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27 décembre 2010 1 27 /12 /décembre /2010 12:53

                                                    

 - Film américain sorti le 15 décembre 2010

 - Réalisé par Florian Henckel von Donnersmarck

 - Avec Angelina Jolie, Johnny Depp, Timothy Dalton,…

  - Thriller, Drame

            Pour se remettre d'une rupture amoureuse, Frank, simple professeur de mathématiques, décide de faire un peu de tourisme en Europe. Dans le train qui l'emmène de Paris à Venise, une superbe femme, Elise, l'aborde et le séduit. Ce qui commence comme un coup de foudre dans une ville de rêve va vite se transformer en course-poursuite aussi énigmatique que dangereuse…

Angelina Jolie et Johnny Depp. StudioCanalAngelina Jolie & Johnny Depp. StudioCanal

            Il était une fois l'histoire d'un réalisateur allemand nommé Florian Henckel von Donnersmarck. Quelques années auparavant il avait réalisé un sublime film, La Vie des Autres, suivant Wiesler, un agent secret chargé d'espionner un couple d'artistes vivant à Berlin-Est durant la Guerre Froide. Le film eu un accueil critique / public impressionnant et justifié et a reçu à plusieurs reprises les plus hautes récompenses dans le milieu cinématographique. Comme beaucoup des talents naissants, il se laissa séduire par les sirènes d'Hollywood (les belles actrices, les paillettes, la thune à foison,...). Pourquoi ne pas tenter l'expérience après tout ? Et quoi de mieux pour se faire la main qu'un blockbuster reprenant le mélange bien connu et initié par Hitchcock de la comédie romantique et de l'espionnage glamour avec, en têtes d'affiche, les deux plus grandes stars du moment (comprenez qui rapporte le plus) pour la première fois ensemble ? 

            Le remake américain du film français Anthony Zimmer était cependant passé dans de nombreuses mains. Et quand on sait que le duo principal devait à l'origine être interprété par Charlize Theron et Tom Cruise, puis Sam Worthington après l'abandon de ce dernier avant de lui-même jeter l'éponge pour « différend artistique », et avec un moment derrière la caméra rien de moins qu'Alfonso Cuaron, on se dit que l'on a déjà pas mal perdu au change. Mais à première vue pourquoi pas, après tout le choix d'Angelina Jolie en héroïne de film d'espionnage semble tout indiqué et la présence de Depp dans ce type de projet ne pouvait l'amener qu'à changer de registre, ce qui était plutôt de bonne augure au vue de ses dernières prestations. Sauf que non en fait. Jamais le couple ne fonctionne et aucune alchimie n'est perceptible à l'écran, ce qui est bien embarrassant pour ce genre de film qui se vend entre autres pour son couple de stars. D'un côté Angelina Jolie livre le minimum syndical dans son rôle de « femme fatale à la Hitchcock », mais pour quiconque n'est pas sensible à son charme le résultat paraitra plutôt ridicule. Mais au moins elle semble avoir ses marques vu son habitude des productions de ce type. 

            La vraie erreur de casting, et par extension l'un des plus gros défauts de The Tourist, est la présence de Johnny Depp. Qui a bien pu penser un seul instant qu'il serait crédible dans un thriller d'espionnage ? Sûrement pas lui tant il semble perdu et inconsistant. C'est terrible à dire mais Depp vient de faire l'une des pires prestations de sa carrière, plus innommable encore que celle du Chapelier Fou dans Alice au pays des merveilles, c'est dire le niveau. N'y croyant à aucun moment, Depp ne dépasse pas les deux expressions de tout le film. Il ne parait jamais troublé, inquiet, heureux ou amoureux, il est tout simplement monolithique. Et pourtant habitué aux scènes d'actions avec les Pirates des Caraïbes, certes pas du même genre que dans The Tourist, Depp n'est jamais crédible dans les très rares moments de bravoure qui émaillent le film. Ne semblant pouvoir se départir de ses petites mimiques agaçantes dont il abreuve la quadrilogie produite par Disney, il rend les poursuites encore plus ridicules quelles ne le sont déjà. 

            Et là on en vient à un des autres très grands problèmes de The Tourist : son incapacité à être efficace dans un seul des genres qu'il tente maladroitement d'aborder. Dans un thriller d'espionnage, on attend forcément quelques séquences d'action prenantes et impressionnantes. De ce côté-là on est loin d'être déçu, elles sont au nombre de… deux. Et celles-ci sont de loin les plus mal foutues depuis l'ignoble Da Vinci Code, autre blockbuster boursouflé et pété de thunes qui se contentait d'un casting cinq étoiles en roue libre et d'une direction artistique que n'aurait pas renié une agence de voyage. Pour être simple, la première nous montre Johnny Depp « courant » et gesticulant « à la Jack Sparrow » pendant cinq minutes sur le même et interminable toit, poursuivi par deux sbires pas plus doués. La seconde est la poursuite en bateau la plus lente du monde puisqu'elle va à 10 km/h (véridique !). On la regarde avec un air soit consterné, soit amusé ; car si on la replaçait telle quelle dans un film avec Ben Stiller, Jim Carrey ou Steve Carell on la prendrait pour une hilarante parodie. Pour petit rappel, avec un budget au moins dix fois moindre, le film français A Bout Portant arrivait à faire des scènes d'action qui valaient chacune plus que tout le film de von Donnersmarck. 

            Mais peut-être que le but de The Tourist n'était pas d'être un film d'action. Mais dans ce cas on a légitimement le droit de se demander quel genre ce remake a eu l'intention d'aborder. Le côté romantique est désamorcé par l'absence d'alchimie entre les deux acteurs principaux ainsi que par le côté « glamour toc » qui essaye de refaire très sérieusement ce qu'Hitchcock faisait il y a plus d'un demi-siècle (ce qui donne un résultat assez ridicule et « bling-bling » dans ce que ce terme a de plus agaçant et révulsant). Les dix premières minutes décrédibilisent à elles-seules le film : serveur de bar parisien en smoking, policiers en filature d'une stupidité sans nom (leur camionnette roule sur un kilomètre à quelques mètres d'une Angelina Jolie à pied sans jamais la doubler), Jolie dehors avec une robe qu'on croirait tiré de la garde robe de Lisa Fremont dans Fenêtre sur Cour,... La liste est très longue et ne s'arrange pas quand les héros arrivent à Venise. Evidemment le reste de l'histoire se déroule dans des hôtels extrêmement luxueux, chaque apparition d'Angelina Jolie ressemble à un défilé de haute couture, l'une des séquences finales se déroule lors d'un bal tout droit sorti de La Main au collet (le même type de bal que parodiait le premier OSS 117 de Michel Hazanavicius)...  

            Mis à part un pompage quasi intégral des oeuvres d'Hitchcock sorties dans les années 50, The Tourist est aussi dépourvu de tout humour ; absence donc d'un des autres ingrédients essentiels de cette formule maintes fois copiées depuis La Mort aux Trousses. Mais cette fois-ci absence totale, la seule répartie faisant sourire étant la réplique finale de Timothy Dalton qui semble faire une analogie avec le personnage de 007 qu'il avait interprété à la fin des années 80. La présence de ce dernier étant en fin de compte le seul réconfort que l'on peut trouver au visionnage du film de von Donnersmarck puisqu'il a été bien peu exploité depuis la remise de son permis de tuer. D'ailleurs là encore pas de surprise, Dalton ne bénéficie que de deux séquences, donc cinq minutes sur un long-métrage de près de deux heures. Et enfin, The Tourist ne possède aucun suspense. Il est déjà difficile de s'intéresser à cette trame impersonnelle et mal interprétée, mais c'est encore plus difficile d'apprécier un long-métrage dont on devine le twist final facile à peine dix minutes après le début du film. Et l'absence d'enjeu, d'intensité dans les scènes d'action et la présence d'un méchant russe caricatural comme ce n'est pas permis, anéanti tout espoir d'emporter le spectateur. 

            Sur un même sujet, Brian de Palma s'était amusé dans son Mission : Impossible, certes commercial mais au moins bien mis en scène avec des séquences époustouflantes, à brouiller les frontières entre le vrai et le faux en multipliant les apparences trompeuses (ce qui était totalement cohérent par rapport à la récurrence du motif du « double », du « body double », dans sa filmographie). Dans The Tourist, F.H. von Donnersmarck se contente de l'exploiter uniquement lors d'une courte scénette se déroulant dans un train et montrant la rencontre entre les protagonistes principaux. Ces deux derniers alors discutent et extrapolent sur le passé de l'autre et le personnage interprété par Angelina Jolie rétorquera à son partenaire que le nom qu'il porte ne lui convient pas. Enfin The Tourist ne tient pas non plus un seul instant la comparaison face à l'autre film d'espionnage « comico-romantique » faisant la part belle à un couple de stars sorti cette année : Night and Day avec Tom Cruise et Cameron Diaz. Outre le fait que ce dernier possédait des défauts et n'allait pas au bout de son idée, le film de Mangold montrait un Tom Cruise toujours aussi crédible dans les scènes d'action (à la différence de Depp qui n'en dispose que peu d'expérience) et possédant un vrai talent pour la comédie. Il y avait surtout une vraie alchimie entre les deux partenaires qui prenaient un plaisir visible à jouer ensemble et était aussi bien mis en scène avec des séquences d'action inventives et prenantes accompagnées de dialogues vraiment savoureux. Un vrai divertissement sans prise de tête mais pas opportuniste ni paresseux. Tout l'inverse donc de ce The Tourist.

            Le second film de F.H. von Donnersmarck est donc un ratage intégral, où rien ne peut être sauvé pour tenter de trouver ne serait-ce qu'une once d'intérêt à le visionner. L'interprétation est lamentable (et pourtant le budget pharamineux de 100 millions de dollars est sûrement allé en bonne partie dans les poches de Depp et de Jolies quand on regarde le résultat final et l'indigence de ce que l'on peut voir à l'écran), la mise en scène est plate et sans inspiration, les dialogues sont mous, le compositeur James Newton Howard est en mode « automatique » et livre une bande originale complètement impersonnelle... Jamais le long-métrage ne décolle ou ne montre qu'un soupçon d'énergie. Et même s'il ne fait aucun doute qu'avec des talents tels que Charlize Theron, Tom Cruise ou Alfonso Cuaron, le résultat final aurait eu une toute autre allure, ce n'est finalement pas si mal qu'ils n'y aient pas trop perdu de temps. 

* * * * *

Angelina Jolie & Johnny Depp. StudioCanalPaul Bettany et Johnny Depp. StudioCanal

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