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8 février 2012 3 08 /02 /février /2012 14:50

Titre original : Sherlock Holmes - A Game of Shadows

Film américain sorti le 25 janvier 2012

Réalisé par Guy Ritchie

Avec Robert Downey Jr., Jude Law, Noomi Rapace,…

Aventure, Action, Policier

Sherlock Holmes a toujours été réputé pour être l'homme à l'esprit le plus affûté de son époque. Jusqu'au jour où le redoutable professeur James Moriarty, criminel d'une puissance intellectuelle comparable à celle du célèbre détective, fait son entrée en scène. Il a même sans doute un net avantage sur Holmes car il met non seulement son intelligence au service de noirs desseins, mais il est totalement dépourvu de sens moral. Partout dans le monde, la presse s'enflamme : on apprend ainsi qu'en Inde un magnat du coton est ruiné par un scandale, ou qu'en Chine un trafiquant d'opium est décédé, en apparence, d'une overdose, ou encore que des attentats se sont produits à Strasbourg et à Vienne et qu'aux Etats-Unis, un baron de l'acier vient de mourir. Personne ne voit le lien entre ces événements qui semblent sans rapport, hormis le grand Sherlock Holmes qui y discerne la même volonté maléfique de semer la mort et la destruction. Et ces crimes portent tous la marque du sinistre Moriarty. Tandis que leur enquête les mène en France, en Allemagne et en Suisse, Holmes et Watson prennent de plus en plus de risques. Mais Moriarty a systématiquement un coup d'avance et semble tout près d'atteindre son objectif. S'il y parvient, non seulement sa fortune et son pouvoir seront sans limite, mais le cours de l'Histoire pourrait bien en être changé à jamais…

      

S’il y a un personnage qui a connu une magnifique vie après la mort de son auteur, c’est bien le très célèbre détective Sherlock Holmes. Crée par Arthur Conan Doyle en 1887 et apparaissant dans quatre romans et cinquante six nouvelles, il a ensuite été repris un nombre incommensurable de fois dans diverses adaptations audiovisuelles, que ce soit au cinéma ou à la télévision. L’une des plus fameuses reste Le Chien des Baskerville de Terrence Fisher, lui-même adapté de l’une des plus célèbres enquêtes inventées Conan Doyle. Il y a deux ans le réalisateur britannique Guy Ritchie, presque plus connu pour être l’ex de Madonna que pour ses œuvres cinématographiques s’apparentant souvent à de pauvres plagiats des films de Tarantino, entendait dépoussiérer l’icone comme le souhaitait la mode, toujours actuelle, du reboot de toutes les franchises avec plus mais surtout moins de succès.

Le résultat était déconcertant. Se voulant plus proche de l’original en ne gardant du personnage que sont côté excentrique et asocial, bien présent dans les livres mais qui ne constituait pas que ça du personnage, le Sherlock Holmes de Robert Downey Jr. cassait effectivement l’image cliché que l’on se faisait du détective londonien. Mais dans la réalité, Ritchie y ajoutait une couche excessive de scènes d’action grandiloquentes qui ne collait en rien à l’esprit des romans. En fait, ce n’était pas tant un retour aux origines que faisait le cinéaste anglais qu’un remodelage du personnage et de l’univers crée par Conan Doyle pour mieux l’insérer dans le moule du blockbuster contemporain : scénario rachitique, bancal et inutilement compliqué ; omniprésence de CGI ; acteur star qui cabotine et phagocyte l’écran au détriment de la narration et des autres personnages,… La référence qui venait immédiatement à l’esprit, surtout vu le duo outrancier et opposé qui faisait office de héros, était Pirates des Caraïbes, Downey Jr. reprenant le rôle de Depp.

« Elémentaire, cher docteur Watson »

Si le premier se révélait somme toute suffisamment décérébré et inconscient pour être assez jubilatoire, le second pâtit de l’absence d’effet de surprise. La copie est en quelques sortes identique, puisque les mêmes éléments sont repris avec l’unique objectif de les amener encore plus loin. Downey grimace comme jamais, risquant au passage de flinguer une seconde fois sa carrière. Ritchie abuse encore plus de ralentis poseurs et inutiles, met en scène des scènes dont la démence et le mauvais goût les rapprochent de celles filmées par un Michael Bay, utilise un humour encore plus douteux et inefficace tout en essayant de rendre cohérent un scénario qui part dans tous les sens et qui utilise des artifices grossiers pour faire semblant de coller les morceaux,… En gros, Sherlock Holmes 2 s’apparente à un Pirates des Caraïbes 3 qui n’aurait même pas eu l’élémentaire politesse de passer par l’étape une et deux. Au moins ne dure-t-il pas près de deux heures quarante.

Le personnage de Sherlock Holmes ne ressemble plus en rien à ce que l’on connaissait du détective. Au mieux, il ne dispose plus que d’un don d’ubiquité qui lui permet d’anticiper les actions de ses adversaires (à 90% il s’agit de prises de combat) et utilise de temps à autres sa capacité à déceler des détails qui échappent à tous. En gros, Ritchie reprend à outrance les quelques idées de montage qu’il avait employé auparavant ; bien que l’on ait parfois l’impression d’assister à une parodie puisque certains enchainements et zooms ressemblent furieusement aux hilarantes transitions du Shaun of the Dead d’Edgar Wright. Son intelligence se limite ainsi à cela, pendant qu’il échafaude des plans dont la structure, complexifiée à l’extrême, ne semble devoir leur fonctionnement qu’au plus grand des hasards tant il semble incohérent que cet agencement d’actions impossibles puisse avoir sérieusement été prémédité. Downey surligne le tout avec un surjeu hystérique, épuisant et vain, tout en le ponctuant de  gags rarement efficaces et en sortant de sa poche quelques gadgets sagrenus comme une potion qui refait vivre et une cape d'invisibilité qu'il a dû voler à Harry Potter.

Néanmoins la dynamique du couple Holmes/Watson arrive encore à fonctionner, surtout grâce à la sobriété de Jude Law qui agit en un parfait contrepoint. Cet antagonisme alimente encore une fois l’idée d’un couple qui, poussée à l’extrême comme la logique du second opus le veut, finit par sous-entendre très subtilement l’existence d’une possible relation homosexuelle entre les deux partenaires. Par subtilement on entend donc le travestissement de Holmes en femme ou encore les querelles de ce dernier avec sa rivale, la toute récente Madame Watson. Leur enquête permet donc la résolution de ce terrible dilemme : oui, le terrain manque à Watson. Et oui, il ne peut s’empêcher d’éprouver une forme de jubilation chaque fois qu’il se lance sur une enquête avec le si dynamique, stimulant et imprévisible Sherlock Holmes. Mais ce Holmes rejoint la Lisbeth Salander du Millenium de David Fincher : un être insocial avide de se sociabiliser, qui se retrouve perdu lorsque son plus proche ami part tout seul dans sa nouvelle aventure personnelle. Un être d'autant plus seul que l'autre personnage susceptible de lui permettre d'entretenir un "relation" disparait de sa vie dès l'introduction. Holmes est alors perdu au milieu de ce Londres, puis de cette Europe, industrielle et en pleine effervescence. 

Le « Napoléon du crime »

Ce second opus tente aussi d’insérer l’un des personnages les plus importants et aimés de la mythologie « Holmes » malgré le fait qu’il n’apparaisse que dans deux des nouvelles (c’est dire l’impact qu’il a eu sur les lecteurs). Il s’agit évidemment de la némésis du détective britannique, incarné en la personne du professeur James Moriarty. Ange du mal doté d’une intelligence maléfique lui permettant de rivaliser avec l’un des plus ingénieux esprits de son époque, il conçoit des plans en tout point diabolique et complexe qui se déroule avec la précision d’une horloge. Même lorsque l’on croit qu’un détail du plan de Moriarty a échoué, on s’aperçoit que ce dernier avait en fait anticipé cet échec. Impossible donc de voir quand il perd la main, et pendant une bonne partie du long-métrage il ne la perd tout simplement jamais.

Par son côté vengeur, calculateur et dénué d’empathie, ce Moriarty rappelle le personnage ignoble composé par un Philip Seymour Hoffman charismatique dans le Mission Impossible 3 de J.J. Abrams. L’unique grande idée du film est de sous-entendre que ce génie du mal serait inventeur de la guerre industrielle qui frappera quelques années plus tard l’Europe. Moriarty apparait alors comme une araignée dans l’ombre, reliant par sa toile les différents nationalismes et extrémismes pour que les actions des uns en enchainent d’autres chez les seconds. Un enchainement mécanique d’actions apparemment dénuées de liens mais qui profite en fait à la lente mais inéluctable chute de l’Occident dans le chaos.

L’acteur peu connu du grand public, Jared Harris, avait ainsi la lourde tache de succéder à Brad Pitt ou encore Daniel Day Lewis qui avaient un temps été pressentis. C’est clairement lui qui tire le film vers le haut, notamment lors des dix dernières minutes du long-métrage qui voient la confrontation finale lors d’une partie d’échec (symbole facile de deux cerveaux qui s’affrontent, idée maintes fois reprises dont dernièrement, et de manière plus subtile, dans le X-Men - Le commencement de Matthew Vaughn). Pour représenter ces deux esprits en train de se calculer et s’apprêtant à se mettre hors jeu, Ritchie les montre tentant d’anticiper le prochain mouvement de leur adversaire avant de renchérir de nouveau comme s’ils se lisaient dans leurs pensées. Malheureusement cette idée ne va jamais plus loin qu’une simple partie de télépathie. Mais cette scène finale reste assez forte puisqu’elle emprunte à la fin de la célèbre nouvelle « Le Dernier Problème » qui devait voir la mort de Sherlock Holmes lors d’un « duel » avec Moriarty au bord d’une cascade.

La plaie du détail 

Les personnages secondaires n’ont par contre pas le droit au même traitement de faveur. Rachel McAdams est expédiée par une surprise audacieuse dès la dixième minute du long-métrage.  Le frère de Sherlock, Mycroft Holmes, incarné par Stephen Fry, est limité à montrer son attrait pour le nudisme qui donne lieu à une séquence toute sauf hilarante. La voyante gitane incarnée par Noomi Rapace n’est qu’un rôle de faire-valoir féminin ; espérons que son personnage dans Prometheus de Ridley Scott ne sera pas aussi lisse. Quand à Thierry Neuvic, il n’a bien droit qu’à apparaitre dans une pauvre petite scène perdue au milieu du long-métrage.

Le film pâtit enfin d’une direction artistique assez fade. On pense souvent à l’atroce Sweeney Todd de Tim Burton avec ces CGI mal finalisés et ses « matte painting » numériques. Seule une poignée de plans d’ensemble parvient à instaurer une ambiance particulière et à donner un peu d’ampleur à ce blockbuster tourné en majorité dans une rue de studio. La photographie de Philippe Rousselot est particulièrement hideuse puisque complètement terne ; à croire qu’une loi interdit aux films, et particulièrement au blockbuster d’utiliser de la couleur. Aucune scène d’action ne se démarque, bien que la longue séquence du train soit assez jubilatoire sur le moment. Celle, ignominieuse, de la fuite en forêt bombardée enfonce par contre le clou puisqu’on n’avait pas vu aussi laid, frimeur et aussi peu immersif depuis le Sucker Punch de Zack Snyder. Hans Zimmer est quand à lui en mode automatique, replaçant toute les dix minutes le thème musical entrainant qu’il avait élaboré il y a deux ans. On peut néanmoins être agréablement surpris quant à la violence assez inhabituelle pour un film « PG-13 », notamment lors d’une scène de crochet assez inattendue dans ce type de film grand public (cette très sombre séquence doit beaucoup à Jared Harris). A croire qu’avec Mission Impossible 4, lui aussi étonnamment explicite à certains niveaux, les studios ont décidé de lâcher du lest quant à leur habituel politiquement correct qui aseptise les grosses productions.

Mais Sherlock Holmes 2 n’est pas vraiment une mauvaise surprise. La campagne promotionnelle ne mentait pas sur le contenu du long-métrage : une copie identique du précédant et particulièrement de ses défauts. Si le premier épisode pouvait passer pour sympathique avec son côté irresponsable et idiot, le second n’arrive qu’à consterner et à agacer par sa paresse, Ritchie ne faisant que recopier une recette qu’il a parfaitement su établir. Et voilà une nouvelle franchise hollywoodienne qui pourrait bien truster les écrans au cours des années à venir. Mais une franchise qui est déjà complètement à bout de course dès son deuxième opus. Pas sur qu’il soit judicieux de continuer d’animer désespérément ce cadavre désincarné du détective privé de Baker Street pour un troisième épisode, qu’un judicieux plan final laisse intelligemment (mais malheureusement) supposer. Dans tous les cas, il est vivement conseillé de se tourner plutôt vers l’excellente série « Sherlock Holmes », brillante relecture moderne scénarisée entre autres par l’excellent Steven Moffat et réunissant un duo de choc avec Benedict Cumberbatch et Martin Freeman.

NOTE : 3 / 10

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