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1 juin 2012 5 01 /06 /juin /2012 10:47
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Titre original : On the Road

Film américain sorti le 23 mai 2012

Réalisé par Walter Salles

Avec Sam Riley, Garrett Hedlund, Kristen Stewart,…

Drame

Au lendemain de la mort de son père, Sal Paradise, apprenti écrivain new-yorkais, rencontre Dean Moriarty, jeune ex-taulard au charme ravageur, marié à la très libre et très séduisante Marylou. Entre Sal et Dean, l’entente est immédiate et fusionnelle. Décidés à ne pas se laisser enfermer dans une vie trop étriquée, les deux amis rompent leurs attaches et prennent la route avec Marylou. Assoiffés de liberté, les trois jeunes gens partent à la rencontre du monde, des autres et d’eux-mêmes.

    

L’adaptation de livres en films est une démarche aussi vieille que le cinéma lui-même. Généralement, le mieux est de s’emparer d’un ouvrage imparfait afin que le long-métrage puisse aisément y apporter quelque chose et parvienne ainsi à le transposer fidèlement, à son esprit en tout cas, sur un support visuel. S’attaquer à un ouvrage littéraire adulé et considéré comme un chef d’œuvre est nettement plus ardu et audacieux. Peu de metteurs en scènes ont suffisamment de talent, d’intelligence et de culture pour en comprendre l’essence et palier visuellement au fait que le livre trouvait souvent son caractère de « grande œuvre » dans sa forme écrite. La démarche est donc généralement vouée à l’échec.

Ce n’est qu’en partie le cas de Sur la route de Walter Salles. Le roman éponyme de Jack Kerouac est l’ouvrage fondateur de la « beat generation » au début des années 50 et constitue ainsi un monument en soi au sein de la culture américaine mais aussi internationale. L’adapter dans un quelconque autre format entrainerait presqu’automatiquement une perte de ce qui fait sa spécificité. Le risque est alors de faire de ce voyage « sur la route » rien de plus qu’un banal « road movie ». Et il est malheureusement rapidement évidemment que Salles ne parvient pas à relever son pari ; pas forcément par sa faute mais vraisemblablement par le fait que cette adaptation arrive bien trop tard, au cours d’un contexte obsolète qui ne s’y prête plus.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/89/37/42/20102196.jpgVoyage dans le temps

En effet, « Sur la route » est le symbole même du malaise et des rêves d’une génération maintenant vieille de plus de soixante ans. Que peut-on en dire aujourd’hui ? Faire maintenant une adaptation qui se veut fidèle n’a pas vraiment de sens car le film tâcherait vainement de parler d’une période qui n’est plus, sans avoir aucun recul. On se retrouve alors avec un film lui-même « obsolète » qui, au mieux, ne pourra qu’attiser ce désir de voyager et de liberté chez les jeunes spectateurs sans être parvenu à avoir le même impact que le roman, notamment au moment de sa publication. Sur la route est l’archétype de l’adaptation prévue pour rafler des récompenses. On adapte un grand livre reconnu, gageure certaine d’une « grande » histoire, et on la met à l’écran en attendant que quelques restes du bouquin fassent leurs effets en réussissant à transparaitre, parfois accidentellement, de l’adaptation cinématographique.

On en conviendra, Salles et Coppola (ce dernier à la production et le premier qui est en terrain connu après l’intéressant Carnet de voyage retraçant le parcours du Che en Amérique du sud avant qu’il ne se lance en politique) ne se moquent pas de nous au niveau de l’emballage. La photographie est absolument magnifique et elle magnifie sans aucun problème ces paysages si étourdissants des Etats-Unis. On peut clairement condamner l’académisme de cette mise en scène qui n’invente rien et se contente de ce qui été accomplie avant elle, mais on ne peut lui enlever le fait que son efficacité est plutôt bien été conservée. On est en terrain connu en somme, et reconstitution 40s-50s oblige, il y a plein de couleurs comme si cela avait été tourné en technicolor et un grain d’image pour conférer un côté « image d’archive » au long-métrage de Walter Salles.

De même, le casting est assez convaincant. On pourra toujours regretter le peu charismatique Garrett Hedlund dans le rôle de l’ultra séduisant Dean Moriarty, choix de casting assez saugrenu qui avait difficilement rassuré lorsqu’on l’avait vu en premier rôle inexpressif dans Tron l’héritage. Sam Riley rattrape heureusement le coup, au point que la très présente voix off qui aurait pu être indigeste passe plutôt bien grâce à sa tonalité vocale lancinante et envoutante. Quant à Kristen Stewart, elle continue de prouver à ses détracteurs qu’elle a une vie après Twilight en brisant toujours un peu plus son image de fille sage (bien que ses scènes de sexe, parfois à trois, n’arrivent pas à égaler la prestation « crash test » de son « compagnon vampire » à la vie et à l’écran, Robert Pattinson, dans le Cosmopolis de David Cronenberg). Un fait néanmoins pas très surprenant pour ceux qui l’avaient déjà découvert avant l’adaptation des piteuses histoires romantico-fantastiques de Stephenie Meyer et qui, depuis, suivent assidument sa carrière alternative déjà riche en rôles de « marginales » dans les excellents Panic Room, Into the Wild, Adventureland, Welcome to the Rileys ainsi que The Runaways.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/83/04/97/20094644.jpgCombustion instantanée

Si tout le reste du casting fonctionne plutôt bien, notamment Viggo Mortensen, un problème se pose vite à ce sujet. Car qui dit « road movie », dit aussi « rencontres » et donc « nombreux seconds rôles ». Malgré sa « longueur » (deux heures vingt), le film Sur la route peine à faire vivre la plupart de ces personnages secondaires qui, pour la plupart, n’apparaissent pas plus de cinq minutes. Il est parfois bien difficile de percevoir en une poignée de minutes la spécificité de l’une de ces personnes si merveilleuses et si pleines de vie (dont leur aura et leurs envies semblent littéralement « bruler ») que le trio rencontre sur sa route. Au final, on ne retient pas beaucoup de ces personnages qui ne font qu’entrer et sortir du cadre avant de disparaitre irrémédiablement, remplacés par d’autres qui ne resteront pas plus longtemps à l’écran.

On sent que Salles essaye de contenir la complexité et la richesse du roman de Kerouac dans cette durée pénible de deux heures vingt minutes, suffisamment longue pour ne pas trop survoler le sujet mais aussi suffisamment courte pour ne pas perdre plus d’une séance par jour, ce qui serait sinon un certain handicap financier pour son remboursement. On finit par se sentir agacé comme lorsque l’on participe à ces genres de voyages organisés où tout est préparé à l’avance et où tout doit être visité à toute allure sans que l’on ne s’arrête quelques instant pour admirer. Il faut tout faire très vite. Peu de pauses, on passe à l’étape suivante en ayant déjà difficilement finie la précédente. Au final, il ne reste que quelques vagues images que l’on est parvenu à « voler » de cette album que l’on tourne bien trop rapidement (le personnage d’Amy Adams est par exemple limitée à une simple droguée voyant des lézards dans le jardin).

On pourra aussi regretter cette subversion et cette liberté de ton de façade. Malgré les scènes de sexe, très peu de nudité. Les séquences de drogue et de trip sont toujours très propres afin de ne pas heurter le spectateur. Mais au final, c’est encore ce caractère « obsolète » qui ressort de cette adaptation. Elle a d’abord mise bien trop de temps à être montée, Francis Ford Coppola devant déjà l’adapter à partir de la fin des années 60*, ce qui aurait eu un tout autre visage mais surtout une toute autre actualité avec son époque. Sur la route de Walter Salles ne résonnent pas avec grand-chose et arrive quelques cinquante années trop tard après de multiples adaptations et « road movies » qui s’étaient déjà indirectement inspirés du roman de Kerouac (notamment le célèbre Easy Rider). A ce niveau, Sur la route est le John Carter non abouti du « road movie ». Une initiative d’autant plus vouée à l’échec que Salles, bien que son film demeure sympathique et divertissant, s’était fait damer le pion par Sean Penn il y a de cela quatre années avec son Into the Wild ; ce dernier parvenait en effet infiniment plus à faire ressentir cette ivresse de liberté et de paix tout en ne sacrifiant presque jamais ses personnages secondaires.

NOTE :  5,5 / 10 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/83/04/97/20094639.jpg
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