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12 novembre 2010 5 12 /11 /novembre /2010 00:37

                                               

 - Film espagnol sorti le 03 novembre 2010

 - Réalisé par Rodrigo Cortés

 - Avec Ryan Reynolds, Robert Paterson, José Luis Garcia Pérez,…

 - Thriller

            Ouvrez les yeux. Vous êtes dans un espace clos, sous une tonne de terre irakienne avec quatre-vingt dix minutes d'oxygène et pour seule connexion vers l'extérieur d'un téléphone portable à moitié rechargé. Tel est le destin de Paul Conroy, entrepreneur américain pris en otage et enfermé dans une boite contre une rançon très importante. Le temps file et chaque seconde qui passe le rapproche d'une mort certaine...

Ryan Reynolds. Rezo FilmsRyan Reynolds. Rezo Films

            De façon assez récurrente, après une attente de quelques mois, une pépite inattendue nous tombe dessus. Sans aucun avertissement. C'est comme ça qu'on découvre un réalisateur prometteur tel que Fred Cavayé en allant voir sur un coup de tête son premier film, Pour Elle. C'est aussi de cette façon que l'on se retrouve face à un bijou de noirceur intitulé The Chaser qui révélait par un premier essai brillant le cinéaste sud-coréen Na Hong-jin. C'est encore de cette manière que l'on reçoit un grand électrochoc par l'un des plus beaux exploits de l'année dernière avec District 9 de Neil Blomkamp, aussi un premier long-métrage. Le Buried de Rodrigo Cortés s'inscrit dans cette lignée : film-concept très délicat précédé d'un bon « buzz » et qui se révèle maîtrisé et audacieux de bout en bout.  

            Premier bon point : Cortés respecte à la lettre sa note d'intention, c'est-à-dire réaliser un film qui se passe intégralement dans un cercueil. L'autre bon point, que certains lui reprochent comme s'il avait reculé devant le dernier obstacle, c'est qu'il ne cède pas à la tentation « film-concept de musée » en filmant le scénario en un long plan-séquence. Cortès n'oublie pas qu'il fait avant tout du cinéma et déploie une mise en scène virtuose qui exploite toute les possibilités que lui offre son délicat sujet. On pense d'abord à Quentin Tarantino qui avait réalisé un segment similaire dans Kill Bill : Volume 2, où Uma Thurman luttait pour sortir du cercueil dont elle était prisonnière, et de son excellent épisode de la série « Les Experts », où ces derniers devaient sauver un de leur collègue qui se trouvait dans la même situation que le Paul Conroy de Buried. Mais le projet de Cortès est plus risqué par sa longueur (une heure et demie) et son parti pris : ne jamais quitter le cercueil. Alors quelles sont donc les secrets de la réussite du film de Cortès ? 

            D'abor la mise en scène dynamique et le scénario écrit de façon à ce qu'il n'y ait jamais de temps morts. Le film débute par exemple de manière surprenante : complètement dans le noir. A l'aide d'un magnifique travail sonore, le réalisateur arrive à nous faire « voir » Paul en train de s'éveiller et de paniquer en découvrant sa terrible situation. Beau travail aussi sur la photographie, en s'appuyant principalement sur les différentes sources lumineuses disponibles pour Paul (briquet, écran bleuté de téléphone portable, lampe phosphorescente,...) pour donner au cercueil une ambiance particulière selon les scènes (orange, bleu, vert ou encore rouge). A côté de cela, Cortès utilise de nombreux mouvements de caméra pour renforcer l'étroitesse de l'espace dans lequel se retrouve Conroy. A l'inverse, Cortès ne respecte pas constamment les règles physiques en enlevant ou ajoutant des murs pour permettre certains mouvements de caméra ; magnifique plan où la celle-ci s'éloigne vers le haut du personnage principal, donnant l'impression qu'il est coincé dans un puits sombre, renforçant ainsi cette impression de claustrophobie, d'oppression et d'inéluctabilité tragique.   

            Tous ces effets sont renforcés par un travail minutieux sur le son. Impossible de supporter les deux - trois premières minutes où le moindre bruit est étouffé au maximum. Le travail sonore sur ce film est omniprésent : les coups réguliers contre la paroi du cercueil pour renforcer cette idée d'enfermement et la difficulté de se mouvoir dans un tel endroit, les bruits extérieurs légèrement inaudibles et surtout les voix des différents protagonistes que l'on entend par le portable. Cortès a d'ailleurs fait un casting vocal très précis afin que par la seule voix on puisse imaginer à quoi ressemblent les personnages qui parlent, ainsi que ce qu'ils pensent. Le film réussit son pari aussi, et avant tout, par un scénario bien écrit. Comme le dit Cortès : « Buried c'est Indiana Jones dans un cercueil ». La structure narrative est construite sur le même modèle : trouver toutes les dix minutes un rebondissement qui arrive à captiver le spectateur jusqu'au suivant. De ce point de vue, le scénario est une réussite et ce, même si on pourra « regretter » deux ou trois situations un peu trop fantaisistes comme l'épisode du serpent ou encore celui du doigt (remarquable travail sonore, encore une fois, pour cette séquence qui vous donnera forcément la nausée).

            En plus de cela, la trame se déroulant en Irak, Buried se révèle comme une subtile métaphore sur le conflit irakien, le bourbier américain et surtout sur le désintérêt de la hiérarchie pour un homme lambda. Quel serait son intérêt de sauver et de payer plusieurs millions de dollars pour un homme qui ne manquera qu'à sa famille ? Le dernier quart d'heure en est même particulièrement éloquent lorsque Conroy, alors qu'il ne lui reste que quelques minutes à vivre, subit un chantage de sa compagnie qui refuse de payer les dégâts et d'être considérée comme responsable d'une situation dans laquelle il se serait mis tout seul. Paul Conroy est un homme pauvre, abandonné en terrain inconnu et hostile. Un dommage collatéral d'un conflit dont il ne comprend rien et auquel il n'aurait jamais dû être mêlé. Et en fin de compte la réussite de Buried tient en deux mots : Ryan Reynolds. En effet, s'il lui est souvent arrivé d'être un comédien plutôt amusant (voire lourd) et parfois attachant comme dans Adventureland, c'est ici qu'il se révèle vraiment en tant qu'acteur accompli. Il passe brillamment l'épreuve difficile du « seul à l'écran », comme Tom Hanks dans le film de Zemeckis, Seul au monde. Sans cabotiner ou sombrer dans le pathos, il se montre bouleversant en homme au bord de la crise de nerfs, face à une mort inéluctable mais qui se refuse d'abandonner espoir jusqu'au dernier instant. Un homme comme tout le monde, qui souhaite plus que tout parler une dernière fois à sa femme avant de mourir. 

            Buried est une bien belle surprise, un thriller hitchcockien maîtrisé, audacieux, terrifiant et terriblement prenant. En plus de révéler un metteur en scène inventif, il permet à Ryan Reynolds de dévoiler toute l'étendue de son talent dans un rôle physiquement et psychologiquement éprouvant. Difficile de ressortir indemne après la projection de ce film qui vous clouera sans aucun doute à votre siège et qui vous donnera à la fois de grandes montées d'adrénaline et la désagréable impression d'avoir été vous-même enfermé dans un  cercueil obscur pendant près de quatre vingt-dix minutes. 

* * * * *

Ryan Reynolds. Rezo FilmsRyan Reynolds. Rezo Films

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