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18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 08:59

Film américain sorti le 12 juin 2013

Réalisé par Sofia Coppola

Avec Katie Chang, Emma Watson, Israel Broussard,…

Drame

A Los Angeles, un groupe d’adolescents fascinés par le people et l’univers des marques traque via Internet l’agenda des célébrités pour cambrioler leurs résidences. Ils subtiliseront pour plus de trois millions de dollars d’objets de luxe : bijoux, vêtements, chaussures,… Parmi leurs victimes, on trouve Paris Hilton, Orlando Bloom et Rachel Bilson. Les médias ont surnommé ce gang, le « Bling Ring ».

La fille de l’illustre réalisateur Francis Ford Coppola (Le Parrain, Apocalypse Now et plusieurs autres chefs d’œuvre) est une cinéaste controversée. Pour les uns c’est une femme de talent ; pour les autres ce n’est qu’une fille à papa dont les films sont financés par cette boite de production familiale qu’est devenu American Zoetrope. Est-ce une excellente observatrice du malaise adolescent ou bien une usurpatrice « fashion » aux ficelles de mise en scène dignes d’une publicité ? Une passionnée du vide existentiel ou une artiste qui brasse du vent ? Les camps sont très retranchés et le dernier long métrage de Sofia Coppola amenait plutôt les seconds à se conforter dans leur position. Somewhere commençait à révéler une redite particulièrement redondante à l’intérieur de sa filmographie. Encore une histoire d’un membre de la « jet-set » qui devient mélancolique en réalisant enfin le vide de sa vie basée sur le paraitre ! Mélangeant intrinsèquement propos et forme, Somewhere était un film barbant où le spectateur finissait par être aussi agacé que ce personnage principal qu’il regardait s’ennuyer copieusement. Sofia Coppola employait-elle finalement ces thématiques du désœuvrement inactif et de la vacuité afin de masquer qu’elle n’avait en fait jamais rien eu à dire ?

Son nouveau film ne rassurait pas spécialement quant à un virage dans sa carrière. Le film fut même accueilli très froidement au Certain Regard du dernier Festival de Cannes où il faisait l’ouverture. Sofia Coppola avait eu sa période. Si elle a jusque-là toujours été accueillie avec le plus grand soin par des critiques ébahis et en adoration face à son illustre ascendance, Sofia Coppola doit dorénavant compter sur elle-même pour imposer ses films à un public international. La presse s’est lassée et s’agace devant cette artiste qui creuse un sillon pouvant déplaire mais qui n’en reste pas moins éminemment personnel. Au commencement de The Bling Ring, il y a une histoire « vraie » comme dans 90% des longs métrages américains actuels. Le titre du film vient du surnom d’un gang d’adolescents huppés et cambrioleurs à Los Angeles. Ces derniers s’étaient spécialisés dans la violation de domicile et le vol de bijoux et de vêtements appartenant aux stars qui les fascinaient. Un beau sujet en soit mais qui ressasse encore une fois quelques thèmes déjà omniprésents chez la fille Coppola : mal-être, fascination pour la mode et le clinquant des paillettes, l’univers du « show business » dans lequel elle a grandi, les pulsions autodestructrices chez les adolescents,…

Rien de bien neuf sous le soleil. Pourtant, on ne peut être que surpris par la qualité du long métrage final quand on le rapproche à son accueil glacial par les journalistes du monde entier. The Bling Ring a une apparence bien plus agréable et divertissante que Somewhere. On pourra lui reprocher sa facticité affichée, mais il est plus facile de suivre un film ayant des oripeaux tocs parce qu’il se focalise sur ce mirage qu’est le paraitre en public, devenu une règle sociale inaltérable au sein des jeunes générations, qu’un long métrage ennuyeux sur l’ennui. Certes, le principe de mêler intrinsèquement propos et esthétique est sensiblement le même que dans Somewhere, mais The Bling Ring dispose évidemment d’atouts (trompeurs) bien plus séducteurs. Une fois encore, le spectateur entre dans la peau des personnages principaux. Mais il n’est plus inactif et mis à distance d’un point de vue émotionnel comme il pouvait l’être dans Somewhere avec son héros inexpressif aux yeux de chiens battus. Le spectateur est attiré par l’éclat factice que lui renvoie le film de Coppola, au même titre que les membres du « Bling Ring » sont séduits par l’éclat de ces starlettes pour lesquelles ils ont une véritable admiration. Une admiration qui finira par virer à l’idolâtrie obsessionnelle voire au dédoublement de personnalité.

Car, dans le film de Coppola, les voleurs dérobent moins ces objets précieux pour les revendre que pour les porter afin de s’identifier à ces icones foulant les nombreux tapis rouge de la Cité des Anges. On vole pour « paraitre comme » à défaut d’« être ». Et petit à petit, cet objet clinquant qu’est le long métrage de Coppola finit par dévoiler, à l’aide de petites touches, sa réelle nature infiniment plus déprimante et angoissée. Il se délite lorsque les jeunes héros découvrent le terrible et inévitable contrecoup de leurs actions apparemment futiles et sans réelle conséquence pour ces dérobés ayant quarante robes différentes. Après tout, une ou deux de moins, cela fait-il vraiment une grande différence pour eux ? La réalité, notamment juridique, vient rattraper ces adolescents qui vivent dans une bulle médiatique et virtuelle dans laquelle ils ont sciemment emprisonné toute leur existence. Puisqu’aucun photographe ne veut les prendre en photo, à l’inverse d’une Paris Hilton ou d’une Lindsay Lohan, ce sont eux-mêmes qui se mettent en scène devant leurs webcams et qui se tirent le portrait à tout bout de champ. La nouvelle génération est une génération obnubilée par l’image sous toutes ses formes : reflets de miroir, écrans d’appareils photos numériques, webcams,… On se regarde dans un geste nombriliste devenu la norme.

On se regarde aussi car l’on est regardé. Dans une société basée sur le principe de « l’apparence », aller dans le même club que Paris Hilton n’est plus suffisant. Il faut, à défaut d’être totalement Paris Hilton, en devenir un ersatz, un égal, une nouvelle jeune star dont la combustion sera aussi lumineuse qu’éphémère. Il faut attirer les médias pour que l’on puisse se montrer et se mettre en scène, non plus devant son propre ordinateur mais devant ceux de tous les autres. On imite les excès de ces idoles que l’on prend comme modèles et l’on s’en vante comme si cela nous en avait rapproché. On porte leurs robes et leurs colliers afin de leur ressembler et de savoir ce que cela fait d’être comme elles. On entre dans leurs maisons comme si c’étaient les nôtres. On parcourt les pièces dans lesquelles elles vivent comme s’ils s’agissaient de musées « fashion » ou de sacrosaints lieux ayant vu l’éclosion de célébrités temporaires, inaccessibles et messianiques. On touche les bijoux comme s’ils étaient des reliques et on admire les salles comme si ces villas sur la colline d’Hollywood constituaient le dernier « update » des temples religieux. C’est moins à des cambriolages que se livre le « Bling Ring » qu’à un culte de la personnalité.

C’est au fond moins le délit qui est effrayant que ce qu’il implique chez ceux qui le commettent. The Bling Ring est le second film de cette année 2013, avec le Spring Breakers de Harmony Korine, à faire un état des lieux plus que préoccupant de la jeunesse actuelle. Malgré le milieu social très aisé dans lequel naviguent ses jeunes héros, The Bling Ring a un propos malheureusement bien plus universel qu’on pourrait le croire. Il existe encore beaucoup de jeunes filles en manque de repères qui se jettent éperdument sur la première starlette venue afin de ne faire plus qu’une avec elle et d’oublier une existence médiocre dont les perspectives d’avenirs se ternissent à mesure que le monde occidental plonge dans une crise économique sans précédent. Non sans un certain humour, Sofia Coppola fait une belle démonstration des dangers que peuvent entrainer les dérives de ces réseaux sociaux que certains jeunes confondent parfois avec la vraie vie. Aujourd’hui, il est moins important et satisfaisant de participer à une fête que montrer qu’on y était à ses amis via un Facebook archivant le moindre faux pas pour mieux le ressortir au moment (in)opportun. Un constat que faisait déjà, de manière bien plus brillante certes, ce chef d’œuvre de David Fincher qu’était The Social Network ; long métrage qui reste encore aujourd’hui le plus grand film américain sorti depuis octobre 2010.

Il y a donc une vraie cruauté qui ressort à la fin du dernier long métrage de Sofia Coppola. Il y a aussi un cynisme assez évident, notamment lorsqu’il montre les jeunes accusés adoptant une langue de bois rhétorique que n’aurait pas renié une Lindsay Lohan ou une Paris Hilton accompagnées de leurs cinq avocats-agents. Les voilà qui ressortent de beaux discours sur la leçon qu’ils ont prise et sur la manière, forcément humanitaire, dont ils vont essayer d’en (faire) tirer profit. Le « Bling Ring » et les médias ont finalement définitivement fait corps. La parole et les actes ne passent plus que par des interviews cadrées et des invitations télévisées. Désormais, ils ne sont plus simples spectateurs de leurs idoles. Ils sont les futures idoles. Leurs vies ne se résument plus qu’à une chaine TV ou à un site Internet. La mutation est achevée. Mais à quel prix finalement ? The Bling Ring est un Scarface féminin à la sauce 2010s (il y a un personnage masculin dans le gang mais il est clairement efféminé). Le « Bling Ring » ne fait qu’accomplir ce bon vieil « American Dream » tel qu’il est vendu actuellement au monde entier. Peu importe les moyens pour y parvenir et les conséquences que cela aura sur les principaux concernés et leurs entourages. C’est en osant aller dans cette direction que le long métrage de Coppola se révèle bien plus dérangeant que ce que sa fausse allure publicitaire ne laissait présager. Un peu à la manière d’un Paul Verhoeven, mais de façon moins radicale, lorsque celui-ci usait dans ShowGirls d’une esthétique outrancière, grossière et putassière pour enrober son pamphlet féministe se déroulant dans un Las-Vegas à la décadence toute babylonienne.

Comme le grand film subversif du Hollandais Violent, le dernier long métrage de Sofia Coppola a été pris au premier degré. Les critiques ont regardé The Bling Ring comme un objet « chic » aussi nécessaire qu’un sac Vuitton ultra-cher. Or il y a un sous-texte infiniment plus trouble et glauque qui est larvé derrière ces jolies images. Et à la différence d’un Harmony Korine qui montrait une préférence pour le comportement et le choix de la très prude Faith (« Foi », incarné par Selena Gomez), en opposition au chemin tragique à l’aboutissement fumeux de ses camarades plus pécheresses, Sofia Coppola se refuse à juger ses personnages qu’elle place sur un pied d’égalité. Y compris Emma Watson qui, contrairement à ce que la promotion uniquement axée sur elle tente de faire croire, n’est pas le personnage principal du film. Le casting est des plus convaincants, d’autant plus qu’il est boosté par le contre-emploi judicieux de l’actrice ayant incarnée Hermione Granger au cinéma dans la saga Harry Potter. Cette dernière est une icône pour adolescent(e)s comme le furent les victimes du « Bling Ring ». Avec ce rôle, et non sans ironie, Emma Watson passe de l’autre côté du miroir et offre un joli pied-de-nez à sa horde de fans. De statut de célèbre icône glamour, elle passe le temps d’un film à celui d’admiratrice obsédée par la renommée et les flashs. Et la jeune actrice fait preuve d’un sens de l’autodérision et de l’« acting » qui confirme les propos élogieux qu’Alfonso Cuaron avait tenu envers elle lors du tournage du ténébreux et fascinant Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban.

NOTE : 7.5 / 10

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