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24 août 2012 5 24 /08 /août /2012 10:38

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/91/23/74/20135951.jpg

Titre original : Seeking a Friend for the End of the World

Film américain sorti le 08 août 2012

Réalisé par Lorene Scafaria

Avec Steve Carell, Keira Knightley, Melanie Lynskey

Comédie, Drame, Romance

Que feriez-vous si la fin du monde arrivait dans 3 semaines ? C’est la question que toute l’humanité est obligée de se poser après la découverte d’un astéroïde se dirigeant tout droit vers notre planète. Certains continuent leur routine quotidienne, d’autres s’autorisent tous les excès, toutes les folies. Dodge est quant à lui nouvellement célibataire, sa femme ayant décidée que finalement, elle préférait encore affronter la fin du monde sans son mari. Il décide alors de partir à la recherche de son amour de jeunesse, qu’il n’a pas vu depuis 25 ans. Mais sa rencontre avec Penny risque de bouleverser tous ses plans.

      

La fin du monde est un sujet très à la mode depuis quelques années au cinéma. La fameuse et fatidique prédiction des Mayas étant censée arriver à échéance à la fin de ce mois de décembre, il est évident que l’apocalypse est plus que jamais présent sur nos écrans qui entendent pleinement capitaliser sur cette énième annonce d’un cataclysme mondial imminent. Depuis 2009, le nombre de péloches alarmistes sur la destruction de l’humanité est allé croissant. La qualité n’était pas forcément au rendez-vous mais la diversité des traitements parvenait à rendre chaque film-catastrophe assez unique par rapport à ses concurrents.

Entre les blockbusters décérébrés et tape-à-l’œil (Prédictions d’Alex Proyas, 2012 de Roland Emmerich), les plaidoiries écolo (Le Jour d’après du même Emmerich, Avatar de James Cameron), les films d’auteurs intellectuels (Take Shelter de Jeff Nichols, Les Derniers Jours du monde des frères Larrieu, d’une certaine façon le Cosmopolis de David Cronenberg) et les drames intimistes morbides et déprimants (La Route de John Hillcoat et l’indépassable Melancholia de Lars Von Trier), il y en a eu pour tous les goûts. Si ce n’est qu’il manquait à tous ces longs-métrages une certaine légèreté. On ne va quand même pas rire de la fin de notre espèce ! Pourtant c’est ce qu’envisage Lorena Scafaria avec Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare, traduction débile du titre pourtant joliment trouvé Seeking a Friend for the End of the World (signifiant de façon basique « Recherche ami pour passer fin du monde »).

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/91/23/74/20136289.jpgApocalypse intimiste

Quoique ce concept initial est un peu à nuancer. Disons que dans le cas du film de Scafaria il s’agirait de faire rire « en partie ». Car Seeking a Friend… est moins une comédie rigolote qu’une comédie romantique. D’ailleurs, la balance entre les deux genres est assez instable pendant la première moitié du long-métrage. Scafaria parait perpétuellement hésiter entre la peinture absurde et décalée d’un monde allant sur sa fin et la rom-com entre deux laissés-pour-compte. C’est clairement la seconde option qui finit par prévaloir dans la seconde moitié du long métrage. Un choix qui peut surprendre quand on regarde le sujet. Pourquoi ne se focaliser que sur deux personnes alors que toute l’humanité est concernée par le même drame ?

Pour éviter de faire comme les autres. Pendant longtemps, le film-catastrophe était intrinsèquement un film choral accumulant les personnages secondaires. C’était déjà le cas dans les années 70 avec des productions comme La Tour Infernale, L’Aventure du Poséidon ou encore Tremblement de Terre qui réunissaient des castings monumentaux. Une catastrophe ne peut évidemment ne concerner qu’un seul homme (sinon ça n’en serait pas une). C’était encore ce point de vue qui prévalait dans les années 90 avec quelques fameux porte-étendards tels Independance Day d’Emmerich (encore lui), Armageddon de Michael Bay ou encore Deep Impact de Mimi Leder. Il n’y avait pas de héros principal mais des héros. Chacun jouait un rôle, aussi infime pouvait-il être, dans l’inévitable et hollywoodien sauvetage in extremis de l’humanité.

L’été 2005 marqua un bouleversement dans cette conception. Bien qu’il ne soit pas considéré, à tort, comme un Spielberg majeur, sa Guerre des Mondes impliqua un changement d’appréhension au sein du film-catastrophe. On ne suivait plus qu’un personnage principal. Ici, il s’agissait d’un père de famille incarné par Tom Cruise qui se retrouvait à protéger ses deux enfants d’une invasion extraterrestre à l’échelle mondiale. Pas de tentative d’héroïsme, pas d’engagement militaire,… Le film de Spielberg restait collé à cet homme moyen qui ne pouvait en rien interférer dans le cours de la bataille entre l’humanité et les aliens exterminateurs. Sauver la planète ne comptait plus car ce n’était pas un instant envisageable au niveau des personnages. La seule chose qui comptait était de sauver sa peau et celles de ceux que l’on aime.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/91/23/74/20136285.jpgAbandon

Une appréhension du drame plus humaine qui fut ensuite régulièrement reprise. La Route suivait aussi un père protégeant son fils des mauvaises rencontres qu’ils pouvaient faire dans un milieu dévasté où l’homme a retrouvé ses plus bas instincts. Pendant toute sa deuxième heure, Melancholia se concentrait sur deux sœurs. Take Shelter se consacrait uniquement à un couple et son enfant. Plus surprenant encore, ces longs métrages n’hésitaient pas parfois à se dérouler en « huis clos », là où bon nombre de réalisateurs n’hésitaient pas auparavant à enchainer des séquences de destruction pyrotechnique délirante pour représenter la fin des temps. Spielberg osait faire se dérouler une demi-heure de son blockbuster de plus de cent millions de dollars dans une simple cave. L’abri souterrain était l’un des thèmes centraux du film de Nichols. Le récent The Divide de Xavier Gens est lui-aussi élaboré quasi-intégralement sous forme de « huis clos ». Le reste du monde est carrément écarté des films sur la fin du monde. Un comble.

Chacun pour sa peau semble nous dire maintenant les réalisateurs. Scafaria poursuit dans cette idée d’une apocalypse intimiste. Si son duo principal rencontrera bien quelques personnages, ce ne seront toujours que des rencontres éphémères. Pourquoi se soucier du sort de tous ces personnages secondaires puisque celui-ci est peu ou prou le même : la mort dans un flash symbolisant l’explosion causée par la météorite une fois entrée en contact avec la Terre ? C’est ainsi que l’on suit Dodge, interprété subtilement par un Steve Carell toujours capable de jongler entre humour potache, drame contenu et spleen de quadragénaire.

Pour Dodge, la fin du monde n’est pas le moindre de ses soucis. En effet, à l’annonce que le sort du monde est définitivement scellé par l’échec de l’ultime mission de sauvetage, sa femme s’enfuit précipitamment. Bouleversé par cette rupture, Dodge se retrouve à affronter tout seul le cataclysme. D’où une tonalité volontairement humoristique dans le titre original qui prend la forme d’une de ces innombrables petites annonces qui fleurissent sur les murs de la ville au fur et à mesure que la météorite approche et que les chances de réaliser ce que l’on désire se font de plus en plus minces. Un problème apparemment impossible à résoudre : son ex-femme n’a visiblement pas l’intention de revenir et Dodge finira par apprendre, par le biais d’une erreur de sa voisine tête-en-l’air, qu’elle avait un amant depuis longtemps.

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/91/23/74/20136307.jpgRecherche ami…

Cette recherche éperdue de l’autre pour ne pas mourir seul est le fil conducteur de Seeking a Friend….Une problématique ambigüe puisque, comme le fera remarquer un ami de Dodge, il est bien difficile de mourir seul lorsque tout le monde va décéder en même temps. Dans un temps normal, Dodge, pour résoudre son problème, n’aurait eu qu’à aller chercher une « remplaçante » afin de palier à sa solitude. Mais quelle est l’utilité de démarrer une relation puisqu’elle prendra fin dans les deux semaines qui suivent sans avoir eu la possibilité d’aboutir à quoi que ce soit ? C’est donc dans un immobilisme mortifère que se terre Dodge, complètement indifférent aux femmes célibataires qui viennent le voir dans l’espoir de combler par deux dernières semaines de débauches et d’expériences la vacuité et l’insignifiance de toutes leurs vies passées.

Puisque la dernière a été un échec, Dodge entreprend de retrouver la première femme qu’il ait jamais aimé. Une obsession soudaine renforcée par la découverte d’une lettre jamais ouverte et écrite par cette dernière où elle lui clame qu’il reste le seul homme qu’elle aime encore. Dodge part ainsi à la recherche de l’amour perdu afin de partager quelques derniers instants de bonheur dans l’illusion d’une parfaite petite famille soudée (cette femme ayant un fils et étant divorcé, la place vide du père n’attendrait plus que Dodge). C’est à ce moment-là qu’il rencontre Penny, incarnée par une Keira Knightley qui frôle parfois le surjeu mais qui n’avait pas été aussi attachante depuis un moment.

Malgré le fait que celle-ci soit sa voisine, Penny est une véritable inconnue pour Dodge. Aucun des deux n’avait jamais cherché à se rencontrer et ils restaient bien tranquillement de leurs côtés, dans les bras d’un autre. Mais lorsque celle-ci rompt avec son propre petit ami, Penny devient l’exact reflet, quinze ans plus jeune, de Dodge. Avant la fin du monde, cette jeune Britannique extravagante cherche à revoir une dernière fois sa famille dans cette Angleterre qu’elle ne peut plus atteindre depuis l’arrêt définitif du trafic aérien. Au cours d’une émeute qui les prend au dépourvu, Dodge et Penny se retrouvent réunis et s’enfuient ensemble. Echange de bon procédé oblige (l’un ayant réveillé sa voisine pour la sauver de la révolte ; l’autre ayant utilisé sa voiture pour sauver son voisin), les deux nouveaux amis décident de s’entraider chacun son tour pour accomplir leurs propres buts.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/91/23/74/20136296.jpgDerniers pardons

On le devine très rapidement, l’amour va amener son grain de sable même si les deux protagonistes jurent qu’ils n’ont pas l’intention de commencer une nouvelle relation à quelques jours de la fin du monde. Peut-être parce qu’ils sont le miroir l’un de l’autre à quelques années près. Peut-être parce que chacun voit en l’autre le partenaire idéal qu’ils n’ont jamais eu ou qu’ils ont manqué. Pour diverses raisons, à partir de la moitié du long métrage, on sent que la séparation qu’ils envisagent pour atteindre leurs buts respectifs va être de plus en plus difficile et douloureuse. Et tous les deux de pouvoir finalement trouver en l’autre « cet ami pour passer la fin du monde ».

Seeking a Friend…est aussi un film sur le pardon. Dodge n’arrive pas à pardonner à son ex-femme de l’avoir abandonné au pire moment et de lui avoir caché sa liaison avec un autre homme. Il refuse aussi de pardonner à son père qui est parti voyager après sa naissance sans revenir, comme s’il avait eu peur de la responsabilité qu’implique d’avoir un enfant. Dodge est un homme qui n’a cessé d’être abandonné. Penny craint quant à elle que sa famille ne lui pardonne jamais son étourderie qui lui a value de ne pas pouvoir revenir en Grande-Bretagne pour les revoir une dernière fois. Et quoi de plus efficace que de se retrouver au seuil de la mort afin de tout remettre à plat ?

A partir de là, on comprend très vite pourquoi cette fin du monde n’est qu’un prétexte (quasiment aucun effets spéciaux et on ne verra jamais le météore). Il s’agit de plonger les personnages dans une situation extrême afin d’exacerber leurs peurs, leurs doutes, leurs envies. Révéler, au moment où tout va disparaitre comme si de rien n’était, ce qui est réellement important. Et ce n’est pas toujours ce que l’on croit comme le révèlera les magnifiques vingt dernières minutes qui rachètent sans problème la première demi-heure où la réalisatrice tâtonnait un peu quant à la tonalité à prendre pour mieux raconter son récit. Tout doit être réglé dans l’urgence, on ne doit pas laisser les choses en plan. La question dans une telle situation est de savoir ce qui doit être prioritaire. Sa famille ? Ses amis ? Ceux que l’on aimait ? Ceux dont on essaye de se faire croire qu’on les aime encore ? Ou bien celle ou celui que l’on aime vraiment ?

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/91/23/74/20136304.jpgJoyeux cataclysme

Seeking a Friend…porte en lui une forme de gradation. On part au départ dans un portrait mondial, dans le sens où l’on assiste à des émeutes, à des réactions collectives (suicides, dépressions, tendance à la débauche sexuelle, crises de larme,…). Dodge n’est qu’un individu déprimé parmi des milliers d’autres. Mais au fur et à mesure que le film avance, son ampleur décroit. Bientôt le film ne suit plus qu’un duo faisant de courtes rencontres occasionnelles (dont un trop rare William Peterson et une star surprise vers la fin du long métrage). Au final, ce ne sera plus qu’un couple seul au monde. L’humanité a été sciemment « oubliée », « effacée » par sa réalisatrice, afin de ne se consacrer qu’à un point de vue intime comme ces récents films-catastrophes. Ce n’est pas une chronique sur un monde s’apprêtant à être détruit. Scafaria part d’un évènement énorme pour ne se consacrer au final qu’à l’humain.

Malgré son sujet, le film est assez optimiste. Peu de démence parmi les personnes que Dodge et Penny croisent sur leur chemin. Un brin dérangés parfois, angoissés surtout, mais ils ne rencontrent pas de psychos poussés par le désespoir. L’humanité semble calme, légèrement renfrognée mais attendant silencieusement et sans vrai révolte ce sort tragique inéluctable. Là où il y aurait pu n’y avoir qu’une succession de séquences mettant en scène une panique générale, Seeking a Friend… adopte un rythme lancinant et mélancolique. Nostalgique, le film l’est logiquement. Maintenant qu’il n’y a plus d’avenir, l’unique endroit où se projeter reste son passé. Un passé dans lequel il ne faut cependant pas se laisser enfermer comme le révèlera la sublime dernière séquence. Celle qui est la matrice de tout le long métrage de Scafaria vers laquelle il tend inexorablement. L’important est de profiter du présent pendant qu’il est encore là.

Au final, Seeking a Friend… est clairement l’une des rares bonnes surprises de cet été très morose. Un film injustement boudé outre-Atlantique, que ce soit au box-office ou par la critique, et qui ne devrait pas remporter un succès retentissant en France. C’est bien dommage car aussi intimiste soit-il, le film de Scafaria est clairement l’un des plus touchants et drôles de ces derniers mois. Une comédie romantique dans les règles de l’art qui, malgré la noirceur et le sérieux de son propos, parvient sans mal à proposer de longues plages de détentes, de bonheurs, de rires et surtout d’émotions. La fin du monde fait enfin rire. Cela n’était plus arrivé très souvent depuis le célébrissime Docteur Folamour de Stanley Kubrick. Seeking a Friend… ne sera d’ailleurs pas une exception car l’année 2013, si les Mayas nous permettent bien d’atteindre cette date, devrait voir sortir deux longs métrages apocalyptico-comiques. Le premier s’intitule The End of the World et est réalisé par Seth Rogen et Evan Goldberg. Le film racontera comment une bande de stars (Rogen, Jonah Hill, Paul Rudd, Michael Cera, Will Ferrell…) tente d’atteindre la villa de James Franco pour y célébrer une dernière party digne de ce nom. Le second est le dernier volet du « Blood & Ice Cream Trilogy » initiée par Edgar Wright (Shaun of the Dead et Hot Fuzz) avec Simon Pegg et Nick Frost. The End’s World suivra un groupe de vieux amis qui fait une tournée nostalgique des bars anglais qui ont marqué leur jeunesse tandis que l’apocalypse approche à grand pas.

NOTE :  7 / 10

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