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28 décembre 2010 2 28 /12 /décembre /2010 20:33

                                              

 - Film espagnol sorti le 22 décembre 2010

 - Réalisé par Guillem Morales

 - Avec Belén Rueda, Lluis Homar, Julia Gutiérrez Caba,…

 - Epouvante - horreur, Thriller

            Quand Julia apprend la mort soudaine de sa soeur Sara, tout semble clairement indiquer qu'elle s'est suicidée. Mais Julia n'arrive pas à accepter cette version des faits et commence à passer au crible les évènements qui ont eu lieu les derniers mois avant le drame. La découverte d'éléments déconcertants, en désaccord avec la personnalité de Sara, et sa rupture de contacts avec son entourage, ne font que nourrir les soupçons de Julia quant aux circonstances réelles du décès. Décidée à résoudre l'énigme de cette ultime période, Julia devient l'objet d'une singulière menace qu'aucune autre personne autour d'elle, y compris son mari Isaac, ne semble percevoir, alors même que la maladie dégénérescente dont elle souffre prend le dessus, la plongeant petit à petit dans l'obscurité. La compréhension et l'amour d'Isaac avaient jusqu'alors eu raison des attaques de cécité de Julia, mais une série d'incidents inquiétants, et toujours plus violents, menacent son équilibre, l'enfermant inexorablement dans le monde des ténèbres, à la merci de la présence terrifiante qui s'y terre...

Belén Rueda et Lluis Homar. Universal Pictures International FranceBelén Rueda. Universal Pictures International France

            On le sait depuis quelques années, le cinéma hispanique fantastique est entré dans une belle période, notamment depuis [Rec] de Paco Plaza. L'une des grandes références dans ce domaine a été L'Orphelinat réalisée par Juan Antonio Bayona et produite par Guillermo Del Toro. Excellent film ayant reçu un joli accueil public et critique et qui était d'une réelle efficacité en plus d'être très émouvant. A l'exception du réalisateur, remplacé par Guillem Morales, un novice ayant mis en scène un premier film intitulé El Habitante Incierto, l'équipe de L'Orphelinat se reforme trois ans après avec Les Yeux de Julia

            On ne change donc pas une équipe qui gagne et le résultat est, sans vraie surprise, une belle réussite. Les Yeux de Julia fait d'abord la part belle à l'actrice principale, Belén Rueda, déjà héroïne de L'Orphelinat. Elle est de presque chaque plan et l'histoire est vue à travers « ses yeux », ce qui amène donc son interprétation à être une des clés du succès de ce long-métrage. Là encore pas vraiment de surprise pour tous ceux qui ont vu sa prestation dans L'Orphelinat, elle se montre toujours bouleversante tout en ayant l'intelligence de ne pas tomber dans le pathos ou les excès. Elle bénéficie aussi d'une écriture particulièrement soignée de son personnage qui, au fil du long-métrage, se révèle complexe et mouvant, dans le sens où son personnage n'est jamais passif. Au contraire, tout comme dans le film de Bayona, Les Yeux de Julia montre l'évolution d'une femme obligée de faire face à de nombreuses et éprouvantes épreuves afin de se préparer à son inévitable cécité. Comment aborder le monde quand on ne le voit plus ? C'est à ce problème de taille que Julia est confrontée. Elle est d'abord anxieuse par l'inéluctabilité de cet évènement (la difficulté de ne plus voir ceux que l'on aime et la crainte que ceux-ci s'en aille, ne supportant pas le poids de ce handicap), puis doit se résoudre à l'affronter dans la seconde partie du film où, après une opération, elle doit rester quinze jours avec un bandeau sur les yeux.  

            Les Yeux de Julia, tout comme L'Orphelinat, est, derrière son air de thriller horrifique et fantastique efficace, avant tout un drame sur un couple qui subit soudainement un douloureux évènement (la disparition de leur enfant dans le film d'Antonio, la mort de la soeur et la perte de la vision dans celui de Morales) ainsi que sur la façon dont il essaye de s'en sortir. Guillem Morales n'en oublie cependant pas le côté thriller angoissant de l'histoire, bien au contraire même puisque son film est plus terrifiant que celui d'Antonio. La scène d'introduction est d'ailleurs très réussie puisqu'elle arrive à instaurer un climat mystérieux et inquiétant avec cette femme aveugle qui semble parler toute seule avec, comme fond sonore, la chanson « The Look of Love », choix absolument pas innocent au vu du sujet du film. Le film débute d'abord comme une enquête policière classique, l'héroïne refusant de croire à un suicide de sa soeur et trouvant sa mort suspecte.  

            Mais Les Yeux de Julia bascule rapidement dans le domaine de l'horreur et du fantastique après quelques scènes aux effets particulièrement efficaces, notamment celle du cimetière et celle dans un vestiaire de femmes aveugles ainsi que la poursuite qui s'en suit. Car en effet, très vite l'héroïne et le spectateur réalisent qu'ils ne sont pas seuls. Un homme les suit. Mais celui-ci a une particularité plutôt embêtante : personne ne le voit. Pas même l'héroïne ou le spectateur qui ne devine sa présence que par des silhouettes furtives sans visage. Le film se rapproche un temps au Hollow Man, l'homme sans ombre de Paul Verhoeven qui était une variante morbide et perverse de « L'Homme Invisible » de Wells (que ferait-on si on pouvait être invisible ?). Ici, Julia se trouve menacé par un « homme-fantôme » aux intentions peu louables qu'elle soupçonne d'être en grande partie responsable de la mort de sa soeur. Invention de l'esprit troublée de Julia par les récents traumatismes qu'elle a subi (et qu'elle s'apprête à vivre) ou menace bien réelle perceptible uniquement par ceux qui perdent la vision ? 

            C'est au bout d'une heure que le film prend un virage complet. D'abord par la disparition d'un des personnages secondaires importants et par le fait que l'héroïne, après une crise de cécité particulièrement grave, se fasse opérer, l'obligeant ainsi à porter un bandeau pendant deux semaines pour ne pas abimer ses nouveaux yeux. Livrée à elle-même et dans le noir, elle est désormais seule. Enfin pas exactement. En plus de prendre un tour plus réaliste et avec l'arrivée d'un nouveau personnage dont on ne voit jamais le visage (puisque l'héroïne ne le voit alors pas), cette seconde heure se révèle être la plus éprouvante. C'est à ce moment là qu'a évidemment lieu le « face-à-face » entre l'héroïne et cette « ombre au regard chargé de haine ». La bonne idée de Morales est alors d'utiliser les éléments fantastiques de son récit comme des métaphores littérales de la réalité. Comme si Julia, pendant qu'elle sombrait dans la cécité, commençait à percevoir le monde, les choses et les personnes d'une autre manière.  

            La dernière demi-heure est tout simplement terrifiante au fur et à mesure que Julia se retrouve sous l'emprise menaçante de cette ombre. Les Yeux de Julia flirte en fin de compte assez régulièrement avec le « giallo » auquel il redonne ses lettres de noblesse après la mort artistique de son porte étendard Dario Argento. Le film de Morales compte donc quelques courts plans gores assez marquants dont on retiendra particulièrement cette image d'une aiguille s'enfonçant dans un oeil (rappelant l'oeil tranché dans Le Chien Andalou) et qui constitue sans aucun doute, avec celui du labourage de gencive avec la fraise d'un dentiste dans Outrages de Kitano, l'une des plus ignobles de l'année. Guillem Morales se révèle comme un metteur en scène doué et inspiré, insufflant un fort dynamisme à son histoire et expérimentant de nombreux effets afin de faire vivre l'histoire de la façon la plus proche de celle de l'héroïne (personnages dont les visages ne sont pas cadrés, des effets de flou, jeux de lumière avec des silhouettes...). Les séquences finales sont brillantes de maîtrise et d'audace dont une séquence de poursuite dans le noir où la seule lumière sont les flashs d'un appareil photo et ce que l'on aperçoit sont donc des images subliminals apparaissant soudainement du néant alors que l'on entend que des bruits et que l'on ne peut qu'imaginer ce qui se passe ; Morales exploite d'ailleurs beaucoup et à bon escient cette maxime : « pour faire peur, mieux vaut en montrer le moins possible ». 

            Les Yeux de Julia est donc une nouvelle réussite pour le cinéma fantastique espagnol, mêlant drame intimiste, histoire d'amour, enquête policière mystérieuse et « slasher » horrifique, et qui ridiculise nos vaines tentatives hexagonales dans ce domaine. En plus de confirmer la bonne santé du milieu cinématographique ibérique, ce film affirme la naissance d'un metteur en scène au potentiel prometteur ainsi que le talent de Belén Rueda, une actrice charismatique. 

* * * * *

Belén Rueda. Universal Pictures International FranceBelén Rueda. Universal Pictures International France

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