun", que l'on consomme et que l'on oublie aussitôt à l'instar de Star Trek : Into Darkness ? Ou qu'un hommage déférent et frileux car paralysé par le gigantisme de ce qu'il admire ? Et que tout ce que l'on nous a annoncé jusqu'à présent tend pour l'instant à confirmer ces deux approches ? C'est vraiment cela que tout cinéphile qui a grandi avec les oeuvres de Lucas et de Spielberg se doit d'attendre avec impatience ? Doit-on se réjouir qu'en termes de grandes aventures spectaculaires au cinéma, on ne nous offrira jusqu'en 2020 rien d'autre que du (non)super-héros Marvel/D.C. et du Star Wars réchauffé ? Pendant ce temps, personne ne parle de Tomorrowland de Bird, tout comme personne ne s'était vraiment intéressé à la production de Edge of Tomorrow, d'Avatar et de Gravity. Et alors qu'un abject Iron Man 3 et qu'un pathétique World War Z cartonnent, seule une minorité défend un Pacific Rim, John Carter ou un Lone Ranger. Combien de Terminator Génésis et Jurassic World faudra-t-il pour que l'on se décide à convaincre - nous, spectateur - les producteurs de lâcher ces sublimes licences "d'un autre temps" pour inventer celles d'aujourd'hui ?

 

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(1) Ignacio Ramonet, "La Guerre des étoiles ou l'Amérique réconciliée avec sa technologie", Libération, n°1157, paru le 19 octobre 1977, (p.14)

(2) L'article de Rafik Djoumi, intitulé "Lucasfilm et Disney : la chute de la République" et publié sur le site "Capture Mag" le 5 novembre 2012, revient en détail sur la terrible symbolique et les immenses implications de cet accord.

(3) L'article "Le rachat de LucasFilm par Disney" publié sur le site "Starwars Universe" lors du dossier "STAR WARS VII - EN ATTENDANT LE RETOUR". Celui-ci revient précisément sur les détails de la transaction et les ambitions affichées par les deux partis.

(4) A peine 48h après la publication de mon article, Disney/Lucasfilm annonçait que l'excellent Rian Johnson (quelques-uns des meilleurs épisodes de Breaking Bad, Looper) écrira et réalisera l'épisode VIII, tout en fournissant un traitement détaillé pour l'épisode IX. Comme quoi, alors que je mettais en doute la démarche et les choix du studio Mickey, ce dernier se charge de me remettre à ma place.

(5) On peut prendre comme exemple la manière avec laquelle Abrams s'est échiné à masquer l'identité du méchant de Star Trek - Into Darkness interprété par Benedict Cumberbatch et qui avait été éventé des mois à l'avance par des "geeks" qui, réalisant lors de la sortie du film qu'ils avaient raison, exprimèrent un réel mécontentement envers le réalisateur qui avait persisté à leur mentir pour quelque chose d'absolument évident. Conscient de son goût exagéré pour le mystère à tout prix, Abrams en plaisanta même à dessein dans le cadre de la promo lors d'une émission de Conan O'Brien. Inutile de préciser qu'il s'est exactement passé ce que O'Brien et Abrams "moquent".

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