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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 00:10

                                                

 - Titre original : Jodaeiye Nader az Simin

 - Film iranien sorti le 08 juin 2011

 - Réalisé par Asghar Farhadi

 - Avec Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseini,…

 - Drame

                 Lorsque sa femme le quitte, Nader engage une aide-soignante pour s’occuper de son père malade. Il ignore alors que la jeune femme est enceinte et a accepté ce travail sans l’accord de son mari, un homme psychologiquement instable…

Leila Hatami. Memento Films DistributionPeyman Moadi. Memento Films Distribution

            Une Séparation est un véritable triomphe dans les divers festivals où il est passé, notamment celui de Berlin où il a obtenu deux Ours d'argent pour ses interprètes et l'Ours d'or, ainsi qu'un beau succès en France malgré son peu d'exposition médiatique. Une Séparation c'est aussi l'un des rares films iraniens à atteindre nos contrées. Et c'est là que réside la force du film d'Asghar Farhadi : être un reflet de l'oppression qu'exerce le régime sur ce pays meurtrie.  

            Une Séparation est un film « double ». C'est avant tout un drame intimiste sur une famille qui se déchire mais qui va cependant devoir faire face ensemble à une épreuve inattendue et douloureuse. C'est l'acceptation par la jeune fille du divorce inéluctable de ses parents. Epreuve apparemment insoutenable mais qui a avant tout pour but d'endurcir les personnages, de les faire murir. Le scénario est écrit avec une extrême minutie et précision, faisant surgir une multitude de sentiments, d'arrière-pensées jamais directement exprimées mais toujours facilement perceptibles ; le film refusant de prendre le spectateur par la main et de tout lui expliciter. On peut reprocher le rythme parfois trop lent de ce long-métrage mais sa longue exposition et ses longs silences se révèlent souvent payants, renforçant l'atmosphère anxiogène et donnant une plus grande profondeur psychologique aux différents personnages.  

            Mais le film de Farhadi peut aussi être vu sous l'angle du thriller. En effet le personnage du père, Nader, qui est brillamment et subtilement interprété par Peyman Moadi, est accusé d'avoir commis un acte aux conséquences dramatiques. Le réalisateur, de façon assez perverse et maligne, ne montrera jamais si le héros a commis cette acte, ni même s'il sait ce qu'il a vraiment fait. Le doute est omniprésent et l'on est toujours coincé dans la position du spectateur, de la fille pour être plus exact, qui observe et souffre en essayant de déterminer ce qui s'est vraiment passé. Essayer de déterminer la nature de l'autre, ce qui se cache sous ses masques qu'une pression sociale inimaginable est en train de faire voler en éclat. Une Séparation, sans trop y paraitre, est un miroir terrifiant de la société iranienne. Une société où la justice se fait de façon douteuse, dans des conditions contestables. Une société où la religion prend une trop grande place dans la vie privée et dans le rapport homme/femme.  

            Cette lutte judiciaire entre deux familles va rapidement prendre une dimension sociale. En effet celle-ci va devenir l'image d'une lutte de classe entre cette famille un peu aisée et la famille victime complètement défavorisée et démunie qui se sent persécutée. Un rapport de force très tendu, révélateur des malaises qui gangrènent la société iranienne. L'autre point fort d'Une Séparation est son refus du manichéisme. D'un côté le film est (très) loin d'être une apologie du régime mais il refuse aussi de céder dans l'excès inverse, c'est-à-dire le dénigrement systématique. Il aurait été facile, et même aveuglément acclamé par les critiques, de montrer les femmes martyrisées et victimes de ces hommes tout puissants qui ont, entre autres, la religion pour eux. Sauf que le film montre aussi des hommes fragiles, qui souffrent même s'ils acceptent souvent le système. Les femmes aussi souffrent, probablement plus, mais cette position intenable les amènent à avoir un comportement parfois très agressif à l'encontre de leur conjoint. Néanmoins il s'agit toujours de personnages forts, qu'ils soient hommes ou femmes.  

            Le film pâtit aussi de cette ambiance parfois très lourde, rendant son visionnage souvent éprouvant pour le spectateur. Mais la mise en scène est aussi assez efficace et appropriée au sujet, la caméra étant toujours proche des personnages. L'aspect réaliste de la réalisation (image pâle, caméra portée) lui confère un caractère documentaire, pris sur le vif et assez nerveux lors des confrontations parfois physiques. Les acteurs ne déméritent pas non plus et leurs récompenses sont bien justifiées. Aucun ne surjoue et préfère rester sobre dans l'ensemble afin de ne pas trop expliciter leurs personnages et garder ainsi une part de mystère, d'inaccessibilité. Cela n'empêche pourtant pas l'empathie, y compris pour le personnage colérique du mari de la femme victime. Seule la jeune actrice interprétant la fille du couple au bord du divorce n'arrive pas complètement à assurer dans son rôle (très) complexe et probablement trop grand pour elle ; cela est bien compréhensible sachant que même des adultes n'auraient pas forcément réussi à relever ce défi.  

            Malgré l'ambiance assez oppressante et le caractère très déprimant du film, presqu'intégralement dénué d'humour, et son rythme parfois en dents de scie, Une Séparation est une oeuvre des plus intéressantes et dont le relatif succès en France est à encourager surtout dans une période où notre cinéma national a perdu l'habitude de faire des films ayant une portée politique interrogeant les fondements de notre société. Un film qui tente de lier divertissement (par le biais du « thriller » et du film d'enquête), émotions (drame familial) et un certain sous-texte amenant le spectateur à remettre en question ce qu'il est et ce qu'il croit. 

NOTE à 6,5 / 10

Sareh Bayat. Memento Films DistributionPeyman Moadi. Memento Films Distribution

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commentaires

C
Pour moi un réel chef d'oeuvre, à tout point de vue : acteurs, mise en scène te scénario.
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