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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 19:50

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Titre original : Magic Mike

Film américain sorti le 15 août 2012

Réalisé par Steven Soderbergh

Avec Channing Tatum, Alex Pettyfer, Matthew McConaughey

Comédie, Drame

Mike a trente ans et multiplie les petits boulots : maçon, fabricant de meubles, etc… Il se rêve entrepreneur. Il est surtout strip-teaseur. Chaque soir, sur scène, dans un club de Floride, il devient Magic Mike. Lorsqu’il croise Adam, il se retrouve en lui, l’intègre au club et décide d’en faire le Kid. Mais le Kid a une sœur, qui n’est pas prête à trouver Mike irrésistible…

      

Steven Soderbergh est un cinéaste très problématique. Bien que la quasi-totalité de sa filmographie soit composée d’œuvres assez médiocres, paresseuses et prétentieuses, on ne peut nier que la plupart de ses longs métrages sont basés sur des points de départ plutôt excitants qui auraient, en d’autres mains bien plus expertes, pu engendrer de vrais chefs-d’œuvre. Des idées de base, Soderbergh en a eu, que ce soit avec son film choral sur le trafic de drogue (Traffic), son dyptique sur Ernesto Che Guevara (Che), son remake de Solaris, son film de casse (Ocean’s Eleven), son portrait d’un infiltré mythomane dans une entreprise agroalimentaire (The Informant !) ou encore Contagion qui devait relater de façon très documentée et réaliste une épidémie mortelle de très grande ampleur.

Doté d’un statut très hype de « cinéaste américain indépendant et prodige » (il est le plus jeune « palmé » de l’histoire du festival de Cannes), Soderbergh a la critique mais aussi Hollywood dans sa poche. Cela lui permet en plus d’établir des castings de stars absolument délirants. Ses deux derniers longs métrages sont de bons exemples : Contagion réunissait Kate Winslet, Matt Damon, Gwyneth Paltrow, Marion Cotillard, Jude Law, Lawrence Fishburne ainsi que Brian Cranston ; son film d’action Haywire regroupait Channing Tatum, Michael Fassbender, Michael Douglas, Bill Paxton, Antonio Banderas ou encore Ewan McGregor. En l’état, les longs métrages de Steven Soderbergh auraient tout pour être des films évènements.

Hors, toutes ces œuvres déçoivent à l’arrivée. La déception est certes plus ou moins grande selon le projet mais l’impression d’un immense et injuste gâchis est commune à tous. En d’autres termes, Steven Soderbergh a rarement pu accoucher de quelque chose de plus fort qu’un film anecdotique. Et ça, ce n’est que lorsqu’on peut s’estimer à peu près chanceux. Car Soderbergh n’a parfois pas hésité à plonger dans la plus crasse médiocrité, notamment avec les insupportables Ocean’s Twelve et Ocean’s Thirteen, le très gonflant Girlfriend Experience ou encore le léthargique Che – partie 2. Que voulez-vous, Soderbergh a une sérieuse réputation à entretenir. Bien qu’il ait souvent flirté avec, il lui est apparemment inconcevable de faire un vrai « film de genre ». Steven Soderbergh est bien trop sérieux. C’est un « auteur ». Un cinéaste qui entreprend de jouer avec les codes sans en avoir assimilé un seul au préalable. On se retrouve alors avec Haywire, sorte de succédané des Jason Bourne qui décide de faire l’exact inverse de ces derniers, c’est-à-dire filmer en plan fixe et dans un montage à la ramasse les scènes d’action et de poursuite.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/64/98/20140033.jpgShowboys

Des films ennuyeux, Soderbergh en a fait. Mais si cela ne s’en tenait qu’à là, Soderbergh ne serait qu’un mauvais réalisateur de plus. Le problème, c’est qu’il parsème dans ses œuvres à sujets « subversifs » des messages bien pensants, politiquement corrects et moralisateurs dans le pire sens du terme. Soderbergh est le cinéaste de la bonne conscience. Une sorte d’artiste démocrate acclamé évidemment par la presse. Un ersatz américain de nos cinéastes « bobo » bien de chez nous. Qui ne peut s’empêcher de traiter ses histoires et ses personnages avec un mépris condescendant et une attitude hautaine insupportable. Soderbergh est clairement du niveau de J.J. Abrams ou de Josh Whedon. Un petit malin qui croit avoir tout compris à tous les types de cinéma et qui nous régurgite à l’écran cette soi-disant science infuse en se montrant notamment chiche d’un point de vue de la mise en scène (il refait en moins bien ce qui a déjà été élaboré, et la critique de se pâmer en faisant de Soderbergh l’inventeur de ces « formes ») et de l’entertainment (ce qui le démarque légèrement des deux autres).

Magic Mikene correspond pas à un changement chez le cinéaste. Au moins peut-on se dire que l’on a échappé à un nanard prétentieux pour avoir droit à une énième œuvre fort oubliable. Comme la plupart des autres films de Soderbergh, Magic Mike part d’un concept assez alléchant : une plongée dans l’univers des « gogo-danseurs ». La volonté d’une peinture sans concession et non aseptisée de cet univers. Pendant la première demi-heure, on croit assister à un miracle. Soderbergh dispose d’une troupe d’acteurs impliqués n’hésitant pas à donner de leurs personnes. Channing Tatum, ayant lui-même été stripteaseur  dans sa jeunesse, ajoute au réalisme du long métrage. Mieux encore, l’acteur le moins expressif d’Hollywood livre pour la deuxième fois consécutive une interprétation étonnamment convaincante. Peut-être parce que dans les deux cas, 21 Jump Street et Magic Mike, il ose le registre comique en se moquant de lui-même. Peut-être qu’une reconversion dans les productions humoristiques lui permettrait de trouver un meilleur élan pour sa carrière comme ce fut récemment le cas de Mark Wahlberg qui avait cassé son image de bad boy tirant la tronche en y imposant un sourire plus amical et plein d’autodérision.

A ce casting dans l’ensemble plutôt judicieux, il faut aussi mentionner Matthew McConaughey, revenu en grâce depuis quelques années avec l’intéressant The Lincoln Lawyer et qui s’apprête à enchainer les rôles dans les mois qui suivent avec Killer Joe de William Friedkin, Paperboy de Lee Daniels, Mud de Jeff Nichols et plus tard The Wolf of Wall Street de Martin Scorsese. Clairement un « come back » salutaire tant pour l’acteur que pour le spectateur puisqu’il aurait été bien dommage pour ce dernier d’être dispensé des interprétations bigrement charismatiques de cet acteur autrefois limité aux rubriques des journaux « people ». Quant à Alex Pettyfer, il se révèle assez crédible dans le rôle du « jeune disciple tête brulée », parvenant à ne pas être trop agaçant dans un personnage qui aurait pu verser sans complaisance dans le cliché.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/90/17/50/20140220.jpgSpectacle

Pour pleinement apprécier la première demi-heure de Magic Mike, il faut cependant faire fi de l’esthétique tout-à-fait ignoble qui enveloppe le long métrage. On connait depuis longtemps le goût prononcé de Soderbergh pour les filtres lumineux douteux. Traffic en était presqu’un manifeste puisque le réalisateur, pour donner une tonalité différente à chacune des histoires de son film choral, s’était juste contenté de changer la couleur de la photographie. On pouvait déjà voir le degré de complexité et de réflexion dans la mise en scène de Steven Soderbergh. Ici, encore moins de complexité. Tout est filmé, et particulièrement les séquences extérieures, avec un filtre jaune si hideux qu’on a l’impression que quelqu’un s’est soulagé sur l’écran.

Une direction artistique d’une laideur sans borne qui ne peut prendre l’emploi de caméras numériques pour le tournage comme excuse ; ce n’est pas comme si des longs métrages tels Drive de Refn, The Social Network de Fincher ou encore Hugo Cabret de Scorsese n’étaient pas passés auparavant dans les cinémas. Soderbergh s’évertue aussi à faire dans le « plan-plan ». A cet égard, la mise en scène de la chorégraphie est proprement consternante de fainéantise : un plan fixe au milieu de la scène, souvent suivi d’un plan fixe prenant le point de vue de l’arrière de la scène. C’est tout. Pour prendre comme exemple un autre film de danses dénudées, on est très loin de l’inventivité et du rythme du Showgirls de Paul Verhoeven. Même les scènes de « trip » sont outrageusement ringardes.

Mais Steven Soderbergh est au-dessus de tout ça. Il est bien trop « prestigieux » pour mettre en scène des comédies grivoises ou des films musicaux. Soderbergh est un « artiste ». Il lui faut donc impérativement appliquer son jugement moralisateur sur l’univers qu’il dépeint. Jouer au cinéaste engagé ayant un point de vue. Et comme toujours, celui-ci est immédiatement déplaisant à l’encontre de ces jeunes hommes qui se désapent pour des femmes trop ravies qu’on exauce enfin leurs fantasmes. Cette vision moralisatrice et critique s’incarne dans le personnage de la sœur d’Adam (Alex Pettyfer). Aide soignante, elle regarde d’un très mauvais œil son petit frère qu’elle surprotège lorsque celui-ci lui annonce qu’il entre dans une boite de striptease, mettant ainsi fin à plusieurs années de galère et de chômage.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/64/98/20140038.jpgAmerican Gigolos

Cette jeune et barbante demoiselle est incarnée par Cody Horn, fille d’Alan F. Horn qui n’est autre que le président de Warner Bros qui distribue justement Magic Mike. Il n’est pas gentil de dire du mal d’un « fils ou d’une fille de » tant qu’on ne l’a pas vu à l’œuvre. Dans le cas de Cody Horn, le talent a clairement sauté une génération. Ses origines mis à part, qui permettraient de ne la voir que comme une opportuniste pistonnée, elle reste de très loin la plus mauvaise actrice vue dans un film depuis plusieurs années. Dénuée du moindre charisme, elle se contente de faire cette moue dédaigneuse pendant toutes les séquences où elle apparait et débite ses répliques condamnatrices avec un ton monocorde. Son personnage en lui-même est déjà insupportable, ce qui explique en partie le fait qu’on veuille la baffer dès qu’elle apparait à l’image, mais son interprète n’hésite pas à pousser cette antipathie encore plus loin, au point d’espérer ne plus jamais avoir à la revoir dans un prochain film.

Elle est bien évidemment censée incarner le « love interest » de Magic Mike, le dit-Magic Mike finissant par tomber sous son « charme ». Hors l’alchimie entre les deux acteurs ne fonctionne jamais. Elle aurait pu avoir lieu si Tatum avait fait comme à son habitude, à savoir incarner mollement et sans expressivité son personnage. On aurait alors pu dire qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Mais il s’avère que Tatum a décidé de faire des efforts pour passer pour un acteur acceptable. Et il est bien difficile de savoir ce que Mike peut bien trouver à cette femme sans cesse agressive, arrogante et dénuée du moindre sens de l’humour (son rire extrêmement vulgaire se fait heureusement très rare). Elle ne cesse de rabaisser le personnage principal, de détester ce qu’il fait et de critiquer la moindre action de son frère et de ses amis.

Pour elle, Mike se ruinera et quittera ce métier de stripteaseur. L’ennui, c’est que Soderbergh semble être en adéquation avec l’opinion de celle-ci. Passée la première demi-heure, sa peinture du milieu des « gogo-danseur » se fait clairement plus orientée. Au point que Soderbergh finit par condamner les pratiques et le mode de vie de ces « débauchés ». Les stripteaseurs de la bande se font plus manipulateurs, plus intéressés, moins joviaux et amicaux. Soderbergh les dépeint enfin comme des êtres sans avenir, emprisonnés dans un milieu qui les régurgitera à la rue au moindre signe de faiblesse et de vieillesse. Ce ne sont plus les producteurs et réalisateurs des fantasmes de femmes trop souvent délaissées et souhaitant s’amuser. Ce ne sont plus que des « morceaux de viande », argument rabattue dans ce qui s’avère être une énième critique de cette industrie commerciale du sexe. Il était pourtant évident qu’un homme comme Steven Soderbergh ne pouvait pas avoir une autre vision de ce monde que celle d’un anticapitaliste et rebelle de pacotille. Se déshabiller pour l’amusement ? Impossible, cela ne peut être fait que par la contrainte d’un système où tout se paie, tout se vend, tout s’achète.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/90/17/50/20140228.jpgMise à nu

On peut poursuivre encore longtemps avec cette habituelle psychologie de comptoir chez Soderbergh. A la fin du long-métrage, Mike tire un trait sur tous ses rêves d’entrepreneurs pour ensuite se réfugier dans les bras d’une vraie femme. Enfin monogame, n’appartenant plus qu’à une femme comme le souhaite la société américaine, Mike peut enfin s’accomplir en tant qu’homme adulte ayant accepté de murir et de laisser derrière lui ses délires pré-pubères et hormonaux. Etre fauché n’est pas un problème. Sans avenir non plus. Le plus important c’est qu’il soit enfin avec une femme qu’il aime. Ce murissement est un peu le centre des productions comiques de Judd Apatow, souvent balayées d’un revers de la main par la critique. Or, dans ces dernières, cette évolution se fait certes avec une perte mais la récompense obtenue en vaut la chandelle : sortir avec Emma Stone comme dans SuperGrave mérite bien quelques petits sacrifices par exemple.

Cependant de contrepartie valable il ne parait pas y en avoir tant le personnage de la sœur (ou l’actrice) ne semble pas y mettre du sien. Mais Soderbergh se révèle satisfait de cette conclusion, regardant avec condescendance les autres stripteaseurs partir à Miami pour faire de l’argent avec leurs sexes. Encore une fois, derrière le vernis d’un sujet provocateur, le film de Soderbergh dévoile un fond hypocrite et bien pensant. Malgré sa classification et la « moiteur » de son sujet, Magic Mike est extrêmement sage dans sa représentation de la nudité et de la sexualité. Un traitement peureux et politiquement correct qui explique facilement son carton « inattendu » aux Etats-Unis qui surpris même les critiques et les pronostiqueurs du dimanche (toute proportion gardée, la littérature américaine vient de connaitre son premier best-seller érotique avec « Fifty Shades of Grey », un triomphe de librairie qui émoustilla les mères de famille coincées en leur faisant découvrir le « sadomaso soft » : c’est ce que l’on appelle le « mommy porn » soit le « porno pour maman »). Malgré ce qu’il veut faire croire, Magic Mike est loin d’être aussi jusqu’au-boutiste qu’un Cruising de Friedkin ou qu’un Crash de Cronenberg dans sa représentation cinématographique du sexe et des fantasmes « alternatifs ».

Magic Mikedemeure cependant l’un des meilleurs films de Soderbergh grâce à quelques répliques drôles, à quelques « shows » amusants et à sa poignée d’interprétations convaincantes. Certaines scènes, même faciles comme la séquence de la banque, parviennent à sonner juste et de façon percutante. Mais Magic Mike reste anecdotique alors qu’il avait toutes les cartes en main pour frapper un grand coup. Soderbergh continue de s’évertuer à faire comme George Lucas et Luc Besson en annonçant perpétuellement sa retraite anticipée, stratégie bien vue pour conserver une certaine hype sur son prochain film qui pourrait peut-être bien (mais en fait non) être son dernier. Le plus surestimé des réalisateurs américains préfèrent continuer de battre le record du nombre de films sorti dans la même année. Déjà trois en moins de douze mois, et deux autres sont déjà presque complètement tournés (The Bitter Pill et le téléfilm HBO sur Liberace intitulé Behind the Candelabra). Le jour où le boulimique Soderbergh comprendra qu’il faut parfois prendre son temps pour bien aborder un sujet et penser sa mise en scène en conséquence pour donner naissance à un bon film, le cinéaste aura fait un grand pas dans l’évolution de sa carrière. En attendant, ce n’est pas avec ce très imparfait Magic Mike qu’il va se rattraper.

NOTE :  4,5 / 10

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