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22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 20:31

Film américain sorti le 5 juin 2013

Réalisé par Ariel Vromen

Avec Michael Shannon, Winona Ryder, Chris Evans,…

Thriller

Voici l’histoire de Richard Kuklinski, surnommé « The Iceman », un tueur à gages qui fut condamné pour une centaine de meurtres commanditées par différentes organisations criminelles new-yorkaises. Menant une double vie pendant plus de vingt ans, ce pur modèle du rêve américain vivait auprès de sa superbe femme Deborah Pellicotti, et de leurs enfants, tout en étant secrètement un redoutable tueur professionnel. Lorsqu’il fut finalement arrêté par les fédéraux en 1986, ni sa femme, ni ses filles, ni ses proches ne s’étaient douté un seul instant qu’il était un assassin. Pourquoi l’est-il devenu, et comment a-t-il réussi à continuer pendant si longtemps ?

Par bien des aspects, The Iceman flirte sur la nostalgie qu’engendrent plusieurs types de longs métrages. Il y a d’abord le polar, genre typiquement américain qui revient périodiquement sur les écrans étasuniens. La recette change souvent de forme, mais rarement de fond. Le succès est généralement au rendez-vous lorsque la dose de drames, de violences, de pourris et de décors urbains est impeccablement équilibrée. A cela se greffe un autre genre très américain qui est le film de gangster. Popularisé par les romans noirs et l’âge d’or hollywoodien lors des années 1920-30, il fut ensuite remit aux gouts du jour de manière cyclique au cours des années 1950, du début des années 1970 avec Coppola et Scorsese (respectivement Le Parrain et Mean Streets) ou encore pendant les années 1990, toujours avec le maître du genre Scorsese mais aussi Michael Mann (Heat) ainsi que les jeunots Quentin Tarantino et James Gray avec son ténébreux The Yards. Autant dire que The Iceman s’inscrit déjà dans une très longue lignée de films dans laquelle il demeure très difficile de se démarquer dans cette abondance de produits tentant de surfer, au choix, sur le glamour suranné et vénéneux des « fifties » ou sur la crudité plus crade et kitsch des « seventies ». Et ce, même s’il est souvent facile de tirer une œuvre divertissante en respectant les codes du genre

The Iceman serait plus dans la veine de la seconde mode avec une photographie sombre frôlant parfois volontaire cette esthétique granuleuse que l’on attribue aux films de cette période (cf. Argo de Ben Affleck qui s’insérait complètement dans cette mouvance). On a souvent droit à un (toujours) très beau mélange entre le noir ténébreux et l’ocre. Un hommage, ou un « tic », qui prend forcément ses racines dans le dyptique originel du Parrain et qui fut régulièrement réemployer par des cinéastes comme David Fincher ou James Gray qui vouent une déférence absolue envers le Nouvel Hollywood. Difficile après de telles pointures de parvenir à exister et à faire entendre sa voix. Surtout lorsque son long métrage dispose de ressemblances vraiment troublantes avec ses prédécesseurs. Au détour d’une séquence, un chef mafieux retrouve l’un de ses sous-fifres dans un cinéma porno pour une conversation secrète à l’image de Jack Nicholson qui retrouvait Matt Damon dans un lieu similaire lors du captivant film de Scorsese, Les Infiltrés. Et puis l’on entend Blondie chanter son magnifique « Heart of Glass » dans une boite de nuit rétro comme dans l’ouverture de La Nuit nous appartient de James Gray. Si elle sait tirer parti de son budget « réduit » de dix millions de dollars, la direction artistique pèche par excès de zèle. Au point que l’on finit par se croire dans un musée sur la mode « seventies-eighties » tant toutes les variantes des chemises à fleurs, des jeans pattes d’éléphant et des Ray Bans sont passées en revue par des personnages s’essayant à toutes les coupes de cheveux, de barbes et de moustaches usitées pendant ces deux décennies.

Le casting de gueules n’aide pas forcément à surprendre le spectateur, bien qu’il ait une certaine tendance à caresser dans le sens du poil les cinéphiles nostalgiques. On retrouve avec joie cette trogne inquiétante de Robert Davi dans un rôle secondaire taillé pour lui. Pendant ses quelques minutes d’apparition, l’acteur au visage buriné nous renvoie à d’agréables souvenirs cinéphiliques avec ses participations dans le ShowGirls de Paul Verhoeven, le Die Hard de John McTiernan ou encore le poisseux Permis de Tuer dans lequel il campait l’un des méchants les plus répugnants que James Bond ait jamais croisé pendant ses cinquante années de pérégrination au cinéma. On revoit aussi cet autre visage familier du film de bandits qu’est Ray Liotta. Piégé dans son rôle inoubliable d’affranchi dans le mythique film de Martin Scorsese, on l’avait déjà revu dans des rôles de gangsters pourris dans Cogan’s Trade d’Andrew Dominik ou encore The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance. Des personnages trop similaires dans des œuvres qui, s’ils ne sont pas dénués de défauts comme c’est le cas du long métrage de Dominik, demeurent bien plus marquants, ne serait-ce que d’un point de vue formel, par rapport au très sage The Iceman d’Ariel Vromen.

On revoit avec un certain réconfort la disgraciée Winona Ryder. La jolie actrice, qui avait fait un début de carrière si prometteur entre Beetlejuice et le féérique Edward aux mains d’argent de Tim Burton, le Dracula de Francis Ford Coppola ou encore l’inepte « blockbuster » Alien Résurrection de Jean-Pierre Jeunet dans lequel elle incarnait l’une des héroïnes, avait disparu des écrans à cause d’une longue traversée du désert. Dernièrement, on l’avait surtout vue être réduite à faire de la figuration dans le premier Star Trek de J.J. Abrams ou d’interpréter un rôle très secondaire dans le pompier Black Swan de Darren Aronofsky. Certes, son personnage de femme douce, modèle et innocente dans The Iceman n’est pas d’une très grande profondeur psychologique. Mais il lui confère un temps de présence suffisamment large pour montrer qu’elle n’a pas égarée ses talents d’actrice. De son côté, Chris Evans, l’acteur popularisé par Captain America et auquel on le réduit trop souvent, se révèle assez surprenant. S’il s’était humilié dans les deux horribles Les 4 Fantastiques de Tim Story, il avait aussi montré qu’il était capable de révéler une ambiguïté derrière ses traits trompeurs de « beau gosse ». On pense évidemment à sa belle prestation dans Sunshine, le meilleur film de Danny Boyle à ce jour, et au futur Le Transperceneige de Bong Joon-ho dans lequel il aura l’occasion parfaite pour briller. Dans The Iceman il est méconnaissable avec ce rôle de tueur aux fringues hippies.

Mais si au détour d’une séquence on croise une star comme James Franco, le véritable moteur et soutien de ce long métrage est Michael Shannon. L’acteur patibulaire et imposant des Noces Rebelles de Sam Mendes, de Bug de William Friedkin, de Take Shelter de Jeff Nichols et du très récent Man of Steel de Zack Snyder trouve dans The Iceman un rôle à sa (dé)mesure. Dans la peau de ce personnage réel, il laisse transparaitre son charisme monstrueux qui mêle une force tranquille, un air de psychopathe et des explosions émotionnelles très intenses. Difficile de dire ce qui est le plus imposant chez lui : sa nature de patriarche géant ou sa froideur lorsqu’il entre dans ses fonctions de tueur à gage. The Iceman est un film d’acteur disposant d’un magnifique sujet qui n’est jamais vraiment exploité comme il aurait dû l’être. On trouve occasionnellement des séquences d’une viscéralité et d’une noirceur très forte (la confrontation entre Shannon et James Franco) mais l’ensemble s’oublie trop vite au milieu de ce maelstrom de références. La schizophrénie de son antihéros, où les deux personnalités finissent par réapparaitre conjointement dans sa vie privée et professionnelle, n’est qu’esquissée. La perversité de l’« American Dream » n’est que mentionnée tandis que les origines du mal et sa transmission familiale ne seront montrées que lors d’un bref flash-back et par le biais d’un frère tordu et criminel que l’on ne verra qu’au cours d’une scène,… Tout ça pour privilégier un récit prévisible sur le format du « rise and fall » (l’élévation et la chute d’un personnage). On se prend alors à rêver de ce qu’une telle histoire et un tel personnage démesuré auraient pu donner sous la caméra plus percutante d’un Scorsese ou s’ils avaient été menés par un Brian De Palma qui aurait tiré de ces multiples séquences d’exécutions des moments de tension d’anthologies.

NOTE : 5.5 / 10

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