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7 novembre 2010 7 07 /11 /novembre /2010 11:12

                                                

 - Film hispano-mexicain sorti le 20 octobre 2010

 - Réalisé par Alejandro González Inarritu

 - Avec Javier Bardem, Maricel Alvarez, Eduard Fernández,…

 - Drame

            C'est l'histoire d'un homme en chute libre. Sensible aux esprits, Uxbal, père de deux enfants, sent que la mort rôde. Confronté à un quotidien corrompu et à un destin contraire, il se bat pour pardonner, pour aimer, pour toujours...

Javier Bardem. ARP SélectionMaricel Álvarez. ARP Sélection

            Après un passage peu remarqué à Cannes, mais où il a quand même réussi à empocher un prix d'interprétation masculine mérité pour Javier Bardem, Biutiful sort enfin sur nos écrans. Inarritu est probablement le moins bon élève du trio mexicain qu'il forme avec Guillermo del Toro et Alfonso Cuaron, et notamment par le côté un peu roublard des histoires chorales de son scénariste favori, Guillermo Arriaga, qui abusait de l'astuce du « tout est lié » dans ses trois précédents long-métrages. Mais Biutiful marque probablement un tournant pour le cinéaste car il a cette fois écrit le scénario tout seul et a ainsi focalisé la trame sur un seul homme.  

            Changement de structure donc, bien loin du film choral avec trop de personnages qui seraient miraculeusement tous reliés ; la crédibilité de ces coïncidences étant la principale faiblesse de ce type de film comme le Collision de Paul Haggis. Le nombre des personnages secondaire est vraiment resserré, se limitant surtout à la famille proche du héros, un couple d'immigrés et deux homosexuels chinois avec qui le personnage incarné par Bardem travaille ; l'homosexualité de ces derniers étant plutôt la caution « auteurisante » largement dispensable du film puisqu'elle n'a aucune conséquence sur l'histoire. On en arrive au défaut majeur du dernier long-métrage d'Inarritu : l'excès de misérabilisme. A force de vouloir aborder tout un tas de sujet tabous comme l'homosexualité, l'immigration illégale, la maladie, la précarité ou l'addiction, Inarritu noie à certains moments son film dans ce « trop » (de thématiques,  de misére, d'évènements...). A force de vouloir faire un film trop riche, Inarritu étouffe parfois son film et particulièrement le parcours « spirituel » du héros auquel il aurait mieux fait de coller. 

            Hormis cet aspect du long-métrage, qui peut rebuter le spectateur qui pourra s'agacer d'un film trop larmoyant voire qui se complait un peu trop dans le sordide, Biutiful demeure avant tout le portrait d'un homme qui se retrouve face à sa mort imminente après le diagnostic d'une maladie mortelle et qui décide de mettre de l'ordre dans sa vie avant qu'elle ne s'achève. Le schéma est certes classique mais demeure toujours émouvant. Pour une raison particulièrement : le charisme et la justesse de son acteur principal. Javier Bardem est une masse impressionnante, séduisante, magnifique qui a déjà accompli des prestations assez marquantes comme dans Mar Adentro d'Alejandro Amenabar, No Country for Old Men des frères Coen pour lequel il a eu un oscar ou encore Collateral où il était captivant alors qu'il n'avait qu'une seule séquence.  

            Là où Inarritu pourra céder à une certaine forme de lourdeur dans quelques séquences, notamment lors des scènes en rapport au sort des immigrés clandestins cachés par les deux chinois, Javier Bardem sauve constamment le film de ce danger en refusant de céder à la facilité et en favorisant continuellement la sobriété qui le caractérise. Là où certaines scènes auraient pu, par leur gravité, être insupportables, Bardem arrive à les rendre constamment belles et terriblement émouvantes. C'est par son jeu et son regard que le spectateur s'attache à ce personnage, malgré tout ses défauts et les horreurs qui l'entourent et qu'il vit. Pour le coup, on assiste à un de ces cas assez rares où c'est le casting très judicieux qui permet la réussite du film. Non pas qu'Inarritu soit un mauvais metteur en scène. Son film regorge d'ailleurs de séquences brillantes, notamment dans la seconde moitié du long-métrage : celle du « night-club » qui débute par un beau plan-séquence et qui confirme après The Social Network de Fincher que ce type de lieu inspire beaucoup les cinéastes ; celle où le héros observe un vol d'oiseaux ; une poursuite haletante entre des immigrés et des policiers ; les dix dernières minutes, véritable apogée émotionnelle vers lequel le long-métrage d'Inarritu tendait depuis le début.    

            Mais sans Javier Bardem, Biutiful ne serait qu'un film correct avec quelques très belles fulgurances. Et même si Inarritu aurait dû resserrer encore davantage son récit, ce qui aurait été bénéfique pour lui du point de vue de sa trop longue durée, Biutiful nous propose surtout le très beau parcours spirituel d'un homme. Un parcours presque messianique puisque le héros a une forme de don qui lui permet de voir les esprits et les âmes en peine (touche de fantastique qui peut sembler superflu mais qui donne un charme et une certaine identité au film), qu'il devient peu à peu un « martyr » au fur et à mesure qu'il est rongé par sa maladie et qu'il tente de sauver et de protéger ceux qui l'entourent et qui ont été blessé par lui. Biutiful est l'histoire évidemment universelle et touchante d'un homme qui doit affronter sa propre mort, clairement la plus grande peur qui nous habite. Un homme qui se remet donc en question et qui cherche sa place au sein de sa famille (rapports conflictuels avec une femme autodestructrice qu'il aime mais qui n'arrive pas à se contrôler ; la peur d'assumer son rôle de père surtout lorsque son enfance a été marqué par l'absence de modèle paternel ;...). De nombreuses thématiques qui font forcément écho et qui nous touche d'une façon ou d'une autre. 

            Biutiful est donc un film poignant sur la volonté d'un homme à accepter son destin et à aider ceux des autres avant qu'il ne quitte ce monde. Un film qui montre de façon juste la crainte de tout homme de ne rien laisser dans ce monde après sa mort. Un film avec de nombreuses péripéties sombres, glauques, déprimantes et qui livre une vision inédite de Barcelone, bien différente de celle, assez clichée, du très fade Vicky Cristina Barcelona dans lequel on retrouvait Bardem. Mais malgré cela, Biutiful se révèle être en fin de compte un très beau film optimiste sur la beauté de la vie, des choses simples et sur l'importance de l'amour pour chaque être humain. 

* * * * *  

Javier Bardem. ARP SélectionJavier Bardem. ARP Sélection

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