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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 11:14
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Titre original : Snow White and the Huntsman

Film américain sorti le 13 juin 2012

Réalisé par Rupert Sanders

Avec Kristen Stewart, Chris Hemsworth, Charlize Theron,…

Fantastique, Action, Aventure

Dans des temps immémoriaux où la magie, les fées et les nains étaient monnaie courante, naquit un jour l’unique enfant d’un bon roi et de son épouse chérie : une fille aux lèvres rouge sang, à la chevelure noire comme l’ébène et à la peau blanche comme neige. Et voilà précisément où l’histoire que vous croyiez connaître prend fin et où la nouvelle adaptation épique et envoutante de ce célèbre conte des frères Grimm débute. Notre héroïne, dont la beauté vient entacher la suprématie de l’orgueilleuse Reine Ravenna et déclencher son courroux, n’a plus rien d’une damoiselle en détresse, et la cruelle marâtre en quête de jeunesse éternelle ignore que sa seule et unique rivale a été formée à l’art de la guerre par le chasseur qu’elle avait elle-même envoyé pour la capturer. Alliant leurs forces, Blanche-Neige et le chasseur vont fomenter une rébellion et lever une armée pour reconquérir le royaume de Tabor et libérer son peuple du joug de l’impitoyable Ravenna. 

    

Le conte de fée revisité est à la mode dans le monde du cinéma depuis peu de temps. Une vague relancée notamment par le succès phénoménal du pourtant très consternant Alice au pays des merveilles de Tim Burton. Depuis, des versions modernisées et cinématographiques de fameux contes ne cessent de fleurir. On avait eu auparavant un Petit Chaperon Rouge minable mis en scène par la réalisatrice du premier Twilight et on va avoir droit dans un avenir proche à une nouvelle vision de Hansel & Gretel avec Jeremy Renner et Gemma Arterton (projet dont la sortie a été repoussée de plus d’un mois pour une raison encore inconnue), une adaptation de « Jack et le haricot magique » par Bryan Singer dont les premières images ne rassurent pas du tout (elle aussi repoussée de plusieurs mois) ou encore un prequel de La Belle au Bois Dormant intitulé Maléfique et avec Angelina Jolie dans le rôle de la méchante fée (le premier visuel apparu sur le net ces derniers jours laisse lui-aussi perplexe).

Mais le grand conte revisité en ce moment n’est autre que « Blanche Neige ». En effet, en à peine quelques semaines d’intervalles, deux visions de l’histoire seront sorties sur les écrans (trois étaient en fait prévues, puisqu’un projet depuis avorté avec Saoirse Ronan devait être monté). Il y a près de deux mois, c’était le film de Tarsem Singh (The Fall, Les Immortels) qui avait eu le droit à la primauté de l’exploitation ; c’est désormais au tour de la superproduction de l’inconnu Rupert Sanders de se pointer dans les cinémas français. Un phénomène de plus en plus récurent qui voit de doubles projets, sur un même sujet et avec des dates de sortie relativement proches, obtenir sans problème un « feu vert » de la part de studios concurrents : deux biopics sur Linda Lovelace ; deux adaptations de « La Guerre des Boutons » ; deux projets sur « La Belle et la Bête » ;… Bonne nouvelle : les deux projets « Blanche Neige » n’ont strictement rien en commun, ni entre eux ni  même avec le conte dont ils sont adaptés.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/73/81/20140158.jpgMiroir, mon beau miroir

Le premier était une comédie à tendance bollywoodienne et à message féministe ; le second est une sombre quête d’héroic-fantasy à message lui-aussi féministe. Si l’on connait un tant soit peu le conte original, dans lequel l’héroïne ne faisait que subir et fuir, il est évident que ces deux longs-métrages ne respectent en rien le matériau d’origine en le passant à la moulinette bien pensante du XXIème siècle voulant que toute histoire avec un personnage principal féminin dispose d’un argumentaire peu subtil sur la libération de la femme. L’autre ressemblance entre le film de Singh et celui de Sanders est la grande importance accordée à la méchante reine (appelée Ravenna dans cette nouvelle version), ce qui donne l’occasion aux metteurs en scène de lourdement insister sur la vacuité de cette destructrice recherche désespérée de la jeunesse et de la beauté éternelle.

Ces méchantes reines sont presque les héroïnes de ces longs-métrages. Des reines évidemment pas si détestables, d’autant plus que le film de Sanders confère pour le coup à cette dernière un traumatisme infantile afin d’expliquer sa cruauté. Pour le reste, et mis à part l’extravagance des costumes, les deux films rivaux divergent complètement en termes de direction artistique, d’atmosphère et de narration. Cela veut-il dire que les deux longs-métrages sont bons ? Pas vraiment. On avait vu il y a quelques semaines que la comédie de Singh, si elle se suivait agréablement, n’était pas pleinement aboutie et accusait un certain nombre de baisses de rythme assez gênantes. Blanche Neige et le Chasseur n’est pas non plus dénué de très gros défauts.

Reconnaissons-lui au moins quelque chose : des blockbusters de cette année, il n’est clairement pas l’un des plus embarrassants. Mais il faut dire que la compétition au titre de « pire film à gros budget de 2012 » est particulièrement rude entre Ghost Rider 2, Sherlock Holmes 2, La Colère des Titans, Battleship, Men in Black 3, Dark Shadows ou encore l’inénarrable Prometheus. Le film de Rupert Sanders est du niveau de l’Avengers de Joss Whedon : regardable, supportable mais très vite oubliable. Rien, dans Blanche Neige et le Chasseur, n’a pas déjà été vu ailleurs et en mieux. D’un point de vue narratif, c’est l’encéphalogramme plat tant la production s’est contentée d’insérer une très vague quête à base d’Elu, de prédiction, de destinée, de mort, de renaissance et de meurtre symbolique du « père » (ici, plutôt de la mère).

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/85/34/52/20089535.jpgSommeil éternel

Rien de bien neuf, mais surtout rien de bien approfondi. Rupert Sanders se contente de dérouler et de lister le cahier des charges. Aucune surprise, aucune audace. On passe par là, parce que les autres films ont fait la même chose. La construction scénaristique est à ce point bancal que l’on passe d’une étape à une autre sans même qu’on ait pu voir le liant entre les deux. Un exemple ? Blanche Neige passe en deux temps et trois mouvements du statut de jeune princesse en détresse à celui de chevalière meneuse d’hommes et as du combat sans que cela ait été amené au préalable. A peine se réveille-t-elle de son long sommeil, durant tout au plus quelques heures, qu’elle se met soudain à haranguer toute une armée acquise directement à sa cause alors qu’elle n’était auparavant qu’une jeune fille faible et incertaine aimant la nature et les fées. Kristen Stewart croit judicieux de surcompenser sa petite taille, et son peu d’intérêt pour le rôle, en braillant des ordres pour faire croire qu’elle a du charisme, de la force et de la volonté. Cela ne rend pourtant la scène que plus grotesque et insupportable.

L’interprétation est l’un des gros points faibles. Le cas de Stewart est particulièrement parlant. Il semble qu’il s’agisse pour elle d’un simple boulot alimentaire. Que voulez-vous, la saga Twilight s’achevant dans quelques mois, il faut bien payer les traites de sa nouvelle maison de 300 m2. Or son compagnon Robert Pattinson a, semble-t-il, décidé de se lancer pour les prochaines années dans des films de Cronenberg ou des longs-métrages indépendants aux rayonnements très éphémères et pas très réputés pour permettre d’amonceler l’argent nécessaire au train de vie du couple. Il faut bien que quelqu’un fasse le « sale » boulot. Trêve d’humour, même si cela permettrait d’expliquer le surprenant choix de Stewart pour un imparfait film de studio de cette ampleur, elle qui fait pourtant preuve d’une certaine exigence et d’un certain flair lorsqu’il s’agit de mener sa carrière dans le cinéma indépendant.

Le casting masculin est à l’avenant entre un inutile prince charmant sans âme et une troupe de nains à têtes de célébrités ayant à se partager tout au plus une dizaine de répliques chacun. Le seul qui surprend réellement est Chris Hemsworth, interprète de Thor et futur troisième couteau dans Expendables 2. Or, quand on en vient à trouver que le jeune homme au regard bovin est le meilleur acteur du film (et de très loin), c’est qu’il doit y avoir un petit problème d’interprétation. Peut-être est-ce dû à l’écriture plus aboutie de son personnage qui lui permettrait ainsi de se démarquer du reste du casting. Peut-être est-ce aussi dû au fait qu’il ait laissé éclater à cette occasion un potentiel dramatique assez inattendu qui n’était pas forcément très perceptible dans Thor (quoique), Avengers ou encore La Cabane dans les Bois. Quoiqu’il en soit, ce chasseur veuf et alcoolique cherchant une nouvelle cause à défendre pour trouver la rédemption et, indirectement, l’amour, est un personnage particulièrement touchant. La ressemblance avec le parcours de John Carter dans le long-métrage éponyme d’Andrew Stanton est assez frappante tant les deux personnages sont strictement identiques. L’un des changements majeurs du conte (le réveil de Blanche Neige) le concerne  et constitue l’une des rares bonnes idées inattendues et cohérentes du scénario, en plus de parfaitement étoffer la relation entre les deux personnages principaux en une simple poignée de secondes.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/85/34/52/20089530.jpgQui est la plus belle ?

Plus surprenant, l’interprétation de Charlize Theron se révèle très affligeante. Cette dernière avait déjà surpris en revenant après trois années d’absence dans Young Adult où, malgré les éloges enthousiastes d’une critique fascinée par l’excessivement surestimé et prétentieux Jason Reitman, elle livrait une interprétation somme toute assez médiocre. On l’avait ensuite retrouvé deux mois après dans Prometheus où elle en rajoutait une couche et donnait à voir le pire rôle de sa carrière, à savoir celui d’une blonde frigide et inexpressive en arrière-plan. On était persuadé de ne pas pouvoir la voir plus bas mais elle nous fait encore mentir deux semaines après dans ce Blanche Neige et le Chasseur.

Confondant surjeu braillard avec expression exagérée de la folie, Theron parodie très mal Jack Nicholson dans Shining, devenu depuis le mètre-étalon de l’incarnation de la démence obsessionnelle et meurtrière. Si elle ne se situe pas dans cet aspect du long-métrage, alors on cherchera encore longtemps l’affiliation avec le chef d’œuvre de Kubrick que se targuent d’avoir instauré Theron et Sanders dans Blanche Neige et le Chasseur. On se rend vite compte qu’il aurait été préférable pour Theron qu’elle reste aussi inexpressive que dans le navet S.F. de Ridley Scott. L’artificialité de son jeu saute à la gorge au point que le personnage agace après cinq minutes d’apparition.

On n’arrive pas à ressentir de la jubilation à la voir jouer, ni même à percevoir le soi-disant plaisir de l’actrice à incarner ce rôle de sorcière à la cruauté sans borne. Malgré la supériorité évidente de sa beauté, combinée à sa « hype » bien plus solide que celle de sa co-partenaire (qui n’est vue que comme la fille ne souriant jamais et à l’inexpressivité frôlant le zéro), il faut bien admettre que Theron est pourtant encore plus mauvaise que Stewart. Complètement outrancière, roulant des yeux et parlant toujours en alternant soupirs exacerbés et voix grave pour faire plus peur, Theron rappelle un peu le jeu menaçant excessivement appuyé, souvent grotesque et abominablement premier degré d’Anthony Hopkins après qu’il ait vu le rôle d’Hannibal Lecter lui phagocyter en partie sa carrière.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/73/81/20140175.jpgEmprunt à taux variable

Mais le problème principal de ce Blanche Neige et le Chasseur reste son incroyable manque d’inventivité. Le film de Sanders mange à tous les râteliers et régurgite toutes ses influences ni vu ni connu, profitant d’une légère méconnaissance cinématographique de l’ado américain moyen (et ce n’est même pas sûr) pour que ces plagiats passent comme une lettre à la poste. Les héros traversent un village au bord d’un lac exclusivement habité par des femmes ? Princesse Mononoke de Hayao Miyazaki. Blanche Neige rencontre l’esprit de la Nature/Forêt ? C’est un cerf géant aux bois majestueux qui ne se montre que lors d’uniques occasions. Comme dans, encore une fois, Princesse Mononoke. Blanche Neige chevauchant un cheval blanc (symbole de la pureté) et poursuivie par plusieurs cavaliers noirs ? Difficile de ne pas voir la ressemblance plus que flagrante avec la séquence de la chevauchée d’Arwen dans Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l’Anneau de Peter Jackson. Et lorsque ce même destrier finit par sombrer dans des sables mouvants embrumés (en hors champs évidemment, sans qu’on puisse éprouver une once d’empathie à la différence de la bouleversante scène de son modèle) ? La célèbre séquence tire-larmes de L’Histoire sans fin de Wolfgang Peterson bien sûr !

 Mais l’affiliation est bien plus large et ne se contente pas juste de repomper des pans entiers d’œuvres étrangères. Pour tous ceux qui auraient juré de ne plus jamais aller voir un film de Ridley Scott après son insultant Prometheus, n’entrez pas dans la salle projetant Blanche Neige et le Chasseur. Vous vous feriez bien avoir tant le long-métrage de Sanders ressemble en tout point à un film du vieux réalisateur britannique. Impossible de ne pas se souvenir des batailles dans Gladiator, dans Kingdom of Heaven ou encore dans Robin des Bois lorsque l’on voit le quasi copier-coller esthétique dans le long-métrage de Sanders. Une reprise totale des tics de mise en scène, de montage voire même de musique des films de Ridley Scott. Même le passage féérique dans une version « live » d’un décor merveilleux de Disney semble être une maladroite redite pleine de CGI douteux (d’horribles lapins notamment) du monde imaginaire de l’intéressant Legend de Scott. Lors de cette séquence, on remarque aussi que ces fées prennent l’apparence d’animaux comme dans un autre film fantastique et merveilleux bien connu : Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro (le design de celles-ci est assez similaire).

Ces influences sont loin d’être embarrassantes. Elles sont mêmes pour la plupart assez prestigieuses. Mais elles jouent toutes en défaveur du film de Sanders qui essayent de se les réattribuer à son compte. En effet, que peut faire un prétentieux blockbuster au sérieux papal face à l’un des plus grands dessins animés de tous les temps ou quelques œuvres épiques populaires encore aujourd’hui appréciées, parfois malgré leurs grands âges ? On aurait pu croire de temps à autres à des clins d’œil si ces emprunts n’avaient pas été aussi nombreux et conséquents. On se demande ce que Sanders et ses scénaristes ont bien pu apporter de neuf dans cette superproduction qui essaye de s’attribuer les mérites des autres. En gros, Blanche Neige et le Chasseur c’est un peu la compilation de tous les films de ces trente-quarante dernières années où figuraient des épées ou des arcs. Le digest sans ambition de trois décennies d’héroic fantasy sans véritablement en comprendre la force symbolique ; un bestiaire fantastique complet est balancé sans autre raison que faire exotique et réjouir un public nourri aux écrits de Tolkien (apparition gratuite d'un troll par exemple). Un produit efficace, indolore, en pilote automatique, pas désagréable à l’œil sur le moment mais terriblement friable dans notre esprit une fois qu’on commence à y repenser une fois sorti en salle. Espérons qu’une sequel ne verra pas le jour sachant l’impossibilité des producteurs à ne plus penser leurs blockbusters que sous forme d’une trilogie. Dans tous les cas, préférez par exemple le Blanche Neige de Michael Cohn (version du conte déjà bien plus sombre et angoissante quinze ans avant le film de Sanders) ou encore le classique immortel de Disney.

NOTE :  5 / 10

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