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5 décembre 2010 7 05 /12 /décembre /2010 00:54

                                                   Warner Bros. France

 - Film britannique sorti le 24 novembre 2010

 - Réalisé par David Yates

 - Avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson,…

 - Fantastique, Aventure

            Le pouvoir de Voldemort s'étend. Celui-ci contrôle maintenant le Ministère de la Magie et Poudlard. Harry, Ron et Hermione décident de terminer le travail commencé par Dumbledore, et de retrouver les derniers Horcruxes pour vaincre le Seigneur des Ténèbres. Mais il reste bien peu d'espoir aux trois sorciers qui doivent réussir à tout prix...

Daniel Radcliffe, Rupert Grint et Emma Watson. Warner Bros. FranceEmma Watson. Warner Bros. France

            Succès démentiel en librairie, la saga « Harry Potter » n'avait pas tardé à intéresser les producteurs et les studios au début de l'année 2000. Chris Columbus avait eu la lourde tâche de démarrer les hostilités en adaptant les deux premiers tomes et, si le premier épisode a très mal vieilli, il avait réussi à poser des bases solides pour la série sur le grand écran avec en prime une belle fidélité aux romans d'origine. Mais c'est avec le troisième épisode, réalisé par le terriblement talentueux Alfonso Cuaron, que la série avait pris un virage plus mature, ambitieux, gothique et moderne ; clairement l'unique épisode d’Harry Potter qui peut légitimement être considéré comme un chef d'oeuvre. Mike Newell avait pris la suite en réalisant le quatrième épisode qui, s'il ne bâclait pas les scènes clés du livre, commençait à montrer les premiers signes de fatigue avec des problèmes d'adaptation et de raccourcis assez embarrassants pour la compréhension du récit (surtout pour les néophytes). Et malgré les grands noms qui avaient tourné autour du poste de réalisateur d'un des films, comme Jean-Pierre Jeunet, Terry Gilliam, Steven Spielberg ou Guillermo del Toro, c'est David Yates qui a hérité des trois dernières adaptations. 

            Volonté d'une continuité esthétique tardive ou simple « yes-man » aux ordres des producteurs qui se sont empressés de le reconduire jusqu'à la fin à ce poste ? Quoiqu'il en soit, Yates avait réalisé ce qui sont rien de moins que les deux plus mauvais épisodes, le sixième intitulé Harry Potter et le Prince de Sang-mêlé étant un gigantesque massacre à côté de la plaque du meilleur des livres de J. K. Rowling. Qu'attendre alors de l'ultime opus divisé en deux parties afin de permettre une meilleure adaptation fidèle (raison officielle) mais aussi de rapporter deux fois plus d'argent car la Warner tarde à mettre un terme à sa poule aux oeufs d'or (raison officieuse) ? Et qui a en plus surfé un temps sur la mode de la 3D convertie en postproduction, la Warner ayant refusé le changement qu'annonçait l'Avatar de Cameron jusqu'à la sortie de ce dernier, avant d'abandonner le procédé pour la première partie du moins tant les résultats étaient peu probants ? Rien du tout. On pouvait à peine espérer que Yates sauve les meubles de ce désastre annoncé. Et c'est là que le miracle s'accomplit.

            Première image : sur fond de nuages sombres et orageux, le logo Warner apparait et se décompose en rouillant. La séquence qui suit est un montage habile montrant les trois héros se préparant à l'aventure ténébreuse qui s'annonce à eux. Pendant qu'Harry observe ce qui lui reste de famille s'enfuir de chez elle, Hermione s'efface de la mémoire de ses parents moldus (non sorciers) afin qu'il ne soit pas mis en danger par les mauvais sorciers « purs ». En cinq petites minutes, tout devient très clair : fini de rire, nos jeunes héros ont grandi et doivent se préparer à quitter le giron protecteur des adultes pour se débrouiller par eux-mêmes. Harry Potter et les Reliques de la Mort est un film sur la fin de l'innocence. Les seconds rôles, toujours aussi nombreux, sont cependant sciemment mis en arrière-plan pour se focaliser sur les peurs du trio principal. Et en toute logique, cet épisode souffre d'un effet  « girouette » : alors que les derniers films étaient, avec raison, sévèrement critiqués pour leurs trop nombreux raccourcis et leur trop plein d'actions, ce dernier film de Yates est maintenant décrié pour son côté lent, contemplatif et réflexif.

            Et le livre l'était justement, tout du moins la première partie qui est ici adaptée. Cette première moitié est une éternelle fuite en avant qui doit nous préparer à la violente et furieuse explosion finale. Et pourtant les vingt premières minutes sont loin d'être rassurantes puisqu'elles reproduisent les mêmes erreurs que les trois derniers films en termes de narration et d'exposition. Certes ces erreurs proviennent avant tout du travail assez catastrophique de l'adaptation des épisodes précédents, mais font d'abord craindre le pire. C'est par exemple le cas dans le traitement de la relation amoureuse entre Lupin et Tonks et notamment lorsque cette dernière, qui n'a bénéficié dans la série que de peu d'intérêt, a une annonce à faire sur laquelle on ne reviendra pas une seule fois et dont on ignorera le contenu. De même pour la mort d'un des personnages les plus iconiques qui se fait hors-champs et pour laquelle les personnages principaux ne semblent absolument pas affectés outre mesure ; on se souvient de la mise en scène catastrophique des assassinats de Sirius Black et de Dumbledore dans le 5 et le 6. Enfin, la scène du mariage d'un des frères de Ron Weasley, personnage introduit dans la saga quelques minutes plus tôt, est amenée de façon assez maladroite. Mais cependant c'est cette scène qui entraine le film à un virage salvateur. 

            C'est en effet après cette séquence que débute la fuite perpétuelle et la quête interminable et frustrante du trio principal. L'une des principales faiblesses des opus de Yates étant le manque d'épaisseur ou de charisme des nombreux personnages secondaires, leur absence soudaine pendant près de deux heures de long-métrage est bénéfique à Harry Potter 7 ½. Et quoi de mieux pour illustrer ce changement de ton et de style que l'absence presque totale de séquences se déroulant ou mentionnant Poudlard, l'école des sorciers où se déroulait presque intégralement tous les films de la série. Changement aussi dans la mise en scène qui devient moins ample et tape-à-l'oeil que dans les précédents Harry Potter, puisque Yates se met à déployer une réalisation plus sèche, nerveuse, caméra à l'épaule. De toute évidence, Yates est bien plus à l'aise avec une trame intimiste. Il livre quelques belles scènes entre ces jeunes adolescents inquiets et frustrés, à l'image de cette séquence désespérée de danse entre Harry et Hermione, où même Daniel Radcliffe arrive à trouver une vraie justesse, avant qu'ils ne se renferment de nouveau dans le silence et la déprime. 

            Yates a aussi visiblement fait des progrès dans la réalisation de scènes d'action. On a un souvenir (très) douloureux des séquences finales dans le Ministère de la Magie pour le 5 et de la grotte dans le 6 qui, si elles n'avaient pas été notamment sabotées par un montage absurde brisant leur rythme, leur suspense et leur intensité, auraient pu être de vrais moments d'anthologies du cinéma fantastique. Hors ici, si l'on excepte une atroce course-poursuite dans la forêt filmée caméra à l'épaule à la « Greengrass style » (c'est-à-dire complètement illisible), Yates réussit l'exploit de créer des morceaux de bravoure assez intenses et inspirés. La séquence aérienne en début de long métrage est plutôt prenante, mais c'est surtout par la scène d'infiltration dans le Ministère de la Magie que l'on réalise vraiment l'amélioration de la série en la matière. Dans une scène à la Mission Impossible (qui décidément après Toy Story 3 et Inception aura bien influencé les long-métrages dernièrement) au milieu d'un décor totalitaire étouffant et baroque tout droit sorti du Brazil de Gilliam, Yates, libéré de la contrainte du « résumer les huit cents pages du livre en deux heures chrono », prend son temps et réussir à instaurer un suspense terriblement prenant avant de terminer sa séquence par un beau ralenti que n'aurait pas renié un Brian de Palma. 

            Mais la plus grande surprise de cet Harry Potter 7 ½ est sa très grande noirceur et sa violence, surtout au regard de l'adaptation ciné de cette série qui a toujours privilégié un côté « enfantin » pour ne pas s'aliéner la partie du public qui selon le studio Warner garantissait le succès des films Harry Potter. On peut soit penser à une idée perverse des producteurs qui, ayant conditionné les enfants à aller voir des épisodes d'Harry Potter tout mimi et familiaux, ont décidé soudainement de les traumatiser à vie, soit, et c'est bien plus probable, à un in-extremis revirement intelligent et judicieux. Photographie plus sombre, musique d'Alexandre Desplat plus angoissante (même si elle n'atteint à aucun moment le niveau des partitions de John Williams et en particulier celle pour Le Prisonnier d’Azkaban) et plus d'hémoglobine. L'apogée du film est atteint lors de la partie assez géniale se déroulant à Godric's Hollow. D'abord terriblement émouvante, avec une Emma Watson très juste (clairement celle du trio qui s'en est toujours le mieux tiré et qui a le plus progressé) et un Daniel Radcliffe qui a de toute évidence réussi à atteindre le niveau de jeu que l'on attendait de lui, puisqu'Harry se retrouve pour la première fois devant la tombe de ses parents, la séquence devient très vite inquiétante avec l'arrivée du personnage de Bathilda Tourdesac. La scène oppressante dans une vieille maison tourne soudain dans le domaine de l'horreur la plus totale. Séquence fortement inspirée du Psychose d'Hitchcock à au moins deux reprises avec un mouvement de lampe similaire et à la façon dont Hermione découvre la vérité sur la fameuse Bathilda. Clairement la scène la plus violente, dérangeante et flippante faite dans toute la série des Harry Potter.  

            Harry Potter 7 ½ n'est pas non plus dénué de bonnes trouvailles visuelles. L'une d'elle est la séquence qui confronte Ron à l'entité maléfique contenue dans le médaillon, un des sept Horcruxes contenant une partie de l'âme du terrible Voldemort, que les héros tentent de détruire (référence un brin trop appuyé à l'Anneau de la trilogie d'héroïc-fantasy de J.R.R. Tolkien). Une fois ouvert, le médaillon laisse échapper une masse informe monstrueuse à mi chemin entre du Lovecraft et à ce qui ressemble vaguement au symbiote dans la séquence finale de Spider-man 3. Une scène terrifiante et particulièrement sombre, doublée d'un court plan montrant de faux Harry et Hermione s'embrassant à demi nu (faut pas choquer les enfants non plus), qui permet de rendre le personnage de Ron un peu moins insipide que d'habitude, ce dernier étant amoureux d'Hermione et jaloux du charisme de son meilleur ami. L'autre excellente bonne surprise est la façon dont est raconté le conte des « reliques de la Mort ». Mélange très réussi entre animation traditionnel et numérique, avec une forte inspiration vers l'imagerie médiévale et accompagnée de la voie off d'Emma Watson relatant l'histoire, cette scène est un bijou de noirceur en soit, qui rappelle un peu ce que faisait Tim Burton dans les années 90. Une bien belle audace qui permet à Harry Potter 7 ½ de se démarquer encore une fois des autres épisodes. 

            Le film donne enfin une plus grande importance au personnage de Voldemort, ce qui aurait dû être fait dans Le Prince de Sang-mêlé, et permet à Ralph Fiennes de se montrer détestable à souhait alors qu'il avait été honteusement sous-employé depuis le quatrième film où il apparaissait pour la première fois. On découvre aussi de nombreux nouveaux visages parmi les terribles Mangemorts, les sbires de Voldemort, dont le personnage de Greyback, mi-humain et mi-loup-garou, que l'on espère plus présent dans la seconde partie ainsi que l'acteur David O'Hara, inénarrable Fitzy dans Les Infiltrés de Scorsese, qui prête ses traits à Daniel Radcliffe lors de la séquence du Ministère de la Magie. Unique ombre au tableau, l'interprétation catastrophiquement surjoué d'un des personnages les plus passionnants de la série par Helena Bonham Carter (mais que lui ai-t-il arrivé ? Est-ce dû à l'influence de son mari Burton qu'elle n'arrive plus à jouer correctement sans en faire des caisses au niveau des grimaces et de la gestuelles ?). Cette première moitié s'achève sur une note résolument sombre, le sacrifice d'un personnage ami avec Harry symbolisant définitivement la fin de son enfance et l'annonce de la bataille terrible qui se rapproche à grand pas. Le climax évident, un Voldemort désormais au sommet de sa puissance et presque invincible, met fin brutalement à cette première partie car il faut bien « teasé » tout ce beau public pour qu'il retourne dans les salles en juillet.    

            Cependant, ne soyons pas fine bouche, si le principe de couper en deux cet épisode est purement mercantile, il permet néanmoins plus de liberté pour Yates afin d'adapter fidèlement le roman. Plus contemplatif, sombre, violent, désespéré, cet Harry Potter 7 ½ est l'épisode qu'on espérait plus. Et si la même note d'intention est tenue tout le long de la seconde partie, il est évident que le début de l'été 2011 sera explosif…

* * * * *

Daniel Radcliffe. Warner Bros. FranceDaniel Radcliffe et Emma Watson. Warner Bros. France

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