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23 décembre 2010 4 23 /12 /décembre /2010 14:06

                                                 

 - Film américain sorti le 01 décembre 2010

 - Réalisé par Edgar Wright

  - Avec Michael Cera, Mary Elizabeth Winstead, Jason Schwartzman,…

 - Aventure, Comédie, Fantastique

            Scott Pilgrim n'a jamais eu de problème à trouver une petite amie, mais s'en débarrasser s'avère plus compliqué. Entre celle qui lui a brisé le coeur - et qui est de retour en ville - et l'adolescente qui lui sert de distraction au moment où Ramona entre dans sa vie - en rollers - l'amour n'a jamais été chose facile. Il va cependant vite réaliser que le nouvel objet de son affection traîne les plus singulières casseroles jamais rencontrées : une infâme ligue d'ex qui contrôlent sa vie amoureuse et sont prêts à tout pour éliminer son nouveau prétendant. A mesure que Scott se rapproche de Ramona, il est confronté à une palette grandissante d'individus patibulaires qui peuplent le passé de sa dulcinée : du mesquin skateur à la rock star végétarienne en passant par une affreuse paire de jumeaux. Et s'il espère séduire l'amour de sa vie, il doit triompher de chacun d'eux avant que la partie soit bel et bien « over »...

Michael Cera, Mary Elizabeth Winstead, Johnny Simmons et Ellen Wong. Universal Pictures International FranceMichael Cera. Universal Pictures International France

            Le dernier film d'Edgar Wright a été l'une des grandes victimes dans le domaine du cinéma cette année. Le film avait pourtant de nombreux atouts dans sa manche : le talent de Wright, un casting des plus intéressants avec l'excellent Michael Cera en premier rôle, une mise en scène dynamique qui mélange les codes de la BD et du cinéma tout en livrant une comédie romantique teinté de kung-fu et de duel « vidéoludique ». Toute une génération de spectateurs était presque prédestinée à être touché, ému par l'histoire et ses nombreuses références. Qu'est-ce qui s'est donc passé ? Un marketing chancelant qui ne sait pas comment vendre le produit, un K.O. au box office américain face aux papys bourrins d'Expendables, un studio qui, désespéré du flop sur le territoire, s'est contrefiché de la distribution du film à l'étranger, ne le faisant sortir en France que six mois plus tard (déjà bien téléchargé et aidé par la vente du DVD déjà en rayon aux USA) dans une soixantaine de salles sur tous l'hexagone, dont une dizaine en VO, avant d'en perdre les trois quarts la semaine suivante. 

            Avec une telle succession de malchances, Scott Pilgrim peut donc être considéré comme l'un des plus gros et dommageables échecs de 2010. Car nul doute que ce film deviendra culte et sera très nettement reconsidéré dans les années à venir. Pour plusieurs raisons. D'abord parce que, sous ses airs d'exercices de style parodiques un peu vains, les trois films d'Edgar Wright forme déjà une oeuvre cohérente de la part d'un des cinéastes les plus prometteurs et doués. Dans Shaun of the Dead, ledit Shaun, par l'affrontement d'une invasion soudaine de zombies voraces tout droit sorti d'un Romero des années 70, devait s'affirmer et prendre ses responsabilités d'adulte s'il voulait reconquérir l'amour de sa vie. Dans Hot Fuzz, le policier Nicholas Angel apprenait par son enquête très mouvementée et délirante à ne pas être si obsédé par son travail et ainsi établir des relations plus harmonieuses avec ses partenaires. Scott Pilgrim ne départit pas à la règle : le héros éponyme, par l'affrontement dans le premier sens du terme du passé de celle qu'il aime et indirectement du sien, doit lui aussi prendre ses responsabilités et devenir un adulte (au lieu de fricoter avec de jeunes lycéennes dans l'espoir un peu vain et illusoire de demeurer encore adolescent malgré son âge). Les films d'Edgar Wright, plus que des parodies ou des hommages, sont avant tout des récits d'apprentissages. 

            C'est peut-être là la différence entre Edgar Wright et les Rodriguez-Snyder : ne pas se limiter au côté « fun » d'un pitch et de faire un film soi-disant « cool ». Wright, contrairement aux deux précédents, a aussi un talent d'écriture qui amène ses personnages à ne pas être de simples fonctions et à évoluer de façon cohérente durant l'intrigue. Ceci dit, Edgar Wright réalise avec Scott Pilgrim son film le plus abouti, le plus audacieux, le plus maitrisé et construit. C'était pourtant pas gagné avec ce parti-pris très risqué qu'était l'hybridation des codes de plusieurs médias (films, BD, manga, jeux vidéo) qui, s'il n'avait pas été aussi bien dosé, aurait facilement rendu le film boursoufflé et surchargé. Hors ici, tous les effets de style arrivent avec une réelle simplicité, comme une évidence. Si ces effets s'inscrivent aussi parfaitement dans le film c'est qu'ils font parti intégrante du monde que Scott Pilgrim met en scène. Et là on est obligé de rapprocher Scott Pilgrim à un autre cas très similaire sorti il y a un peu plus de deux ans : le monument expérimental et jusqu'au-boutiste Speed Racer d'Andy et Lana (alors Larry) Wachowski. Même incapacité à vendre le film, ainsi qu'un budget démesuré, suivi d'un flop catastrophique par la combinaison mortelle mauvaise distribution / critiques assassines de la presse complètement dépassée par l'ampleur et l'importance du long-métrage. 

            S'il faut bien préciser que Scott Pilgrim va nettement moins loin que son prédécesseur, leurs démarches sont toutefois identiques. D'abord une même volonté de détruire la frontière des genres et des médias et donc une impossibilité de catégoriser l'oeuvre finale dans une case précise (d'où peut-être leur accueil critique pas vraiment dithyrambique, surtout dans le cas de Speed Racer). Ensuite, derrière tous leurs effets faussement gratuits, se cache une volonté de mettre en image une idée, un concept afin de faire avancer l'intrigue ou les personnages, en plus d'avoir une fonction comique assez efficace. On peut évidemment pinailler sur le fait que les scénarios de ces deux films ne soient évidemment pas leur point fort, car souffrant parfois de quelques raccourcis, de quelques longueurs ou à l'inverse, dans le cas de Scott Pilgrim, d'un trop plein d'action dans un laps de temps assez réduit. Mais ces deux films sont avant tout des films de mise en scène, qui se préoccupe plus du visuel que de l'histoire à raconter. Cette dernière n'est cependant pas laissée pour compte car, même si elle suit une structure assez classique, elle relate le parcours initiatique d'un jeune homme qui doit devenir adulte ; l'un en remportant plusieurs courses pour devenir le meilleur pilote et ainsi accomplir son rêve d'enfant, l'autre en combattant les exs de la fille qu'il aime pour pouvoir vivre avec elle et quitter le monde de l'adolescence. 

            Scott Pilgrim est aussi doté d'un casting des plus réussi. On y retrouve notamment en second rôle Chris Evans, l'ancienne « Torche » des Quatre Fantastiques et le futur Captain America de Joe Johnson ; Brandon Routh, le Superman de la version réalisée en 2006 par Bryan Singer ; ou encore Anna Kendrick, révélée dans Twilight et In the Air, dans le rôle de la soeur commère de Scott. Toujours parmi les seconds rôles, deux d'entre eux sont particulièrement marquants. La première est l'interprète de Ramona, Mary Elizabeth Winstead, déjà vu dans le volet Grindhouse de Tarantino intitulé Le Boulevard de la Mort, qui se révèle fascinante en femme mystérieuse excentrique et lunatique un brin surréaliste (elle utilise des chemins plus rapides pour livrer ses colis en traversant l'esprit des gens l'amenant donc à apparaitre dans leurs rêves). L'autre est Jason Schwartzman, qui avait entre autres joué dans A bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson ou dans le biopic de Sofia Coppola sur Marie-Antoinette. Dans Scott Pilgrim il livre une prestation tout simplement jouissive en « boss » ultime exécrable de vanité et d'affabilité.   

            Mais le troisième film d'Edgar Wright est aussi un écrin à la gloire de Michael Cera, révélé par la géniale comédie Superbad de Greg Mottola (le titre français n'est juste pas possible) où il interprétait un jeune adolescent naïf et réservé. Après Be Bad ! sorti cette année, Michael Cera continue de nuancer cette image qui le poursuit. Dans Scott Pilgrim il est toujours aussi attachant, charmant mais on retrouve dans son personnage un peu de fourberie et de lâcheté ; comme son rapport avec Knives, son ex lycéenne et chinoise souffrant de l'inconstance de Scott qui l'abandonne dès qu'il rencontre Ramona. Scott n'est pas un mauvais garçon mais il fait souffrir les autres sans s'en rendre compte. Dans son parcours, Scott doit donc apprendre l'amour des autres et par ce biais l'amour de lui-même pour qu'aucun ne souffre de ces actes. Car si Scott doit affronter les sept exs maléfiques de Ramona pour avoir une relation avec elle, comme s'ils étaient une anomalie, il doit aussi faire face à ses propres démons. Il y a au premier plan Knives qui cherche à le récupérer à tout prix ; mais il y a aussi Envy Adams, la fille sublime qui l'a largué et qui réussit mieux que lui, auquel il se retrouve confronté dans une très belle scène de concert. 

            Scott Pilgrim étant une succession d'affrontements destinés à faire avancer les personnages, et surtout le héros, comme s'ils progressaient au niveau supérieur après chaque victoire, l'affiliation du long-métrage avec le jeu vidéo est loin d'être saugrenu. Dans l'hallucinante scène d'introduction, Speed Racer se servait de la « ghost car », utilisée dans les jeux de voiture pour faire la course contre son propre record enregistré, dans un but purement narratif, amenant Speed à courser la voiture de son frère défunt. Edgar Wright réemploie aussi différents codes vidéoludiques pour les transformer en idée de mise en scène. Parmi eux on peut citer la « vie » qui apparait après la fin de l'un des duels et qui symbolisera plus tard sa « deuxième chance » ; l'arrivée d'un double maléfique, « Néga-Scott », calqué sur le « Néga-Ninja » qu'il affrontait avec Knives dans un jeu d'arcades et contre lequel il échouait lamentablement ; l'apparition d'un score censé augmenter l'expérience de Scott après chaque combat et qui fonctionne comme un décompte avant la lutte finale ; ou encore la présence d'une micro-puce dans la nuque de Ramona pour symboliser son addiction, sa dépendance envers le grand producteur de disque Gideon Graves. De même, Scott Pilgrim étant à l'origine une BD, Wright mêle dans son long métrage des règles typiques de ce média comme de nombreuses onomatopées ou le format mouvant des plans (comme si c'étaient des cases de bande dessinées) afin de resserrer subitement l'attention du spectateur sur un personnage ou une action. Edgar Wright se montre plus subtil et évite judicieusement la mode actuelle du décalquage des dessins comme si les cases formaient un « story-board », employée par Snyder ou Rodriguez. 

            Scott Pilgrim est donc un film expérimental qui s'inscrit parfaitement dans la démarche qu'abordait Wright depuis ses deux premiers long-métrages : réutiliser les codes d'un genre pour les dépasser et les employer au service de la narration. Là encore le résultat, mélangeant pourtant différents genres pas toujours directement relié au 7ème art, est d'une fluidité, d'une lisibilité bluffante. Les frontières sont constamment brouillées, le temps et l'espace n'existent plus vraiment, ce que montrait déjà Speed Racer, avec l'utilisation remarquable d'ellipses (transitions brillantes entre les flashbacks ou les rêves) ou en accentuant les perspectives afin d'intensifier un rythme ou un mouvement. Plus abordable que le maître-étalon des Wachowski, doté d'un humour dévastateur, le colocataire gay Wallace y étant pour beaucoup, et possédant une nouvelle idée  toutes les secondes, Scott Pilgrim sera sans aucun doute réévalué d'ici peu de temps. Son échec en salles n'est heureusement que parti remise. Il n'y a surtout qu'à espérer que celui-ci ne pose pas de bâton dans les roues pour les développements des prochains projets de Wright : une adaptation à l'écran du super-héros Ant-Man et la fin de son triptyque parodique avec le duo Simon Pegg / Nick Frost intitulé World's End et qui rendra hommage aux films catastrophes de l'ère Bay et Emmerich.

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Michael Cera, Alison Pill & Johnny Simmons. Universal Pictures International FranceMichael Cera. Universal Pictures International France

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