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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 22:08

http://www.artistes-du-web.com/wp-content/uploads/2012/06/affiche-37-eme-festival-deauville.jpgLe Festival du film américain de Deauville avait 38 ans cette année. Et pour cette nouvelle édition, le festival a d’abord voulu rendre hommage à l’un des plus fameux acteurs américains qui fut découvert aux débuts des années 70 par Martin Scorsese. Non, il ne s’agit pas de Robert de Niro mais bien de son alter ego « tranquille » dans Mean Streets (1973) : Harvey Keitel. L’acteur aux airs de bad boy a traversé quarante ans de cinéma avec quelques unes des œuvres les plus importantes de ces dernières décennies. Outre Mean Street, Taxi Driver (1976) et La Dernière Tentation du Christ (1988) réalisé par son cinéaste fétiche, on compte parmi sa filmographie l’absolument somptueux Les Duellistes de Ridley Scott. Réalisé en 1977, le premier film du metteur en scène britannique constitue l’un des plus hauts moments des carrières respectives des deux artistes (difficile de croire qu’il s’agit du même homme derrière la caméra que celui qui a réalisé quelques uns des blockbusters les plus embarrassants de ces quinze dernières années dont le récent et catastrophique Prometheus). Ils se retrouveront ensuite pour Thelma et Louise en 1991. La carrière de Keitel est composée de bien d’autres pépites cinématographiques telles Mélodie pour un tueur de James Toback en 1978 (remaké par Jacques Audiard sous le titre De battre mon cœur s’est arrêté), La Leçon de Piano de Jane Campion en 1993, Reservoir Dogs et Pulp Fiction de Quentin Tarantino respectivement en 1992 et en 1994, Cop land de James Mangold en 1997 et récemment Moonrise Kingdom de Wes Anderson en 2012.

Parmi les autres hommages envers l’acteur Liam Neeson (La Liste de Schindler, Michael Collins, Le Territoire des Loups), l’actrice Salma Hayek (Desperados, Frida), la productrice Paula Wagner (la quadrilogie Mission : Impossible, Le Dernier Samouraï), le réalisateur Melvin Van Peebles (Watermelon Man, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song), on retiendra particulièrement la grande rétrospective accordée à l’immense William Friedkin, qui présentait par la même occasion son nouveau film, Killer Joe (sur lequel je reviendrai prochainement dans une critique qui lui sera exclusivement dédiée). Le cinéaste oscarisé avait débuté à la télévision dans la réalisation d’émissions en direct avant de se tourner vers le documentaire puis le cinéma après avoir été marqué par une projection du Citizen Kane d’Orson Welles (il n’a jamais perdu l’espoir de faire un long métrage qui soit aussi abouti que ce chef d’œuvre ; d’aucun pourront dire qu’il y est en fait déjà parvenu). Friedkin est mondialement connu pour avoir réalisé French Connection en 1971 et L’Exorciste en 1973, mais il est aussi le metteur en scène d’immenses longs métrages dont Le Convoi de la Peur en 1977 (son chef d’œuvre, remake du Salaire de la Peur d’Henri George Clouzot), Cruising – la chasse en 1980, Police Fédérale Los Angeles en 1985 (au titre original plus évocateur : To Live and Die in L.A.), Jade en 1995, Traqué en 2003 ainsi que Bug en 2006. Une filmographie moderne, régulièrement percutante et immersive, et surtout variée auquel on peut ajouter l’excellent Killer Joe qui n’aura pas à rougir au milieu de ces œuvres brillantes.

Néanmoins, le but de cet article est avant tout de faire un compte rendu de la compétition officielle. Je reviendrais sur les films vus en avant-première au moment de leurs sorties françaises. Quinze films donc sont passés devant le jury présidé par Sandrine Bonnaire (aux côtés notamment de Florent Emilio Siri, Joann Sfar, Sami Bouajila, Christophe Honoré, Alice Taglioni ou encore Clotilde Courau). Mais je n’en chroniquerai que quatorze car je n’ai pas vu For Ellen de So Yong Kim. Je les ai classé dans un ordre de préférence (du plus mauvais au meilleur selon moi). Précisons avant de commencer que le grand prix est allé aux Bêtes du Sud Sauvage de Benh Zeitlin et que le prix du Jury a été décerné à Una Noche de Lucy Mulloy.

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/92/24/26/20188210.jpgConsternation d’abord au sujet du Francine de Brian M. Cassidy et de Melanie Shatzky. Racontant l’histoire archi-revue d’une femme sortant de prison et peinant à se réinsérer, le long métrage se la joue naturaliste et réaliste. Par conséquent, on se farcit des plans séquences en caméra portée ne se terminant jamais et suivant bêtement les personnages de dos en train de marcher, des scènes qui durent à chaque fois trente secondes de trop, des saynètes quotidiennes à l’intérêt extrêmement limité… Francine est doté d’un scénario écologique ne devant pas excéder dix pages et ces dernières ont été indéfiniment étirées sur une heure et quart de film d’une vacuité sans borne. Un long métrage qui peine tellement à émouvoir le spectateur qu’il utilise des moyens tire-larmes extrêmement grossiers pour le faire chialer (l’euthanasie d’un chien en temps réel entre autres). Outre Melissa Léo qui tire la tronche, l’actrice étant l’unique raison de la sélection de ce film au Festival de Deauville, Francine est d’une infinie laideur que ce soit en termes de cadres, de luminosité ou de définition d’image (le directeur de la photographie ne s’est même pas embêté à faire le point sur certains plans). Au final, du vent sans aucun intérêt qui a été copieusement hué lors de sa première au Festival. Du pur amateurisme [sortie indéterminée]. 0,5/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/92/24/23/20188176.jpgUna Noche n’est pas le plus américain des films en compétition. Mis en scène par une réalisatrice anglaise, Lucy Mulloy, et tourné en langue espagnol par un casting presqu’intégralement cubain, Una Noche relate la tentative d’évasion du beau Raul, du jeune Elio secrètement amoureux de son ami et de Lila, la sœur de ce dernier. Ceux-ci vivent dans le ghetto étouffant de La Havane et essayent de rejoindre les côtes américaines dans l’espoir d’une vie meilleure. Le film ne démarre jamais et s’arrête au moment où il aurait pu commencer. Etirant les fastidieux préparatifs sur 1h30, pour une expédition qui au final décevra beaucoup de spectateurs sans vraiment les surprendre, Una Noche fait preuve d’une mise en scène immersive et documentée des plus louables. Dommage que cela ne soit que pour montrer un nombre incalculable de saynètes toujours plus misérabilistes les unes que les autres (travelo, vieille prostituée faisant une fellation, masturbation à l’aide d’un poisson…). Derrière cette façade faussement provocatrice mais réellement racoleuse, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le genre de production amené à rassurer un public aisé qui se dit qu’il a bien de la chance de ne pas être dans la situation des personnages (en plus de pouvoir les regarder avec une pointe de condescendance). On peut y sauver une courte scène de quelques minutes impliquant un requin et qui parvient enfin à instaurer une vraie tension. On peut aussi garder d’Una Noche quelques beaux plans. Mais là où l’on aurait pu avoir un « huis clos » avec un trio amoureux coincé sur un navire de fortune, bien que cette partie ne soit pas non plus aussi réussie qu’elle aurait dû l’être, on se retrouve avec du pseudo-cinéma vérité interminable. Et l’absence totale d’empathie pour les trois personnages principaux, notamment à envers l’insupportable Lila, n’aide pas à faire avaler la pilule. Un parfait produit pour Cannes [sortie indéterminée]. 2,5/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/00/80/19999585.jpgDéception aussi avec le Wrong de Quentin Dupieux. Partant d’un postulat assez amusant (montrer un monde où tout est « wrong », c’est-à-dire « anormal »), le long métrage de Dupieux est le cas typique du film qui aurait gagné à n’être qu’un moyen métrage. Car au bout d’une demi-heure, il faut se rendre à l’évidence : le concept finit par s’épuiser. Les gags deviennent répétitifs et l’anormalité devient normale tant elle finie par être attendue et prévisible. Dupieux fait l’erreur de ne pas caser un important évènement dont la normalité aurait paradoxalement détonné avec cet univers. Le normal deviendrait alors anormal. Pas de décalage ici. Ou beaucoup trop justement. Clairement, le long métrage est assez agréable à l’œil mais il est d’une terrible froideur en n’hésitant pas à refuser que le spectateur parvienne à s’y immerger. Un grand nombre de scènes apparaissent gratuitement, sans aucun but narratif comme la drôle mais affreusement longue et inutile séquence de l’étude de la crotte. Wrong apparait malheureusement comme un produit destiné à être « hype » mais qui est surtout d’une vacuité infinie. Amusant vingt minutes, gonflant au bout d’une heure. Si l’on était un peu méchant, on pourrait dire que l’ouverture et la fermeture du film (un homme qui chie longuement et une voiture roulant vers nulle part) sont de parfaites notes d’intention [05.09.2012]. 3/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/91/70/83/20179209.jpgCompliance de Craig Zobel est un peu plus intéressant quoique très clairement imparfait. Le film se base sur une série d’évènements réels s’étant déroulés aux Etats-Unis et qui a vu un pervers manipulateur se faire passer au téléphone pour un policier afin d’amener ceux qui ont malheureusement décroché à commettre des actes violents ou dégradants envers autrui. Pour ceux qui connaissent la célèbre et terrifiante expérience de Milgram, le sujet et sa conclusion macabre ne surprendra pas grand monde. Mais le film se cache derrière une visée soi-disant éducative afin d’éviter que de tels actes atroces puissent continuer d’être commis en toute impunité et sans connaissance de cause. Le problème vient avant tout de l’exécution du long métrage. D’un côté il se veut sans concession, brutal, capable de dévoiler sans fard la réalité et l’horreur ; de l’autre il se révèle surtout incroyablement prude (il n’y a par exemple que très peu de nudité visible). Comme si Zobel était gêné de dévoiler frontalement les actes humiliants et leurs conséquences, se couvrant derrière une pudibonderie américaine mal placée et ouvertement moralisatrice. Si Compliance est clairement anxiogène et parfois difficile à regarder, il ne parvient pas à faire comprendre les rouages qui ont amené des gens ordinaires à agir comme des tortionnaires. Peut-être est-ce dû à la volonté de faire un film quasiment en temps réel ? Il est vrai que voir un homme se mettre à violer une femme parce qu’un inconnu avec qui il est au téléphone depuis à peine vingt minutes le lui a ordonné aurait plutôt tendance à mettre en exergue la bêtise de la victime-coupable plutôt que les rouages machiavéliques de l’abus d’autorité. Et le fait que l’on devine le pot au rose cinq minutes après le début du terrible coup de fil n’arrange pas la perception, peut-être biaisée car pas réellement impliquée, du spectateur [26.10.2012]. 4/10

 

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/90/66/52/20108195.jpgThe We and the I de Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, La Science des Rêves, Soyez Sympa, Rembobinez) part aussi d’une bonne intention. L’un des plus fameux réalisateurs français aux Etats-Unis s’était lancé dans ce projet entre deux films plus « lourds » (The Green Hornet et le futur L’Ecume des jours). Le principe est simple : à la toute fin des cours, au début tant attendu des vacances d’été, plusieurs élèves d’une même classe rentrent chez eux en prenant un même bus. Un huis clos d’apparence original mais qui va évidemment dégénérer car, comme disait Sartre, « l’enfer c’est les autres ». Et dans un lieu aussi étroit qu’un bus, la loi du plus fort et les règlements de compte ne vont pas tarder à fuser à la vue de tous. Comme une grande majorité de huis clos, le concept a du mal à tenir jusqu’au bout. En effet, rien, à part la nécessité de faire durer le long métrage près d’une heure et demie, n’empêche les occupants de ce bus d’en sortir afin de prendre le suivant pour éviter les nombreuses confrontations voire humiliations qu’ils y subiront. Malgré quelques bonnes idées (dont des flashs back réalisés à l’aide de téléphones portables), le film ne parvient jamais vraiment à convaincre. La faute vient notamment du jeu parfois outrancier des acteurs débutants qui interprètent leurs propres rôles. Le problème vient aussi de ces dialogues faussement immédiats et naturels car beaucoup trop écrits. La mise en scène n’est d’ailleurs pas suffisamment éblouissante pour élever ce long métrage clairement anecdotique qui figure sans aucun problème comme l’œuvre la moins intéressante que Gondry ait réalisé depuis un moment. Une bonne petite déception [12.09.2012]. 4,5/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/90/57/13/20102856.jpgDes films clairement imparfaits, il y en a eu en compétition. Après tout, quoi de plus normal lorsqu’il s’agit pour la plupart de premiers voire de seconds films ? Si dans leurs cas on est loin d’atteindre Il était une fois dans l’Ouest, ils sont néanmoins largement supérieurs à un long métrage vide tel Francine. C’est le cas de Gimme the Loot notamment. Le film d’Adam Leon n’est clairement pas dénué de qualités. La première, et non la moindre, est de dévoiler un univers pas forcément très familier du public, bien que leurs œuvres soient régulièrement visibles aux yeux de tous : celui des « graffeurs ». Là encore il s’agit d’un long métrage relatant un passage à l’acte. Les deux héros, une jeune fille nommée Sofia (Tashiana Washington) et un jeune homme s’appelant Malcom (Ty Hickson), décident de recouvrir de graffiti la pomme géante du Shea Stadium afin de montrer au quartier qui sont les meilleurs graffeurs. La mise en scène se fait cette fois plus réaliste avec l’aide d’une caméra portée et de dialogues en partie improvisés. A ce titre, les deux acteurs amateurs principaux s’en sortent clairement avec les honneurs. Mais là encore le film s’étire trop en longueur sur les préparatifs sans cesse repoussés ou entravés. Une sous-intrigue intéressante, quoique traitée avec un peu de lourdeur, voit la confrontation entre le jeune héros noir et une charmante fille à papa friquée qui ne se révèlera pas si adorable que ça. Du film, on retiendra une intéressante scène de tentative d’effraction, à la fois tendue et comique. Pour le reste, le véritable nœud du film, à savoir la relation entre les deux compères qui est un peu plus que strictement professionnelle et amicale, est un peu trop laissé de côté pour revenir comme un cheveu sur la soupe vers la fin. Et comme pour Una Noche et Booster, que nous verrons ensuite, la conclusion de Gimme the Loot risque bien de décevoir les spectateurs qui auront la désagréable impression d’avoir eu beaucoup de bruits et d’images pour pas grand-chose [02.01.2013]. 4,5/10

 

http://www.francetv.fr/culturebox/sites/culturebox/files/styles/ftvi_media_embed_paysage/public/images/photos/2012/09/booster_3.jpgInabouti pourrait aussi être le parfait qualificatif de Booster. Lui-aussi part d’un pitch relativement simple : un homme se retrouve obligé de faire une série de cambriolages afin d’innocenter son frère coupable qui croupit en prison. Comme Una Noche et Gimme the Loot, le film de Matt Ruskin est une œuvre relatant la préparation d’un acte qui n’interviendra qu’à la toute fin du long métrage. On peut donc aussi considérer qu’au même titre que l’œuvre de Lucy Mulloy, Booster s’arrête un peu là où il aurait dû commencer. Mais ce dernier s’élève un peu plus grâce à une forme plutôt agréable à suivre. On reconnaitra clairement l’influence de Michael Mann et de ses nombreux ersatz dans cette manière de filmer un environnement urbain ou de décrire comment le déterminisme social (le héros fréquentant un milieu d’escrocs et de mafieux de bas étage) entre brutalement en conflit avec la personnalité de l’individu qui y réside (le personnage principal n’ayant pas la carrure ni l’âme d’un criminel). Comment cette équation peut-elle se résoudre ? Par la victoire et la défaite simultanée des deux frères : soit le héros réussit et fait sortir son frère de prison mais en ayant perdu son âme par la même occasion ; soit le héros échoue à accomplir ses braquages et ne fait pas libérer son frère mais parvient à conserver son intégrité physique et surtout morale. C’est aussi un film sur le poids de l’héritage légué par la vieille génération à la nouvelle, chaque jeune personnage étant chargé de s’occuper d’un être âgé (mère, grand-mère, grand-père,…). Booster relève néanmoins du déjà-vu, au point qu’il reprend des morceaux de BO d’anciens films pour illustrer ses scènes, et Matt Ruskin devra faire attention par la suite à trouver une identité visuelle qui lui soit plus propre [sortie indéterminée]. 5/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/91/49/01/20158234.jpgPartant d’un pitch d’anticipation minimaliste, Robot & Frank, le film de S.F. à petit budget de Jake Schreier, se révèle être un agréable divertissement. Si le film n’invente rien de formellement nouveau et qu’il suit docilement toutes les étapes classiques d’un récit « indé » (avec les scories que cela peut sous-entendre), il parvient à construire un « buddy movie » assez original et bien écrit. D’un côté il y a Frank, un vieux cambrioleur de prestige à la retraite dont la mémoire commence à partir en lambeaux et qui est interprété brillamment par un Franck Langella portant clairement le long métrage sur ses épaules. De l’autre, il y a le robot aide-soignant que le fils de Frank lui a adjoint de force. D’abord réticent face à cette obscure machine apparemment dénuée de personnalité et de volonté propre, symbole d’un avenir qu’il ne comprend pas et qu’il n’aura pas le temps de voir se développer, Frank va apprendre à accepter cette machine et à la considérer comme son unique « ami » afin de retrouver une nouvelle jeunesse. Une histoire d’amitié et de pardon dans l’ensemble très touchante, drôle et jamais lourde qui ne se départit pas d’un certain message avec un hymne poignant et pertinent sur la tolérance. C’est aussi une belle œuvre sur notre propre rapport à la vie et à la mort [19.09.2012]. 6/10

 

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/95/83/19974886.JPGTout comme Robot & Frank, le film de Rebecca Thomas, Electrick Children, dispose d’un point de départ assez original. Une jeune fille, Rachel, incarnée par l’absolument excellente Julia Garner, est élevée dans une communauté mormone retirée du monde. Tout va pour le mieux lorsqu’au cours d’un moment de bravade elle découvre subitement la musique rock. Une découverte qui a une conséquence assez inattendue puisqu’elle tombe miraculeusement enceinte alors qu’elle est vierge. La communauté refusant de croire à ce soudain miracle qu’elle ne cessait pourtant pas de prêcher, Rachel quitte le village pour partir dans le vaste et inconnu monde moderne pour trouver à qui appartient cette magnifique voix qui l’a soudainement engrossée. Elle est accompagnée dans son périple par Will (Liam Aiken), un jeune garçon qui, à cause d’un malentendu, est perçu par la communauté mormone comme étant en fait l’amant secret de la jeune fille. On ne peut s’empêcher de penser au Village de M. Night Shyamalan qui racontait aussi comment une jeune femme se libérait de l’emprise et de l’angoisse des adultes pour oser traverser la forêt entourant son vieux village renfermé et découvrir ce que masquait tous ces arbres. Cependant Electrick Children n’est pas un thriller mais plutôt un road-movie quelque peu autobiographique (la réalisatrice ayant été mormone et ayant quitté cette communauté aux règles stricts après avoir découvert le cinéma). Le problème avec ces artistes mormons (Jason Reitman et Stephenie Meyer en tête), c’est qu’il est toujours un peu difficile pour le spectateur averti d’appréhender sereinement leurs œuvres et de ne pas essayer d’y voir tout un tas de messages passéistes, moralisateurs et familiaux dans ces scènes parfois très premier degré. Si la première heure laisse place à un aspect décalé assez sympathique, les trente dernières minutes laissent place au doute quant aux motivations de la réalisatrice. Au final, retour vers la nature, vers la famille, vers le mariage, vers l’autarcie, vers le refus de la modernité… Une dernière note un peu désagréable qui conclut un film qui se perd un peu en rebondissements vers la fin, mais qui demeure un moment assez agréable. Et l’esthétique un peu surréaliste du film est loin d’être déplaisante, ce qui peut amener à penser qu’on entendra bientôt reparler de Rebecca Thomas [09.01.2013]. 6,5/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/17/49/20125070.jpgLe nouveau film de Lynn Shelton (Humpday), intitulé Your Sister’s Sister, a été diffusé assez tôt dans la compétition. On peut par conséquent dire qu’il s’agissait du tout premier coup de cœur de Deauville. Une œuvre applaudie et reçue avec une ferveur plutôt méritée. Là encore, il s’agit en grande partie d’un huis-clos. Jack (Mark Duplass) est un jeune homme normal mais un peu paumé depuis la mort de son frère un an auparavant. Pour se ressourcer et essayer de repartir dans la vie sur des bases plus saines, son amie de toujours, Iris (incarné par une très émouvante Emily Blunt), lui propose de passer quelques temps dans la maison familiale se trouvant sur une île et soi-disant vide pour les mois à venir. Avec réticence, le jeune héros accepte finalement la proposition avant de découvrir que la maison n’est évidemment pas vacante puisqu’elle est occupée par la sœur déprimée d’Iris, Hannah (Rosemarie DeWitt). Your Sister’s Sister relate l’implosion d’un trio « amoureux » avec une certaine légèreté qui permet d’élever le long métrage plutôt que de le plomber. Jamais morbide, étonnamment joyeux, plutôt dynamique et bien écrit, le film de Shelton est une comédie dramatique « indé » vraiment aboutie. Si on peut légitimement regretter qu’il s’agit plus d’un film d’acteurs et de scénaristes, la mise en scène n’étant pas forcément ce qu’il y a de plus marquant dans Your Sister’s Sister, le long métrage de Shelton dilue un humour bienvenu tout en se permettant de traiter de quelques thèmes assez audacieux (dont l’adoption par un homosexuel). Le long métrage se conclue par une belle idée, qui n’est pas sans rappeler She Hate Me de Spike Lee, bien qu’on puisse regretter le procédé final roublard et facile consistant à couper le long métrage avant que la question principale qui sous-tend le film ne puisse obtenir sa fatidique réponse (un peu comme dans Shame de Steve McQueen et, dans une moindre mesure, Inception de Christopher Nolan). Une dernière note désagréable qui ne parvient heureusement pas à entacher cet ensemble vraiment divertissant et émouvant [10.04.2013]. 7/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/03/52/20126560.jpgGod Bless Americade Bobcat Goldthwait a tout du film rêvé pour quiconque s’est déjà senti atterré en tombant sur des émissions de TV réalité aberrantes, révolté en voyant des jeunes faire céder leurs parents à l’aide de caprices délirants, agacé par ceux qui prennent leurs aises dans les cinémas ou qui ne considèrent pas comme nécessaire de prendre en considération leurs voisins,… Bref, pour tous ceux qui détestent tous ces petits nuisibles qui viennent empester votre quotidien le plus ordinaire. Syndromes d’une civilisation de plus en plus évoluée qui devient paradoxalement de moins en moins sociable, concernée, intelligente ? C’est en tout cas ce que pense Frank (Joel Murray), cadre moyen de bientôt quarante ans qui voit un jour sa vie se dérober sous ses pieds. Furieux car croyant que c’est parce qu’il refuse de se rabaisser comme les autres et de faire semblant d’être excité par le moindre buzz médiatique inintéressant et puéril, il décide avant de se suicider de se venger sur tous ces êtres bêtes et égoïstes qui lui ont pourri la vie et qui empêcheraient, toujours selon lui, de rendre meilleurs l’humanité et le monde dans lequel on vit. Il est rejoint par une lycéenne tout aussi désaxée que lui et, ensemble, ils vont tenter d’accomplir cette croisade contre la connerie américaine grandissante. On ne pourra nier que le résultat à l’écran est des plus jubilatoires et le film ne manque jamais de l’humour nécessaire pour faire passer à l’écran des séquences d’une forte brutalité et amoralité (notamment une fusillade dans un cinéma qui pourrait mal passer après le sinistre évènement d’Aurora en juillet dernier lors d’une avant-première du The Dark Knight Rises de Christopher Nolan).  Ce buddy movie, énième redite de Bonnie et Clyde, fonctionne à merveille, est réalisé avec une certaine inspiration et est surtout écrit et interprété avec une mauvaise foi et une outrance des plus jouissives. L’ennui, en grattant un peu, c’est que le long métrage de Goldthwait n’est pas aussi subversif qu’il entendait l’être : tout caractère sexuel, notamment entre le duo principal, est clairement éludé ; peu d’hémoglobine à l’exception d’une ouverture gore hilarante qui ne sera jamais vraiment dépassée par la suite ; un massacre final hors champ... A certains moments, on peut aussi dire que le film défonce des portes ouvertes. C’est un peu le cas. La critique insolente des médias, du rêve américain et de la bêtise humaine a déjà donné lieu à de nombreuses productions U.S. particulièrement percutantes (Tueurs Nés d’Oliver Stone entre autres, d’ailleurs sur un pitch pareil il aurait été intéressant de voir jusqu’où le plus provocateur des réalisateurs mainstream américains serait allé). Et la concurrence sur le sujet et l’égratignement des symboles et idéaux faisandés de la toujours première puissance mondiale est allé crescendo depuis le développement de séries provocatrices dans le plus répandu et accessible des médias (la télévision). Et dans ce cas on pensera inévitablement aux séries animées telles American Dad et bien évidemment le définitif South Park auquel le long métrage de Goldthwait n’arrive clairement pas à la cheville [10.10.2012]. 7/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/92/74/19/20215131.jpgLes deux films suivants, outre leurs grandes qualités, ont un point commun : le thème de l’alcoolisme. D’abord avec Smashed de James Ponsoldt qui suit une jeune institutrice, interprétée par Mary Elizabeth Winstead (Le Boulevard de la Mort, Scott Pilgrim), ayant un sérieux problème d’alcool au point que celle-ci décide de reprendre les choses en main. En effet, son secret a été à deux doigts d’être découvert après avoir fait cours à de petits enfants alors qu’elle souffrait d’une sérieuse gueule de bois. Il faut dire qu’elle n’est pas aidée par son mari, lui aussi soiffard de compétition. D’ailleurs leur amour n’était-il finalement pas intrinsèquement lié à l’alcool ? Car une fois que l’un des deux membres du couple se retrouve sobre et peut admirer à loisir son partenaire sombrant dans l’ivresse, la communication, ou du moins la communion des deux ne parait plus possible. Ne partageant plus cette même folie et cette même addiction, le rapport autrefois égal entre la jeune femme et son mari est réduit à néant. Smashed peut donc se voir à travers plusieurs niveaux de lecture. C’est d’abord l’histoire du combat d’une femme contre l’alcool. Un parcours laborieux et épuisant visant à sa désintoxication et à sa réinsertion en société. C’est aussi une histoire d’amour dans le sens où le film retrace la tentative de survie d’un couple face à une tempête imprévue : la soudaine décision de ne plus boire, amenant nécessairement le mari à soutenir, ou non, sa femme dans cette lutte de tous les instants. C’est enfin un film sur l’âge adulte. La jeune prof agissait en effet comme une adolescente sans prendre réellement la mesure de ses actes. La sobriété doit lui permettre d’aborder sa vie et le monde de façon plus sérieuse et responsable. Là encore malgré un sujet assez lourd, Ponsoldt n’hésite pas à le contrebalancer avec un peu d’humour et de légèreté. Bien écrit, quoiqu’assez classique dans son déroulement, Smashed est surtout l’occasion pour la très prometteuse Mary Elizabeth Winstead de trouver son premier grand rôle. Au vu de sa performance assez magistrale, gageons qu’il est fort probable qu’on la retrouve cette année aux oscars pour sa première nomination très méritée dans la catégorie de la meilleure actrice principale [sortie indéterminée]. 7/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/86/82/78/20188240.jpgCalifornia Solode Marshall Lewy parle aussi d’alcoolisme. Mais, et c’est une première nuance de taille, le film aborde le point de vue d’un homme d’une quarantaine d’années. Autre détail qui aura son importance : il est écossais et a immigré aux Etats-Unis quinze ans auparavant. Dans le long métrage de Lewy, l’alcool n’est pas le problème principal mais le point de départ des embêtements pour le héros. En bon écossais au foi de fer, Lachlan MacAldonich, ancien musicien de rock qui s’est depuis reconverti dans l’agriculture au sein d’une ferme américaine, est un adepte de la bonne biture. Il est très brillamment incarné par Robert Carlyle, charismatique à un point inimaginable dans ce film et présent dans quasiment tous les plans. Tout est pour le mieux lorsque l’inévitable se produit et qu’il est pris en flagrant délit de conduite en état d’ivresse. L’histoire pourrait s’arrêter là, après le paiement de l’amende et le procès, mais une ancienne affaire va repointer le bout de son nez. Dans ses jeunes années, Lachlan avait été pris en possession d’un peu d’herbe dans un aéroport américain. Cela avait été sans suite mais le cumul de ces deux délits amènent soudain les autorités à envisager son expulsion pour non respect des lois étasuniennes. California Solo, titre en référence à l’une des chansons que jouait le personnage de Carlyle, ajoute la problématique de l’immigration et de l’exclusion dans son histoire apparemment bateau d’alcoolique recherchant la rédemption. Ce suspense est savamment entretenu et permet de rendre l’aventure de Lachlan encore plus belle et touchante. Film sur la peur de l’abandon, la perte, le remord, le pardon et la seconde chance, California Solo fait preuve aussi d’un optimisme et d’une joie de vivre qui rendent le long métrage très agréable à suivre. Jamais moralisateur, misérabiliste ou voyeur, le film de Lewy est un drame attachant sur un homme qui cachait son égoïsme et sa culpabilité derrière une façade trop amicale pour être honnête. Un homme à un tournant de sa vie, qui doit choisir entre assumer frontalement ses actes et ses erreurs (et tenter par la même occasion de les réparer) ou bien poursuivre dans la couardise. California Solo est une œuvre complexe et riche sur le combat désespéré d’un has been cherchant à retrouver la grâce aux yeux des autres. Une nouvelle chance qui pourrait se payer au prix fort (le départ de l’Amérique et la fin de la « vie de rêve » qu’il s’est construit pour oublier ses erreurs) mais qui pourrait au final aboutir sur de beaux changements (la rédemption morale, la réconciliation avec sa propre fille qu’il avait abandonné,…) [sortie indéterminée]. 7/10

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/90/22/18/20102764.jpgEt on en arrive au grand choc de cette compétition officielle du Festival de Deauville. Présenté quasiment à la toute fin du Festival, le film de Benh Zeitlin a pris au dépourvu tout le monde au dépourvu. D’abord parce qu’il est quasiment le seul film de la compétition à posséder quelques éléments lyriques et fantastiques ; tous les autres étant régulièrement assez terre-à-terre en termes de pitch et/ou de traitement formel (à l’exception de Wrong). Là où l’on avait surtout eu droit à du drame ou à de la comédie, même dans le cadre de Robot & Frank et de God Bless America, Les Bêtes du Sud Sauvage propose une vision un peu plus « féérique » du monde. Le long métrage de Zeitlin est une sorte de conte initiatique lyrique. Le film suit Hushpuppy, petite fille de six ans vivant dans le bayou avec son père. Dans cette zone de non-droit où l’homme est à la merci du moindre caprice de Mère Nature, vivent (réellement) plusieurs communautés d’hommes qui se sont sciemment installés dans ces marécages pouvant les engloutir à la moindre tempête tropicale. La vie de cette petite fille, que son père malade a tendance à éduquer comme un homme, suit son cours paisiblement. Mais lorsque la fameuse tempête se déchaine enfin (un écho évident à l’ouragan Katrina), Hushpuppy et quelques rescapés tentent de survivre à l’inondation causée par les immenses digues en béton que la civilisation moderne a dressée pour se protéger. Mais la nature réserve d’autres surprises et les gaz à effet de serre diffusés dans l’atmosphère par cette société industrielle ayant perdue tout contact avec l’écosystème permet soudain de libérer des glaces les terribles aurochs, taureaux géants carnivores, qui dévoraient les humains pendant les Temps Anciens. Malgré la richesse des thèmes et intrigues qu’il aborde, Les Bêtes… demeure clairement un film grand public. Un long métrage à hauteur d’enfant qui suit une « jeune princesse » tentant d’accomplir sa quête héroïque pour sauver son père souffrant d’un problème cardiaque. Entre mysticisme et naturalisme, le film de Zeitlin n’est pas sans rappeler dans une moindre mesure évidemment les œuvres de Terrence Malick mais aussi la littérature de Marc Twain. On pense aussi à plusieurs reprises aux films de Spielberg (E.T., L’Empire du Soleil, A.I.) et de Miyazaki (Mon Voisin Totoro, Ponyo sur la falaise particulièrement) dans cette manière de représenter un imaginaire enfantin onirique et la quête visant à retrouver et à sauver ceux qu’ils aiment. Rarement un enfant avait été aussi bien écrit et dirigé au cinéma depuis les deux cinéastes précités. Malgré un tournage difficile s’étant déroulé sur les vrais lieux de l’action, Zeitlin parvient à réaliser un premier film non seulement marquant mais aussi très abouti. Et si l’on pourra regretter de menus défauts (un abus de la caméra à l’épaule au cours d’une poignée de séquences, quelques effets spéciaux hasardeux dus à un budget réduit), Les Bêtes… s’impose immédiatement comme les débuts tonitruants d’un réalisateur dont il est fort probable que le nom va compter dans les années à venir. Un grand prix très mérité qui fut magnifiquement reçu par un public Deauvillais qui donna à Zeitlin une longue et légitime « standing ovation » [12.12.2012]. 7,5/10

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