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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 22:43
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Titre original : The Deep Blue Sea

Film britannique sorti le 20 juin 2012

Réalisé par Terence Davies

Avec Rachel Weisz, Tom Hiddleston, Simon Russell Beale,…

Drame, Romance

Hester Collyer, épouse de Sir William Collyer, haut magistrat britannique, mène une vie privilégiée dans le Londres des années 1950. A la grande surprise de son entourage, elle quitte son mari pour Freddie Page, ancien pilote de la Royal Air Force, dont elle s'est éperdument éprise. Sir William refusant de divorcer, Hester doit choisir entre le confort de son mariage et la passion. 

    

La passion amoureuse fait parti de ces grands sujets qui ont fasciné les artistes pendant des siècles. Pas uniquement des cinéastes donc, mais aussi des écrivains, des peintres ou encore des musiciens. Un très vaste et très complexe sujet d’ailleurs pour lequel les hommes n’ont cessé de décortiquer les multiples formes et subtilités. Comment nait la passion ? Comment peut-elle ensuite disparaitre ? Le film de Terence Davies s’inscrit dans cette très longue lignée d’œuvres ayant comme centre d’intérêt une ardente histoire d’amour et la tentative de représentation (par le langage visuel) de la complexité et de l’intensité extrême d’une relation passionnelle.

On pourrait un peu comparer le long-métrage de Davies avec le très beau film de l’année précédente mis en scène par Derek Cianfrance, Blue Valentine, avec Ryan Gosling et Michelle Williams. Un long-métrage lui-aussi intimiste sur un couple vivant une relation très forte. Les deux œuvres avaient ainsi la lourde tâche de faire transparaitre la multitude de sentiments et de sensations qui interviennent lors de telles rencontres. A une différence notable près, puisque Blue Valentine montrait dans un montage parallèle pertinent la naissance ainsi que la mort irrémédiable de cet amour malgré les efforts du couple pour le sauver. Si The Deep Blue Sea dévoile le début de cette relation, le film s’y attarde nettement moins pour relater surtout la fin inéluctable de cette relation extraconjugale (autre détail divergeant avec le film de Cianfrance).

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/37/55/20078812.jpgPassion enflammée

Le long-métrage de Davies est aussi assez handicapé par le caractère théâtral de l’œuvre originale qu’il entend adapter sur grand écran. D’un point de vue rythmique mais aussi de réalisation, le film de Davies ayant la trompeuse apparence d’un téléfilm de prestige plutôt que celle d’un long-métrage de cinéma. Son économie de moyen plaide pour cette impression tout comme sa mise en scène qui est dénuée de mouvement de caméra, de travelling complexe ou de montage surprenant. Et comme il s’agit d’une adaptation de pièce de théâtre, une très grande partie de The Deep Blue Sea se déroule dans des décors intérieurs. Peu d’ampleur donc dans la reconstitution historique puisque même les très rares scènes à l’air libre ne laissent pas transparaitre l’aspect « extérieur » de ce monde.

Néanmoins la réalisation de Davies n’est justement pas tant basée sur la mobilité que sur l’immobilité. Le travail de la mise en scène se fait principalement au niveau de la composition de cadres parfaitement structurés afin de renforcer cette impression d’enfermement quasi physique que ressent le trio de protagonistes principaux. Ceux-ci sont seuls même lorsqu’ils croient être avec quelqu’un d’autre. Souvent, la relation entre les deux protagonistes réunis ne fonctionne déjà plus. William, le mari, s’évertue dans l’illusion la plus totale à reconquérir sa femme qui se refuse catégoriquement à lui ; l’amant parle avec jubilation à la maîtresse qu’il croit complètement énamourée alors qu’elle vient d’accomplir une tentative de suicide quelques heures plus tôt… Il y a ainsi un problème de communication entre ces personnages qui ne se comprennent plus. Le vieux mari et sa mère ne réalisent pas l’importance, la force et la beauté de ce qui a conduit Hester dans les bras d’un autre (la passion) tandis que le pilote Freddie ne comprend pas le dilemme qui a poussé Hester à tenter de commettre l’irréparable.

C’est pourtant par une grande envie de liberté que tout a débuté. Une liberté audacieuse presque scandaleuse dans l’Angleterre puritaine et corsetée de l’après Seconde Guerre mondiale. Une liberté de choix et d’actes déplacée pour une femme. Car c’est Hester qui ose prendre sa vie et son destin en main au lieu d’obéir sagement aux règles qu’on lui a imposé. Au lieu de vivre avec mesure et combler servilement son mari sans penser à elle-même, Hester vit tout avec passion. C’est une femme passionnée qui préfèrerait mourir tôt si cela lui permet de vivre avec intensité plutôt que de se contenter d’une longue, plate et monotone existence.

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/37/55/20129822.jpgLibération

Les deux « voies » ont pourtant chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Car la passion extrême peut en effet disparaitre aussi vite qu’elle est apparue. La passion ne résout pas ces problèmes financiers qui embarrassent Freddie, ce dernier ne pouvant pas offrir autant à Hester que son riche mari. La passion ne peut s’embarrasser de toute forme de monotonie, d’où le fait (certes non excusable) que Freddie oublie de souhaiter l’anniversaire d’Hester tandis que le mari, réglé comme une horloge malgré le fait qu’il considère l’avoir souhaité assez tard, y pense automatiquement. A l’inverse, ce dernier se révèle tendre et attentionné malgré sa rigueur et son écrasement face à l’omniprésence de sa mère glaciale. Hester est tiraillée car malgré sa liberté de choix, elle ne sait pas si elle a choisi juste. L’attentionné mais ennuyeux William n’était-il pas préférable au véhément et agité Freddie ?

C’est ce dilemme tragique, très théâtral dans l’esprit, que relate le film de Terrence Davies qui se charge néanmoins de brouiller les pistes en mélangeant narrativement le passé, le présent, le futur ; autre point de ressemblance avec Blue Valentine qui faisait de même. L’issue finale est malheureusement certaine car inéluctable une fois que la révélation de cette incommunicabilité et donc de cette incompatibilité est révélée. Mais peu importe le choix au final tant que l’on peut le faire. C’est la morale de cette histoire qui dévoile par une histoire intimiste l’émergence de la lutte féministe qui forcera la société anglaise d’après-guerre à évoluer. L’Angleterre des « Sirs » et des « Ladies » s’apprête à être révolu au moment où cette femme se décide à vivre pleinement chaque instant comme si c’était le dernier plutôt que de se plier à des traditions et des règles de bienséances ancestrales qui ne concernent plus que la fine élite du pays et non plus ce « bas-peuple » se réunissant dans les bars et vivant dans de modestes appartements.

Ce très beau film d’amour intimiste est aidé par deux atouts non négligeables. Le premier est sa photographie assez tétanisante de beauté, à la fois feutrée et brumeuse, tantôt sombre et tantôt lumineuse. L’autre atout est son trio d’acteurs formidables. Si Simon Russell Beale aurait pu se voir éclipsé par le couple principal, il se révèle d’une magnifique subtilité, parvenant sans mal à passer de la tristesse profonde à la joie contenue en voyant la belle accepter ses présents de réconciliation. Les deux autres acteurs ne déméritent pas avec un Tom Hiddleston qui lave l’affront d’Avengers et retrouve la grâce qui l’animait dans le somptueux Cheval de Guerre de Spielberg où il avait droit à un rôle secondaire assez remarquable. Mais la vedette principale reste Rachel Weisz qui incarne l’héroïne. Elle est de quasiment tous les plans et est radieuse de beauté. Son talent inonde presqu’avec obscénité l’écran tant elle surclasse bon nombre d’actrices en terme de charisme mais aussi de jeu grâce à l’immense variété de son répertoire. Rien que pour elle, The Deep Blue Sea est à voir. Cette dernière continue d’ailleurs à faire balancer sa carrière entre projets d’auteurs et blockbusters puisqu’on la retrouvera cette fois à la rentrée dans le film d’action à gros budget Jason Bourne : l’héritage.

NOTE :  7 / 10

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/87/37/55/20129824.jpg
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