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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 19:10

                                                  

 - Film français sorti le 01 décembre 2010

 - Réalisé par Fred Cavayé

 - Avec Gilles Lellouche, Roschdy Zem, Gérard Lanvin,…

 - Policier, Action

            Tout va pour le mieux pour Samuel et Nadia : lui est bientôt infirmier et elle, attend son premier enfant. Mais tout bascule lorsque Nadia se fait kidnapper sous l'oeil impuissant de Samuel. A son réveil, son portable retentit : il a trois heures pour sortir de l'hôpital dans lequel il travaille un homme sous surveillance policière. Le destin de Samuel est désormais lié à celui de Sartet, une figure du banditisme activement recherchée par tous les services de police. S'il veut revoir sa femme vivante, Samuel doit faire vite…

Gilles Lellouche. Gaumont DistributionRoschdy Zem. Gaumont Distribution

            En décembre 2008, Fred Cavayé nous avait fait un belle surprise avec son Pour Elle, thriller très maîtrisé sans autre ambition que celle, très louable, de ne pas se moquer des spectateurs et de lui faire passer un bon moment. Sans le vouloir, Cavayé est un peu devenu l'espoir d'une possible résurrection du film de genre français tel qu'on en trouvait encore jusqu'à la fin des années 70. Deux ans pile après ce coup d'éclat, Cavayé transforme l'essai avec A Bout Portant, film d'action cherchant à reproduire la dernière demi-heure trépidante de Pour Elle sur une durée d'une heure et demie.  

            Contrairement à la grande majorité des fragiles tentatives de productions françaises dans ce genre que l'on pense à tort typiquement américain, ce second film de Cavayé se révèle être absolument jouissif. A l'inverse de la plupart des scénaristes français, qui sont très souvent aussi leur propre réalisateur, Cavayé fait confiance à son histoire et à sa mise en scène. En résulte ce que l'on pourrait considérer comme une hérésie dans le milieu cinématographique français : Cavayé ose retirer du dialogue de son propre script. Alors que les productions françaises, à grande ou petite échelle, ont pour la plupart du temps la mauvaise habitude de surligner l'action avec trop de dialogues, comme si c'était le scénario qui garantissait la réussite d'un film, Cavayé se sert de ces restrictions pour libérer sa mise en scène et faire dire par l'image ce qui aurait été lourdement appuyé par des répliques superflues. Judicieux choix puisque de cette manière le rythme d'A Bout Portant ne faiblit jamais. 

            Cavayé arrive en trois courtes scènes à instaurer une relation forte entre le personnage de Samuel, incarné par Gilles Lellouche, et de Nadia, jouée par Elena Anaya, et celles-ci suffisent à justifier tous les actes et le parcours du héros qui vont suivre. On appelle ça de l'efficacité. Un fois cette situation posée, le film peut réellement débuter. Le principe d'A Bout Portant est simple et a déjà été fait à de nombreuses reprises dans le cinéma américain : Cavayé prend un individu comme les autres et le plonge dans une situation exceptionnelle et dangereuse où celui-ci va devoir se dépasser s'il veut s'en sortir. Cela a déjà été expérimenté par Hitchcock notamment avec un de ses chefs-d'oeuvre, La Mort aux trousses, puis par une importante série d'ersatz dont quelques uns des plus grands titres sont Marathon Man de John Schlesinger, Le Fugitif d'Andrew Davis ou encore le très récent Unstoppable de Tony Scott. Dans la peau de cet homme ordinaire on trouve l'acteur Gilles Lellouche, acteur qui n'avait pourtant pas toujours été très convaincant dans ses rôles mais qui se révèle ici comme une évidence. 

            Cette capacité à tirer le meilleur d'un acteur pourtant pas forcément expérimenté dans un genre particulier est l'un des nombreux talents de Cavayé. Qui aurait pensé que Vincent Lindon était le choix parfait pour un thriller romantique (livrant en plus par cette occasion l'une de ses meilleures compositions) ?  De même, qui aurait cru que Gilles Lellouche aurait été un choix judicieux pour un film d'action ? Et pourtant encore une fois, Cavayé a eu raison puisque Lellouche n'a jamais paru aussi bon que dans A Bout Portant, et le fait qu'il ait accompli la plupart de ses cascades ne rend sa prestation que plus impressionnante. A la fois incarnation parfaite de l'individu lambda, ce qui le rend immédiatement plus attachant et qui facilite l'identification du spectateur, tout en révélant de vraies capacités physiques rendant crédible les très nombreuses scènes de poursuites, Gilles Lellouche livre une prestation totale à la fois physique, psychologique et émotionnelle. A ses côtés, il y a Roschdy Zem qui interprète brillamment un gangster peu bavard et violent faisant écho à quelques personnages « melvillien » incarnés par Alain Delon. Et en « bad guy » ripoux on retrouve un Gérard Lanvin, véritable gueule du cinéma français, au sommet de sa forme et plus charismatique que jamais.

            Face à une trame qui se veut exclusivement masculine, Cavayé n'oublie pas d'instaurer une touche de féminité salvatrice à son film. Dans Pour Elle, c'était Diane Kruger qui incarnait ce rayon de soleil, pour A Bout Portant il s'agit de la sublime Elena Anaya qui interprète la femme enceinte de Samuel. D'ailleurs la scène finale où elle lutte pour sauver sa vie et celle de son bébé est probablement la plus bouleversante de tout le film. Et on en vient à la plus grande qualité du film, et qui était à la fois le défi et le parti pris que Cavayé avait entrepris d'accomplir avec ce second long-métrage : réaliser un bon film d'action français comme on n'en fait presque plus depuis la fin des années 70 et donc de l'ère des Belmondo et des Delon. Et si on retrouve donc une efficacité à l'américaine, A Bout Portant ne délaisse pas moins son côté très français et notamment par son utilisation de lieux parisiens. La meilleure séquence à ce titre est la formidable course-poursuite dans le métro au milieu du film. Modèle de découpage, de mise en scène, d'inventivité et surtout d'intensité, elle utilise merveilleusement bien le paysage sous-terrain de la capitale. Et même si la topographie des lieux n'est pas respectée, ce qui fera sourire quelques secondes les usagers de ces lignes sans pour autant les empêcher d'être pris par cette poursuite puisque ce respect des lieux n'est pas plus présent dans les productions hollywoodiennes (attendez, le cinéma serait-il un art de la manipulation ? Ouah la découverte !), Cavayé réussit à employer ces lieux connus de beaucoup de monde et à en faire de vrais décors crédibles pour les scènes d'actions (notamment la gare St Lazare).

            Heureusement ce coup d'éclat ne se limite pas à une scène. Car si le pari d'A Bout Portant est largement remporté c'est que cette intensité se retrouve non pas sur une seule séquence isolée, à l'inverse du Ne le dis à personne et de sa brillante séquence de traversée du périphérique parisien noyée dans un flot de scènes de dialogue parfois interminables, mais elle dure plus d'une heure sans faiblir un instant. Le film de Cavayé reprend aussi un parti pris instauré par la saga des Jason Bourne, c'est-à-dire de faire de l'action réaliste et violente mais, et cette fois à l'inverse des Bourne et compagnie, sans enchainer trop de cascades qui décrédibiliseraient les séquences car au-dessus des capacités physiques des protagonistes. Et cela ne diminue en rien l'efficacité incroyable du film. On regrettera cependant la musique de Klaus Badelt qui pompe lamentablement les morceaux des bandes originales de la saga Jason Bourne. De même, on notera qu'il y a un peu moins d'émotions dans ce second film que dans Pour Elle, mais cela afin de favoriser davantage l'efficacité, ainsi que la présence de quelques facilités scénaristiques (comme le personnage de Roschdy Zem qui récupère très vite de son accident) mais qui sont nécessaires au déroulement du récit. Mais ces faiblesses sont vite pardonnées lorsqu'on assiste à la séquence finale « apocalyptique » dans un gigantesque commissariat en ébullition. Séquence d'une lisibilité impressionnante alors que s'y résolvent plusieurs enjeux en même temps et dans différents lieux. Probablement la séquence la plus haletante du cinéma français cette année.  

            Film d'action français passionnant et terriblement prenant, A Bout Portant vient juste de ressusciter le film d'action français populaire. On l'aura attendu longtemps mais il est enfin arrivé. Un film qui ne se prend pas pour un chef d'oeuvre mais qui veut juste être un exercice de style extrêmement divertissant et bien fait. Cette modestie est probablement l'un des garants du succès de cette entreprise. Avec ce deuxième long-métrage, Fred Cavayé continue son chemin tout en confirmant et rehaussant son talent. Il prépare actuellement son troisième projet, un film fantastique « shyamalesque » avec des bucherons dans la forêt canadienne. Inutile de dire que l'on attend avec la bave aux lèvres ce qui pourrait bien être la renaissance  d'un autre genre disparu de nos contrées et qui est pourtant très français.

* * * * *

Elena Anaya et Gilles Lellouche. Gaumont DistributionGilles Lellouche. Gaumont DistributionGaumont Distribution

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