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1 décembre 2010 3 01 /12 /décembre /2010 19:13

                                                       Metropolitan FilmExport

 - Film japonais sorti le 24 novembre 2010

 - Réalisé par Takeshi Kitano

 - Avec Takeshi Kitano, Jun Kunimura, Ryo Kase,…

 - Drame, Thriller

            Dans une lutte impitoyable pour le pouvoir, plusieurs clans yakuza se disputent la bienveillance du Parrain. Les caïds montent dans l'organisation à coups de complots et de fausses allégeances. Otomo, yakuza de longue date, a vu évoluer ses pairs : des tatouages élaborés et des phalanges sectionnées, ils sont passés à la haute finance. Leur combat pour arriver au sommet, ou du moins pour survivre, est sans fin dans un monde corrompu où règnent trahison et vengeance. Un monde où les héros n'existent pas...

Takeshi Kitano. Metropolitan FilmExportTakeshi Kitano. Metropolitan FilmExport

            Mis à part sa version de Zatoichi, personnage extrêmement populaire au Japon, Takeshi Kitano avait abandonné le cinéma « de genre » cette dernière décennie pour des films plus intimistes et moins grand public. Il revient pourtant cette année avec le film de yakusas Outrage, gangsters japonais pour lesquels Kitano avait auparavant affirmé qu'il n'en ferait plus les sujets d'un de ses long-métrage. Mais c'est en revenant à ce type de films, qui ont fait de lui l'un des plus célèbres et talentueux réalisateurs japonais de notre époque, qu'il marque son grand retour. 

            Après un passage non remarqué au dernier festival de Cannes, dont un flingage assez déplorable de la part du « Figaro », Outrage arrive donc discrètement sur nos écran sans avoir remporté un seul prix lors de la compétition en mai dernier. C'est pourtant bien dommage car le dernier film de Kitano est une belle réussite. La première qualité de ce long-métrage est d'abord son aspect brut de décoffrage, violent, dérangeant. Les coups s'enchainent de façon régulière et l'on a le droit d'assister à toute une série de tortures des plus diverses. Avec donc au programme : transpercement des tympans à coups de baguettes dans l'oreille ; charcutage de la bouche à l'aide de la fraise d'un dentiste (à peu près aussi agréable à regarder que la scène atroce d'interrogatoire dans Marathon Man) ; pendaison et quasi-décapitation en étant tracter par une voiture ; et découpage de phalanges à l'aide de couteaux, hachoirs et autres cutters rouillés.

            Outrage est avant tout un gigantesque massacre mais orchestré de façon volontairement grotesque. Et c'est là où réside l'autre point fort du film : son caractère comique. De l'humour très noir certes, mais assez efficace et mordant. Car si le massacre a lieu c'est à cause d'un terrible enchainement de conséquences découlant d'une simple magouille visant à masquer au « grand patron » une liaison entre gangs qui serait mal vu, surtout pour l'un des principaux concernés. Coincé par des traditions datées et d'un code de l'honneur aberrant (le découpage d'une phalange pour s'excuser d'une erreur commise), ce milieu fermé des yakusas s'autodétruit à la suite de quelques manipulations jusqu'à une totale épuration des effectifs, entrainant l'établissement d'une nouvelle structure. Outrage c'est la parfaite représentation d'une autodestruction par l'absurde. Un enchainement immédiat de causes à effets terrible et impossible à arrêter. A moins de réaliser que les traditions sur lequel se base ce milieu sont archaïques ; comme lors de la révélation de l'inutilité et du côté obsolète d'une pratique telle que l'amputation d'une phalange pour montrer sa repentance.  

            Le film de Kitano suit la structure du « rise / fall / (re)rise... » que bon nombre de grands films de gangsters ont adopté, de la trilogie du Parrain de Coppola à Scarface de Brian de Palma, ou de L'Impasse toujours réalisé par de Palma aux Affranchis de Scorsese. Outrage est l'histoire d'une passation de pouvoir qui passe par la destruction physique de la structure précédente. Et l'on en revient à la problématique qui sous-tendait le récent film de Fincher, The Social Network : une « révolution » amène-t-elle un nouvel ordre social ou, comme son nom l'indique, un retour au même ? La fin d'Outrage, particulièrement pessimiste et cynique, semble donner raison à cette seconde idée en montrant un nouveau chef de gang en train de rencontrer le nouveau chef corrompu de la police et où l'on note que finalement tout n'a pas vraiment changé. 

            Dans Outrage, la mise en scène de Takeshi Kitano est très épurée, sans fioriture et avec peu d'effets de style. Il s'en dégage une certaine froideur et un certain recul vis-à-vis de cet univers qui semble si fermé et si éloigné de nous. Cela rend Outrage encore plus brutal car peu d'émotions se dégagent de ces personnages trop nombreux. Ce côté déshumanisé et détaché est probablement le point faible du film, puisqu'il est difficile d'éprouver de l'empathie pour ces sous-fifres, dont peu d'entre eux arrivent à dégager un charisme ou une personnalité suffisamment marquante (comme le personnage interprété par Kitano). C'était cependant un risque nécessaire pour montrer l'incapacité de ces hommes à avoir leur propre identité et leur propre libre-arbitre face à ces vieilles règles omniprésentes et ce qui les empêchent donc d'échapper à l'engrenage meurtrier qui s'est enclenché par un homme qui a voulu duper tout le monde. Outrage est aussi passionnant dans ce qu'il montre de la main basse des yakusas sur la société nippone : trafic de drogue pour les bourgeois, extorsions, possession de boites ou d'entreprise, chantage et manipulation d'hommes politiques (ici, un ambassadeur qui surjoue de tant à autres),... Il y a enfin une belle mise en abime de Kitano avec la représentation des yakusas mettant en scène une suite de provocations successives destinées à mettre le feu aux poudre. Un feu purificateur allumé par un yakusas afin d'effacer toute trace des malversations qu'il a accompli. 

            Outrage est une belle surprise, très mal distribuée malheureusement mais c'est devenue une habitude en France en ce qui concerne les productions asiatiques, et qui marque avant tout le grand retour de Kitano pour un cinéma de genre plus « populaire ». Jouissif, violent, absurde et fascinant, Outrage est à la fois un beau film de gangsters et un vrai « coup de poing ». 

* * * * *  

Takeshi Kitano. Metropolitan FilmExportMetropolitan FilmExport

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